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Confortablement installé dans les savoirs et les préjugés de son époque, rien n’est plus aisé que de faire comparaître les défunts devant le tribunal de l’histoire[1].
Il est devenu assez commun d’envisager les années de la Révolution tranquille comme le moment qui départage l’histoire du Québec en deux temps : un avant, plongé, diraient certains, dans la noirceur et l’immobilisme imposé par la mainmise d’un clergé conservateur tout-puissant, et un après, où le peuple canadien-français devenu québécois se serait (enfin) libéré des chaînes de son passé catholique et du poids de sa mémoire pour entrer dans la modernité. Depuis la « modeste mais troublante tragédie[2] » que fut, selon les mots de Fernand Dumont, la genèse de la société québécoise jusqu’au lendemain de la Révolution tranquille, l’Église catholique a joué — pour le meilleur et pour le pire — un rôle de premier plan dans cette histoire du Québec qui n’a pas fini de s’écrire, contribuant grandement, selon plusieurs, à la survivance de la minorité francophone en Amérique du Nord, et façonnant profondément son rapport à la langue, à la culture et au politique[3]. Un rapport tout à fait particulier s’est ainsi installé au fil du temps entre la société québécoise et le catholicisme ; rapport marqué par une dette symbolique et par l’ambivalence, les tiraillements et les tensions qui en découlent inévitablement.
Plusieurs travaux de sociologues, de théologiens et d’historiens ont permis de nuancer certains postulats concernant la « rupture » qu’aurait constituée la Révolution tranquille, en montrant que cette coupure n’a pas été aussi nette que certains pourraient le croire ou le souhaiter. Ces nuances ont été apportées à la fois pour décrire l’époque qui précède cette période et pour évaluer ce qu’il en reste. On a pu notamment démontrer que les grandes réformes dont le Québec des années soixante a été le théâtre étaient en marche ou du moins en préparation au cours des décennies précédentes[4] :
Il appert que 1960 ne signe pas la sortie complète du catholicisme de la société québécoise, mais sa reconduite sous un autre régime de religiosité. Confondant fin du régime de chrétienté du Canada français clérical et fin du lien privilégié entre le catholicisme et la culture québécoise, plusieurs commentateurs ont surestimé les forces sécularisatrices ou laïcistes. […] Ce qui prit plus de 300 ans à construire ne pouvait pas tomber en une décennie[5].
Les questions complexes entourant la prégnance du catholicisme et les traces de ses vestiges dans le Québec contemporain, comme celles qui interrogent la diversité des liens qu’il a entretenus avec la nation au fil du temps, constituent un vaste champ de la recherche en sciences sociales. De nombreux chercheurs s’affairent en effet depuis quelques décennies à montrer en quoi notre héritage catholique, voire un certain sentiment d’appartenance des Québécois à cette religion, qui est aussi une culture, façonne le Québec d’aujourd’hui — ce dont quelques événements de l’actualité récente rendent bien compte, d’ailleurs[6].
On ne peut cependant en dire autant des travaux en études littéraires, où le traitement de l’héritage catholique par les écrivains québécois modernes demeure peu analysé. Ce manque d’intérêt est d’autant plus paradoxal que les oeuvres littéraires, dramatiques et cinématographiques qui reprennent, transposent et interprètent des aspects de cet héritage abondent depuis les années soixante : on pense bien sûr, entre autres, aux oeuvres de Jacques Ferron, d’Hubert Aquin, de Réjean Ducharme, de Victor-Lévy Beaulieu, d’Anne Hébert, de Marie-Claire Blais et, plus près de nous, à celles de Larry Tremblay et d’Hervé Bouchard, mais aussi au théâtre des Michel Tremblay, Normand Chaurette et Michel Marc Bouchard. On trouve également un travail d’interprétation de cet héritage dans les textes de nombreux poètes, tels Paul-Marie Lapointe, Fernand Ouellette, Roger Des Roches ou Denis Vanier, mais aussi dans ceux de François Charron, de Jean-Marc Desgent, de Carole Massé, d’André Beaudet[7]. Le cinéma n’est pas en reste si l’on considère les oeuvres d’un Bernard Émond, Jésus de Montréal de Denys Arcand et, plus récemment, Pour l’amour de Dieu de Micheline Lanctôt ou La passion d’Augustine de Léa Pool, dont les succès critiques et populaires témoignent de l’intérêt certain du public québécois à l’égard de cet héritage religieux.
Plusieurs ouvrages d’histoire littéraire mettent en lumière les liens entre le catholicisme et la littérature du Canada français[8], mais les travaux récents portant sur l’inscription de l’héritage catholique dans les oeuvres d’après la Révolution tranquille se font plutôt rares[9]. Quelques dossiers parus récemment en revues dans lesquels on se propose d’analyser les traces et les transformations de cette histoire religieuse demeurent encore pour le moment des exceptions[10].
Le rapport de la société québécoise au catholicisme n’en est pas un de pur rejet. Mais c’est un rapport certainement ambivalent dont on n’a pas fini de prendre la mesure. On pourra avec ce dossier, espérons-le, démontrer que le traitement de cet héritage par certaines oeuvres de notre littérature depuis les années soixante est particulièrement intéressant. Force est de constater, en relisant quelques oeuvres modernes et contemporaines, que le matériau catholique occasionne un ensemble de représentations et de détournements qui témoignent d’un désir de s’approprier les signifiants d’une histoire, pour les inscrire dans la fiction et les enjeux fantasmatiques qu’elle suscite. On doit dès lors se demander ce qui, du catholicisme — de son vocabulaire, de ses dogmes, rites et récits, de sa conception du temps comme de son rapport à la parole et à l’éthique, au sacré, à la culture populaire —, persiste à faire retour dans certaines oeuvres romanesques, poétiques, dramaturgiques et cinématographiques. Comment les écrivains et les cinéastes québécois ont-ils interprété, analysé, profané ou tenté de reconnaître et d’assumer cet héritage (que ce soit par des récits tournés vers le passé ou inscrits dans un présent hanté par les restes tenaces ou ténus de ce passé) ? Voilà les questions parfois complexes autour desquelles il nous a paru important de regrouper quelques chercheurs.
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« Destins de l’héritage catholique » dit bien la visée de ce dossier qui s’intéresse aux formes qu’a prises et que prend encore aujourd’hui un tel héritage dans les oeuvres littéraires ; destins pluriels d’un héritage variant d’une oeuvre à l’autre. Les articles réunis ici, et dont l’ensemble n’a pas la prétention d’être exhaustif, analysent la fonction donnée par les oeuvres aux matériaux catholiques (Verbe, Incarnation, liturgie, vertus théologales, confession, prière, profanation, possession, entre autres), que ces matériaux soient profondément inscrits dans la mémoire ou qu’ils soient vidés de leur substance, réduits à l’état de simples débris dont on ne peut, semble-t-il, faire l’économie. Il est par ailleurs heureux que les oeuvres convoquées appartiennent à des genres divers (roman, nouvelle, poésie, dramaturgie, cinéma) et proviennent d’auteurs issus de générations différentes.
Le dossier s’ouvre sur trois historiettes de Jacques Ferron toujours « inédites » depuis leur parution entre 1979 et 1981 dans L’Information médicale et paramédicale, revue à laquelle Ferron collaborait régulièrement. Ces historiettes, retranscrites par Luc Gauvreau, appartiennent à un ensemble actuellement en préparation en vue de la publication d’un recueil. Elles ont été choisies par Jacques Cardinal, qui les présente en soulignant la contribution originale du romancier à l’interprétation de l’histoire du catholicisme au Québec[11]. On pourra de plus consulter l’inventaire d’un fragment de la bibliothèque personnelle de l’écrivain, à savoir la compilation et le classement des ouvrages religieux lui ayant appartenu. Ces titres ont été rassemblés en une bibliographie par Luc Gauvreau, qui signe la présentation et l’analyse de cet inventaire. Outre le fait qu’elle révèle tout un pan de la documentation ferronienne, cette analyse nous permet de découvrir l’intérêt que représente pour la recherche l’inventaire commenté d’une bibliothèque personnelle d’écrivain.
Dans le premier article du dossier, Anne Élaine Cliche propose une relecture des Enfants du sabbat d’Anne Hébert, roman qui présente une certaine fiction de l’histoire du Québec des années trente et quarante à partir de diverses références sur la sorcellerie en France et en Nouvelle-France. Si l’on a pu dire et redire qu’il s’agit dans ce livre de « congédier » le catholicisme (représentant de la mort) par la force du désir et de la vie sauvage incarnée par la sorcière Julie (représentante de la vie), l’article montre que le roman révèle plutôt à quel point la violence pulsionnelle et mortifère de la sorcière est indissociable du catholicisme et des matériaux qu’il charrie.
Publié lui aussi à une époque où les institutions catholiques ont déjà considérablement perdu de leur force au Québec, Le loup de Marie-Claire Blais est l’un des premiers romans québécois à disposer du catholicisme à titre d’héritage culturel. Comme l’indique François Rochon, c’est à partir de cet héritage que se révèlent l’homosexualité et la quête dans laquelle est engagé le narrateur. L’auteur de l’article souligne que dans cette oeuvre se rencontrent deux forces longtemps considérées comme étant irréconciliables au Québec, et ce, sans que l’une ou l’autre ne s’y trouve condamnée, parodiée ou subvertie.
La profanation et le blasphème appartiennent incontestablement au christianisme. Les écrivains québécois n’ont pas manqué d’emprunter ce registre, qui témoigne souvent chez eux d’un désir de réinvestir la dimension éminemment corporelle de cet héritage (l’Incarnation ayant donné lieu dans l’histoire de l’art et dans l’histoire littéraire à des enjeux pulsionnels et sacrificiels). Dans « Le verbe crucifié », Denise Brassard montre comment blasphème et profanation opèrent dans les oeuvres du poète Roger Des Roches, où se remarque (comme chez d’autres, dont Denis Vanier) un lieu d’« actualisation de la figure christique » (p. 92). L’analyse de quelques poèmes récents permet de voir comment cette figure occasionne un travail de deuil pour l’assomption d’une identité (personnelle, voire collective).
La figure christique occupe aussi l’oeuvre de Larry Tremblay (voir Le Christ obèse). Céline Philippe souligne cependant que la référence au catholicisme intéresse le dramaturge depuis longtemps. À travers une relecture de The Dragonfly of Chicoutimi (1995), où les intertextes liturgiques et bibliques donnent à la confession de Gaston Talbot une résonance prophétique, cette analyse dégage du récit de rêve, qui occupe une place centrale dans le texte, les registres de la culpabilité et de l’appel au jugement qui donnent à ce monologue sa texture performative et catholique.
Il était sans doute nécessaire de recourir aux travaux de Marcel Gauchet pour effectuer un bref survol historique du catholicisme dans le Québec du xixe siècle. C’est ce que fait en ouverture de son article Stéphane Inkel, qui recourt à la définition gauchetienne du christianisme comme « religion de la sortie de la religion » dans Le désenchantement du monde[12]. L’auteur émet l’hypothèse que la posture d’extériorité du Québec à l’égard de l’histoire, et « qui se cristallise au lendemain de l’échec du projet politique des Patriotes » (p. 129), est tributaire du catholicisme. De là, il s’intéresse à la « mémoire problématique » dans l’oeuvre de Gaétan Soucy et aux « pratiques de la défaite » dans Atavismes de Raymond Bock pour exposer le renversement qu’elles mettent en scène. Ce traitement de la « périphérie » s’effectue aussi dans les films de Denis Côté, en particulier Carcasses, qui permet d’en cerner toutes les composantes.
Le cinéma occupe une place dans ce dossier, qui se clôt avec l’étude que le sociologue Jean-François Laniel propose de la trilogie sur les vertus théologales de Bernard Émond. L’auteur met en évidence le fait que, si le cinéaste affirme l’importance du catholicisme dans le monde d’aujourd’hui, il n’arrive pas pour autant à proposer (comme il en a le projet) une solution laïque au vide laissé par le silence de Dieu. L’analyse le conduit à se demander « si la trilogie […] de Bernard Émond ne participe pas malgré elle du désenchantement du monde qu’elle déplore, tant est grande la misère qu’on y décrit, tant sont nombreux les doutes qui pèsent sur la croyance catholique pourtant jugée nécessaire » (p. 159).
Il importe pour une nation de reconnaître sa dette à l’égard de l’histoire. La nation québécoise est issue du catholicisme. Il lui revient donc d’en travailler et d’en analyser la matière, qui n’est pas que théologique et figurative, mais aussi, et peut-être surtout, discursive.
Parties annexes
Notes biographiques
CÉLINE PHILIPPE est titulaire d’une maîtrise en lettres françaises de l’Université d’Ottawa, où elle a rédigé une thèse intitulée Elvis Gratton : mythe et microcosme, au sujet du « phénomène Elvis Gratton » ainsi que de l’ensemble de l’oeuvre de Pierre Falardeau. Elle est candidate au doctorat en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), où elle prépare, sous la direction de Mme Anne Élaine Cliche, une thèse portant sur l’inscription d’enjeux de la question nationale québécoise dans des oeuvres dramatiques des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Depuis l’hiver 2015, elle a pu vivre ses premières expériences d’enseignement au Département d’études littéraires de l’UQAM.
ANNE ÉLAINE CLICHE est professeure au Département d’études littéraires de l’UQAM. Elle est romancière et essayiste. Ses essais et son enseignement convoquent entre autres la psychanalyse (Freud et Lacan), la Bible et le judaïsme. Elle a publié plusieurs articles sur la littérature contemporaine québécoise et française. De ses recherches sont issus plusieurs livres dont les deux suivants : Dire le Livre. Portraits de l’écrivain en prophète, talmudiste, évangéliste et saint (XYZ, 1998) et Poétiques du Messie. L’origine juive en souffrance (XYZ, 2007). Son premier roman, La pisseuse (Triptyque, 1992) a remporté le Grand Prix du livre de Montréal. Son quatrième roman, Mon frère Ésaü (XYZ, 2009) a été finaliste au prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec en 2010. En 2014, Jonas de mémoire, publié aux éditions du Quartanier, a été finaliste au Grand Prix du livre de Montréal. Son plus récent essai, Tu ne te feras pas d’image. Duras, Sarraute, Guyotat vient de paraître aux éditions du Quartanier en 2016.
Notes
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[1]
Fernand Dumont, Genèse de la société québécoise, Montréal, Boréal, coll. « Boréal compact », 1996 [1993], p. 330.
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[2]
« Il est des peuples, écrit Dumont, qui peuvent se reporter dans leur passé à quelque grande action fondatrice : une révolution, une déclaration d’indépendance, un virage éclatant qui entretient la certitude de leur grandeur. Dans la genèse de la société québécoise, rien de pareil. Seulement une longue résistance. Mais qui n’incite pas pour autant au dédain méprisant, encore moins au cynisme rétrospectif, devant ce qui fut à tout prendre une modeste mais troublante tragédie. » Ibid., p. 331.
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[3]
Dumont (comme d’autres sociologues l’ont fait avant et après lui, d’ailleurs) avance que « pour sa part, l’Église a été une composante intime de cette société. Après la Conquête, elle a constitué le facteur principal de sa survie » (ibid., p. 322). Voir aussi, entre autres : Louis Rousseau, « La construction religieuse de la nation », Recherches sociographiques, vol. XLVI, no 3, septembre-décembre 2005, p. 437-452.
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[4]
La liste des ouvrages qui abordent ces questions est longue et les arguments, nombreux et variés. Pour un survol, voir le collectif suivant : Guy Berthiaume et Claude Corbo (comp.), La Révolution tranquille en héritage, Montréal, Boréal, 2011, 298 p. De plus, certains ont jeté un éclairage nouveau sur la contribution sous-estimée du catholicisme dans les transformations inspirées par l’éthique personnaliste, par exemple ; voir E.-Martin Meunier et Jean-Philippe Warren, Sortir de la « Grande noirceur ». L’horizon personnaliste de la Révolution tranquille, Sillery, Septentrion, coll. « Les cahiers du Septentrion », 2002, 207 p.
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[5]
E.-Martin Meunier, « L’ancrage du catholicisme au Québec et sa déliaison progressive : une sociologie historique de l’exculturation », Solange Lefebvre, Céline Béraud et E.-Martin Meunier (dir.), Catholicisme et cultures. Regards croisés France-Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, 2015, p. 35. Le collectif dans lequel se trouve cet article témoigne d’ailleurs de l’actualité de ces questions. Plusieurs travaux s’inscrivant dans le sillage des Fernand Dumont, Raymond Lemieux et quelques autres se sont penchés sur les rapports du Québec au catholicisme au cours des dernières années (voir entre autres Raymond Lemieux, « Le catholicisme québécois : une question de culture », Sociologie et sociétés, vol. XXII, no 2, automne 1990, p. 145-164). Certains ont montré par exemple qu’une part importante des Québécois persisterait à se dire catholique, à reconnaître son appartenance au catholicisme, sans toutefois pratiquer les rites de cette institution (outre les baptêmes, mariages et funérailles) ni même avoir la foi ou croire aux dogmes du catholicisme (voir E.-Martin Meunier, Jean-François Laniel et Jean-Christophe Demers, « Permanence et recomposition de la “religion culturelle”. Aperçu sociohistorique du catholicisme québécois [1970-2006] », Robert Mager et Serge Cantin [dir.], Modernité et religion au Québec. Où en sommes-nous ?, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 79-128). Pour une analyse approfondie des particularités du phénomène de « religion culturelle » au Québec et un survol historique des sources de ce champ de recherche, voir Jean-François Laniel, « Qu’en est-il de la “religion culturelle” ? Sécularisation, nation et imprégnation culturelle du christianisme », Solange Lefebvre, Céline Béraud et E.-Martin Meunier (dir.), Catholicisme et cultures, p. 143-168.
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[6]
On pense au débat suscité par la proposition de Charte des valeurs québécoises du gouvernement Marois à l’automne 2013 ou à la Commission Bouchard-Taylor (2007-2008). Dans un article récent, Solange Lefebvre évoque la place importante occupée par l’église et le curé de la paroisse dans la couverture médiatique et dans le processus de deuil qui ont suivi la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic à l’été 2013, ainsi que lors des funérailles du hockeyeur Jean Béliveau. Voir Solange Lefebvre, « La puissance d’une religion historique dans la culture », Solange Lefebvre, Céline Béraud et E.-Martin Meunier (dir.), Catholicisme et cultures, p. 69-90.
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[7]
Dans un compte rendu paru il y a déjà plusieurs années, André Brochu souligne que la question religieuse s’inscrit dans de nombreuses oeuvres publiées par les éditions des Herbes rouges : « L’église, la prière, la dévotion nous donnent à penser, après les recueils d’André Roy et de Jean-Marc Desgent, que Dieu fait vraiment retour dans une certaine modernité, précisément celle des Herbes rouges (qui publient aussi François Charron et Carole Massé). Dieu est alors le nom que revêt l’espoir, ou le salut autour duquel peut se penser un certain avenir individuel. » (André Brochu, « Poignée d’herbes rouges », Voix et Images, vol. XXIV, no 1, automne 1998, p. 205.) D’ailleurs, certains de ces poètes gravitant autour de la revue du même nom (François Charron, Nicole Bédard, Jean-Marc Desgent, André Beaudet, Carole Massé) ont signé des textes dans un numéro paru en 1984 où ils répondent à certains collaborateurs de la revue La Nouvelle Barre du jour qui, dans un dossier interrogeant le rôle des intellectuels et intellectuelles au Québec en 1984, semblent s’inquiéter entre autres de constater le « retour » de la question religieuse dans des oeuvres poétiques, ce qui constituerait une régression allant à l’encontre des idéaux de la modernité et du féminisme (voir « Qui a peur de l’écrivain ? », Les Herbes rouges, nos 123-124, 1er trimestre 1984, 83 p. ; et Normand de Bellefeuille et Louise Dupré (dir.), « Intellectuel/le en 1984 ? », La Nouvelle Barre du jour, nos 130-131, octobre 1983, 149 p.). Dans une entrevue parue après ce « débat », André Beaudet confiait très ouvertement vouloir interroger l’héritage du catholicisme par-delà tous les tabous : « Ce que j’essaie, et c’est de l’ordre de l’essai, en tant qu’écrivain et critique, c’est de repenser le fond de la culture dont j’ai hérité et de le repenser avec le moins de préjugés possible. Ce qui fait que je suis plutôt traditionnel mais d’une manière décapante. Sur ce terrain, je fais face aux tenants de la table rase et de l’amnésie. Contre quoi je m’en prends ? Essentiellement contre le préjugé moderniste et le consensus progressiste. Par rapport à la question catholique, qui est le fond de la culture dont je vous parlais, ce consensus est fondé sur un présupposé violemment anti-catholique, spontanément anti-catholique, qui ne fait jamais retour sur lui-même. » (Dominique Garand, « Entrevue avec André Beaudet. Nihil obstat… », Moebius. Écritures/littérature, no 30, automne 1986, p. 16.) Au sujet du débat entre les deux revues, voir notamment : Bernard Andrès, « Institution et avant-garde poétique au Québec », Littérature, no 66, mai 1987, p. 24-33.
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[8]
On peut se référer à l’ouvrage de Cécile Vanderpelen-Diagre, Mémoire d’y croire. Le monde catholique et la littérature au Québec (1920-1960), Québec, Nota bene, 2007, 150 p. Mais il va sans dire que tout ouvrage portant sur l’histoire de la littérature ou du théâtre au Québec avant 1960 croisera, d’une manière ou d’une autre, le catholicisme sur son chemin.
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[9]
L’intérêt limité suscité par ce champ de recherche est d’ailleurs démontré par la recension effectuée pour préparer ce dossier. On lira aussi Ève Paquette, « Religion et littérature », Jean-Marc Larouche et Guy Ménard (dir.), L’étude de la religion au Québec : bilan et prospective, Waterloo/Sainte-Foy, Corporation canadienne des sciences religieuses/Presses de l’Université Laval, 2001, p. 397-413. Notons cependant quelques travaux sur cette question : Denise Brassard, Le souffle du passage. Poésie et essai chez Fernand Ouellette, Montréal, VLB éditeur, coll. « Les champs de la culture », 2007, 433 p. ; Jacques Cardinal, Le livre des fondations. Incarnation et enquébecquoisement dans Le ciel de Québec de Jacques Ferron, Montréal, XYZ éditeur, coll. « Documents », 2008, 202 p. ; Jacques Cardinal, Filiations. Folie, masque et rédemption dans l’oeuvre de Michel Tremblay, Montréal, Lévesque éditeur, coll. « Réflexion », 2010, 212 p. ; Jacques Cardinal, La part du diable. Le Saint-Élias de Jacques Ferron, Montréal, Lévesque éditeur, coll. « Réflexion », 2015, 328 p. ; Anne Élaine Cliche, Le désir du roman (Hubert Aquin, Réjean Ducharme), Montréal, XYZ éditeur, coll. « Théorie et littérature », 1992, 214 p. ; Anne Élaine Cliche, « L’hérétique du prochain ou l’épisode selon Aquin », Religiologiques, no 5, mai 1992, p. 24-39 ; Denise Cliche, « Le Petit Köchel de Normand Chaurette ou quand la commémoration tourne à vide », Sémiotique et Bible, no 146, juin 2012, p. 5-22 ; Adela Gligor, Mythes et intertextes bibliques dans l’oeuvre d’Anne Hébert, Québec, L’instant même, 2014, 336 p. ; Stéphane Inkel, « La voix du fils. Le catholicisme au service d’une historicité de la langue dans Le Saint-Élias de Jacques Ferron », Globe. Revue internationale d’études québécoises, vol. X, no 1, 2007, p. 147-170 ; Natasha Karin Nobell, Sous le signe de la croix. Un messianisme en mutation chez André Brochu, Hubert Aquin et Victor-Lévy Beaulieu, thèse de doctorat, Vancouver, University of British Columbia, 2008, 245 f.
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[10]
Voir par exemple les articles de Daniel Tanguay (« Après la mort de Dieu. Quelques réflexions sur l’inquiétude spirituelle québécoise inspirées de La neuvaine de Bernard Émond et de Bureaux d’Alexis Martin ») et d’Éric Bédard (« Ce passé qui ne passe pas. La grande noirceur catholique dans les films Séraphin. Un homme et son péché, Le Survenant et Aurore »), dans le dossier intitulé « La religion au Québec. Regards croisés sur une intrigue moderne » dirigé par Robert Mager et E.-Martin Meunier, Globe. Revue internationale d’études québécoises, vol. X, no 2, 2007/vol. XI, no 1, 2008, p. 21-37 et p. 75-94. Voir aussi le dossier « La littérature québécoise et le sacré » dirigé par Marie-Andrée Bergeron et Vincent Lambert, Québec français, no 172, 2014, p. 28-56. Ce dossier se penche surtout sur les transformations et les déplacements du sacré dans la littérature au Québec.
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[11]
Nous tenons à remercier Luc Gauvreau et Jacques Cardinal, qui nous ont proposé ces éléments contribuant à enrichir le dossier d’un complément inédit et original.
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[12]
Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2005 [1985], p. 11.