Corps de l’article
Un poème digne de ce nom est un puits
d’échos entre détresse et vie [1].
Parmi les prix qui sont décernés chaque année à des oeuvres poétiques, le prix Nelligan en est un que j’affectionne particulièrement. D’abord parce qu’il récompense un auteur de la relève [2]. Ensuite, parce que la Fondation Émile-Nelligan veille à ce que le choix des finalistes échappe aux impératifs commerciaux, éditoriaux, politiques. Pour les membres du jury, c’est l’occasion de prendre le pouls de la poésie actuelle et de découvrir ses nouvelles orientations. L’année 2010 fut une année faste, et un grand cru. Ont particulièrement retenu mon attention les livres de Marie-Josée Charest [3], Véronique Cyr [4], François Guerrette [5], Étienne Lalonde [6], Laurance Ouellet Tremblay [7], François Rioux [8], Aimée Verret [9]. Si ceux des trois finalistes, Frédéric Marcotte, Philippe More et Maggie Roussel, présentent certaines parentés, ils témoignent par ailleurs de la diversité des esthétiques et des thèmes abordés, et offrent donc un panorama de ce qui se fait de mieux dans la jeune poésie au Québec et au Canada français [10].
*
Depuis ses débuts, Philippe More se démarque par le registre qu’il privilégie et la nature des figures qu’il convoque. Médecin urgentologue, il s’inspire abondamment de son expérience professionnelle, ce qui donne à son univers poétique un aspect tout à fait singulier. Avec Le laboratoire des anges [11], son quatrième recueil, il est parvenu à une unité de ton et à un degré d’intégration de l’imaginaire médical qui témoignent d’une grande maturité. Corps malades, fragilisés, gisants, agonisants défilent dans les poèmes, sans marque d’exhibition ou d’indécence. Là où on pourrait s’attendre à de la provocation, à une surexposition d’images violentes ou de corps mutilés, on trouve un savant dosage dans l’exposition et une approche respectueuse, circonspecte, recueillie. Une approche concernée, pourrait-on dire pour faire court. Et c’est là, sur ce souci, de l’autre, de la mort, que se construit ce livre d’une rigoureuse gravité, qu’on aurait envie de citer en entier tant il porte à la méditation.
Philippe More nous fait pénétrer dans un univers chirurgical, donc, un lieu limite où l’existence risque toujours de basculer dans le coma ou le sommeil définitif. Pas de complaisance ici, ni de forclusion dans l’environnement hospitalier, mais un accueil de la souffrance et des revers du sens. La souffrance dont il est témoin, le sujet la prend en soi, sur soi. Son propre corps devient ainsi objet d’observation ; il s’en détache, puis le détaille et le découpe en morceaux, au scalpel.
10ton corps t’attend sur une civière
soudain comme amputé d’un siècle
Le sujet parle depuis cette douleur, mais aussi depuis ce détachement qui paradoxalement favorise la proximité. Dans cette prise en charge de la souffrance, on va de l’échelle cellulaire à celle des corps indistinctement liés, corps mêlés au décor d’hôpital qui à son tour s’ouvre sur le paysage. Ainsi, allant de l’un à l’autre, la mort anonyme devient habitable, lieu d’apprivoisement et de partage.
13cette scène n’est pas celle de ton premier suicide
ni celle où tu risques ta naissance
Le corps soumis à la dissection se révèle siège de l’âme, qu’il s’agit en somme de traquer jusque dans les moindres fibres de la chair, histoire de voir si quelque chose ne résisterait pas au travail de la mort qui phagocyte la vie, s’y loge et la ronge comme un cancer. Ce minutieux travail de pelage et de découpage vise à creuser l’identité jusqu’à son effacement. Et ce qui est d’abord perçu comme une dépersonnalisation (le corps abandonné sur une civière, parqué dans un corridor, soustrait à son identité, réduit à un diagnostic) se mue en possible rencontre.
24un corps à toi pour te suivre nulle part
derrière l’écran où tout redevient calme
où tu survis avec les électrons
traçant ta dernière ligne de vie
parallèle à celle des gisants qui t’acceptent parmi eux
chacun synchronisé à son siècle élémentaire
chacun plombé dans ses vapeurs
un corps à toi pour cet exil au fond
des dernières lois de la gravité
Les corps d’eux-mêmes et pour eux-mêmes parlent, communiquent autre chose, ce qui à la fois les détermine et les dépasse, dirait Levinas, et ce qui sans eux demeurerait celé [12]. La notion de temps se trouve également dévoyée et transformée dans la dissection. Le corps est séculaire ; il appartient au siècle et se compte en siècles. Or là aussi, dans cette matrice temporelle où le mouvement de la mémoire semble inversé (« l’avenir c’est ta mémoire détournée » [28] ; « c’est l’histoire lessivée telle qu’on l’archive/dans le dernier sous-sol de l’occident » [29]), une forme de proximité et d’union se joue, et peut-être aussi une éventuelle (re)naissance.
18tu gis à côté de l’anévrisme
tu passes par tous les états fossiles de la nuit
si tu rêves encore c’est par effraction
[…]
derrière la moindre cellule froissée par l’accident
jusqu’au tout premier anonymat
jusqu’à la parenthèse primitive
d’un abandon plus ancien que la vie
La confusion, l’anonymat dans lesquels la douleur jette les corps établissent une étrange filiation de condamnés, nouvelle généalogie reliant les êtres de chair depuis l’origine de la vie, qui coïncide ici avec la mort.
Le sujet fait des efforts de projection du regard de l’intérieur de son corps (« c’est dans ton ventre que ça se passe/le silence aussi grand que la mémoire des balles » [25]) vers le lieu de fréquentation de la souffrance puis vers le paysage (« ta mémoire installe un paysage refroidi » [20]). Cette dynamique spatiale crée également un effet de creusement faisant écho au démembrement, à la dissection. Elle donne sur un paysage miné, mi-champ de bataille, mi-cimetière, une mise en abyme dans laquelle s’engouffrent les corps. Les anges y circulent, parfois traversent les corps ou en usent.
31les morts savent que tu goûtes le savon
comme eux à l’époque des tiroirs
ils savent jouer au ventriloque
avec le trou que tu as dans la voix
pendant que les anges chuchotent partout autour
[…]
un paysage étiré étiré par les morts
jusqu’à ce corridor qu’il a toujours été
Les déplacements permettent d’appréhender le vivant dans tous ses mystères et ouvrent sur une spiritualité forte, sans être appuyée. Dans les profondeurs du corps, le poème s’approche des « assises de la douleur » (38) qu’il donne à voir dans « toute leur innocence » (38), de ces régions de l’âme où rien de l’existence ne va plus de soi. S’y révèlent des zones de friction ; là le magma remue et grouille, peut-être une promesse de vie. Ainsi la rencontre du corps souffrant devient une aventure de soi-même.
58commence par les racines pour dormir
creuse pour te frayer des bronches dans le vide
s’il y a un corps au bout c’est peut-être le tien
rêve avec le vent entre tes côtes
qui se perd en chemin le vent qui te fouille
comme si tu étais un très vieux paysage
plein d’arbres à froisser en attendant
que la chaleur t’invente une autre durée
ouvre-toi comme si tu étais vivant
Le corps malade se fait miroir, et ce miroir se tourne vers le lecteur qui peut s’y voir sans succomber à l’angoisse ; il s’y trouve confronté aux phénomènes de la dégradation et de la mort en même temps qu’à ce qui veut respirer, palpiter, renaître et, partant, retrouver « une autre durée » (58), comme au terme d’une nuit sacrificielle qui vous laisse meurtri, mais grandi d’une conscience plus vive.
*
Contre la fluidité du lyrisme ou les liaisons du récit, Les Occidentales, de Maggie Roussel, fait entendre une voix sans cesse interrompue, fragmentée en une suite de notations et de propositions lapidaires, fougueuses, ironiques. Au fil de cet enchaînement d’aphorismes détournés (on se croirait par moments dans les Poésies de Lautréamont), de formules creuses, de constats d’impuissance, de slogans, de trivialités et d’injures se mène un combat contre tous les motifs de fausse consolation que quiconque ose exprimer sa détresse, ses angoisses se fait invariablement servir par les tenants du bonheur à tout crin. « Si je ne vivais pas dans une région du monde où la performance personnelle est l’une des valeurs dominantes, se demande l’auteure, serais-je en proie à autant de pensées négatives coupables ? » (38) Et pour cause. Ils ne manquent jamais de se faire entendre, ceux pour qui le bonheur est affaire de réalisation et d’affirmation individuelles, pour qui toute expression de la souffrance est un aveu de débilité. Or ce que Maggie Roussel met en relief dans ses salves contre le « [d]iktat de la pensée positive » (24), c’est précisément le caractère débilitant de l’obstination à refuser l’humanité dans ce qu’elle a de plus singulier : la souffrance et sa reconnaissance comme objet d’élévation de la conscience.
10Tout le plomb que j’ai bu m’a donné une tête et des ailes.
Le hasard nous mange tout cru.
Le temps des réjouissances est terminé.
Je suis en train de me détruire
Vogue la galère sur une mer de voyelles informes.
Ma grammaire se rétrécit avec les années — sujet, verbe, complément, même le complément m’intimide.
Au hasard la chance.
Dans ce propos qui fonctionne au coup par coup, la fragmentation irréparable de notre monde est à la fois subie dans une émouvante vulnérabilité, et affrontée, voire confrontée, par l’arme de l’humour, dans des télescopages désopilants, dans une langue abrupte, ferme, nourrie en outre d’une fréquentation assidue de la littérature moderne. « Je sais que je n’existe pas » (9) ; ainsi commence le recueil, et ce constat reviendra, comme d’autres, car la répétition joue un rôle non négligeable dans cette longue litanie. L’avancée procède par appositions, analogies, contrastes, accumulations et subtils déplacements. Le livre semble s’écrire par vagues, lesquelles entraînent un mouvement de ressac d’où le sens apparaît tel un résidu hasardeux — artefact, bois flotté, détritus ballotté puis craché par une mer de paroles autistes, indifférentes à la réelle présence. Il s’agit de débusquer le non-sens qui seul résiste à la violence de la pensée positive. La pensée organisée, cohérente, le refuge dans l’intimisme ne sont plus possibles désormais, nous laisse entendre l’auteure, qui réussit par ailleurs à ne pas sombrer dans le chaos ou dans les hyperboles de la révolte ou de la dénonciation. Ce qu’elle vise : « Un texte qui ne soit pas même abri de fortune, mais démantèlement, promenade dans les affres. » (53)
Ni l’enjeu ni le risque ne sont minces dans cette délicate entreprise de déboulonnage et de dévergondage du discours. Car il ne s’agit pas d’opposer une morale à une autre, mais de se tenir au coeur même des propos racoleurs et ravageurs, comme on se tiendrait dans l’oeil d’un cyclone, debout, d’une seule pièce, et de saisir la balle au bond de la profération. Pour décrire sans complaisance son écriture, Maggie Roussel parle d’ailleurs d’un « [s]tyle tennis contre le mur » (44). Les vers frappent et percutent, opérant autant de trouées dans le (faux-)sens qu’il s’agit de miner. Ici comme chez Philippe More, on creuse, on déleste, on dissèque, on débarrasse :
61L’écriture vise non pas à empiler, mais à liquider.
Corde à trous, oiseau sans bec, du fond des âges.
Passoire.
Poinçon.
À la trappe !
Les phrases courtes à l’apparence définitive, voire à l’allure de couperets, miment le martèlement du discours ronflant de l’anti-découragement qu’on veut nous faire entrer dans la tête à coups de marteau. Il y a là une part de défi qui n’est pas sans rappeler la parole de Job. Mais une fois encore, il importe de se défier de la tentation de fixer l’identité du sujet en l’associant à une figure mythique. Le mythe est à liquider, comme le reste. Et en cela les figures tutélaires des poètes ne font pas exception.
21Pensées négatives : spleen nouveau genre, sans manières.
24Une fille sur un bateau ivre : plus difficile à imaginer, avouons-le, même aujourd’hui encore !
Aphorisme mon cul !
On pourrait voir dans ce livre une simple liste, un dispositif ne dépassant pas l’accumulation, la dénonciation, ou encore l’effet de mode [13]. Il n’en est rien. L’auteure est par trop consciente de la nature de son entreprise ; elle sait déjouer les pièges et prévenir les oppositions, à commencer par les siennes propres (« L’enthousiasme risque de tout faire foirer. » [14]). C’est à ce constant travail de désamorçage des effets du discours que contribuent les regards cinglants qu’elle porte sur l’écriture et qui ponctuent le livre.
10Pseudo-recueil de vérités, échec total en vérité.
16Tout texte suivi m’apparaît comme un travail d’école qui attend sa note.
21Chaque vers arraché comme une dent.
51Un livre est le résultat d’un gommage des ratures.
52L’écriture se construit à partir de loques.
Vestibule sans fin.
La poésie comme cris d’animaux.
En reste.
Là où la parole, la vraie, devient impossible à entendre, enterrée qu’elle est par la rumeur assourdissante des discours réifiés, il reste la profération, le cri. Voilà ce que figure cette enfilade d’énoncés, lancés comme autant d’attestations d’un empêchement à l’incarnation puis à l’essor du verbe.
32L’hyperbole en horreur.
Paralysie du verbe, censure.
Défilé de sons.
[…]
Même une petite fable, je ne peux plus.
Lapereau.
Ne reste-t-il que rhétorique ? Ou bien si, au contraire, tout cela en est comme démuni ?
[…]
Je ne suis pas iconoclaste.
Le pari d’humanité à même la surdité et le déni étant tenu, il arrive que, de cette mer déchaînée contre le sens jusqu’à engloutir toute trace du poème, certains vers se détachent et s’élèvent dans une fulgurante beauté : « Possibilités et liberté sont des forêts tropicales : luxuriantes et effroyables, où la mort pendeloque au bord de larges fleurs. » (45) Et les trous alors apparaissent comme des brèches par où la lumière, une lumière lavée de toute prétention à la vérité et dépourvue de toute violence, trouve à s’infiltrer. Voilà un livre brillant, qui interroge d’une manière radicale le sens d’exister dans un monde sans ordre et sans continuité [14].
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Formulant le projet démiurgique de « s’absenter pour tout incarner » (174), Évangile [15], de Frédéric Marcotte, propose une odyssée dans l’espace et le temps. Un infatigable marcheur, vagabond sans âge, marginal qu’illumine sa blessure, remonte les siècles jusqu’à l’aube de l’humanité et brouille tout au passage : événements, époques, personnages, récits. Dans ce séjour aux enfers, de multiples identités se croisent, se télescopent et se transforment, proposant une relecture de l’histoire universelle, dans laquelle anachronisme est synonyme de Jouvence. Là où Maggie Roussel se demande s’il est « possible de délicatement se débarrasser la tête des clichés, comme on fait pour les oeufs de poux » (60), Frédéric Marcotte n’hésite pas à entrer de plain-pied dans le mythe. Ici comme chez Roussel, nous sommes dans la profération, et la figure de Job de nouveau affleure. Mais elle n’est pas la seule, puisque le sujet narrateur de ce livre ambitieux et, ma foi, courageux pour un premier, endossera tour à tour les identités de quidam, artiste, évangéliste, prophète, jusqu’à s’identifier à la figure christique. Sa prose hallucinatoire place l’auteur en filiation avec les Lautréamont, Rimbaud, Desnos. Nous sommes là dans une forme d’énonciation prophétique, qui n’affecte aucune fausse modestie, assumant au contraire pleinement l’envergure du regard qu’elle jette sur l’expérience humaine.
Malgré quelques maladresses, dont une surenchère verbale qui entraîne parfois de la confusion et certaines longueurs, le livre reste remarquable d’intelligence, d’érudition, de sensibilité. Il l’est également par la solidité de sa construction. D’une section à l’autre on suit le personnage, du Quartier latin de Montréal jusqu’au Proche-Orient, en passant par Paris et d’autres lieux emblématiques de la culture qu’il s’agit de traquer et de condenser. Et c’est ainsi qu’on remonte les âges. La première partie du livre, la plus substantielle (il en compte quatre), s’intitule « L’eau », et se déploie elle-même en trois parties : « L’eau du lac », « L’eau du fleuve », « L’eau de la mer ». Le rapport aux paysages répond aux déplacements identitaires, géographiques et temporels du personnage, allant du plus intime au plus lointain, de l’immobile au tumultueux, du plus récent au plus ancien.
Je me souviens des soirées de la fin du xixe siècle, quand Debussy répétait sa musique rêveuse pendant des heures dans une salle vide, seul sur la scène avec son piano dans l’obscurité. […] J’ai dans le coeur ces souvenirs ; je sais que cela a été l’âge d’or. Présentement, la roche s’apprête à revenir en arrière pour piétiner tout sur son passage. Bientôt. La mer paraîtra belle, empoisonnée… ; sa splendeur sera mortelle ; la plus grande erreur ne se verra plus à l’oeil nu : elle contiendra ma semence, moi, mort à ses côtés, et nous attendrons, quelque part entre le ciel et l’enfer, qu’elle se purifie, si cela est possible.
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Le processus est assez semblable à ce qu’on observe chez Philippe More, bien que les champs référentiels diffèrent. Ici comme dans Le laboratoire des anges, la mort — ou le renoncement à la vie — constitue une étape vers l’affranchissement. À la faveur de toutes ces identités endossées, le personnage meurt et mourant remonte plus avant le fil du temps. Les naissances ou renaissances se font donc, un peu comme chez More, à rebours, et le personnage devient lui-même le lieu où se joue et se déjoue la mort, la sienne propre, celle des autres :
Je me souviens de la Grèce antique, lorsque je parcourais les chemins de poussière. Encore, la terre possédait une forme incertaine, et je marchais dans ma solitude en songeant aux exploits de l’homme.
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Quand je pense à tous ces tumultes, je me tourne vers le passé, celui d’avant que le déluge ne vienne me hanter. La mer n’a pas changé. Je me réfugie dans la même culture, qui a animé les déchirements et les combats internes ; la parole s’éloigne des siècles ; mais je sais que je persévérerai dans le militantisme, puisque j’avance vers l’horizon avec les certitudes gagnées, qui favorisent mon futur.
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À l’exigence de la disparition, Frédéric Marcotte ajoute celle de prendre sur soi l’ignorance, la faiblesse, la souffrance de l’humanité. Une fois acquise la certitude que « le mal vient du bien [16] », comme il l’affirme à quelques reprises, il pousse le cycle jusqu’à ce qu’à nouveau le bien sourde du mal. Car seul le corps devenu lieu de destruction, théâtre de l’apocalypse peut ranimer la foi et lutter contre le désespoir. C’est en cela que tient la visée du livre, et c’est ce qui donne au projet sa singularité et sa portée. En établissant l’accueil de la mort et la dépossession comme conditions de la présence, ce livre oppose une farouche résistance à l’individualisme et au cynisme ambiants.
Parties annexes
Notes
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[1]
Maggie Roussel, Les Occidentales, Montréal, Le Quartanier, 2010, p. 23.
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[2]
Les auteurs dont les livres sont soumis doivent avoir moins de 35 ans.
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[3]
Marie-Josée Charest, Rien que la guerre, c’est tout, Montréal, Les Herbes rouges, 2010, 66 p.
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[4]
Véronique Cyr, Installation du feu, Montréal, Poètes de brousse, 2010, 53 p. Pour une recension de ce livre, voir ma dernière chronique, « Toucher ce qui brûle », Voix et Images, vol. XXXVI, no 2, hiver 2011, p. 152-159.
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[5]
François Guerrette, Panique chez les parlants, Montréal, Poètes de brousse, 2010, 69 p.
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[6]
Étienne Lalonde, Histoires naturelles, Montréal, Les Herbes rouges, 2010, 75 p.
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[7]
Laurance Ouellet Tremblay, Était une bête, Saint-Fulgence, La Peuplade, 2010, 88 p.
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[8]
François Rioux, Soleils suspendus, Montréal, Le Quartanier, 2010, 103 p.
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[9]
Aimée Verret, Ce qui a brûlé, Montréal, Triptyque, 2010, 76 p.
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[10]
À titre de présidente du jury, j’ai eu à produire de courts textes pour présenter les finalistes. Ils ont été intégrés ici et là, en tout ou en partie, à la présente chronique. Deux d’entre eux avaient été écrits en collaboration avec Pierre Nepveu. Je tiens à l’en remercier.
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[11]
Philippe More, Le laboratoire des anges, Montréal, Poètes de brousse, 2010, 58 p. Prix Émile-Nelligan 2010.
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[12]
Voir Emmanuel Levinas, Totalité et infini. Essai sur l’extériorité, La Haye, Marinus Nijhoff, 1971 [1961], 284 p.
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[13]
Mais ça reste de l’ordre des listes, ces fameuses listes qui font tant écrire actuellement. On ne sait trop où ça commence ni pourquoi cela finit.
Hugues Corriveau, « Envisager le pire », Le Devoir, Montréal, 28-29 mai 2011, p. F3 -
[14]
Je signale que le livre est suivi d’une postface de Mathieu Arsenault, « Nous manquons de démotivation », p. 65-75. Si cet appareil métatextuel m’a d’abord agacée (les préfaces et les postfaces qui accompagnent des premières éditions m’apparaissent souvent comme symptomatiques d’un manque de confiance en le lecteur), il faut reconnaître qu’il s’agit là d’une lecture fort juste. Arsenault dégage les enjeux du livre au regard de son contexte de parution et met en lumière son exigence particulière. Il montre bien en quoi le projet de Maggie Roussel, caractérisé par une sensibilité toute contemporaine, se distingue d’entreprises comme celle de Samuel Beckett, par exemple.
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[15]
Frédéric Marcotte, Évangile, Montréal, Les Herbes rouges, 2010, 179 p.
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[16]
Le carillon tinte, soufflé par le vent, dans la certitude acquise que le mal vient du bien.
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