Dossier

PRÉSENTATIONMadeleine Gagnon ou l’art de bien se tenir[Notice]

  • Louis-Daniel Godin et
  • Laurance Ouellet Tremblay

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  • Louis-Daniel Godin
    Université du Québec à Montréal/Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ)

  • Laurance Ouellet Tremblay
    Université McGill/Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ)

Depuis que Madeleine Gagnon nous a ouvert la porte de son appartement il y a bientôt deux ans afin que nous y discutions avec elle de littérature, de philosophie et de psychanalyse, nous avons été habité·es par la volonté commune de mettre en avant et en lumière, pour une deuxième fois à Voix et Images, le remarquable apport – complexe, ample, non consensuel – de cette écrivaine à la littérature québécoise. En effet, un petit numéro paru en 1982 se consacre à l’oeuvre de Gagnon qui, si elle était déjà établie à l’époque, compte aujourd’hui plus d’une vingtaine de titres supplémentaires, de même qu’une reconnaissance critique importante. Impossible de ne pas remarquer le contraste entre ces deux dossiers composés à quarante années d’intervalle, années durant lesquelles les études littéraires elles-mêmes ont subi une transformation. Très ancré dans le présent, ce dossier aborde l’oeuvre à partir de considérations actuelles liées à la communauté, notamment, et avec une vue d’ensemble rendue possible par le recul temporel ; ainsi espérons-nous qu’il soit aussi riche que le matériau premier d’où il tire sa raison d’être. De prime abord, il est impossible de ne pas constater la grande densité des écrits de Madeleine Gagnon, dont l’une des particularités notoires est de convoquer et d’ainsi faire dialoguer différents genres, se révélant postmoderne, « d’une postmodernité baroque », pour emprunter les mots de Louise Dupré. De l’essai au poème, du roman à la nouvelle en passant par le récit et l’autobiographie, une résonance singulière unit ces textes aux factures diverses, qui ont en commun la notion de désir, notion poursuivie par l’écrivaine tout au long de sa carrière. D’aucuns auront remarqué que l’oeuvre de Gagnon est complexe dans sa forme, sans être proprement « formaliste ». Qu’est-ce à dire ? Que ses livres, « exigeants comme il s’en rencontre peu », écrit Robert Melançon, le sont par refus de la « complaisance ou [de la] facilité » ; la forme, chez elle, répond à des préoccupations qui ne sont pas seulement plastiques. Gagnon cherche moins à raconter des histoires qu’à explorer l’arrimage entre le sujet et la lettre ; il faut pour cela, comme l’ont fait avant elle Stéphane Mallarmé, Samuel Beckett, Marguerite Duras, qui sont quelques-uns de ses modèles, ébranler les attentes de lecture. Cette poursuite l’a poussée à ne jamais nier l’importance du corps et du féminin dans la composition littéraire et l’exercice de la pensée, car « quelque chose [lui] dit […] qu’une grande partie de l’histoire, pour ne pas avoir été écrite et pensée par [les femmes], s’est figée dans la mémoire du corps femelle » et demande à être révélée. On remarquera que c’est au sein de son anthologie de « fictions » que Gagnon choisit de publier ce texte qui en appelle à une présence du « corps dans l’écriture », affirmant, revendiquant ainsi « la proximité constante et heureuse des versants fictifs et réflexifs de l’oeuvre en travail ». En ce sens, Madeleine Gagnon – qu’on surnomme en certains lieux « la gentille lionne » – est bien celle qui n’a pas cédé sur son désir d’écriture. Féministe, syndicaliste, contre-culturelle, frondeuse, rusée, féroce à ses heures, Gagnon écrit, elle écrit beaucoup ; en plus d’une participation soutenue à la vie des revues littéraires, politiques et culturelles de son époque, son oeuvre s’érige en plus d’une trentaine de livres dont la publication s’étale sur une période d’écriture active de plus de trente ans. Féminisme, marxisme et psychanalyse : c’est autour de ces trois mots clés que s’élabore son oeuvre, ce qui se repère en aval comme en amont de l’écriture. …

Parties annexes