Résumés
Résumé
Dans plusieurs de ses pièces, Michel Marc Bouchard met en scène des univers où l’adulte fait un retour sur l’espace de son enfance pour mieux comprendre son passé. Plus souvent qu’autrement, ce retour s’exprime à travers une mémoire spatialisée où le traumatisme provoqué par la violence est communiqué par une expérience de l’enfermement. C’est le cas notamment dans L’histoire de l’oie, pièce de théâtre pour jeune public qui raconte les démarches d’un homme pour réintégrer son passé. Par le recours à un langage et à une imagerie mythiques, il parviendra à identifier la blessure au coeur de cette spatialité forclose et, par là même, à révéler la fonction ultime de la pièce : inciter d’autres enfants violentés à briser le silence.
Abstract
In several of his plays, Michel Marc Bouchard describes situations where anadult returns to the place of his childhood in order to better understandhis past. More often than not, this return is expressed through aspatialized memory where the trauma caused by violence is communicated by anexperience of enclosure. It is the case in The Tale of Teeka, a playwritten for youth andthat describes the struggles of a man to return to theevents of his past. Through mythic imagery and language, he manages toidentify the wound at the heart of this enclosure and, in so doing, reveals the play’s ultimate function : to bring other childen to break the silence surrounding their abuse.
Resumen
En varias de sus obras teatrales, Michel Marc Bouchard escenifica universos en los que el adulto regresa al espacio de su infancia para entender mejor su pasado. Las más de las veces, dicho regreso se expresa a través de una memoria espacializada donde el traumatismo provocado por la violencia es comunicado por medio de una experiencia del encierro. Es el caso, en particular, en L’histoire de l’oie, obra de teatro para un público joven que cuenta los pasos que da un hombre para reintegrar su pasado. Recurriendo a un lenguaje y una imaginería míticos, logrará identificar la herida que ocupa el centro de esta espacialidad de la que está excluido, y por ello, revelar la función última de la obra: incitar a otros niños violentados a romper el silencio.
Corps de l’article
L’espace n’est pas le milieu […] dans lequel se disposent les choses, mais le moyen par lequel la position des choses devient possible [1].
Ce soir un écrivain se penche/Au-dessus du puits hallucinant de son enfance [2].
L’enfance est une période d’apprentissage. Le sujet se découvre dans un monde qui se révèle à lui et, petit à petit, il se constitue une mémoire du corps tributaire de ses expériences perceptives. Inséparable de la conscience de soi et de l’univers dans lequel celle-ci prend forme, cette mémoire affecte profondément la compréhension des expériences à venir. Si ces premières rencontres, qui impliquent presque toujours d’autres sujets [3], se font dans des conditions plus ou moins positives, alors le sujet peut finir par idéaliser son enfance. Rappelons, par exemple, la nostalgie domestique de Proust qui relate la découverte (par l’enfant) de la fiction dans ses Journées de lecture [4]. Toutefois, cette rencontre peut aussi se faire dans des conditions moins favorables, voire catastrophiques : l’abandon maternel dans The Lost Language of Cranes de Leavitt [5], l’abus sexuel et le meurtre dans Les cendres bleues de Daoust, ou encore l’abus physique et psychologique dans Enfance de Gorki [6]. Dans chacun de ces exemples, l’univers cauchemardesque dans lequel l’enfant est plongé marque à jamais sa conception de lui-même et de son environnement, les séquelles de la violence vécue se manifestant souvent plus tard dans la vie adulte par un ensemble de perturbations symptomatiques d’un syndrome post-traumatique. Michel Marc Bouchard relate, lui aussi, ces traumatismes de l’enfance et leur impact sur le corps adulte : l’inceste dans La poupée de Pélopia [7], l’abandon maternel dans Les muses orphelines [8] ou l’abus physique dans L’histoire de l’oie [9]. Dans ces pièces, il met en scène des univers où l’adulte fait un retour sur l’espace de son enfance pour comprendre un passé qui hante encore son présent. Plus souvent qu’autrement, cette hantise s’exprime à travers une mémoire spatialisée où le traumatisme provoqué par la violence est communiqué par une expérience de l’enfermement. C’est le cas notamment dans L’histoire de l’oie, pièce de théâtre pour jeune public. Michel Marc Bouchard y crée un univers où l’espace clos représente un état post-traumatique. Plus précisément, l’enfermement met en place un dispositif psychique qui sert à protéger l’adulte du choc d’un événement traumatisant, à savoir la violence familiale, en l’isolant de sa mémoire. Toutefois, ce mécanisme de défense comporte des effets négatifs dans la mesure où le sujet reste marqué par le traumatisme sans pour autant comprendre ou pouvoir exprimer pourquoi. L’histoire de l’oie raconte donc les démarches d’un homme pour réintégrer son passé. Par le recours à un langage et à une imagerie mythiques, il parviendra à identifier la blessure au coeur de cette spatialité forclose et, par là même, à révéler la fonction ultime de la pièce : inciter d’autres enfants violentés à briser le silence.
Mise en scène en 1990 par Daniel Meilleur du Théâtre des Deux Mondes [10] et publiée en 1991 chez Leméac, la pièce relate l’histoire d’un adulte, Maurice, qui se penche sur une journée de son enfance. Le souvenir d’un incident précis s’étant déroulé ce jour-là est reconstitué par le biais d’une analepse au cours de laquelle le personnage et le public observent Maurice enfant interagir avec son « seul ami », une oie nommée Teeka. L’isolement affectif et physique de Maurice — il est enfant unique sur une ferme éloignée — est aggravé par la violence familiale, puisque c’est un enfant battu. Cette violence est racontée à travers la relation entre Maurice et son oie, animal d’élevage que ses parents lui ordonnent d’abattre en leur absence. L’immolation de cette amie devient alors un puissant symbole pour Maurice adulte, qui découvre dans la mort de l’oie le sacrifice de sa propre enfance.
L’espace de la mémoire
D’entrée de jeu, on comprend que l’univers représenté sur la scène n’évoque pas une enfance idyllique. La scénographie est très épurée, presque minimaliste [11]. Un éclairage rouge dessine une bande à l’arrière de la scène, suggérant un ciel en feu, alors qu’une musique discordante dépayse les spectateurs. Deux constructions en métal occupent l’espace scénique ; la plus grande représente la maison de Maurice alors que la plus petite évoque la grange de Teeka. Celle-ci est décorée, mais de façon presque abstraite ; un ciel bleu et un sol jaunâtre sont à peine évoqués. En revanche, la maison de Maurice demeure sans couleur, muette en quelque sorte, signe imposant de la tyrannie du secret familial.
Le matériau métallique qui recouvre les deux édifices réfléchit la scène, mais en même temps la déforme, la brouille. Figure visuelle de la défaillance de la mémoire [12], surtout d’une mémoire marquée par la violence, cette déformation crée, avec les éclairages et la musique, un profond sentiment de malaise.
En plus de ce sentiment, la trame sonore et le minimalisme de la scène engendrent un effet onirique. Dès lors, on comprend que l’analepse n’a pas pour but de reproduire selon un mode naturaliste les lieux de l’enfance, mais bien de créer un espace qui représente le souvenir de cette époque, plus exactement, un espace de la mémoire [13]. La distinction est importante, car la mémoire, surtout celle qui est liée au traumatisme, s’avère une forme de savoir parfois contradictoire. Lors de l’événement traumatique, il s’opère un court-circuitage psychique qui a pour but de protéger le sujet d’un choc émotionnel dépassant son seuil de tolérance [14]. Le sujet traumatisé expérimente plutôt une forme de souvenir troué ou obsessionnel qui hante sa conscience adulte et qui se manifeste, dans le cas de Maurice, par une rage incompréhensible : « La rage de cet orage continue de sévir au centre de mon être. J’en espère un jour l’accalmie. » (HO, 46) En refusant une esthétique mimétique, Bouchard et le Théâtre des Deux Mondes mettent en relief les effets du traumatisme et, ce faisant, évitent le voyeurisme d’une Aurore l’enfant martyre, par exemple. De la sorte, la pièce ne raconte pas la violence familiale, même si celle-ci est évoquée à plusieurs reprises, mais plutôt la trace d’un dire en émergence, d’un sujet qui s’approprie son passé et les mots dont il a besoin pour s’y frayer un chemin.
La difficulté concernant l’accès à ce souvenir — symptôme classique du traumatisme — est communiquée de plusieurs façons, à commencer par le parement métallique de la maison et de la grange. Ce revêtement représente le noyau impénétrable d’une mémoire autour duquel Maurice rôde depuis des années sans pouvoir toutefois y pénétrer. En effet, à première vue, cette maison ne comporte ni fenêtre ni porte. Elle constitue un monde fermé sur lui-même, offrant ainsi la première indication d’une association fondamentale dans la pièce, à savoir la mise en relation de la restriction spatiale, du souvenir et de la violence familiale.
Dans les didascalies de la pièce, cet enfermement est signalé surtout par une clôture censée entourer l’ensemble de la scène (HO, 10). Évoquant à la fois le milieu rural et l’emprise familiale sur l’enfant, la clôture symbolise aussi la brisure psychique qui sépare Maurice adulte des événements de son passé. Dans la mise en scène, cependant, on ne fait qu’évoquer cette clôture pour mieux investir la demeure de Maurice de toute la charge émotive et traumatique associée à son enfance. Au début, la maison semble impénétrable, mais quand on la fait tourner, au cours de la représentation, on observe qu’elle comporte différentes ouvertures. La première, celle de la porte principale, donne sur un escalier étroit et raide. La perspective à l’intérieur de la maison est de travers, renforçant l’aspect sinistre du lieu. Plus tard dans la représentation, on fait tourner la maison de nouveau pour ouvrir deux panneaux qui délimitent la salle de bains où Maurice amène Teeka pour « voir l’océan ». Encore une fois, il s’agit d’un lieu clos avec une perspective en trompe-l’oeil. Le devant de la pièce est grandeur nature alors que l’arrière est beaucoup plus petit. De nouveau, l’oeil est induit en erreur par la perspective tronquée ; la maison de Maurice est un lieu qui dissimule, qui égare et blesse, en même temps qu’il enferme [15].
La restriction de l’espace dans la salle de bains est révélée par l’apparition de Maurice adulte dont on voit surgir la tête et le bras par la porte située au fond de la pièce. En plus de rappeler qu’il s’agit d’une mémoire de l’enfance, le corps adulte étant manifestement en dehors de l’échelle représentée par la pièce, la présence simultanée des deux Maurice communique clairement l’impossibilité de comprendre la spatialité, dans cette pièce, uniquement en termes de lieu. Beaucoup plus qu’un simple décor, l’enfermement fait partie intégrante d’une stratégie de représentation traumatique qui s’exprime non seulement en termes d’espace, mais aussi en fonction du temps et de la subjectivité. En regard du temps, par exemple, la rage de Maurice adulte est révélatrice d’un sujet en crise, en proie à ce que Merleau-Ponty nomme un « ancien présent » : « le temps ne se ferme jamais tout à fait sur lui [le sujet] », explique le philosophe, « et il demeure comme une blessure par où notre force s’écoule » (PP, 100). Cette temporalité vécue comme blessure — le sujet n’arrive jamais à se guérir du passé — est renforcée par l’économie spatiale mise en place par l’enfermement qui, à son tour, précipite un « trop-plein » émotif et subjectif représenté très concrètement par le corps, plus précisément celui de Maurice adulte trop grand pour la salle de bains. Cette association du corps, du temps et de la spatialité dans une figure du traumatisme s’exprime aussi dans les structures formelles et gestuelles de la pièce.
Du point de vue formel, L’histoire de l’oie déploie une structure en abyme créée par deux plans spatio-temporels ; le premier correspond plus ou moins à un ici-maintenant fictif alors que le second renvoie au souvenir d’un événement ayant eu lieu dans les années 1950. L’analepse s’insère à l’intérieur du premier plan, créant de la sorte un enchâssement « parfait » et « monolithique », pour reprendre les typologies déterminées par Georges Forestier dans Le théâtre dans le théâtre [16]. Si cette structure est moins complexe que d’autres exemples d’enchâssement chez Bouchard [17], elle n’est pas pour autant simpliste. En effet, dans cette pièce qui s’adresse aux enfants, Bouchard semble avoir voulu créer une structure plus dépouillée pour que les jeunes spectateurs ne perdent pas le fil de l’histoire.
Au commencement de la représentation, Maurice adulte entre en scène, se dirige vers la grange et déterre une figurine en plastique ; c’est une oie. Par la suite, Maurice enfant fait son entrée et, sous les yeux de son homologue, traverse la scène avec deux seaux. On s’aperçoit que les deux personnages portent les mêmes lunettes rondes ; c’est le premier signe que Maurice adulte et Maurice enfant sont, en fait, la même personne [18]. Puis, Maurice adulte met l’oie en plastique dans la poche de son veston et dit : « Voici le genre d’histoire qu’on aurait dû me raconter alors que j’étais tout jeune. » (HO, 15) Il enlève ensuite ses lunettes.
Le « voici » et le geste d’enlever ses lunettes ouvrent une voie à travers la mémoire affective et corporelle de Maurice. En plus de signaler le retour en arrière, les deux gestes communiquent un changement de focalisation dans l’histoire, car le regard, souligné par les lunettes, est détourné de l’ici-maintenant de Maurice adulte pour se poser sur le passé, celui appartenant au jeune Maurice, qui apparaît sur le toit de la maison, portant des lunettes. Ce « transfert » met en relief l’importance foncière du fait de voir avec les yeux de l’Autre. Maurice adulte a besoin de revivre, à travers les yeux de son « je » enfant, le traumatisme de son enfance. « Se souvenir », affirme Merleau-Ponty, n’est pas
ramener sous le regard de la conscience un tableau du passé subsistant en soi, c’est s’enfoncer dans l’horizon du passé et en développer de proche en proche les perspectives emboîtées jusqu’à ce que les expériences qu’il résume soient comme vécues à nouveau à leur place temporelle.
PP, 30
L’emboîtement des perspectives dont parle le philosophe français s’effectue à travers la structure en abyme de la pièce qui a pour effet de créer un horizon émotif commun aux deux personnages, permettant ainsi à Maurice de reprendre contact avec les événements de son enfance, mais « à leur place temporelle ». Cette observation se confirme dans le système pronominal. Au début, Maurice adulte emploie le « je ». Toutefois, à l’intérieur du plan enchâssé, il cède cette position subjective au jeune Maurice et adopte le double rôle de narrateur à la troisième personne et de marionnettiste. De cette façon, même quand la focalisation se déplace sur l’enfant, Maurice adulte demeure présent, témoin de sa propre enfance qu’il peut commenter et dans laquelle il peut intervenir. On peut aussi observer ce partage d’un espace identitaire dans le système gestuel.
On aperçoit l’enfant sur le toit de la maison ; le vent se lève et le jeune Maurice appelle l’orage, invoquant Bulamutumumo, « le grand dieu de la jungle, celui à qui même Tarzan ne se serait imposé » (HO, 17) [19]. En convoquant le dieu, en lui commandant de frapper sa maison avec la foudre, Maurice enfant fait preuve de courage, même s’il reprend les menaces proférées par les adultes dans sa vie afin d’attirer la foudre : « Je veux que tu viennes jusqu’ici », dit-il (HO, 16). Notons que, dans l’espace de la mémoire, les parents de Maurice ne sont jamais représentés physiquement. Malgré cette absence, ils exercent un contrôle despotique sur l’univers de leur fils ; d’ailleurs, celui-ci sera battu plus tard, parce qu’il n’est pas descendu du toit quand on l’a appelé. La scène de violence n’est pas représentée, mais racontée plutôt par Maurice adulte, transformé en narrateur et qui, ce faisant, lève lui aussi les bras pour se protéger des coups. Cette interférence gestuelle renforce l’idée d’un horizon émotif commun qui trouve son expression dans l’orage qui éclate, à la fois la représentation de l’état d’âme de Maurice adulte — sa rage — et de celui de Maurice enfant — son désarroi.
Comme Merleau-Ponty nous le rappelle, dans des conditions plus ou moins normales, l’expérience ancienne du sujet lui est accessible par un acte de remémoration qui ouvre un horizon du passé dans lequel le sujet peut de nouveau s’enfoncer (PP, 30). Dans le cas d’une expérience traumatisante, cependant, le subconscient altère la forme de cet horizon pour le rendre inaccessible ou méconnaissable. Dans la pièce de Bouchard, cette altération s’accomplit par la mise en place d’une économie spatiale déterminée par la restriction. L’espace, le temps et la subjectivité sont ainsi assimilés à une stratégie de représentation qui se manifeste dans plusieurs systèmes de signification de la pièce. Comment altérer de nouveau ces structures de protection ? Comment permettre au sujet traumatisé de récupérer ces paysages du passé sans être encore une fois traumatisé par le souvenir de l’expérience ? Dans L’histoire de l’oie, c’est à l’aide d’un langage et d’une imagerie mythiques que l’accès à cet horizon est ouvert.
Reliquaire de l’enfance
Nous avons déjà noté la manière singulière dont Teeka est présentée pour la première fois. Maurice adulte déterre une figurine en forme d’oie qu’il met par la suite dans la poche de son veston. Après le changement de niveau et l’entrée dans la scène enchâssée, on observe Teeka, en forme de marionnette à gaine, qui émerge de la manche de la veste que porte Maurice adulte. Cette image d’une vie qui s’éveille à elle-même communique de façon admirable les processus affectifs et mnémoniques qui permettent à Maurice adulte de revisiter la scène de sa perte. Dans l’espace-temps « réel » de la pièce, ce souvenir reste inaccessible — c’est un noyau dur et impénétrable —, représenté d’ailleurs par le caractère inanimé du jouet en plastique ou encore par les surfaces recouvrant les deux maisons sur la scène. Ce n’est que l’ouverture de l’espace de la mémoire qui permettrait de pénétrer à l’intérieur de ce noyau et de découvrir la vie et la mort qu’il contient.
Le corps (les corps ?) de Maurice révèle une autre intrication subjective dans la pièce, à savoir celle qui se produit entre Maurice et l’oie. Rappelons que l’acteur jouant Maurice adulte est le même qui manipule la marionnette Teeka [20] et qui lui prête sa voix au cours de la scène enchâssée. Il ne s’agit nullement d’une simple économie d’acteurs, l’emploi de la même personne mettant sur pied une stratégie d’interférence qui prend toute son ampleur à la lumière de l’horizon du passé articulé dans la pièce. En ce sens, la mise à distance par le biais d’un corps autre est essentielle pour la réalisation de ce paysage affectif, l’horizon du passé chez Maurice, régi par les mécanismes de protection post-traumatiques, trouvant son origine dans la détresse de Maurice enfant qui a instauré ces mécanismes. Or, la réappropriation de son passé se fait en partie par le biais des différents corps associés à Maurice adulte : le corps enfant joué, notons-le, par un acteur adulte et le corps de Teeka qui, lui aussi, est une extension d’un corps adulte, plus précisément celui du marionnettiste. Si les liens identitaires entre Maurice enfant et Teeka se révèlent à travers cette intrication, nous ignorons ce que Teeka représente au juste pour Maurice adulte. Comment cette appropriation existentielle peut-elle s’accomplir à travers l’oie ?
Au fil de l’histoire, on s’aperçoit que Teeka possède plusieurs qualités dont la plus importante est son innocence ; elle ne devine pas, par exemple, son destin d’oie d’élevage :
HO, 19TEEKA
[…] J’habitais une toute petite maison tout près de celle de Maurice. Plus tôt dans la semaine, elle était devenue trop grande pour moi. J’avais vu l’ensemble de mes semblables pénétrer dans la grange… Et je ne les avais pas vues en ressortir […]
Elle perçoit les signes de la violence, sans toutefois pouvoir les interpréter [21]. Quand elle observe Maurice, par exemple, qui sort de sa maison avec le bras en écharpe, Teeka se demande ce que cela peut signifier :
HO, 22TEEKA
Qu’était-il arrivé à son bras ?MAURICE
C’est rien, Teeka. Mon bras fait dodo.TEEKA
J’étais soulagée. Son bras se reposait.
Cette incapacité d’interpréter les signes qu’elle peut néanmoins percevoir situe Teeka en marge de la brutalité qui règne dans l’univers de l’enfant. Elle n’échappe pas pour autant à l’économie de violence établie par les parents de Maurice, à laquelle elle est initiée contre son gré ; justement, Teeka jouera le rôle d’objet échangé à l’intérieur de cette économie [22] : « J’ai pas l’choix Teeka », dit Maurice, « Ça marche comme ça. » (HO, 46)
En plus de l’innocence, Teeka représente d’autres qualités aux yeux de l’enfant. Elle raconte, par exemple, une histoire qui met en relief le courage et la fidélité de son espèce, l’inscrivant dans une lignée mythique :
HO, 20TEEKA
[…] dans certains pays nous remplaçons les chiens de garde et nous cacardons s’il y a le moindre danger. Rappelez-vous les Oies du Capitole ! Ce sont mes ancêtres qui ont réveillé les Romains à l’arrivée de l’envahisseur. Nous sommes très fières de cet exploit historique ; d’ailleurs nous nous en transmettons le récit de jars en oeuf.
Elle symbolise aussi l’intelligence et la beauté, ce que l’on apprend quand Maurice enfant lui raconte un peu de son histoire :
HO, 27MAURICE (ENFANT)
Aujourd’hui, dans un livre, j’ai appris que l’oie blanche c’est le chiffre cinq dans l’ancienne Égypte. Un, deux, trois, quatre et « oie ». J’ai « oie » doigts dans chacune de mes mains. (Il rit.) Dans un autre livre, j’ai appris que les anges ont copié leurs ailes sur les vôtres.
Toutes ces qualités opèrent une conversion du regard intérieur chez Maurice adulte, car le mythe de l’enfance heureuse, celle que représente l’oie et que Maurice n’a jamais pu connaître, transforme le rapport que Maurice adulte entretient avec l’espace de la mémoire. La force mythique de l’oie introduit dans cet espace une possibilité qui, jusque-là, est restée en marge de la conscience de Maurice. C’est la possibilité du bonheur, la possibilité de fuir, de se sauver. Il s’agit d’une prise de conscience au sens fort du terme, car l’adulte établit un contact avec son horizon passé et constate le terrible drame de son enfance. Cette prise de conscience s’accompagne toutefois d’un autre constat, celui d’une voix qui émerge de ce passé et qui, au contact des mythes érigés dans la pièce, permettra à Maurice adulte de dire ce qui est arrivé.
Dans la mise en scène de Daniel Meilleur, le personnage de Maurice enfant est joué par Yves Dagenais, un acteur adulte. Malgré l’incontournable maturité de ce corps, plusieurs signes servent à communiquer le jeune âge du personnage : ses habits, sa gestuelle et sa voix. C’est surtout cette dernière qui retient l’attention du spectateur dans la prestation de Dagenais. C’est Maurice adulte, en tant que narrateur, qui fait remarquer en premier lieu les étranges intonations avec lesquelles Maurice enfant s’exprime parfois :
HO, 16MAURICE (ADULTE)
Cette voix, c’était celle qu’il avait lorsqu’il faisait brûler des fourmis dans des boîtes de carton, celle qu’il avait lorsqu’il arrachait les ailes des papillons.
Plus précisément, l’acteur emploie une voix râpeuse et menaçante qui communique la rencontre de l’enfant avec le langage de la violence appris des adultes. Sur ce point, soulignons que Bouchard a voulu maintenir un équilibre dans sa représentation en évitant d’idéaliser l’enfant ; Maurice n’est jamais posé en martyr. Non seulement Maurice « transforme »-t-il des papillons en larves par l’ablation de leurs ailes, mais il arrache aussi des plumes à Teeka, censée pourtant être son amie. Cette cruauté est tributaire, en partie, de celle que vit Maurice quotidiennement. Cependant, en se servant de gestes de cruauté que l’on associe normalement aux garçons, Bouchard souligne aussi la violence liée à la socialisation masculine.
Quand la violence de Maurice enfant atteint son paroxysme, comme dans la scène où Teeka le fait tomber, la qualité de la voix s’altère davantage pour devenir encore plus stridente, moins humaine même, communiquant ainsi une émotion sauvage et dysphorique qui envahit tout l’espace :
HO, 27MAURICE (ENFANT)
Ils vont dire que je l’ai encore fait exprès ! Viens ici !
À ce moment précis de la pièce, un projecteur se braque sur Maurice ; ce sont les phares du camion familial, ses parents s’en vont au marché vendre les oies abattues. Les parents de Maurice l’interpellent, mais nous n’entendons pas ce qu’ils disent, même si, plus tard, on peut en déduire que c’est à ce moment-là qu’ils réitèrent l’ordre d’abattre Teeka. Maurice répond : « Oui !…. Oui !…. Oui !….» (HO, 28) dans une voix suraiguë, à peine compréhensible, voire animale. Tout le conflit et la détresse de l’enfant se trouvent concentrés dans cette vocalisation qui, à son tour, projette une affectivité sauvage sur l’horizon du passé et expose la blessure du corps adulte.
Pour Maurice adulte, la mort de l’oie constitue une perte à laquelle il revient sans cesse. Plus précisément, Teeka correspond à l’objet de son traumatisme. Ce corps sacrifié est celui de l’enfance immolée ; de la perspective de Maurice adulte, c’est aussi un corps sublimé, préservé en quelque sorte dans l’espace clos de la mémoire :
HO, 46MAURICE (ADULTE)
Au moment où Teeka sentit ses os se rompre, elle se mit à voler pour la deuxième fois de cette journée. Elle vola si haut qu’elle disparut au-dessus des nuages.
Dans Les feluettes, Bouchard avait déjà exploré le phénomène de la sublimation avec la mort de Vallier dans le grenier. En périssant dans l’incendie, Vallier atteint la sainteté exemplifiée par Le martyre de saint Sébastien, la pièce de Gabriele D’Annunzio enchâssée dans Les feluettes. Dans L’histoire de l’oie, la sublimation de Teeka affecte Maurice doublement. La mort de Teeka est aussi sa propre mort, l’absence qui hante son corps vécu. Avec le dernier vol de Teeka, c’est l’enfance de Maurice qui disparaît. Cette sublimation est mise en relief dans la scénographie de Daniel Castonguay et le Théâtre des Deux Mondes par l’emploi d’une imagerie religieuse et mythique qui se greffe à la maison de Maurice. Deux panneaux s’ouvrent pour révéler la salle de bains au centre, créant l’effet d’une châsse.
En plus de reproduire la structure d’emboîtement de la pièce, cette référence emprunte la forme d’un objet appartenant à l’iconographie religieuse du Québec des années 1950 pour communiquer le caractère sacré de la mémoire qu’elle enferme. Les panneaux situés de chaque côté de la pièce illustrent en bas-relief des scènes qui soulignent la nature sacrée de l’endroit. Ces scènes contiennent aussi des oies, confirmation du lien fondamental établi entre la mythologie animale et la mythologie catholique. De fait, l’emploi d’une châsse opère un transfert puisque la châsse-maison n’est pas un objet religieux ni une balise socio-culturelle. Cette construction édifie l’oie en symbole et transforme la violence de l’espace de la mémoire en y imprimant un sens sacré. Comme l’explique Daniel Castonguay lui-même dans le dossier de presse :
Le concept scénographique d’origine s’est développé et, à la forme châsse-maison s’est adjoint le tryptique [sic] décoré d’ivoires sculptés (1260) qui renvoie de façon allusive au climat de piété du temps fictif des années cinquante. Tout comme, pour les dévots, un reliquaire était le creuset de toutes les imaginations, la maison de Maurice serait le lieu de toutes ses imaginations à lui […].
Une châsse, même enluminée, demeure un tabernacle réputé inviolable, où reposent les restes de quelque saint martyr. La maison de Maurice serait impénétrable et froide, métallique, écrin farouche où se joue le drame-martyre d’une oie et d’un petit garçon [23].
Du point de vue de Maurice adulte, ce retable qui contient l’histoire de l’oie et la mémoire de son enfance constitue une crypte préservée par la rage et l’incompréhension qui l’habitent toujours. Précisons toutefois que cette construction n’est pas uniquement un monument érigé à la mémoire de Teeka. La crypte est aussi une sépulture, un reliquaire de la douleur à l’intérieur duquel gît l’enfance même de Maurice et où se reposent son courage, son intelligence et sa beauté. Ce tabernacle est une représentation concise et éloquente des processus de cryptage psychique subis par Maurice [24]. En effet, la châsse représente la clé de voûte de toute l’architecture d’enfermement articulée dans la pièce : l’enchâssement des deux plans spatio-temporels, la domination de l’espace de la mémoire par la maison de Maurice et l’intrication affective et subjective entre les différents personnages. Se manifestant à même le lieu du traumatisme, à savoir la maison familiale, et s’articulant dans l’espace de la mémoire, c’est-à-dire un espace intérieur, la châsse représente l’incorporation de la perte, maintenue dans le secret imposé par la famille et symptôme de son traumatisme. Or, les références mythiques induites à travers le corps de Teeka mettent en place une structure qui permet à Maurice adulte de prendre connaissance de son horizon affectif, de le décrire et de le transformer. L’économie spatiale forclose demeure en place dans la pièce, mais son contenu est modifié. Au lieu de représenter la violence familiale et les traumatismes associés à cette brutalité demeurée secrète, elle devient le moyen par lequel il pourra comprendre et exprimer cette brutalité.
*
L’exposition d’une crypte, la perte qu’elle représente ainsi que la lutte d’un homme pour vaincre le secret qu’elle impose sont soulignées dans cette mise en scène par un choeur d’enfants que l’on entend chanter en voix off au début et à la fin de la pièce : « Tout va très bien », entonnent-ils. « Nous sommes heureux ». Commentaire tragique sur la réponse automatique de l’enfant maltraité, ce choeur remplit aussi la fonction classique de médiateur entre la scène et le public, comme dans le théâtre antique. En tant qu’instance médiatrice, le choeur introduit aussi une ouverture dans l’histoire personnelle racontée par Maurice. Il illustre jusqu’à quel point le drame de Maurice est aussi celui des enfants qui continuent de souffrir en silence. En effet, Maurice enfant chante, lui aussi, le refrain bouleversant à la fin de la pièce. Son corps enfant est en même temps le coryphée [25].
Parties annexes
Biobibliographie
Shawn Huffman
Il est professeur au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal où il enseigne la dramaturgie contemporaine et les théories littéraires. Il est directeur de la revue L’Annuaire théâtral : revue québécoise d’études théâtrales et membre du Centre de recherche Figura. Il dirige présentement le groupe de recherche « En marge de la scène : espaces de l’inconfort », subventionné par le CRSH.
Notes
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[1]
Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1945, p. 281. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle PP, suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte. Par ailleurs, j’aimerais remercier ma collègue Denise Brassard d’avoir lu et si généreusement commenté une version antérieure de cet article.
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[2]
Jean-Paul Daoust, Les cendres bleues, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. « Poésie », 1998, p. 42.
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[3]
Il existe, bien entendu, la possibilité de l’enfant qui grandit dans un univers sans ou avec très peu de contacts humains. Les célèbres cas des « enfants sauvages », Victor de l’Aveyron et Kaspar Hauser, entre autres, ont déjà été étudiés en rapport avec l’acquisition du langage. Un autre exemple, plus tragique, est fourni par David Leavitt dans The Lost Language of Cranes. Le narrateur raconte l’histoire d’une mère qui prive son enfant de presque tout contact, ne lui fournissant que le strict minimum pour assurer sa survie. Coupé de l’univers humain, l’enfant passe ses journées dans son lit à regarder les grues en train de construire des tours d’habitation. Quand les autorités le découvrent enfin, l’enfant ne parle pas et ne réagit pas à leur présence. Il communique plutôt avec les grues à l’extérieur en levant ses bras et en bougeant de manière machinale. Placé en famille d’accueil, l’enfant est privé de ce contact, de son « langage des grues » et, se trouvant sans repère, dépérit. Voir David Leavitt, The Lost Language of Cranes, New York, Knopf, 1986.
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[4]
Marcel Proust, Journées de lecture, Paris, UGE, 1993. Voir en particulier « Journées de lecture », p. 17-58.
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[5]
David Leavitt, op. cit.
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[6]
Maxime Gorki, Enfance, Paris, Éditions Gallimard, 1959.
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[7]
Michel Marc Bouchard, La poupée de Pélopia, Montréal, Leméac, coll. « Théâtre/Leméac », 1985.
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[8]
Id., Les muses orphelines, Montréal, Leméac, coll. « Théâtre », 1989.
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[9]
Id., L’histoire de l’oie, Montréal, Leméac, coll. « Théâtre jeunesse », 1991. Désormais, les références à cette pièce seront indiquées par le sigle HO, suivi du folio, et placées entre parenthèses dans le texte.
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[10]
Les premières représentations publiques de la pièce ont eu lieu en 1990, au Théâtre de la Ville, à Longueuil. Depuis cette date, la pièce continue de jouer sur des scènes à travers le monde. Elle a été traduite en anglais, en espagnol et en allemand et a été couronnée de plusieurs prix internationaux.
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[11]
Michel Marc Bouchard et Les Deux Mondes, L’histoire de l’oie, bande vidéo, 56 min 30 s. Notons que je mène mon analyse surtout à partir de cette bande vidéo de la production des Deux Mondes. Or, comme le fait remarquer Michel Marc Bouchard dans l’entretien qui accompagne ce dossier, la mise en scène d’un univers théâtral n’est pas uniquement le fait du dramaturge, mais relève aussi des talents des professionnels de la scène et de leur interprétation du texte théâtral. Le choix de cette production est motivée d’une part par l’excellence de sa conception et, d’autre part, par le nombre impressionnant de représentations — 509 à ce jour — et ce, depuis maintenant 15 ans.
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[12]
Pour une étude de quelques manifestations littéraires de cette défaillance, représentées surtout par des perturbations linguistiques dans le texte (la répétition, la permutation, la suppression), voir Geoffrey Hartman, « On Traumatic Knowledge and Literary Studies », New Literary History, no 26, 1995, p. 537-563. À propos de ces manifestations dans la représentation et dans le texte dramatiques, voir Shawn Huffman, « Modalities of Mourning : Lamentation and Traumatic Grief in the Theater of Normand Chaurette », Québec Studies, no 37, 2004, p. 63-78.
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[13]
La version filmique de cette pièce, réalisée par Tim Southam pour Galafilm et Triptych Media, emploie un mode réaliste pour raconter l’histoire, fait abstraction de l’espace de l’enfance comme espace de la mémoire. Elle passe sous silence les difficultés émotives associées à cet espace et, surtout, ne réussit pas à évoquer l’enfermement qui caractérise l’enfance de Maurice.
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[14]
Voir Cathy Caruth, Unclaimed Experience. Trauma, Narrative and History, Baltimore/Londres, Johns Hopkins University Press, 1996.
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[15]
Plus tard dans la pièce, quand il amène Teeka à l’intérieur de la maison pour la première fois, Maurice l’avertit : « Fais attention, il y a des serpents, des sables mouvants, des insectes qui tuent… » (HO, 29)
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[16]
Georges Forestier, Le théâtre dans le théâtre. Sur la scène française du xviie siècle, Genève, Droz, 1996, p. 89-124.
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[17]
Voir, par exemple, Les feluettes ou La répétition d’un drame romantique, Montréal, Leméac, coll. « Théâtre/Leméac », 1987.
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[18]
Évidemment, à la lecture de la pièce, on le sait dès le début, grâce aux didascalies. Cependant, dans la version scénique, le lien entre Maurice adulte et Maurice enfant doit être signalé par d’autres moyens.
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[19]
Un autre élément qui exprime le corps de la mémoire est l’importance accordée à l’imagination dans la scène enchâssée. Représentée surtout par les bandes dessinées et les références à Tarzan, il s’agit de la seule échappatoire dont bénéficie Maurice. De fait, le besoin de s’évader de la violence de sa famille devient si grand qu’il désire que son univers imaginaire supplante le « réel ». Sa première invocation de Bulamutumumo, par exemple, révèle un enchevêtrement important entre la réalité de l’espace-temps de la scène insérée et l’imaginaire de Maurice enfant. Ce « transport » désiré vers un espace-temps autre reproduit, semble-t-il, celui qui est entrepris par Maurice adulte dans la scène cadre afin de revisiter la scène de sa perte. Toutefois, si lors du retour en arrière Maurice tâche de revisiter et de faire voir une scène de perte, l’univers de Tarzan constitue, d’une part, un moyen de défense psychique contre les agressions de ses parents et, d’autre part, un fantasme d’identification, Tarzan étant orphelin.
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[20]
Dans les scènes qui se déroulent à l’intérieur de la maison, ce n’est pas l’acteur qui manipule la marionnette, mais bien Patricia Leeper, une marionnettiste professionnelle. Malgré cela, la voix de la marionnette demeure tout de même celle de l’acteur qui joue le rôle de Maurice adulte.
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[21]
Pour une analyse de cette idée, voir Jean-Cléo Godin et Dominique Lafon, Dramaturgies québécoises des années quatre-vingt, Montréal, Leméac, coll. « Théâtre Essai », 1999, p. 84-85. Par ailleurs, ce procédé n’est pas sans rappeler d’autres textes dans lesquels un enfant tâche, sans beaucoup de succès, de déchiffrer les signes d’un univers adulte. Pensons à What Maisie Knew de Henry James ou, dans un contexte québécois, à la nouvelle Julie de René-Daniel Dubois. Cette technique met en relief la complexité, et parfois l’absurdité, du corps social adulte.
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[22]
« Tout mon travail », écrit Bouchard, « a été de chercher une issue pour Maurice […]. Il trouve en partie une solution réelle en se soumettant aux coups, en investissant dans le vil troc que ces coups lui procurent. » (HO, 7 ; nous soulignons.)
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[23]
L’histoire de l’oie [Dossier de presse. sd, sl, 20 pages non numérotées], p. 9.
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[24]
Rappelons que la crypte, selon Jacques Derrida, « n’est pas un lieu naturel, mais l’histoire marquante d’un artifice, une architecture, un artefact : d’un lieu compris dans un autre mais rigoureusement séparé de lui ». Voir Jacques Derrida, « Fors », préface à Nicolas Abraham et Maria Torok, Le verbier de l’homme aux loups, Paris, Aubier Flammarion, 1976, p. 12. C’est l’auteur qui souligne.
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[25]
Je tiens à remercier Yves Dubé qui a aimablement autorisé la reproduction de ses photographies.