Écritures francophones. De l’étrangeté de la langue à l’étrangeté de l’écriture[Notice]

  • Isaac Bazié

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  • Isaac Bazié
    Université du Québec à Montréal

Le monde francophone fait partie de ces espaces idéologiques et culturels qui ne cessent d’être fréquentés, traversés de toutes parts par des réflexions aussi diverses que le phénomène lui-même, espace critiqué, démenti et revendiqué. Les travaux et prises de position sur le sujet sont si nombreux que l’on se demande de quelle manière la réflexion sur la francophonie pourrait avoir lieu sans sacrifier à l’autel des lieux communs d’une diversité devenue mot d’ordre, afin de rendre compte de productions littéraires dont l’usage de la langue française constitue souvent l’unique dénominateur commun. C’est ce défi de l’originalité, mais aussi de la complexité dans les approches, que relève l’ouvrage collectif Écrire en langue étrangère. Interférences de langues et de cultures dans le monde francophone . Face à l’impressionnante édition qui réunit en plus de 500 pages les réflexions de quelque 30 chercheurs autour de la problématique des littératures francophones, l’espoir d’une réflexion cohérente sur la francophonie, qui semblait a priori trouver une balise dans le fait que l’on se limite à la littérature, semble perdu d’avance. La multitude des contributions est-elle gage d’une meilleure appréhension de la francophonie littéraire ? Qu’est-ce qui relie ces réflexions dont le propos affiché est d’illustrer l’écriture dans le monde francophone ? Pour peu que l’on connaisse le champ d’étude et la quasi aporétique question de ses assises théoriques, on ne peut qu’abonder dans le sens des coordonnateurs de cet ouvrage collectif : la diversité des contributions offre une occasion de réfléchir à partir de différents points de vue sur ce phénomène complexe . Mais au-delà de cette première impression — somme toute rassurante en ce qu’elle dénote un souci de l’exhaustivité et de la profondeur —, c’est aux cheminements particuliers autour des oeuvres travaillant la problématique de l’écriture en langue étrangère qu’il faut s’attarder une fois que l’on s’est situé sur la carte de ce monde francophone. Ainsi, on peut dire que chacun de ces cheminements théoriques et critiques, en s’attardant à un auteur ou à une approche, contribue à marquer des repères, à mettre des accents sur cette étendue francophone qui, derrière des façades de familiarité, cache des reliefs parfois déroutants. Il est donc pertinent de revenir au titre de l’ouvrage pour relever ces repères et se montrer sensible à ces accents. Ainsi, on pourrait se dire que chacun des collaborateurs travaille sur le même intitulé — « écrire en langue étrangère » —, en accentuant différemment l’un ou l’autre de ses aspects. Il faudra d’abord insister sur le fait « d’écrire en langue étrangère », option qui permet de réfléchir sur la grande catégorie des productions issues d’un contexte où la langue française se perçoit dans une sorte d’étrangeté radicale en raison de la présence d’autres langues et de pratiques culturelles locales très différentes de celles véhiculées par le français. On peut insister en deuxième lieu sur la notion d’étrangeté même — « écrire en langue étrangère » — mise en évidence dans les productions littéraires à l’étude. Cette deuxième orientation du propos aura des conséquences d’ordre taxinomique sur la perception des écritures francophones dans le champ de la littérature en général. La première partie du volume, qui s’intitule « Les passages à d’autres langues », peut se lire comme une invitation à réfléchir sur les ruptures radicales issues de cette traversée et qui donnent lieu à des productions littéraires dans une langue « seconde ». Les contributions que l’on y retrouve vont de la problématique de l’étrangeté de la langue en lien avec le statut de l’écrivain québécois (Lise Gauvin) aux modalités de la réception des textes qui portent le sceau, plus ou …

Parties annexes