Dossier

MÉMOIRE DU CONTE ET RENOUVELLEMENT DU ROMAN QUÉBÉCOIS CONTEMPORAIN[Notice]

  • MARISE BELLETÊTE et
  • MARIE-PASCALE HUGLO

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  • MARISE BELLETÊTE
    Université du Québec à Rimouski

  • MARIE-PASCALE HUGLO
    Université de Montréal

Le conte bénéficie, dans la culture contemporaine, d’un regain de popularité notable. Associé, en premier lieu, à l’oralité et à la performativité, le conte québécois s’est renouvelé en milieu numérique et urbain. Traditionnellement « transmis oralement de génération en génération dans une société donnée dont il est en quelque sorte l’imaginaire collectif et parfois la mémoire  », comme le définissait Jeanne Demers, ce genre bref et merveilleux se situant « en marge du réel  » s’est ouvert sur le monde et le présent. Le succès de Fred Pellerin et les nombreux regroupements et festivals de conteurs (le Rendez-vous des Grandes Gueules, le Festival interculturel du conte du Québec, etc.) fleurissant un peu partout dans la province en sont des exemples probants, faisant la part belle au renouveau de la parole conteuse. La résurgence contemporaine du conte aurait ainsi à voir avec sa capacité de relancer des archétypes et des imaginaires communs sous des formes et des modes très actuels. On le retrouve au théâtre (prenons pour exemple la pièce La Belle et la Bête [2011], une création de Michel Lemieux et de Victor Pilon au Théâtre du Nouveau Monde, ou encore les pièces d’Elfriede Jelinek, tirées de Drames de princesses [2006], mises en scène à l’Espace Go par Martin Faucher en 2011) ; au cinéma (le film L’Odyssée d’Alice Tremblay [2002], réalisé par Denise Filiatrault) ; en danse (dans le ballet Cendrillon. « Celle qui, dit-on, aurait perdu sa chaussure », créé par Stijn Celis pour les Grands Ballets canadiens de Montréal en 2003, et dans celui de La Belle au bois dormant [2009] de Mats Ek, par exemple) ; de même que dans le milieu des arts visuels et de la photographie (pensons à Catherine Rondeau et à son exposition « De l’autre côté du miroir  », ainsi qu’à la collection « Fallen Princesses  » de Dina Goldstein, présentée au Musée de la Femme de Longueuil en 2013). Mais la vitalité du conte dans la culture québécoise concerne aussi la littérature. C’est précisément sa résurgence dans le roman québécois contemporain qui nous occupe dans ce dossier. La lecture attentive d’oeuvres pour la plupart peu étudiées vise à donner un aperçu critique de la prégnance du conte dans la littérature contemporaine tout en faisant converger les modalités et les enjeux de ses réécritures. Il s’agit moins, dans ce domaine, d’écrire de nouveaux contes que de renouveler l’écriture avec le conte : le conte traverse nombre de romans et récits contemporains sur les plans de l’intertexte, de la langue et de la trame narrative, textes tissés d’une mémoire largement partagée, mais qui ne souscrivent pas pour autant aux attentes du genre, voire les dévoient. Il semble en effet que la mémoire du conte, attachée à l’enfance et à l’imaginaire, constitue un terrain d’invention littéraire : elle renouvelle l’horizon du récit en jouant de la friction entre les attentes réalistes d’ordre romanesque et la persistance du merveilleux et des monstres attachés à l’univers des contes. Loin de reléguer le conte à un passé idéalisé et révolu, sa reprise dans les oeuvres littéraires contemporaines lui confère une actualité saillante : les éléments structurants des contes y sont mobilisés, engagés dans un mouvement de transformation aussi bien formelle que narrative, thématique et langagière, renouvelant et redynamisant le récit à partir de motifs et de modèles culturels puissants. Les lectures critiques réunies dans ce dossier, empruntant des pistes d’analyse multiples (psychanalytique, féministe, comparatiste, intertextuelle, ethnographique), cherchent ainsi à prendre la mesure de la présence du conte dans le récit québécois des dernières décennies. Se dégage de l’ensemble des oeuvres abordées dans ce dossier une …

Parties annexes