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Dans une postface au recueil Nul mot de Guido Molinari, Patrick Lafontaine note ceci :

[C]omme avec la couleur propre au Hard Edge, il faut prendre le mot non pas en deçà de lui-même, mais pour lui-même dans tout son corps, sa matérialité qui, signe oblige, vient aussi avec le sens, l’irrémédiable possibilité de faire sens. C’est face à elle que nous sommes mis à rude épreuve, car Molinari mène son lecteur non pas à la limite du sens, mais en son coeur même, tant le sens, en surface, s’encroûte d’habitudes alors que son noyau est tout tendre, mou et fragile dans son doute[1].

Si bien sûr le « corps » et la « matérialité » des mots, surtout à propos d’un peintre, sont choses bien connues, je ne crois pas qu’on ait beaucoup discouru sur la « mollesse » du sens ; terme que je préfère ici, au moins parce qu’il est plus neuf que sa « fragilité » et son « doute », eux aussi plus courants. Et aussi, parce que c’est bien autour de cette « mollesse » que se file la métaphore, lorsqu’il est question, de façon toute lumineuse, des sens qui « s’encroûtent » en « surface », carapace dont le centre reste moelleux. Or la mollesse semble cibler quelque chose d’absolument essentiel à l’expérience, au frottement de l’art plastique et de la littérature, comme des deux versants du poème, sa visibilité et son sens. Ce que Lafontaine décèle chez Molinari, c’est beaucoup plus qu’un questionnement attendu, sur les sons des mots par exemple, leur disposition sur la page, le tracé de leur graphie, les possibilités de la typographie, etc. Tous ces éléments sont certes là, dans les poèmes du peintre. Mais il se fait, par en dessous, si je puis me permettre, un questionnement beaucoup plus essentiel : sur nos habitudes, sur nos usages, et sur la possibilité qui nous est offerte de toujours revenir à une origine du sens. Et une fois introduite cette mollesse du sens, on ne peut que l’approuver, devant ce qu’elle implique de malléabilité, de versatilité, de porosité également, de transport. Il faudra toujours, pour communiquer, donner forme au sens, le faire parler à travers des images ; mais cette forme et cette image, n’émanent-elles pas de ce noyau mou que pointe Lafontaine ?

Je le crois pour ma part, et le découvre de multiples façons (et parfois à la négative) dans quelques recueils récents, qui interrogent tous, à leur manière, les possibilités poétiques qu’offre la plasticité, dans son sens le plus général (du dessin cursif à la performance, en passant par la mise en page). D’emblée chez Molinari, dès le deuxième poème (23) de Nul mot (le premier des trois recueils réunis ici, pour la première fois, dans le recueil éponyme ; les deux autres sont Rosevi et Ça). Le procédé est très simple, et pourtant, il bouscule tout un pan de l’histoire poétique, signe des révolutions les plus profondes. Molinari a tout bonnement excédé la ligne poétique, cette ligne qui est restée maîtresse après qu’on a abandonné le vers métrique, et qui est donc apparue comme un intouchable. Il a disposé son poème, légèrement décentré vers la gauche, comme un bloc carré, ce qui s’est souvent vu. Mais voilà, quelques mots débordent, et du coup nous entrons dans cet espace qui était resté vierge jusque-là, ce « blanc » où on mettait beaucoup de poésie silencieuse. Et ce blanc lui-même se brise, ou plutôt montre sa « mollesse », son tracé n’étant plus rigide et laissant pénétrer des vagues de mots.

Si ce procédé reste encore dans les limites convenues des expérimentations spatiales attendues d’un peintre qui pratique la poésie, procédé qu’on pourrait donc indexer à de la naïveté, d’autres éléments montrent bien que Molinari avait pleinement conscience du tremblement qu’il faisait subir au sens. Ainsi dans le recueil Ça, consacré très sciemment au désir et à la relation au corps, Molinari développe, à côté des dessins anthropomorphes faits d’arabesques et de courbes entrelacées, une réflexion et une mise à l’épreuve de l’expressivité des mots. Il est très conscient que le Ça est l’objet censuré par excellence, qu’il ne peut surgir dans la parole sans la bousculer, la défaire, la faire craquer. Et de fait on voit à l’oeuvre une déconstruction de l’orthographe et de la syntaxe (« ce cri quoi ho et plus loin » [75]), des associations libres de sons et de graphies (« aux frottis des/mâches hivers ce faux fo pas s’ennuie » [75]), une absence de ponctuations (dans ce cas-ci, les seules ponctuations qu’on retrouve dans le poème sont une majuscule au début et un point d’interrogation à la fin) — absence associée, dans à peu près la moitié des poèmes, à un allongement de la ligne, qui fait voir une coulée indéfinie de mots, qui mime le stream of consciousness du désir inconscient. Et au coeur de ce poème, filée tout au long, une réflexion sur le mot :

quelle joie d’être assis là où se tient quoi de plus mou que ce

souvenir d’avoir vu et touché à ces mots qui assis sur la meule

des joies qui elles ne voulaient s’abstenir de ricocher sur ce

paravent des murs sifflant à l’angoisse déjà à la sourde oreille […]

75

Je découpe ici ce mouvement qui se continue et suggère la rigidité des renvois infinis des mots, lorsque ceux-ci se dégagent du centre mou du sens qui les génère et les propulse. C’est au « souvenir » que se tient la « joie » du poète, à l’antériorité « molle » des mots, avant qu’ils ne « ricochent » sur les « paravents » et les « murs ». À ce point d’origine, le « cri quoi ho » ou le « faux fo » ne sont pas que jeux innocents de sons ou de graphies ; ils sont la juste liberté du sens qui s’élabore et qui, par exemple, montre que l’homme « coi » est un homme qui s’interroge (et dit « quoi ? »), que le « haut » est constamment une exclamation (« ho ! »).

+

On trouvera, de même, au centre du parcours de Maude Pilon[2] un accès à la mollesse. Son recueil Quelque chose continue d’être planté là, traduction du terme innu « etapikapau », se présente également comme un long trait continu commencé à la première page et se terminant à la dernière. Aucune strophe, aucun blanc intercalaire entre les poèmes, mais seulement des lignes centrées et alignées à gauche, plutôt comme une longue prose continue à laquelle on appliquerait la typographie du vers. La véritable démarcation se fait entre le bas et le haut, car de nombreuses notes de bas de page viennent enrichir le matériau poétique, pour honorer un texte ancien, une discussion récente ou un enseignement reçu. Ces extraits cités avec une certaine liberté sont bien sûr plus prosaïques, mais ils ont surtout comme fonction de fragiliser les frontières et de donner l’impression que le poème est poreux et qu’il entre en communication avec les discours extérieurs. Je suis particulièrement ravi qu’on ait noté que « l’index de la forêt », publié par le jésuite Jean-Baptiste de la Brosse, en 1767, le fut dans un « petit cahier de papier mou » (12), qui rappelle discrètement l’origine végétale du papier. Et entre cet « index », dans le corps du texte, et ce « petit cahier », en note, je ne sais plus très bien où est le poème et où est la note savante. (Mais je ne peux manquer d’ajouter que le poème précise juste avant : « Il vaut/parfois mieux laisser le mot/dans son noeud » (12), ce qui n’est pas sans rappeler le centre mou de Molinari.)

Au centre du recueil, on retrouve encore cette mollesse, d’une manière bien moins accessoire : elle est plus insistante d’abord, mais surtout, elle est intimement associée au titre, et donc au projet même du recueil. Car l’etapikapau, cette « chose plantée là » qui demeure, c’est le mot, l’indication laissée par les voyageurs dans l’environnement naturel, le sol et la neige principalement ; mot éphémère donc, appelé à disparaître, mais surtout mot intermittent qui, nous dit la poète, « non trouvé, continue d’être là, muet jusqu’à ce que quelqu’un le “lise” » (« Note de l’éditeur », 43). Or cette image reçoit une autre formulation, au centre du parcours que représente le recueil. Le poème dit d’abord : « Elle (enseignante) savait qu’on enfilait des becs d’oiseaux autour de l’arbre. » (16) Après quoi, une note explicite l’anecdote en présentant le dialogue qui suit :

— C’était pour dire qu’on était là. Tu laissais ça sur l’arbre pour dire qu’on était là, qu’on reviendrait, qu’on était partis. Ça continuait d’être là après qu’on soit partis. — C’est une belle histoire. — Je ne te l’avais pas contée ? — Non. C’est une belle histoire. — C’était accroché comme une affaire molle, comme ça, un collier au cou, mou. C’était un arbre, le cou c’était un arbre. Et ils le trouvaient, et quand ils le trouvaient, ils savaient le lire.

18

Le mot au sol a beau être une chose « plantée » là, il n’a rien de rigide, rien d’un pieu ou d’un poteau, par exemple, qui servirait à fixer un espace. Il est bien au contraire volatil, soumis aux aléas de la nature, toujours susceptible de disparaître, d’être oublié. C’est pourquoi le « collier mou » y répond parfaitement et diamétralement, selon une logique du bas et du haut que reprend le recueil : il y a le mot en bas, au sol, et le mot en haut, perché dans l’arbre.

Maude Pilon étant une artiste de performance, on voit bien dans son recueil l’importance de l’espace et du mouvement, l’écriture se faisant pèlerinage vers un lieu nordique, aux environs de Sept-Îles. Loin du road trip, quoique quelques notations laissent deviner l’autoroute, c’est plutôt la ductilité du sol qui l’intéresse, et au premier chef l’impression laissée par le passage humain, et la forme de communication qui s’ensuit. Non pas aux dépens des éléments naturels, mais avec leur participation, car ils collaborent au sens humain, non seulement comme support, mais aussi parce qu’ils peuvent changer la trace des mots et des signes qu’on y laisse. Jouant ainsi sur le double sens du terme « impression », la poète montre que ce qui est creusé dans le sol en jaillit tout aussi bien, et inversement :

La durée. L’impression que

la plaine se place autour de

la montagne est semblable à

l’impression que la montagne

se pose au centre de la

plaine ou que la montagne

se gonfle dans la plaine.

8-9

Si l’esprit aura compris assez rapidement l’idée ici énoncée, il faut à la poésie parcourir chacun de ses linéaments, car le chemin parcouru est un objet d’expérience beaucoup plus que d’intellection. Et à rebours, l’esprit pourra ainsi comprendre, vraiment, ce qu’est la « durée », dans sa fibre d’expérience. C’est pourquoi je placerais en parallèle cet extrait plus tardif, où la cadence marie, dans un même mouvement, l’écriture et la marche, l’intellection du « récit » et l’expérience du « geste ». Et toujours, sous les modalités de la mollesse, de l’impression, du creusement :

[…] Les

espaces sont pris pour ce

qu’ils sont : quittés. Il reste

beaucoup de solitude au sol ;

l’inhabité s’étend comme un

enfant interminable. Mais

les récits de pas et les arts

de gestes continuent. […]

27

Si je ne suis pas choqué de lire que les espaces sont faits pour être « quittés », comme s’il s’agissait d’en effacer l’étendue, c’est que ce geste souverain ne s’oppose pas à la découverte, qu’au contraire il encourage : car quitter des espaces, c’est bien sûr en découvrir d’autres et y pénétrer. Ce geste souverain s’oppose bien plutôt à tous ces autres, beaucoup plus habituels : fonder, mesurer, saisir, conquérir, détruire, consommer, etc. Ainsi se révèle que quitter des espaces constitue la plus haute forme de respect qu’on peut leur rendre : c’est se refuser à en jouir et laisser seulement, en guise d’hommage, un collier mou au sol, précaire et malléable.

+

Pratiquement tout oppose ces deux projets d’un autre recueil, qui se situe pourtant, lui aussi, à la jonction de l’écrit et du visuel. Le livre intitulé Vers libres[3], publié par les Éditions du Noroît en collaboration avec le centre de diffusion d’art multidisciplinaire DARE-DARE, regroupe les poèmes du projet Écritures publiques, placés sur des affiches (faussement) publicitaires à la sortie du métro Saint-Laurent et près du marché Atwater, entre le 17 mai 2012 et le 28 mars 2017. C’est donc l’espace statique qui est ici exploré et rendu dans le format du livre, où se succèdent les dates d’affichage en ordre chronologique. Le mouvement est donc toujours le même : on arrive et on fait face à ces mots, qui miment l’agression publicitaire pour la condamner, du moins le croit-on. Ce même mouvement, cette même rencontre avec l’affiche nouvelle se répétera chaque semaine. Or le livre, pour témoigner de cette expérience, se fonde sur le blanc qui sépare chaque poème et qui tient lieu de l’espace temporel de la semaine écoulée entre chaque nouvelle affiche. Ce recueil regroupe plusieurs auteurs (vingt-huit en tout) ; il n’a pas, non plus, la marque d’un style unique, même si la contrainte donne des airs de parenté à certaines voix.

Et de fait, la mollesse n’est pas au rendez-vous ici, sinon en négatif, derrière cette « dureté » indéniablement péjorative : « Les gendarmes/nous attendent/leurs matraques bien dures/ils font la queue/et la danse des boucliers » (Cynthia Girard [52]). C’est comme si la luminosité de l’affiche, même prise à contre-courant, ne pouvait que figer et glacer les mots qui s’y fixent, les coupant ainsi de la volatilité du sens mou reconnu plus tôt. Ainsi, Daniel Canty tente de déconstruire les lieux communs mais peine à les interroger vraiment : « 03 Red shift./Lily est une rose/est une rose rouge. » (34) Marc-Antoine K. Phaneuf semble poursuivre son oeuvre habituelle, sans que l’affichage n’y change rien : « La combustion humaine/spontanée n’a rien/à voir avec les/brûlements d’estomac. » (38) D’ailleurs, cet aspect anthologique et monumental est clairement énoncé dans le cas de Nicole Brossard et de Josée Yvon, pour qui l’on présente des extraits déjà parus. Arkadi Lavoie Lachapelle propose une suite de poèmes construits sur le même patron, dont le pouvoir de découverte s’amenuise toujours plus (90-93). Pour la dernière entrée, Céline Huyghebaert présente une série de « listes », comme si l’entreprise se résolvait par une concession totale au diktat de l’usage, suggérant ainsi que l’offre marchande aura finalement eu le dessus sur l’entreprise poétique : « Liste des mots/de passe/déjà/utilisés » (168). Or ces contradictions et ces écueils ne me semblent jamais aussi criants que dans le titre même du livre, dont la graphie ne vient pas à bout du dogmatisme de ce qu’il énonce : Vers libres. Il me semble évident qu’on ne vise pas tant la forme bien connue de l’écriture versifiée que la « liberté » qu’on veut voir affichée dans ces poèmes. On sait bien, depuis au moins Jacques Roubaud[4], que le vers libre n’a pratiquement plus rien de libre aujourd’hui, qu’il est un diktat au moins aussi pesant que celui qui a pesé, jadis, sur le vers métrique. On devrait savoir que ce syntagme n’a plus rien de révolutionnaire aujourd’hui ; et il serait même dépassé de dire qu’il sent un peu le ranci.

C’est peut-être pourquoi, dans sa préface, Sherry Simon n’a pas cru bon faire une seule remarque sur le livre, que son texte introduit pourtant. La seule chose qui importe ici est l’événement qui en est l’origine, soit l’affichage urbain des mots. On aurait pourtant pu voir que le livre n’était pas seulement le miroir fidèle de l’événement passé, mais qu’il présentait aussi la possibilité de le poursuivre, de lui donner une nouvelle inflexion, de le déplacer. Étrangement, ce sont les artistes visuels, émergents ou consacrés, qui semblent avoir le mieux saisi les potentialités littéraires de l’affichage, et de la brièveté qui s’ensuit :

merci
plaisirs improvisés

Soufïa Bensaïd, 50

Observatoire
Lookout

Chloé Beaulac, 110

Il me semble
peu probable
qu’elle vienne.

Marie-Line Laplante, 114

Ce que j’ai vu sur internet,
enfin bref
On s’en fout.

Claire Burelli, 136

Radio rock détente
L’accident de l’intercom
Les pièces de balavoine
En téléchargement gratis

Stéfanie Requin Tremblay, 150

+

C’est sur le bord de ce paysage quotidien que se tient également Clémence Dumas-Côté, qui s’agrippe aux objets pour mieux confronter l’autre en soi, juge et observateur. Dans cet Alphabet du don[5], prendre et donner se répondent et font basculer un sujet vacillant aux contours mal assurés :

On se commande un sandwich aux pelures

le lichen pousse, tu bégaies

te rappelles-tu l’heure ?

je perdrais

derrière les contours flous

une photo

les néons

l’asphalte

et leur alphabet du don.

31

Cette dualité est donc agonistique et elle hypertrophie les conflits, entre les deux voix du moi, entre le soi et les objets, entre la perte et le don. La poète a placé au coeur de sa démarche LE « mou », clairement désigné comme tel, mais sans en retenir la porosité et la malléabilité ; c’est plutôt le monstre intérieur dont on s’effraie, le coeur censuré qu’on contourne, le feu qui brûle plutôt que d’éclairer :

Donne-moi une occasion impossible

mes vingt-cinq sous sonnants

on fermente

je guette l’aide violente

je suis une bâtisse cernée

rentrée dans le mou

hissée de force

tu m’empêches d’emprunter aux tisons

ce qui pourrait me sauver

toi, tambourinant :

fais signe quand tu as fini.

65

+

Cette diversion de la mollesse du sens, qui fait ici tout le drame de l’entreprise poétique de Dumas-Côté, apparaît comme un projet conscient et concerté chez Bahman Sadighi. Son recueil Catabase[6], en plongeant au fond des Enfers, se situe aux antipodes d’une exploration ouverte, réciproque et malléable. C’est plutôt le tranchant de la descente qui prévaut ici, l’incandescence des attaques bien senties envers les maux de notre temps, la lourdeur aussi, il faut le dire, d’un message appuyé qui répugne aux incertitudes. Sadighi joue certes avec la disposition des mots sur la page, mais la plasticité de ce procédé n’est jamais prise à partie ; comme si l’espace n’était que le serviteur docile des mots. Souvent, des syntagmes de même famille s’échelonnent sur plusieurs paliers, dans une forme vite lassante. Parfois on s’amuse à déconstruire la ligne horizontale, les lettres se disposant vers le haut, vers le bas ou les deux à la fois. Sinon les tabulations sont constantes et se marient la plupart du temps aux cellules grammaticales, d’une manière qui, assez vite, ne bouscule plus vraiment les habitudes de lecture. C’est dire que le pari initial de Sadighi était par plusieurs voies prometteur, mais que son recueil, particulièrement long, y échoue assez rapidement. Plutôt que de se placer dans la mollesse, la versatilité et la précarité du sens, Sadighi choisit une convention déstabilisante, certes, mais qui en vient à se stabiliser par la répétition de ses moyens. Il faut craindre une contestation qui se fige sur ses positions, surtout si elle emprunte les voies de la poésie et de l’art pour s’exprimer. C’est pourquoi les recueils précédents, pourtant peu politiques dans leur propos, ont à mon avis un pouvoir de transformation sociale plus grand. Et la mollesse, en ces temps où le pouvoir montre suffisamment ses revers et ses pièges, est peut-être l’éclaircie dont a le plus besoin notre espace social.