Résumés
Résumé
Les sécheresses s’invitent partout, plus fréquemment et intensément. La récurrence de celles-ci contribue à l’urgence climatique. L’une et l’autre sont reconnues. Mais cela enclenche-t-il une anticipation politique et un management public des épisodes de déficit hydrique ? La Belgique possède un système de planification d’urgence et de gestion de crise bien rôdé et régulièrement mis en œuvre pour des incidents inopinés, mais qui semble peu adapté à des risques émergents et progressifs comme les sécheresses. À travers les retours d’expérience de professionnels de la gestion de crise à un échelon local, cette étude offre une image critique de la perception de ce phénomène au sein du management de crise et propose quelques pistes d’amélioration de la gestion des déficits hydriques. L’analyse des entretiens a mis en évidence que : (1) la gouvernance multiniveau dans un régime politique fédéral comportant une répartition complexe des compétences rend difficile une action publique concertée face à un risque aux impacts multiples ; (2) la préoccupation envers les sécheresses est fortement dépendante des conséquences réellement perceptibles sur le territoire étudié ; (3) la sécheresse est perçue davantage comme un événement météorologique ponctuel que comme une urgence climatique synonyme de crise potentielle à planifier. Cette étude révèle néanmoins une prise de conscience accrue des acteurs de terrain quant à la nécessité d’agir face aux sécheresses via une optimisation des administrations publiques, des seuils d’alerte et des plans particuliers d’urgence et d’intervention. Il demeure une difficulté majeure : transformer cette prise de conscience en une mise à l’agenda politique, étape indispensable pour une gestion globale et durable des sécheresses.
Mots-clés :
- sécheresse,
- changement climatique,
- politiques publiques,
- gestion de crise,
- planification d’urgence,
- gouvernance,
- retours d’expérience,
- Belgique,
- acteurs
Abstract
Droughts are becoming more frequent and intense everywhere. The recurrence of these events contributes to the climate emergency. Both are recognised. But does this lead to political anticipation and public management of water scarcity? Belgium has a well-developed emergency planning and crisis management system that is regularly implemented for unexpected incidents, but which appears to be poorly adapted to emerging and slow-onset risks such as droughts. Through the feedback of crisis management professionals at a local level, this study provides a critical view of the perception of this phenomenon within crisis management and proposes some ways of improving the management of water deficits. Analysis of the interviews showed that: (1) multi-level governance in a federal political system with a complex distribution of competences complicates concerted public action in response to a risk with multiple impacts; (2) interest in droughts is highly dependent on the consequences effectively felt in the territory studied; (3) drought is perceived more as a one-off meteorological event than as a climatic emergency synonymous with a potential crisis to be planned. Nevertheless, this study reveals a growing awareness of actors on the field about the necessity to act towards droughts through the optimisation of public administrations, alert thresholds and specific emergency and intervention plans. A major difficulty remains: transforming this awareness into a political agenda, an essential step for a global and sustainable drought management.
Keywords:
- drought,
- climate change,
- public policies,
- crisis management,
- emergency planning,
- governance,
- local feedbacks,
- Belgium,
- actors
Corps de l’article
Contexte et objectifs
Les étés 2022 et 2023 marquent un tournant médiatique dans la perception des sécheresses en Europe. Qui n’a pas été tétanisé devant l’ampleur des flammes ravageant des forêts entières en France (de l’ordre de 72 000 hectares en 2022 ; Cayeux, 2022) ? Qui n’a pas été surpris par l’assèchement historique de certains tronçons du Rhin, l’un des plus grands fleuves européens ? Qui avait imaginé des températures records dignes d’un climat « désertique » – plus de 40°C – au Royaume-Uni (Press Office, 2022) ou encore un été qui n’en finit plus avec le mois de septembre 2023 le plus chaud jamais enregistré en France (dont un épisode de chaleur de huit jours avec des températures de 4 à 7°C au-dessus des normales ; Météo France, 2023) comme dans de nombreux pays européens et à l’échelle mondiale (Copernicus, 2023) ? Et ces importants déficits hydriques – qui ont suscité l’inquiétude quant à l’approvisionnement en eau et affecté fortement les rendements de nombreuses cultures en Europe (Toreti et al., 2022a) – se sont également multipliés ailleurs dans le monde, de la Chine (Toreti et al., 2022b) aux États-Unis (Campbell, 2022).
Les sécheresses s’invitent partout et ce n’est qu’un début comme le martèle le sixième rapport du GIEC ou le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNDRR) dans son dernier bilan mondial (figure 1). Les prévisions indiquent une augmentation de la fréquence et de l’intensité des déficits hydriques avec un degré de certitude important (IPCC, 2021 ; UNDRR, 2022).
En Belgique, les sécheresses ne sont pas nouvelles. De nombreuses anomalies de cumuls de précipitations inférieurs à la normale ont en effet été mesurées par le passé. Pas systématiquement d’une forte intensité, ces conditions climatiques anormales impactent néanmoins souvent l’ensemble ou une grande partie du pays, avec des conséquences différentes selon la nature et l’occupation du sol, la présence de ressources en eaux ou encore le contexte socio-économique du territoire (Thibaut et Ozer, 2021). Cependant, la particularité de ce premier quart du 21e siècle est la répétition de déficits hydriques importants, signe d’un phénomène de plus en plus prégnant. Sur les six dernières années, quatre (2018, 2019, 2020 et 2022) ont connu des sécheresses importantes en Belgique. La récurrence de ces événements extrêmes contribue à l’urgence climatique.
Une sécheresse est un événement climatique, mais c’est aussi un fait social : ses conséquences dépendent fortement du contexte environnemental, mais aussi politique et sociétal. Les angles d’analyse d’une sécheresse sont multiples. Les épisodes sévères de déficit en eau impactent à des degrés divers un grand nombre de secteurs d’activités, par exemple l’agriculture, la distribution d’eau potable, le tourisme ou encore la production d’hydroélectricité (Maes et al., 2020 ; American Planning Association, 2019 ; Stahl et al., 2016). Depuis le début du 21e siècle, les politiques publiques de l’eau ont fait l’objet d’analyses, y compris en Belgique (Payen et Fonlladosa, 2017 ; Aubin et Varone, 2001). Mais les constats sur la sécheresse imposent d’interroger davantage les futures politiques publiques afin de limiter les incidences négatives du manque d’eau sur l’environnement et la population.
L’urgence climatique à laquelle est associée la problématique de déficit hydrique est reconnue comme un défi absolu pour le devenir de notre planète. Les analyses par les climatologues abondent dans ce sens. Mais qu’en est-il concrètement du point de vue du management de crise et de l’anticipation politique face à ce risque de sécheresse ? Y a-t-il un effort de planification publique face à l’urgence climatique ? N’est-ce pas là que se situe l’urgence : dans l’amélioration de la prise en charge publique des épisodes réguliers de sécheresse ? C’est l’angle d’analyse de cet article, articulant une approche par les sciences du climat et une approche par l’analyse des politiques publiques. Plus précisément, nous investiguons la place qu’occupe l’extrême météorologique qu’est la sécheresse dans le système belge de la planification d’urgence et de gestion de crise (dit PLANU).
L’organisation stratégique et opérationnelle en matière de sécurité en Belgique existe légalement depuis 2003[1]. Elle a évolué en fonction des expériences et catastrophes vécues[2]. Cette action publique – indispensable pour une optimisation de la prévention et une gestion efficiente d’une crise – est régulièrement mise en œuvre. Néanmoins, les phénomènes émergents tels que les sécheresses présentent des caractéristiques complexes : cinétique lente, impacts progressifs et multidisciplinaires, persistance longue, large étendue spatiale (Canovas, 2016 ; Wilhite et Glantz, 1985). Ces caractéristiques sont différentes des phénomènes inopinés et ponctuels (déraillement de train, inondation, attentat terroriste, et cetera) que les acteurs de la PLANU ont dû gérer jusqu’ici. La sécheresse ne semble pas (encore) entrer facilement dans le carcan organisationnel des crises habituellement gérées en Belgique francophone.
De plus, le contexte institutionnel du pays – fédéralisation du pouvoir, éclatement des compétences – freine une gestion proactive globalisée et cohérente du risque de sécheresse. La PLANU implique une gouvernance multiniveau. Celle-ci est classiquement définie comme l’interpénétration de plusieurs échelons de gouvernance (Hooghe et Marks, 2001). La définition inclut la coordination de différents acteurs autour d’objectifs collectifs. Concrètement, en cas de risque avéré, une montée en puissance de l’action publique peut être décidée depuis le bourgmestre (id est le maire) vers le gouverneur de province jusqu’au ministre fédéral de l’intérieur. C’est souvent à l’échelon local que la planification d’urgence est d’abord mise en œuvre et que la gestion de crise débute. L’objectif de cet article est donc d’évaluer, à un échelon local, la perception des sécheresses par les acteurs de la PLANU. Comment le risque de sécheresse est-il appréhendé à ce jour ? Est-il géré et, si oui, par qui ? Quelles mesures – préventives, adaptatives, réactives – sont ou devraient être mises en œuvre ?
C’est par les retours d’expérience d’acteurs de ce système qu’une tentative de réponse à ces questions est apportée. Selon Mbaye et al. (2009), le retour d’expérience a en effet cette particularité d’être « une activité de construction de sens pour améliorer la représentation qu’ont les gens des risques et de leurs comportements de sécurité » (p. 6). Le retour d’expérience consiste donc à s’intéresser à une thématique ou un fait vécu et à en obtenir une image du déroulement, du contexte, des motivations, mais aussi du ressenti des acteurs concernés, dans le but d’optimiser sur « les plans humains, organisationnels et techniques » (Direction de la Défense et de la Sécurité civiles, 2006, fiche n°1-1, p. 1) le fonctionnement de la gestion d’une crise.
À travers des entretiens avec des professionnels de la gestion de crise (volontairement sélectionnés à des échelons locaux pour une proximité avec la gestion active du risque auprès de la population), nous avons récolté des récits relatant leurs vécus et leurs perceptions des épisodes récents de sécheresse au sein de leur institution. Ces retours d’expérience – véritable moteur d’apprentissage du cycle de gestion du risque (Thiry et al., 2019) – nous ont offert une image de la considération des sécheresses dans le paysage du management des risques. Ils ont également permis la mise en évidence de quelques processus pouvant améliorer à l’avenir la gestion de ce phénomène météorologique.
Après cette mise en contexte et la définition des objectifs, l’article fait le point sur les grands principes du système belge de planification d’urgence et de gestion de crise. Il définit les notions au cœur du système : risque, catastrophe et crise. Il détaille les méthodes de collecte des données auprès des acteurs de terrain et d’analyse de leurs récits. Il se conclut par une discussion des résultats et des pistes d’amélioration.
Notions et principes de la planification d’urgence et de la gestion de crise en Belgique
La Belgique n’est pas considérée comme une zone à haut risque d’évènements naturels : aucun volcan n’est présent sur son territoire, le risque de tsunami est quasiment nul, le relief est peu élevé sans aucune haute montagne, le climat est relativement clément, les accès aux besoins primaires sont assurés et les infrastructures de soins sont développées et accessibles. Cette image de pays où il fait bon vivre est soutenue par les résultats repris dans le World Risk Report 2021[3] qui classe l’Europe comme étant le continent au plus bas risque de catastrophe et la Belgique au 160e rang sur 181 pays avec un taux d’exposition considéré comme bas et un taux de vulnérabilité comme très bas (Aleksandrova et al., 2021). Cependant, cette évaluation – même si elle donne un aperçu plutôt réaliste de la situation de la Belgique par rapport à d’autres endroits du monde – doit être nuancée en termes de gestion de crise, car elle ne tient pas compte d’évènements d’origine anthropique qui sont susceptibles de créer un état d’urgence.
Comme tout autre pays, la Belgique doit gérer des risques (par exemple d’inondation en cas de forte pluie), des catastrophes (par exemple le fait qu’un barrage cède, inondant des villes et villages) et des crises (par exemple la contestation du management public des inondations). La différence entre les trois concepts a été posée depuis longtemps en analyse des politiques publiques. Le risque est généralement défini comme la probabilité d’un évènement futur, qu’il soit positif ou négatif (Short, 1984, p. 11). La catastrophe s’en distingue par son imprévisibilité et son ampleur en termes de mortalité. La crise implique une gestion politique et une mobilisation sociale qui amènent le risque ou la catastrophe à prendre une portée sociétale. Le risque ne consiste alors plus seulement en un aléa qu’il serait possible d’anticiper et de maîtriser : il fait aussi l’objet d’une construction sociale (Schiffino et al., 2009). La sécheresse est-elle perçue et construite comme un risque qu’il convient que les acteurs publics anticipent via des politiques publiques et un système d’action publique ?
Historiquement, la loi du 31 décembre 1963 sur la Protection civile a fait entrer la gestion des crises et des situations d’urgence dans les politiques publiques (Bair et Muselle, 2018). En 1988, un Centre de crise national (NCCN) a été créé au niveau fédéral[4] afin de coordonner la diffusion d’informations urgentes et d’organiser la gestion de situation de crise. Au début des années 2000, une obligation de réaliser des plans d’urgence par les autorités locales a complété la loi sur la Protection civile et un arrêté royal en 2003 a fixé les bases de la coordination lors de situations de crise nécessitant une gestion à l’échelon national. À la suite de la catastrophe de Ghislenghien[5] en 2004, un nouvel arrêté royal relatif aux plans d’urgence et d’intervention[6] a été promulgué. Il marque un tournant dans la planification d’urgence et la gestion de crise en organisant et en coordonnant les différents échelons de pouvoir et les disciplines, c’est-à-dire les différents services d’intervention que l’on classe en cinq catégories : opération de secours (D1), secours médicaux, sanitaires et psychosociaux (D2), police (D3), appui logistique (D4) et communication (D5). Enfin, cet arrêté est mis à jour en 2019 à la suite des attentats terroristes du 22 mars 2016 afin de faciliter la mise en œuvre des opérations.
La gestion de crise et la planification d’urgence en Belgique s’organisent aux niveaux communal (id est local, municipal), provincial et fédéral (Service public fédéral intérieur, 2013). Chaque commune et province doit mettre sur pied une cellule de sécurité dont les missions consistent à établir l’inventaire et l’analyse des risques sur son territoire, rédiger les plans d’urgence, procéder aux tests de ces plans et organiser l’information préalable sur la planification d’urgence. Ces cellules sont composées de l’autorité compétente – bourgmestre (maire) au niveau communal et gouverneur au niveau provincial –, d’un représentant de chaque discipline et du coordinateur chargé de la planification d’urgence. Au niveau fédéral, c’est le NCCN qui a la charge de ces missions pour les situations d’urgence à l’échelle nationale ou pour des thématiques spécifiquement liées aux compétences nationales comme le terrorisme ou le nucléaire.
Dans cette organisation, la réalisation des plans d’urgence est une étape primordiale pour déterminer les actions et les mécanismes de coordination à mettre en place lors d’une crise. Il en existe trois types[7] : (i) le plan d’urgence et d’intervention (PUI) qui organise la coordination stratégique et règle les grands principes de l’intervention multidisciplinaire ; il est « général » (PGUI) lorsqu’il définit les directives générales et les informations nécessaires à toute situation d’urgence, ou « particulier » (PPUI) quand il contient des dispositions additionnelles relatives à un risque spécifique, (ii) le plan monodisciplinaire qui règle les modalités d’intervention d’une seule discipline et (iii) le plan interne d’urgence qui détermine les mesures à prendre au sein d’une entreprise ou d’une institution en cas de situation d’urgence en son sein.
En cas d’évènements engendrant une gestion de crise, selon l’ampleur de la situation d’urgence, l’étendue géographique ou le type de faits, l’un des trois niveaux de pouvoir – via son représentant : le maire, le gouverneur ou le ministre de l’Intérieur – peut décider le déclenchement d’une phase d’intervention. Celle-ci s’opère à deux niveaux pour limiter les conséquences de la situation d’urgence : la coordination opérationnelle et la coordination stratégique. L’opérationnel – directement assuré par les disciplines – a pour mission d’organiser les interventions sur le terrain. Le stratégique a pour mission d’évaluer la situation dans sa globalité, de veiller à une mise en œuvre coordonnée des actions, d’assurer la sécurité de la population, de l’informer et de prendre les décisions nécessaires permettant un retour à une situation normale. Le niveau stratégique est assuré par un comité de coordination présidé par l’autorité compétente – bourgmestre, gouverneur ou ministre de l’Intérieur selon l’ampleur de la crise – et composé des représentants stratégiques des disciplines, des coordinateurs de la planification d’urgence et, le cas échéant, d’experts ou d’autres acteurs impliqués.
La Belgique est un État fédéral avec de nombreuses compétences dévolues aux régions. Certaines compétences, comme les politiques de l’environnement, de l’eau, de l’agriculture ou encore de la conservation de la nature ont des liens importants avec la sécheresse. Néanmoins, les textes légaux en vigueur en matière de PLANU et de gestion de crise adoptés à l’échelon fédéral ne considèrent pas le niveau de pouvoir régional comme un intervenant officiel. L’arrêté royal du 22 mai 2019 relatif à la PLANU ne mentionne en effet que les trois niveaux suivants : communal, provincial et fédéral. Cependant, l’échelon régional peut, dans le cadre de la gestion d’une crise pour laquelle des compétences régionales seraient impactées, participer à la coordination. Les ministres régionaux compétents peuvent être présents dans les organes stratégiques ; les régions peuvent mettre à disposition l’expertise de leurs services et de leurs agents, selon le domaine concerné.
Concernant la Wallonie, l’une des trois régions belges au sein de laquelle s’est concentrée notre étude, il est important de savoir que, parallèlement aux politiques de planification d’urgence et de gestion de crise présentées ci-avant, plusieurs initiatives ont été mises en place pour gérer, informer ou encore limiter les incidences des sécheresses. Notamment la création d’une cellule spécifiquement dédiée aux sécheresses au sein du Centre Régional de Crise de Wallonie[8] (CRC-W). Cette dernière, activée selon les conditions météorologiques, a « pour objectif de réaliser une analyse globale de l’impact d’une sécheresse dans différents domaines et de proposer des mesures relevant des compétences régionales pour préserver la ressource en eau » (Thibaut et Ozer, 2021, p. 520). Notons également l’élaboration du « Dispositif sécheresse pour la Wallonie » (DSW) dont l’objectif est de préserver les ressources hydriques ou encore la création d’un « Schéma régional des ressources en eau » (SRRE) dont le but est d’assurer un approvisionnement permanent et durable en eau de distribution (Maes et al., 2020).
En conséquence, comprendre si la sécheresse est construite ou non comme une urgence PLANU implique de comprendre si la sécheresse est (aussi ou plutôt) construite comme une urgence climatique dans le cadre de l’action publique environnementale d’un niveau de pouvoir – en l’occurrence, les régions – qui acquiert de plus en plus de compétences dans le cadre de la fédéralisation belge.
Méthodes de collecte et d’analyse des entretiens
Collecte des données à travers les retours d’expérience
Des entretiens exploratoires auprès d’acteurs PLANU ont été réalisés afin de recueillir leurs retours d’expérience au sujet d’épisodes de sécheresse vécus récemment. Les entretiens se sont déroulés entre mai et août 2020 en mode « semi-dirigé ». Ce type d’entrevue consiste à élaborer, au préalable, un guide d’entretien – véritable fil conducteur de l’échange, composé d’une grille de questions logiques et cohérentes qui peuvent être abordées sans ordre défini – et à conduire ensuite l’interview sur le mode de la conversation informelle en laissant de la liberté au répondant. L’instauration d’un climat de confiance avec les participants ainsi qu’une écoute active telle que recommandée par Fortin et Gagnon (2016) ont permis d’approfondir la thématique à partir des dialogues menés et d’obtenir des résultats pertinents.
Le guide d’entretien (annexe 1) était divisé en quatre étapes contenant chacune une ou plusieurs questions permettant d’apporter des éléments de réponse à l’interrogation principale de départ. (i) La première partie était constituée d’une question introductive de présentation pour permettre à l’informateur de s’installer confortablement dans l’interview. (ii) Une deuxième partie relative au vécu des crises de sécheresse s’intéressait aux impacts observés, aux mesures prises et à l’implication citoyenne. (iii) La troisième partie relatait la gestion post-crise et les pistes d’amélioration. (iv) Enfin, une ultime question soulignant une certaine analogie entre les sécheresses et la pandémie de la COVID-19 visait à demander si cette dernière avait modifié leur manière d’appréhender une crise longue. Des sous-questions ou des points d’attention étaient également présents dans le guide d’entretien afin de s’adapter plus facilement et mieux réagir aux réponses des interlocuteurs.
Le cadre spatio-temporel dans lequel se déroulent les entretiens doit permettre aux interviewés de se sentir à l’aise et prêts à divulguer leurs savoirs. Dans le contexte de la crise du coronavirus, les périodes de confinement ou de restrictions de contact ont été concomitantes avec la phase des entretiens exploratoires. En conséquence, les entrevues se sont faites par vidéoconférence. Après un premier contact par mail précisant le but de l’étude, les participants fixaient eux-mêmes la date et l’heure de l’entrevue – ainsi que, par corollaire, le lieu (domicile, lieu de travail ou autre) – afin d’assurer un entretien de qualité. Cette manière de procéder n’a pas suscité de contrainte majeure et a permis des interactions constructives entre l’intervieweur et l’interviewé. De plus, les outils de discussion par vidéo le permettant facilement, tous les entretiens ont été enregistrés après accord des participants. Cela a facilité le post-traitement des informations et a permis, lors des entretiens, une attention exclusive sur les propos de l’interviewé.
Afin de prendre en compte – dans le matériau analysé – l’épisode de sécheresse de l’été 2022 et les éventuelles évolutions quant à la gestion de ce risque depuis les entretiens réalisés en 2020, un complément d’enquête sous la forme d’un bref questionnaire a été envoyé par courriel aux interviewés (annexe 2). Celui-ci avait pour objectif de vérifier si un plan d’urgence spécifique aux sécheresses avait été élaboré ou était envisagé sur leur territoire. Dans la négative, il leur était demandé quels étaient les principaux freins à la non-réalisation de ce plan et s’ils envisageaient cette thématique dans un plan global traitant des conséquences du changement climatique.
Deux éléments ont guidé le choix des informateurs : d’une part, permettre de situer le risque de sécheresse dans le système de la planification d’urgence et de la gestion de crise, et d’autre part, d’en connaître la perception à un échelon local. Les interviewés ont donc été sélectionnés parce qu’ils occupaient la fonction de « coordinateur planification d’urgence » au sens de l’arrêté royal du 22 mai 2019[9] au sein d’une municipalité ou des services provinciaux. Ces personnes ne sont pas des experts des sécheresses, mais, selon les catégories d’interlocuteurs de Van Campenhoudt et Quivy (2011), il s’agit de témoins privilégiés, avec plus ou moins de connaissances sur la thématique par leurs expériences ou formations. Ils sont, dans tous les cas, concernés par celle-ci grâce à leur fonction.
Le but de l’enquête n’est pas d’obtenir des statistiques ou des données exhaustives sur la gestion des sécheresses en interrogeant toutes les provinces et communes du pays, mais plutôt de récolter des informations qualitatives auprès de quelques acteurs clés et de mettre en avant des tendances et des pistes de réflexion en lien avec le sujet. Le nombre d’interviews envisagé était dès lors de minimum cinq et maximum dix. Quatre provinces et six communes de la Région wallonne (partie francophone de la Belgique au sein de laquelle s’est concentrée l’étude), toutes impactées à des degrés divers par un épisode de sécheresse ces dernières années, ont été contactées. Trois provinces et deux communes ont répondu favorablement. Deux entretiens ayant été réalisés pour une des provinces, un total de six entrevues par vidéoconférence compose le matériau à analyser. Les caractéristiques relatives aux interviews et aux participants sont reprises au tableau 1. Les participants ont été anonymisés à l’exception de l’échelon institutionnel – provincial ou communal – auquel ils étaient attachés.
Les discours collectés sont représentatifs de la diversité des situations rencontrées en matière de sécheresse au sein du secteur de la PLANU car les personnes interrogées ont, sous leurs prérogatives, des territoires couvrant une large superficie de la Wallonie et sur lesquels les impacts de ce phénomène météorologique sont diversifiés (agriculture, eau de distribution, barrages, feux de forêt, tourisme, et cetera.). De plus, ces personnes ont toutes un profil professionnel et expérimenté qui en font des sources représentatives par rapport à la problématique étudiée. Rappelons également que le contexte particulier dans lequel les demandes d’interview ont été formulées – pendant la première vague européenne de pandémie de COVID-19 – a freiné l’obtention de réponses positives à nos demandes d’entretien. Les coordinateurs de la PLANU et de la gestion de crise étaient en effet fortement sollicités par cette crise[10], surtout au sein des communes où cette fonction n’est souvent occupée que par une seule personne.
Enfin, la réalisation des entretiens et de l’enquête complémentaire à des moments différents de l’année durant lesquelles le déficit hydrique était absent ou présent avec une intensité variable, n’a pas influencé le propos des coordinateurs de la PLANU pour plusieurs raisons. D'une part, il s'agit d'agents qui ont une vue globale sur le long terme des situations à risque et qui ne sont pas des managers de terrain, limitant ainsi l'impact de la réalité météorologique du moment. D'autre part, les agents ont une connaissance de la dynamique lente de la sécheresse et certains en ont déjà vécu sur leur territoire. Ajoutons finalement que, lors des premiers entretiens en mai 2020, une période de chaleur et de déficit pluviométrique était justement en cours, réduisant le potentiel écart de perception de la sécheresse avec les mois de juillet et d’août 2020 durant lesquels les derniers entretiens ont été effectués.
Analyse des données
Selon Kaufmann (2007), l’objectif d’une analyse de données est de réduire la complexité du réel. En gardant ce principe à l’esprit, la méthodologie d’analyse appliquée dans cette étude a compris deux étapes : (i) la préparation et l’organisation des informations et (ii) la mise en relation de ces informations. Pour rappel, les données brutes correspondent aux propos complets des informateurs récoltés lors des interviews et conservés sous forme d’enregistrements vidéo. Il a été décidé de travailler directement à partir des enregistrements. Ce choix permettait de conserver les intonations, les rythmes et le visuel de l’échange. Bien que cette méthode fasse gagner du temps en évitant le travail fastidieux de la retranscription complète, il a nécessité plusieurs écoutes attentives des interviews pour en tirer les principes substantiels.
La première étape d’analyse s’est construite en trois temps. Tout d’abord, durant l’interview elle-même, une prise de notes brève et instantanée – via des mots clés – des éléments jugés parlants à propos de la thématique a été réalisée. Ensuite, une seconde phase constituée d’une écoute minutieuse du matériau avec de nombreux « retours en arrière » sur les enregistrements a été effectuée pour permettre une retranscription partielle des informations apportées par les enquêtés. Des fiches – une par interview – préalablement décomposées en plusieurs sections en lien avec les questions du guide d’entretien ont facilité la synthèse des données. Enfin, à la lumière de l’entièreté des entretiens, certains passages ont été réécoutés pour mieux cerner le propos de l’informateur.
La deuxième étape de la méthode d’analyse avait pour objectif de faire apparaître les liens – ou l’absence de lien – à la fois entre les propos des différents entretiens et au sein d’une même interview, voire entre les échelons de pouvoir interrogés (province et commune). À partir des fiches réalisées lors de l’étape précédente et des mots clés identifiés qui forment la moelle épinière condensée du matériau, diverses relations de natures différentes telles que la récurrence, la convergence, la divergence, l’opposition, la corrélation ou encore la causalité, ont été identifiées, tel que préconisé par l’analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2021). Ce travail d’analyse a permis de révéler des composantes utiles à une explication du questionnement de départ et a apporté un regard nouveau sur la problématique étudiée.
Présentation des résultats
Les résultats de l’analyse des entretiens et de l’enquête complémentaire menés auprès des coordinateurs de la PLANU et de la gestion de crise sont présentés ci-après en organisant ceux-ci selon les principaux thèmes abordés lors des interviews. Ils sont illustrés avec des extraits verbaux. Nos résultats de recherche montrent qu’une complexe gouvernance multiniveau et une absence de mobilisation sociale freinent la mise à l’agenda, par les acteurs publics, de la sécheresse comme étant une urgence climatique.
Rôle des coordinateurs PLANU
La fonction de coordinateur de la planification d’urgence et de la gestion de crise est, dans les grandes lignes, relativement semblable entre les provinces et les communes. Deux axes de travail peuvent être identifiés : la planification d’urgence et la gestion de crise. Le premier axe concerne les missions hors crise et consiste principalement, sur la base d’une analyse des risques sur le territoire concerné, à élaborer les plans d’urgence et d’intervention en impliquant dans la démarche les disciplines et autres acteurs impactés par la thématique. L’organisation d’exercices et de retours d’expérience ou encore la validation de plans d’urgence pour des manifestations rassemblant de nombreuses personnes sont des tâches entrant dans cet axe. Le deuxième axe se focalise sur la gestion d’un épisode de crise au moment où celui-ci se déroule. Les fonctionnaires PLANU interviennent, dans ce cas, au niveau du volet stratégique de la gestion de crise comme conseillers du gouverneur ou du bourgmestre et participent activement à la communication vers la population.
Les différences entre les coordinateurs à l’échelon provincial et communal se situent principalement au niveau de l’étendue du territoire à surveiller (et par corollaire, du nombre de risques à considérer), de la disponibilité temporelle à cette fonction[11] et de la position dans l’organigramme des obligations.
« Mon rôle au quotidien, c’est l’organisation, la coordination, de la planification d’urgence sur l’ensemble du territoire. […] Cela signifie coordonner les 69 communes et les 69 planificateurs d’urgence des communes, mais ça signifie aussi un travail de coordination avec le niveau fédéral puisque la planification d’urgence-gestion de crise est une matière liée au SPF Intérieur, et donc, les obligations viennent du fédéral vers les gouverneurs et vers les communes. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 29 mai 2020)
Les services PLANU provinciaux ont donc un rôle de coordination entre le fédéral et les communes pour lesquelles ils peuvent apporter leur soutien. Les communes sont, quant à elles, le relais principal vers la population. Dans cette structure, l’échelon régional n’apparaît pas alors même que la Belgique est un État fortement fédéralisé.
« Le régional n’a pas un rôle vraiment officiel dans la planification d’urgence et la gestion de crise. Il est en place de facto […] finalement, plus rapidement que les textes [légaux] parce que les réformes de l’État font qu’un certain nombre de matières ont été régionalisées. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 29 mai 2020)
Cette particularité – cause potentielle de conflit et de mauvaise gestion de crise – est d’autant plus mise en exergue durant une sécheresse que les régions ont de nombreuses prérogatives sur des compétences fortement impactées par ce phénomène, telles que l’agriculture ou l’environnement.
Cette entrée en matière – lors des interviews – ciblée sur le rôle des coordinateurs met déjà en évidence de manière explicite une difficulté ou à tout le moins un questionnement des acteurs quant à l’organisation institutionnelle de la gestion de crise, notamment pour des évènements à la spatialité large et aux impacts multiples. La question de la gouvernance (multiniveau) abordée ensuite lors des entretiens confirme ce constat.
Niveaux de gouvernance
La gestion idéale d’une crise sous-entend une coordination optimale de tous les acteurs impliqués, aussi bien sur le terrain que dans la sphère des décisions stratégiques. Si l’organisation du système PLANU et de gestion de crise suit une structure descendante relativement classique du fédéral vers le communal en passant par l’échelon provincial, de nombreux risques – dont les extrêmes climatiques – ont des conséquences sur des matières gérées au niveau régional. C’est pourquoi le Centre Régional de Crise de Wallonie (CRC-W) a créé une cellule spécifiquement dédiée aux sécheresses. Bien que n’entrant pas dans l’organigramme décisionnel de la gestion de crise (ce qui dénote la position particulière des régions dans le système PLANU), cette cellule informe les services provinciaux de l’état de sécheresse sur le territoire wallon. Le suivi de cette problématique à l’échelon provincial est d’ailleurs souvent basé sur les informations fournies par le CRC-W.
Les avis des coordinateurs PLANU divergent à propos de cette structuration. Certains estiment que la collaboration avec le niveau de pouvoir régional est efficace et que le mode de fonctionnement avec eux est bon. Pour d’autres, l’absence du niveau régional dans les textes légaux relatifs à la PLANU et la gestion de crise, associée à une répartition des compétences sur plusieurs échelons du pouvoir, apporte son lot de complications. Ainsi, pour plusieurs coordinateurs, le niveau régional a une logique de prévention, et pas de planification et de gestion de crise. Cette scission est pointée comme une source de difficultés. De plus, il apparaît un manque de connaissance réciproque sur la manière dont chaque structure ou partenaire potentiel fonctionne en cas de crise. Les outils législatifs à la disposition de chaque niveau de pouvoirs sont également différents.
« Le rôle et les missions du centre de crise régional wallon sont un petit peu méconnus et peut-être aussi qu’il manque […] des leviers juridiques. […] Ils n’ont pas de compétences en matière d’ordre public. […] Ils n’ont pas la possibilité de mobiliser un comité de coordination, mobiliser les disciplines comme nous on le fait. Ce n’est pas prévu dans l’arrêté royal du 22 mai en 2019 sur la planification d’urgence. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 22 mai 2020)
Tous les coordinateurs insistent néanmoins sur le fait que travailler de manière concertée – tous les échelons de pouvoir avec leurs compétences et expertises propres – est indispensable, surtout sur une thématique transversale comme le risque de sécheresse. Ils s’accordent également tous et toutes pour dire que les services provinciaux sont un canal de communication privilégié du CRC-W pour atteindre les communes, et ce bien que les communes et les provinces soient sous tutelle des régions.
On constate donc que la structure fédérale du pays et la répartition complexe des compétences entre les niveaux de pouvoir – que ce soit pour les politiques relatives à la PLANU et à la gestion de crise ou relatives aux secteurs impactés par une sécheresse – sont de nature à rendre plus difficile une action globalisée et concertée à propos de ce risque. Les outils de gestion étant répartis entre les échelons décisionnels, il y a une forme de mise en tension des acteurs pouvant entraîner un certain immobilisme. La sécheresse n’est pas construite comme une urgence à planifier, car, au-delà des caractéristiques physiques de ce phénomène qui pourrait être davantage anticipé grâce aux outils de modélisation météorologique, la complexité de la gouvernance multiniveau disperse la responsabilité de l’anticipation entre différents acteurs publics.
Expérience des crises et des impacts
Ce phénomène de dispersion s’explique à son tour par le fait que les coordinateurs de la planification d’urgence et de la gestion de crise ou leur institution vivent différemment les récents épisodes de sécheresse, selon les territoires et les échelons interrogés. Le caractère prégnant des préoccupations liées à ce risque dépend souvent des impacts ou des conséquences réellement perceptibles. À ce sujet, une liste non exhaustive des impacts directs et indirects des sécheresses en Belgique selon leur typologie est présentée au tableau 2.
À propos de la perception de ce risque, les communes qui possèdent leur propre réseau de prélèvement et de distribution d’eau publique sont particulièrement sensibles aux fluctuations des niveaux d’eau des nappes souterraines en cas de sécheresse. Une des communes interrogées explique devoir faire venir régulièrement de l’eau potable par camion-citerne pour pallier les pénuries d’eau. Outre les plaintes de citoyens pour une qualité d’eau moins bonne ou un débit insuffisant et l’aspect environnemental controversé que suscite le transport routier, le surcoût engendré par cette solution d’urgence est non négligeable. Ces dernières années, le bourgmestre de cette commune prend chaque été un arrêté de restriction d’eau visant à interdire l’utilisation d’eau pour des usages non essentiels. En 2020, le PGUI communal a dû également être déclenché pour assurer le besoin prioritaire en eau de certaines infrastructures comme le Centre Hospitalier de l’entité. A contrario, la problématique liée aux sécheresses semble moins présente dans le chef des coordinateurs des communes où la distribution d’eau courante est assurée par une société de distribution (SWDE, Vivaqua, et cetera) qui possède de nombreux captages ou solutions d’approvisionnement en Wallonie et qui peut donc suppléer à des puits déficitaires isolés en cas de sécheresse. Dans ces communes, les incidences liées aux phénomènes de crues ou de vagues de chaleur sont beaucoup plus prégnantes. D’autre part, l’impact majeur d’une sécheresse sous nos latitudes, à savoir la détérioration des terres agricoles, est une compétence régionalisée et n’est donc pas directement géré par les services communaux de la gestion de crise.
Au niveau des provinces, le risque de sécheresse est suivi principalement par l’intermédiaire de la cellule « sécheresse » du CRC-W qui, à l’issue de chacune de ses réunions, adresse aux autorités provinciales un communiqué relatif à la situation sur le territoire wallon. Les coordinateurs sont donc attentifs à ce risque, mais celui-ci n’est généralement pas leur préoccupation majeure, notamment parce qu’il relève de matières sensiblement liées aux compétences régionales et parce que d’autres risques sont estimés prioritaires (risques Seveso, fissures dans les centrales nucléaires, et cetera). Néanmoins, les services provinciaux ont eu un rôle à jouer lors des épisodes récents de sécheresse. Ils ont effectué un travail d’information vers la population en sensibilisant aux bonnes pratiques et aux lignes de conduite à tenir en cas de sécheresses et vagues de chaleur. Ils sont également attentifs à la problématique des départs de feux de forêt liés à une météo extrêmement sèche qui entraîne un surcroît de travail des zones de secours. À ce sujet, les gouverneurs de chacune des provinces interrogées ont déjà dû prendre un arrêté de restriction relatif à l’allumage de feux. La prolifération – due à la sécheresse – d’un parasite s’attaquant aux conifères (le scolyte) a également suscité une inquiétude importante au sein des services provinciaux. La sécurité publique des usagers des parcs et des zones boisées n’était en effet plus garantie en raison du risque de chute d’arbres morts ou fragilisés.
Enfin, notons que, malgré les différents impacts relevés ou potentiels des sécheresses, une phase de gestion de crise, quel que soit l’échelon, est rarement déclenchée et qu’il n’existe d’ailleurs, pour aucune des provinces ou des communes interrogées, de plan particulier d’urgence et d’intervention spécifique à la sécheresse. Seul un plan « canicule » destiné à venir en soutien aux personnes âgées ou isolées lors de fortes chaleurs existe et il est très régulièrement activé pour une des communes interviewées.
Mesures en réponse aux sécheresses
Pour mieux anticiper ou gérer un épisode de sécheresse, les acteurs interviewés proposent deux types d’actions, l’un basé sur la communication et l’autresur les seuils d’alerte. Ces deux axes d’intervention sont fortement interconnectés : pour être efficaces, ils ne peuvent fonctionner l’un sans l’autre.
« La communication sera la première des actions à mener. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 28 juillet 2020)
Pour une meilleure réactivité face à la sécheresse, les coordinateurs PLANU préconisent une communication facilement compréhensible et orientée à la fois vers la population et vers les disciplines (D1, D2, et cetera ci-dessus). Ils soulignent qu’il serait intéressant que les messages transitent par un niveau local (la municipalité) dont le citoyen se sent généralement plus proche. Des canaux de communication tels que Be-Alert[12] ou les réseaux sociaux pourraient être utilisés. Une coordination entre les différents échelons de pouvoir est également recommandée dans les communications faites vers la population pour assurer une cohérence et légitimer les actions ou les restrictions prises. Enfin, le dosage des messages et le choix des destinataires doivent être mûrement réfléchis. En réalité, ces dispositions sont déjà celles qui sont mises en œuvre pour le management d’autres risques que la sécheresse.
« Le souci, c’est qu’il faut toujours savoir un petit peu doser. Un peu trop de messages, un peu trop de communication, ça peut peut-être aussi lasser les gens. Il y a un équilibre à trouver. […] On peut passer à côté de l’objectif et puis la difficulté de la communication, c’est aussi toujours pouvoir cibler le bon public. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 22 mai 2020)
Le second axe d’action publique concerne l’instauration de seuils d’alerte relatifs aux sécheresses. Actuellement, il existe un système de codification de l’état de sécheresse à l’échelle nationale basé sur un code couleur. Celui-ci est disponible sur le portail national de sécurité, également appelé ICMS pour Incident Crisis Management System. Il s’agit d’une plateforme d’échange d’informations destinée uniquement aux acteurs de la planification d’urgence et de la gestion de crise. On y trouve, entre autres, un relevé des incidents, une bibliothèque de plans d’urgence, un calendrier des exercices, un système cartographique ou encore une évaluation régulièrement mise à jour de différents risques dont le risque de sécheresse. Concernant l’indicateur de sécheresse, il est issu des informations relatives à ce risque fournies par les centres de crise wallon et flamand.
Un constat est cependant interpellant par rapport à cette évaluation de l’état de sécheresse : seuls deux coordinateurs sur les six interrogés ont mentionné l’existence de cet indice et tous deux ont précisé ne pas avoir connaissance de mesures concrètes liées à chaque niveau d’alerte. Or, ils indiquent tous qu’un tel outil serait intéressant à condition qu’il soit accompagné d’un plan d’action clair à destination de la population et des acteurs de la gestion de crise.
« C’est très parlant, finalement, tous ces jeux de couleurs. Un certain moment, il ne faut pas que le citoyen les mélange toutes […], mais d’un autre côté, honnêtement, je pense que c’est la meilleure des manières pour pouvoir sensibiliser, parce que c’est finalement très simple. […] Mais je pense qu’à ce moment-là, ça doit être accompagné de deux aspects : le premier, […] [une couleur] signifie tel risque ou telle probabilité de risque et [le second], les mesures qui doivent être prises [pour cette couleur] ; des mesures de protection de la personne, mais également des mesures de prévention. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 5 août 2020)
« C’est intéressant [des seuils d’alerte] à partir du moment où, derrière, il y a un plan qui prévoit les actions à mettre en œuvre au niveau des différentes étapes. » (Coordinateur PLANU, échelon communal, entretien du 16 juillet 2020)
Le point commun des propos des coordinateurs peut être résumé comme la nécessité d’avoir un plan lié à un outil d’évaluation des sécheresses. La réalisation d’un PPUI sur la problématique des sécheresses est avancée comme une des solutions. Deux des provinces interrogées ont d’ailleurs l’intention d’en réaliser un dans les cinq ans. Une commune relève l’intérêt d’un tel outil, mais suggère qu’il soit coordonné – ou qu’au minimum un canevas commun soit créé – au niveau provincial ou régional. Ce plan doit néanmoins être réfléchi globalement, présenter une vision stratégique à une échelle macro pour éviter la multiplication de plans qui nuirait à la cohérence de l’outil, et permettre une formalisation et une systématisation des actions à mettre en place à chaque échelon. Les freins majeurs à l’élaboration de ce plan sont le manque de temps, de moyens et de personnel ainsi que la priorité donnée à d’autres risques (inondations, Seveso, et cetera). Le terme « adaptation » a été cité plusieurs fois lors des entretiens : il est considéré comme un passage obligé dans la réflexion sur les mesures à mettre en œuvre pour faire face aux extrêmes climatiques (Thibaut et al., 2021). Or la capacité d’adaptation est souvent associée à une gestion du temps lent davantage qu’à une urgence.
« C’est un évènement [la sécheresse] qui s’installe dans la longueur tout doucement, donc il n’y pas d’incident brusque et soudain qui nécessite la mise en place d’un poste de commandement opérationnel et stratégique. » (Coordinateur PLANU, échelon communal, entretien du 16 juillet 2020)
Rôle des citoyens
L’implication citoyenne semble indispensable dans la prévention et l’atténuation des impacts liés aux sécheresses. Les acteurs de la PLANU interrogés mentionnent tous l’importance de la population – ou au minimum se questionnent quant à son rôle – en amont ou lors des potentielles crises liées aux extrêmes climatiques.
« [Le citoyen] doit être acteur de sa propre sécurité. … Il faut que chaque personne se rende compte de son rôle et soit responsabilisée dans son rôle. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 29 mai 2020)
Un travail de communication vers la population et de sensibilisation à cette problématique – comme à d’autres risques d’ailleurs – paraît primordial pour plusieurs des coordinateurs interviewés.
« Il faut essayer de faire passer une philosophie aux citoyens : c’est qu’il ne doit plus être spectateur de sa sécurité, mais qu’il peut être acteur. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 5 août 2020)
Les acteurs de terrain mentionnent à ce propos les deux initiatives suivantes. « Be ready » propose des programmes de cours à destination des jeunes élèves (6-12 ans) afin de les conscientiser aux risques présents dans leur environnement et de les former aux bons réflexes à adopter. Le site internet « info-risques.be »[13] à l’attention de tous les citoyens fournit des informations préventives sur les risques auxquels la population peut être confrontée. Cette démarche s’inscrit dans le développement d’une culture du risque qui est encore assez faible en Belgique. Or ce manque de connaissance ou de conscience peut engendrer des complications lors de situations urgentes à gérer. Ce constat s’applique tant à la sécheresse qu’à d’autres types de risques.
La gouvernance participative est suggérée par les interviewés, mais, concrètement, elle n’a pas conduit à la mise en œuvre de dispositifs délibératifs avec les citoyens en matière de sécheresse. Les communes disposent de la possibilité d’activer de tels dispositifs, par exemple via des budgets participatifs. Les régions peuvent organiser des consultations populaires sur leur territoire en vertu de l’article 39 bis de la Constitution depuis la 6e réforme constitutionnelle de l’État en 2014. La Région wallonne a organisé un panel citoyen entre 2020 et 2022, mais il a porté sur l’air et le climat en général, sans focale sur la sécheresse. En l’état, les instruments participatifs d’action publique ne sont pas mobilisés. L’appel au rôle du citoyen s’exprime davantage en termes de responsabilisation individuelle et de résilience.
Pandémie du coronavirus COVID-19
L’actualité au moment de la réalisation de cette étude était presque exclusivement focalisée sur la pandémie de la COVID-19. Il semblait dès lors intéressant d’interpeller les coordinateurs de la PLANU et de la gestion de crise à propos de la pandémie. Celle-ci était inédite à bien des égards. Mais une analogie avec un épisode de sécheresse était concevable sur au moins deux critères : la durée et le caractère non localisable[14]. La pandémie modifiait-elle la manière dont les coordinateurs appréhendaient une situation d’urgence, et cela pouvait-il influencer la construction sociale de la sécheresse ?
La crise de la COVID-19 a généré une réorganisation importante dans la manière de travailler, principalement en raison du télétravail. Les coordinateurs soulignent la capacité d’adaptation de leur service et des membres de leur équipe. Cet évènement a démontré qu’une mobilisation forte – en ressources et en personnel – ainsi qu’une solidarité importante étaient possibles face à une crise majeure.
Des retours d’expérience relatifs à la gestion de la pandémie sont nécessaires pour en dégager les points positifs et les pistes d’amélioration. Plusieurs coordinateurs mettent déjà en avant qu’il s’agit d’un apprentissage utile pour l’avenir, y compris concernant d’autres risques que le risque sanitaire. Un élément soulevé lors des interviews, et qui a le mérite de susciter la réflexion, est le caractère exponentiel des conséquences qu’engendrerait une sécheresse sévère concomitante avec la crise sanitaire actuelle. Cet élément pourrait expliquer à l’avenir qu’une anticipation de la sécheresse soit davantage mise à l’agenda politique.
Perception des sécheresses, risque et crise
Les éléments relatifs à la perception du risque de sécheresse par les coordinateurs PLANU sont assez révélateurs. D’une part, le terme « crise » est rarement associé à un épisode de sécheresse, essentiellement parce que la sécheresse n’a jamais été à l’origine du déclenchement d’une phase de gestion de crise au sens des textes légaux[15]. La sécheresse n’est pas non plus à l’origine de situations mettant en jeu directement, de manière rapide et inattendue, des vies humaines, tel que nous avons défini la notion de catastrophe ci-dessus, et telle que la COVID-19 a frappé les États en 2020.
« La sécheresse n’est pas une crise, on est sur un risque à gérer en longueur ; à l’inverse du Covid où là, on est sur une crise. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 29 mai 2020)
D’autres risques – sans porter de jugement quelconque – sont estimés plus prioritaires que les déficits hydriques (par exemple : les risques Seveso, nucléaires ou les inondations). De plus, même si ce phénomène météorologique n’est pas nouveau, il n’est perçu que depuis peu comme un risque en Belgique, sans doute mis sur le devant de la scène par les cris d’alarme grandissants au sujet du réchauffement climatique (IPCC, 2021) et par les derniers étés très secs (Rakovec et al., 2022 ; Thibaut, 2022). La population perçoit la Belgique comme un pays pluvieux qui dispose de ressources en eau. En l’absence de mobilisation sociale, les acteurs publics n’anticipent pas la sécheresse comme requérant un management de crise à l’instar des inondations par exemple.
« Ce type de risque qui est long, qui touche un territoire large, qui touche énormément de niveaux de pouvoir avec tout un tas de compétences morcelées, et cetera, on n’est pas prêt. La planification d’urgence et la gestion de crise, on s’est vraiment attardé sur des risques localisés et on a des obligations légales pour des entreprises Seveso, pour les sites nucléaires, pour les aéroports, et cetera. C’est vrai qu’on doit absolument travailler sur ces thématiques-là [les sécheresses] qui sont plus insaisissables et qui nous mettent dans des zones moins confortables parce qu’on ne sait pas les préparer à l’avance. » (Coordinateur PLANU, échelon provincial, entretien du 29 mai 2020)
Les sécheresses sortent du canevas habituel, bien rodé, du système de la planification d’urgence et de la gestion de crise qui a été principalement pensé pour des situations problématiques avec une montée en tension brusque, un périmètre d’intervention localisé et un retour à la normale relativement rapide. Ce type de cas a souvent fait l’objet au préalable d’un plan d’urgence, voire d’un exercice, et est donc, en quelque sorte, maîtrisé par les acteurs de la gestion de crise.
« La particularité de ce genre de crise [la sécheresse], c’est qu’elle ne rentre pas dans notre matière de planification d’urgence et de gestion de crise. C’est un peu particulier étant donné que c’est quelque chose qu’on ne maîtrise pas, comme beaucoup de choses, mais on n’a pas un processus type comme […] un plan d’urgence. » (Coordinateur PLANU, échelon communal, entretien du 9 juillet 2020)
Néanmoins, même si le risque de sécheresse ne semble pas avoir une place de choix dans le système de la planification d’urgence et de la gestion de crise, pour diverses raisons qui peuvent se justifier, les coordinateurs interrogés sont conscients que cette thématique est sous-investiguée. Ils s’accordent à dire que, plus globalement, les changements climatiques intenses devront, dans un avenir proche, être pris à bras le corps et intégrés dans l’organisation de la gestion de crise.
Conclusion : résumé et recommandations d’action publique
Le risque de sécheresse ne peut plus être ignoré au vu, d’une part, des impacts multisectoriels importants qu’il génère et, d’autre part, de la récurrence du phénomène en ce début de 21e siècle. Tout comme on ne peut nier une forme de responsabilité humaine dans l’origine et l’ampleur des conséquences de ces déficits hydriques. L’action publique en matière de sécheresse est cependant encore trop peu développée et s’attarde principalement sur des ajustements structurels à long terme (la Stratégie Intégrale Sécheresse ; Tellier, 2022). Cette approche est indispensable, mais il est également nécessaire de prévoir une planification de crise à court terme au plus proche de la population et des secteurs impactés. Les retours d’expérience effectués auprès d’acteurs de la planification d’urgence et de la gestion de crise se sont révélés extrêmement intéressants. Ils ont mis en évidence que le système actuel de gestion des crises est peu adapté à la problématique de la sécheresse et qu’il n’y a actuellement pas d’urgence à anticiper ce risque. Néanmoins, ils mettent en lumière une prise de conscience de plus en plus prégnante, par les acteurs de terrain, sur la nécessité d’agir pour anticiper et mieux gérer ce phénomène et plus largement les changements climatiques intenses. Cette prise de conscience des acteurs de terrain ne conduit pas à une mise sur agenda politique de la sécheresse par les acteurs publics. L’absence de mobilisation citoyenne sur la problématique facilite l’immobilisme institutionnel. L’architecture décisionnelle n’inclut pas les régions qui sont pourtant devenues, dans le cadre de la fédéralisation belge des compétences, un acteur politique majeur.
L’analyse des entretiens avec les coordinateurs PLANU montre une certaine ambiguïté de la notion d’urgence pour des phénomènes avec un processus d’installation lent et diffus comme celui d’une sécheresse. En effet, celle-ci est plutôt considérée comme un risque à gérer et non une crise potentielle. Cela peut s’expliquer de deux manières. D’une part, la planification et la gestion de crise belge se sont spécifiquement développées à la suite d’évènements brusques, soudains et de courte durée (accidents, attentats, incendies, explosions, et cetera). D’autre part, l’objectif du système PLANU est la sécurité publique, la protection des personnes. Or les sécheresses en Belgique ne mettent que très indirectement en danger la vie des citoyens. Cependant, un meilleur management de la sécheresse implique d’accepter, dans un premier temps, qu’une sécheresse en Belgique peut être une crise, voire une catastrophe, et peut générer des situations d’urgence, notamment en cas de combinaison de crises. Par exemple, la simultanéité (i) d’une baisse importante du débit de la Meuse obligeant l’arrêt de la production d’électricité dans une centrale nucléaire (à Tihange en Belgique, par exemple), (ii) de l’absence de vent alimentant les éoliennes et (iii) d’une vague de chaleur accentuant la consommation électrique liée aux conditionneurs d’air pourrait mener à un black out estival rarement envisagé, et aux décès de personnes fragiles (arrêt de dispositifs respiratoires dans des hôpitaux et des maisons de repos).
Pour les risques environnementaux de manière générale et pour la sécheresse spécifiquement, il est utile de clarifier et d’optimiser l’organisation de la prévention, de la planification et de la gestion de crise entre les différentes administrations publiques concernées. En effet, la particularité de la structure politique belge impliquant une répartition des compétences à divers niveaux de pouvoir, associée à des risques environnementaux aux impacts multisectoriels – donc multidécisionnels –, nécessite une interconnexion forte entre tous les acteurs impliqués dans la gestion au sens large de ces risques. La construction de ces liens passe par une communication accrue et un échange d’informations permanent entre ces acteurs, aussi bien à propos des phénomènes à risques en tant que tels que du fonctionnement structurel des institutions dont ils relèvent. En Belgique, le rôle de la région dans la gouvernance multiniveau en matière de PLANU doit être précisé, y compris légalement, pour rationaliser l’action publique.
Des seuils d’alerte relatifs aux périodes de sécheresse existent déjà en Belgique via le portail national de sécurité. Mais ils ne semblent pas reposer sur des critères clairs et des limites de classes bien définies. De plus, ils sont méconnus des acteurs de la gestion de crise. Ils ne sont pas associés à des actions concrètes. Pourtant l’établissement de seuils d’alerte est un outil qui peut permettre une approche simple, rapide et facilement assimilable de la situation et de l’évolution de l’état de sécheresse. Cet outil doit être communiqué et clairement expliqué en amont de la crise tant aux citoyens avec des recommandations, des obligations et/ou des restrictions associées à chaque seuil, qu’aux acteurs impactés par le phénomène (autorités, disciplines, professionnels des secteurs de l’eau, agriculteurs, industriels, et cetera) avec, là aussi, des actions à mettre en œuvre selon le niveau d’alerte. Ces actions peuvent être destinées à limiter les conséquences aussi bien des sécheresses météorologiques que des sécheresses agricoles ou hydrologiques. Pour être efficace, l’outil d’alerte doit être co-construit avec ces différents acteurs et confronté à la réalité de terrain. Il est également nécessaire d’avoir une certaine cohérence territoriale dans l’attribution d’un niveau d’alerte. Les impacts d’une sécheresse étant généralement plus larges que le territoire d’une commune, il est pertinent que l’exécution des actions liées à un seuil puisse être réfléchie à l’échelle d’un bassin hydrographique, d’une province, d’une région ou du pays. Ce système d’alerte codifié – accompagné de mesures claires, cohérentes et connues de tous – peut être intégré dans le cadre d’un plan particulier d’urgence et d’intervention spécifiquement dédié aux sécheresses. Ce plan, établi à une échelle « macro » (nationale ou régionale), mais constitué de mesures applicables à plusieurs échelons décisionnels, permet en effet d’organiser et de planifier la gestion d’un déficit pluviométrique sévère dans le but d’en limiter les impacts négatifs et d’éviter autant que possible des situations d’urgence. La difficulté de l’élaboration d’un plan d’action relatif aux sécheresses réside dans le caractère multisectoriel du phénomène. Il est dès lors indispensable – pour que le plan soit efficace – d’impliquer, dans sa conception, tous les acteurs potentiellement impactés et tous les niveaux de pouvoir concernés (Haigh et al., 2022).
Les sécheresses sont complexes. C’est une urgence climatique sans aucun doute ; cela devrait être aussi une urgence de planification. Mais, une structure institutionnelle (ici, belge) qui morcelle des compétences entre différents niveaux de pouvoir ainsi que le manque de moyens (ici, alloués au système PLANU) ne sont pas de nature à favoriser la proactivité et poussent plutôt vers l’inaction publique, et ce malgré l’expertise des acteurs du management de crise.
Les quelques pistes de réflexion à propos de la gestion de cet aléa dégagées lors des entretiens montrent pourtant que des solutions peuvent être apportées pour y faire face, mais qu’il est avant tout encore nécessaire d’approfondir les connaissances sur le fonctionnement de ce phénomène et de ses impacts. Car le caractère multisectoriel des impacts de la sécheresse oblige à penser l’évènement dans sa globalité et à s’intéresser aux conséquences directes et indirectes de toutes les mesures prises pour lutter contre cet extrême météorologique. Aussi, il ne s’agit pas de mettre en place des actions qui favoriseraient un secteur tout en réduisant à néant les efforts d’un autre. Une priorisation des mesures est bien entendu recommandée, mais tout en gardant à l’esprit le caractère holistique d’une sécheresse. Travailler sur des mesures d’anticipation et d’adaptation face à ce type de risque serait le meilleur moyen de le gérer lorsqu’il survient (Thibaut et Ozer, 2021). De plus, cela permettrait d’éviter une gestion réactive en période de crise qui ne traite que les impacts et non le fond du problème (Wilhite, 2016). Agir anticipativement serait d’autant plus pertinent qu’une sécheresse s’installe lentement avec de nombreux signes avant-coureurs. Cela permettrait également d’en réduire largement les conséquences, car « si les sécheresses ont une origine hydrologique, leur ampleur est en fait d’origine humaine » (Dauphiné et Provitolo, 2013, p. 256).
Parties annexes
Annexe
Annexe 1. Guide d’entretien
Annexe 2. Enquête complémentaire
Remerciements
Cette publication a bénéficié du soutien de la Communauté française de Belgique dans le cadre du financement d’une bourse FRIA du Fonds de la Recherche scientifique – FNRS et de l’Unité de Recherche SPHERES de l’Université de Liège dans le cadre du financement d’une bourse d’Impulsion. Cet article a également profité des commentaires constructifs formulés par les deux relecteurs anonymes.
Notes
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[1]
Arrêté royal du 31 janvier 2003 portant fixation du plan d’urgence pour les événements et situations de crise nécessitant une coordination ou une gestion à l’échelon national (Moniteur belge, 21 février 2003).
En Belgique, un arrêté royal est un règlement édicté par le gouvernement fédéral, signé par le Roi qui ne peut le modifier, contresigné par un ministre qui en porte la responsabilité, de manière à mettre en œuvre les lois votées au parlement fédéral.
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[2]
Arrêté royal relatif aux plans d’urgence et d’intervention du 16 février 2006 (Moniteur belge, 15 mars 2006).
Arrêté royal relatif à la planification d’urgence et la gestion de situations d’urgence du 22 mai 2019 à l’échelon communal et provincial et au rôle des bourgmestres et des gouverneurs de province en cas d’événements et de situations de crise nécessitant une coordination ou une gestion à l’échelon national (Moniteur belge, 27 juin 2019).
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[3]
Ce rapport propose un indice de risque qui évalue d’une part l’exposition des populations face à cinq aléas naturels – inondations, montée du niveau des mers, cyclones, sécheresses et tremblements de terre – et d’autre part la vulnérabilité de ces populations face à ces évènements catastrophiques. La vulnérabilité est définie par la combinaison de trois composantes que sont la prédisposition face à une catastrophe (accès à des infrastructures publiques, type d’habitats, taux de malnutrition et de pauvreté, niveau économique), la capacité à réduire les nuisances (implication des autorités, mécanisme d’alerte précoce, services médicaux, assurances) et la capacité d’adaptation sur le long terme (accès à l’éducation, index d’égalité des genres, protections environnementales, investissements). Il a pour objectif d’identifier les domaines d’actions pour la réduction des risques de catastrophes et de servir de ligne directrice pour la prise de décisions par les autorités politiques.
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[4]
Le Centre de crise national (NCCN) est un organe du Service public fédéral intérieur dont les missions principales sont l’analyse et la diffusion d’informations urgentes aux autorités, l’organisation de la sécurité lors d’évènements de grande ampleur, l’organisation de la planification d’urgence et l’appui à la gestion de crise.
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[5]
La catastrophe fait référence à l’explosion d’une conduite de gaz haute pression dans la zone industrielle de Ghislenghien le 30 juillet 2004. L’origine de l’explosion est une augmentation normale de la pression dans la conduite qui présentait un début de fuite après avoir été endommagée quelques semaines auparavant par un engin de chantier. La catastrophe a fait 24 morts et 132 blessés. Pour plus d’informations, voir le site suivant [En ligne], URL : https://news.belgium.be/fr/ghislenghien-un-apres-la-catastrophe-un-apercu
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[6]
Arrêté royal du 16 février 2006 relatif aux plans d’urgence et d’intervention (Moniteur belge, 15 mars 2006).
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[7]
Arrêté royal du 22 mai 2019 relatif à la planification d’urgence et la gestion de situations d’urgence à l’échelon communal et provincial et au rôle des bourgmestres et des gouverneurs de province en cas d’événements et de situations de crise nécessitant une coordination ou une gestion à l’échelon national (Moniteur belge, 27 juin 2019).
-
[8]
Le Centre Régional de Crise de Wallonie (CRC-W) est créé en mai 2008 par décision du Gouvernement wallon dans le cadre du plan PLUIES (Prévention et Lutte contre les Inondations et leurs Effets sur les Sinistrés) dont l’un des objectifs vise l’amélioration de la gestion de crise. Le rôle du CRC-W est d'assurer la coordination des matières régionales relatives à la gestion de crise et d'apporter un soutien aux différentes autorités chargées de la gestion de crise conformément à l'arrêté royal du 22 mai 2019 relatif à la planification et à la gestion des situations d'urgence au niveau communal et provincial.
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[9]
Arrêté royal du 22 mai 2019 relatif à la planification d’urgence et la gestion de situations d’urgence à l’échelon communal et provincial et au rôle des bourgmestres et des gouverneurs de province en cas d’événements et de situations de crise nécessitant une coordination ou une gestion à l’échelon national (Moniteur belge, 27 juin 2019). Le coordinateur planification d’urgence est la personne de référence pour la planification d’urgence et la coordination stratégique des situations d’urgence.
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[10]
La phase fédérale de gestion de crise de la pandémie a été déclenchée le 13 mars 2020 par arrêté ministériel. Les provinces et les communes sont dès lors devenues, sur leur territoire, les relais des décisions fédérales.
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[11]
Dans des communes au nombre d’habitants faible, le coordinateur « PLANU » occupe souvent d’autres fonctions au sein de l’administration communale ou exécute cette tâche pour plusieurs communes simultanément. Au niveau provincial, une équipe de plusieurs personnes est attachée aux missions relatives à la planification d’urgence et à la gestion de crise.
-
[12]
BE-Alert est un système d'alerte qui permet aux autorités de diffuser, par appel vocal, sms ou e-mail, un message à la population présente dans le périmètre d’une situation d’urgence. Pour plus d’informations, voir le site [En ligne], URL : https://be-alert.be
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[13]
Pour plus d’informations, voir le site [En ligne], URL : https://www.info-risques.be/fr
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[14]
Non localisable sous-entend non localisé dans un périmètre unique et restreint.
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[15]
À l’exception d’une commune wallonne lors de l’été 2020 dans le but de garantir l’approvisionnement en eau de sa population et des infrastructures publiques.
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