Il y a quelques années, la mode était aux « papiers collés ». Il était bien vu alors, chez les intellectuels, de reprendre des articles disséminés ici et là (souvent plutôt ici que là), anciens ou récents (surtout récents). De cette tendance a résulté une théorie d’ouvrages plus ou moins utiles, à saveur anthologique, bien faits pour étoffer les curriculum vitae. Puis il y a eu la vogue des actes de colloque, bientôt remplacée par celle des ouvrages collectifs, qui sont souvent des actes « honteux », les éditeurs ayant de plus en plus le réflexe de cacher la circonstance à l’origine des textes publiés. C’est que les comptes rendus de colloque ont désormais mauvaise presse : ils se vendent mal, on les accuse d’être inégaux, bavards, mal ciblés, contingents. En revanche, les ouvrages collectifs recueilleraient, pour le plus grand profit de la recherche, des articles rigoureusement sélectionnés, retravaillés, et détachés d’un contexte souvent très particulier et au total peu pertinent. Et pourtant il se publie toujours, de temps à autre, des actes de colloque et des séminaires, plus ou moins bruts, édités avec soin ou à peine relus. Confiant d’y glaner quelques avancées passionnantes du travail d’analyse littéraire actuel, c’est à ces publications mal aimées que j’ai décidé de consacrer l’essentiel de la présente chronique. Depuis que j’écris régulièrement dans Voix et Images, j’ai eu le souci de rendre compte, fût-ce de manière succincte, des travaux sur la littérature et la culture québécoises produits hors Québec : façon de rendre la politesse à ces chercheurs étrangers qui, avec souvent beaucoup de compétence, nous font l’honneur de consacrer tout ou partie de leurs travaux à nos productions intellectuelles. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai pris connaissance de l’ouvrage préparé par Anna Paola Mossetto, Le projet transculturel de « vice Versa » , qui collige les textes des interventions présentées lors du séminaire du Centre interuniversitaire des études québécoises en Italie (CISQ) sur la revue montréalaise désignée en titre. Au sommaire de ces actes, des textes variés et de diverses origines : après la préface de l’éditrice, on trouve les contributions de trois artisans de la revue, Lamberto Tassinari, Fulvio Caccia et Gianni Caccia (le responsable de la conception graphique), puis celles de deux observateurs et collaborateurs québécois, Pierre Nepveu et Régine Robin, puis celles enfin de deux universitaires italiens sans lien direct avec vice Versa, Claudio Strinati et Franco Ferrarotti. Doté d’une « perspective sociale » (9), expression d’« un groupe crucial du mouvement des idées au Québec » (9-10) selon Mossetto, le magazine vice Versa — j’opte ici indifféremment pour « revue » ou « magazine », la publication s’étant située quelque part entre les deux — est envisagé d’emblée comme une mouvance à l’avant-garde du questionnement identitaire tel qu’il s’est défini entre 1983 et 1997, bornes temporelles de son existence. Contre les stéréotypes identitaires hérités du nationalisme des années 1960 et 1970, vice Versa aurait ainsi proposé de concevoir l’identité québécoise, ou montréalaise, comme un processus dynamique, fluide, in-défini. Le vif contre le mort, le fluide contre le figé, l’ouvert contre le fini : on voit d’emblée de quel côté se place la vertu, et il ne faut pas s’attendre à une relecture un tant soit peu critique de la revue (on aura droit, tout au plus, à un soupçon d’autocritique, et sur le mode de l’attendrissement : nous étions bien jeunes, bien naïfs…). Je suis toujours étonné, soit dit en passant, par la façon dont, souvent, on organise les rencontres et les séminaires sur les questions culturelles ou sociales un peu épineuses …
Dont actes[Notice]
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Robert Dion
Université du Québec à Montréal