Au moment de rendre compte du recueil d’entretiens de Gaston Miron, L’avenir dégagé , je suis frappé par le nombre de liens que le poète entretenait avec une institution importante mais souvent éclipsée dans le public par des maisons d’enseignement plus jeunes (ou plus dynamiques ?) : l’Université de Montréal. C’est la revue Études françaises, en 1970, qui sous l’impulsion de son directeur, Georges-André Vachon, et de Jacques Brault décerne son prix à Gaston Miron et publie du même coup son oeuvre maîtresse, L’homme rapaillé. Mais auparavant, Gilles Marcotte avait fait paraître des articles sur l’Hexagone et sur son principal fondateur, et Jacques Brault avait consacré une étude remarquable à Miron le magnifique. Mentionnons aussi Lise Gauvin, qui fut la collaboratrice de Miron pour certains ouvrages et qui, en 1999, alors directrice de la revue Études françaises, a préparé un numéro double intitulé Gaston Miron : un poète dans la cité (elle y souligne d’ailleurs avant moi les nombreux liens du poète avec le Département d’études françaises — aujourd’hui Département des littératures de langue française). Citons encore Pierre Popovic et Jean Larose qui ont publié soit des études sur lui, soit de substantiels entretiens. Pierre Nepveu, surtout, a réalisé sur Miron différents travaux (avec Marie-Andrée Beaudet, professeure à l’Université Laval, qui fut la compagne du poète), et prépare depuis plusieurs années une biographie monumentale et très attendue sur l’auteur de L’homme rapaillé. Ajoutons à cela que Gaston Miron fut plusieurs fois invité à rencontrer les étudiants de l’université, qu’il y fut écrivain en résidence, et rappelons que, lors de la crise d’Octobre de 1970, un colloque tenu à l’Université de Montréal lui fut consacré pour dénoncer son emprisonnement. Et j’en passe… Je veux seulement souligner ici la proximité de l’écrivain avec une institution sérieuse et pas particulièrement remuante, proximité qui éclaire une facette de sa personnalité. Issu d’un milieu sylvicole et populaire (Sainte-Agathe-des-Monts), étranger à la petite-bourgeoisie qui forme la clientèle courante de l’université, Gaston Miron a su s’imposer, sans rien renier de ses origines, comme un homme de savoir aussi bien que comme l’éclatant poète qu’il est, aux pieds solidement ancrés dans le terreau douloureux et espérant de son pays. Évidemment, les contributions variées de professeurs de l’Université de Montréal constituent une part seulement, parmi d’autres, de tout ce qui a permis la connaissance et la reconnaissance du poète, mais cette part compte sûrement au nombre des plus représentatives. Il convenait de la souligner. Miron le poète inspiré, Miron l’homme de culture : sans doute. Mais il est aussi, on le sait, Miron le militant, infatigable partisan de l’indépendance du Québec, bien qu’il sût faire la part des choses et éviter les confusions entre les différentes tâches qu’il devait assumer. Pour lui, la poésie ne doit pas être platement politique, même s’il est donné à celle-ci d’exprimer les plus hauts espoirs d’une collectivité. Cette expression du pays n’est en rien monosémique, elle transite par la totalité des sens que véhicule le poème. Elle est tout de même indispensable à la nature même de l’oeuvre. On peut dire de cette dernière qu’elle lie en un faisceau unique des réalités très diverses, ce qui fait sa richesse et l’impossibilité pour son auteur de séparer les diverses tonalités constitutives de son inspiration. Voilà pourquoi il y a UN livre de Miron. Il ne peut en être autrement. Il y a L’homme rapaillé, fait du rapaillage de plusieurs oeuvres nées séparément mais qui ne trouvent d’accomplissement que dans leur réunion en un seul livre. Les Poèmes épars , complément sans doute indispensable, souffriront toujours de leur absence d’intégration …
Gaston Miron ou la contradiction illuminante — Jacques Rancourt — Hélène Dorion[Notice]
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André Brochu
Université de Montréal