Résumés
Résumé
Au Québec, le gouvernement s’est donné pour mandat d’agir sur l’efficacité énergétique et l’économie d’énergie dans les ménages. Pour concrétiser cette orientation politique, un changement de comportements des consommateurs d'énergie est nécessaire. Des études récentes démontrent que l’approche ludique constitue une avenue prometteuse, suscitant la motivation et l’engagement nécessaire pour changer les comportements énergétiques. Par le biais d’une méthode participative et collaborative, la présente étude souhaite explorer comment cette approche pourrait soutenir les familles québécoises dans l’adoption de comportements favorisant l’efficacité énergétique. Pour ce faire, un devis de recherche descriptive mixte en trois phases a été utilisé. D’abord, 33 parents ont rempli un questionnaire portant sur leurs intentions de changement et leurs perceptions quant à l’adoption de comportements énergétiques pouvant favoriser une meilleure efficacité énergétique. À partir de ces résultats, une maquette de jeu a ensuite été développée par des experts dans le domaine. Lors de la dernière phase, des entrevues en dyade (parent-enfant) ont été réalisées auprès de cinq familles de la phase 1 afin de connaitre leurs impressions sur la maquette. Les résultats obtenus démontrent que les parents ont un intérêt à développer des comportements d’efficacité énergétique pour sensibiliser leurs enfants. Les participants croient d’ailleurs que l’utilisation d’un jeu inspiré de leur quotidien serait un moyen pertinent et efficace pour favoriser la généralisation des acquis. L’ajout de défis et de récompenses semble également être des aspects ludiques gagnants pour les participants. Enfin, diverses propositions d’adaptation du jeu ont été émises par les participants.
Mots-clés :
- approche ludique,
- énergie,
- efficacité énergétique,
- jeux sérieux,
- ménages avec enfants,
- consommation énergétique,
- perceptions
Abstract
In Quebec, the government is committed to act on households’ energy efficiency. To materialize this political orientation, a change in the behavior of energy consumers is necessary. Recent studies show that gamification is a promising avenue, creating motivation and commitment to changing energy behaviors. Through a participatory and collaborative method, this study aims to explore how this approach could support Quebec families in adopting behaviors that promote energy efficiency. To do this, a mixed descriptive research design in three phases was used. First, 33 parents completed a questionnaire on their intentions to change and their perceptions regarding the adoption of energy behaviors that can promote better energy efficiency. Based on these results, a game prototype was then developed by experts in the field. During the last phase, dyad interviews (parent-child) were carried out with five families from phase 1 in order to know their prototype impressions. The results obtained show that parents have an interest in developing energy efficiency behaviors to raise awareness among their children. The participants also believe that the use of a game inspired by their daily life would be a relevant and effective way to promote the generalization of what has been learned. The addition of challenges and rewards also seem to be winning game elements for participants. Finally, various proposals for adapting the game were made by the participants.
Keywords:
- gamification,
- energy,
- energy efficiency,
- serious games,
- household with children,
- energy use,
- perceptions
Corps de l’article
Introduction
En 2020 au Québec, la consommation d’énergie par habitant était estimée à 183 gigajoules (GJ). Elle est conséquemment l’une des plus élevées à l’échelle mondiale (Whitmore et Pineau, 2023). Bien qu’une portion non négligeable soit attribuable à la consommation industrielle, la consommation énergétique des ménages québécois reste plus élevée (34 GJ) que celle d’autres ménages nordiques (29-30 GJ ; Whitmore et Pineau, 2023). Précisons toutefois que cette consommation est majoritairement électrifiée et qu’elle provient principalement de source hydroélectrique (Whitmore et Pineau, 2023). Conséquemment, sa contribution au bilan des émissions de gaz à effet de serre est limitée : 2 977 kilotonnes d’équivalent en carbone (kt éq. CO2), soit un peu plus de 5 % du bilan national. Il n’en demeure pas moins qu’une diminution de cette consommation s’impose, d’autant plus que cette consommation énergétique est le fruit de comportements routiniers, comme la hausse des consignes de température dans la maison au lever des occupants ou bien la préparation des repas en fin de journée, qui créent une demande synchronisée sur le réseau électrique en période hivernale. À titre d’exemple, à l’hiver 2022-2023, les contributions à la pointe hivernale des demandes énergétiques en chauffage d’espace et en eau chaude des ménages alimentés par le réseau intégré d’Hydro-Québec étaient estimées respectivement à 14 773 MW et 2 037 MW, soit près de 42 % de la demande de pointe globale de ce fournisseur d’électricité (Hydro-Québec, 2022).
Il y a de cela quelques années, le Gouvernement du Québec s’est donné pour mandat d’agir sur l’efficacité énergétique. À cet égard, le plan directeur de transition, proposé par le gouvernement, couvre largement la réduction des demandes et l’efficacité énergétique. Il mise également sur la sensibilisation des acteurs sociaux, des ménages aux gestionnaires d’entreprises, et sur la substitution des carburants fossiles par des énergies vertes. En respect avec les principes de développement durable, le plan s’inscrit dans une logique d’actions visant à « retarder, voire d’éviter, la construction de nouvelles infrastructures de production, de transport ou de production d’énergie » (Gouvernement du Québec, 2018, p. 210). En matière de sensibilisation et d’éducation, on note une volonté de « faire de la transition énergétique un incontournable, un réflexe, une habitude, une manière de penser la consommation, et ce, tant chez les citoyens que les entreprises » (Gouvernement du Québec, 2018, p. 146).
La mise en œuvre de ce plan directeur, dans sa version mise à jour en 2022 (Gouvernement du Québec, 2022 ; p. 38 et 78-80), prévoit ainsi développer des partenariats pour rehausser les connaissances des Québécois en matière d’efficacité et de sobriété énergétique dans les bâtiments. Ce plan prévoit également, mais plus largement, de sensibiliser, de faire la promotion et d’éduquer sur la transition énergétique, de manière à produire des changements de comportements en lien avec la consommation énergétique tels que choisir ses nouveaux équipements en fonction de leur rendement énergétique ou utiliser le transport actif ou en commun pour ses déplacements.
Les familles, une cible de choix pour la sensibilisation en matière d’énergie
Puisque le gouvernement a pour objectif d’encourager les ménages à réduire leur consommation énergétique, les efforts devraient viser l’ensemble de la cellule familiale incluant les enfants (Gouvernement du Québec, 2022). Selon Fell et Chiu (2014), les enfants utilisent bien souvent plusieurs appareils électriques sans faire le lien avec leurs impacts sur la consommation énergétique. Selon Boudet et al. (2014) et Aguirre-Bielschowsky et al. (2018), les comportements acquis durant l’enfance seraient repris à l’âge adulte lorsque les individus deviennent autonomes. Il semblerait donc important de favoriser l’acquisition de connaissances et de comportements durables durant l’enfance. La littérature fait état de plusieurs techniques pour favoriser une prise de conscience des comportements énergétiques chez les enfants : dresser un journal énergétique, participer à un groupe de discussion, prendre des photos des comportements énergétiques, remplir un sondage, visualiser la consommation, inclure les comportements dans la routine ou utiliser les approches ludiques (Aguirre-Bielschowsky et al., 2018 ; Fell et Chiu, 2014 ; Toth et al., 2013), cette dernière sera au cœur de l’étude discutée dans cet article.
L’approche ludique et les jeux sérieux
L’approche ludique vise à agencer les systèmes d’information afin de procurer des expériences et des motivations telles que celles que l’on retrouve dans un contexte de jeu (Koivisto et Hamari, 2019). Le jeu procurant des sensations de maîtrise, de contrôle, d’accomplissement, de défi ou de flow (Csíkszentmihályi, 1990), serait intrinsèquement motivant. Quant aux « jeux sérieux », bien qu’ils existent depuis longtemps, le terme est apparu au début des années 2000, alors que le développement des applications informatiques et des jeux vidéo permettait de combiner des tâches « sérieuses » telles qu’apprendre, avec des activités ludiques (Schmoll, 2011). Par définition, un jeu sérieux est « un jeu dont la finalité est autre que le simple divertissement. […] Ils proposent des environnements ludiques des plus immersifs derrière lesquels prennent forme des mises en situation à valeur pédagogique » (Perron, 2012, p. 159). L’objectif du jeu sérieux ne vise pas le divertissement, mais bien à changer un comportement, à favoriser l’engagement et à susciter la motivation. Son succès des dernières décennies s’explique notamment par la fusion de plus en plus prégnante des valeurs utilitaires (apprendre) et hédoniques (plaisir du jeu ; Koivisto et Hamari, 2019). Depuis les années 2010, le jeu sérieux a été utilisé dans des domaines très variés : la santé, l’environnement, l’ingénierie, les levées de fonds. Il a notamment été requis pour encourager l’adoption de comportements plus durables en matière de mobilité (par exemple, marcher davantage), de santé (par exemple, cesser de fumer) et d’actions pro-environnementales (Bassanelli et al., 2022). Le secteur de l’énergie, et particulièrement les initiatives en matière de sensibilisation à l’efficacité énergétique, n’échappe pas à cette tendance.
La piste de l’approche ludique pour changer les comportements de consommation d’énergie
La mise en place d’activités d’apprentissage concernant l’énergie, et particulièrement l’électricité, représente un défi important puisqu’il s’agit d’un bien public intangible, invisible, difficile à conceptualiser et à concrétiser (Burgess et Nye, 2008). Dans leurs revues systématiques, Chalal et al. (2022) ainsi que Chatzigeorgiou et Andreau (2021) recensent de nombreuses études portant sur le développement et l’expérimentation de techniques de rétroaction permettant de visualiser l’électricité. Les deux revues s’entendent pour dire que l’approche ludique (ou la gamification ou les jeux sérieux) constituerait un moyen efficace pour sensibiliser, transmettre des connaissances sur les questions environnementales et favoriser une prise de conscience en lien avec les comportements sur la consommation énergétique, et ce, autant pour les jeunes que pour les adultes. Ainsi, l’utilisation de ce médium, dans une visée d’adoption de comportements écoénergétiques, semble appropriée. D’autres études corroborent le fait que l’approche ludique présente une avenue intéressante pour susciter le changement de comportements liés à la consommation d’énergie (Wemyss et al., 2019 ; Boomsma et al., 2018 ; Wemyss et al., 2018 ; Johnson et al., 2017 ; Castri et al., 2014 ; Thøgersen et Grønhøj, 2010).
Les résultats obtenus s’expliqueraient notamment par l’utilisation de mécaniques de jeu. Ces dernières se caractérisent comme des règles qui définissent la manière de jouer à un jeu, d’interagir avec l’environnement, lors d’une partie, et qui sont destinées à produire une expérience de jeu agréable (Perron, 2012). On peut, par exemple, parler de tutoriel, de rétroaction, de conséquences ou d’investissement. Ces mécaniques de jeu permettraient notamment de développer un sentiment de compétence et de contrôle chez l’individu (Wemyss et al., 2019 ; Thøgersen et Grønhøj, 2010).
Quant à l’approche ludique, elle favoriserait l’acquisition de connaissances et la motivation intrinsèque (notamment par l’utilisation de conseils, de défis, de systèmes de points) sur les comportements à adopter pour utiliser efficacement l’énergie et aurait un effet positif sur la consommation énergétique (Wee et Choong, 2019 ; Wemyss et al., 2019 ; Boomsma et al., 2018 ; Mulcahy et al., 2018). Par ricochet, ces éléments inciteraient les usagers de l’électricité à adopter de nouveaux comportements énergétiques plus efficaces (Wee et Choong, 2019 ; Paone et Bacher, 2018 ; Wood et al., 2014) et permettraient de répondre à trois besoins psychologiques centraux, soit : l’autonomie, le sentiment de compétence et le besoin d’appartenance (Deci et Ryan, 2010). Avec les développements récents dans les domaines des technologies et de l’intelligence artificielle, ces modalités d’intervention ludiques se sont rapidement diversifiées (avatars, défis, partage sur les réseaux sociaux, et cetera) et donnent accès à des solutions numériques visant différents publics : enfants, adultes et familles (AlSkaif et al., 2018 ; Mulcahy et al., 2018 ; Wemyss et al., 2018 ; Yam et al., 2017). La revue systématique réalisée par Wu et al. (2020) et celle de Johnson et al. (2017) montrent que ces modalités d’intervention auraient des effets positifs sur la prise de conscience de la consommation, les discussions sur la consommation, l’attitude envers l’économie d’énergie, la réduction de la consommation d’électricité dans le ménage, la motivation intrinsèque, les connaissances sur les enjeux environnementaux, et autres. Considérant la place qu’occupent les technologies dans les familles canadiennes (Académie de la transformation numérique, 2021), qui constituent la population cible de cette étude, l’approche ludique représente un moyen intéressant pour les soutenir dans l’adoption de comportements énergétiques efficaces (Johnson et al., 2017).
Le défi de la conception des solutions ludiques pour soutenir le changement
Malgré le fait que l’approche ludique semble pertinente pour inciter les familles à adopter des pratiques écoénergétiques, des études montrent que la simple mise en disponibilité d’une telle solution ne garantit pas son utilisation. En effet, selon Venkatesh et al. (2003), trois déterminants influencent directement l’intention d’utiliser les technologies. Il s’agit de : 1) l’attente de performance, soit le degré auquel un individu croit que l’utilisation du système l’aidera à réaliser des gains; 2) l’attente d’effort, qui renvoie au degré de facilité associé à l’utilisation du système; et 3) l’influence sociale, qui désigne l’importance accordée par un individu à la perception qu’ont les autres par rapport à l’utilisation du nouveau système. Soutenue par plusieurs modèles portant sur la psychologie du comportement (Fishbein et Ajzen, 1975 ; Taylor et Todd, 1995) et sur l’acceptation technologique (Venkatesh et Bala, 2008 ; Venkatesh et al., 2003 ; Venkatesh et Davis, 2000 ; Davis, 1989), l’intention d’utiliser une technologie ou de performer un comportement permet de prédire son usage réel ou sa performance réelle auprès d’un individu.
Un autre défi rencontré est l’éventail des profils de joueurs. En effet, les écrits identifient minimalement deux types de joueurs : expérimentés et occasionnels. Pour les premiers, l’abondance de défis sera importante alors que pour le second, d’autres éléments, tels que la personnalisation d’un avatar, peuvent être une plus grande source de motivation (Mulcahy et al., 2018). Une seconde taxonomie de joueurs établit, quant à elle, quatre types de profils : les performants, les explorateurs, les socialisateurs et les tueurs (Bartle, 1996). L’étude de Hedin et al. (2017) sur ces profils montre que bien que l’acquisition des nouvelles connaissances ne soit pas reliée spécifiquement à l’un de ces profils, la motivation et l’intérêt semblent, quant à eux, plus élevés pour les performants. Un dernier défi est lié à l’adoption, et à l’adhésion au processus d’acceptation des solutions proposées (Zehir et al., 2019 ; AlSkaif et al., 2018 ; Boomsma et al., 2018 ; Ro et al., 2017 ; Yam et al., 2017 ; Orland et al., 2014). Selon certains auteurs, la participation active et systématique des utilisateurs au développement et à la mise en œuvre de solutions qui leur sont destinées serait une démarche à privilégier pour favoriser leur intention d’utilisation et donc, une acceptabilité dite optimale (Csoknyai et al., 2019 ; Hoffmann, 2017). Par exemple, Orland et al. (2014) mentionnent que la création du jeu Energy Chicken a nécessité un processus impliquant plusieurs tests « terrain » afin de bien déterminer les mécaniques de jeu.
L'approche collaborative, une démarche centrée sur les futurs utilisateurs
Reconnue comme étant un facteur clé pour développer une solution technologique novatrice, l’utilisation d’une approche collaborative réunit utilisateurs et concepteurs au cœur des processus réflexifs et décisifs (Da Silva et al., 2011). L’implication directe et en amont des futurs utilisateurs favorise le développement d’une solution ajustée à leurs besoins (Salah et al., 2014). Étant souvent partie intégrante dans les recherches entourant l’environnement (par exemple, énergie, eau, vent ; Jami et Walsh, 2017 ; Linnenluecke et al., 2017 ; Robinson et al., 2014), l’approche collaborative semble être une avenue intéressante à utiliser pour développer une solution technologique portant sur l’adoption de comportements énergétiques plus efficaces. Conséquemment, la mise en place d’un environnement propice à la collaboration entre les utilisateurs et les développeurs pourrait contribuer à une prise de décision éclairée sur les éléments fondamentaux à intégrer dans une solution ludique et contribuer à une plus grande intention d’utilisation et à un plus haut taux de satisfaction chez l’utilisateur final (Csoknyai et al., 2019 ; Dubé et al., 2014).
Les prochaines sections présentent l’étude réalisée dans le cadre d’une démarche collaborative visant à co-construire un jeu sérieux destiné à soutenir les familles dans l’adoption de comportements plus efficaces en matière de consommation de l’énergie. Les résultats des trois premières phases de ce processus, soit une consultation préliminaire auprès des futurs utilisateurs, la réalisation d’une première maquette puis une série d’entretiens réalisés en dyade parent-enfant, sont ici détaillés puis discutés.
Objectifs de recherche
Dans une perspective de développement centrée sur l’utilisateur (Baek et al., 2008 ; Guilliksen et al., 2003 ; Norman et Draper, 1986), le processus de conception de la nouvelle solution technologique mise sur une implication active des utilisateurs finaux (Rogers, 2010 ; Davis et al., 1989), et ce, dès les premières phases du développement. Ce projet s’inscrit plus précisément dans la phase d’idéation et vise à guider la conception d’une solution technologique soutenant l’adoption de comportements énergétiques efficaces par le biais d’approches ludiques. Ciblant spécifiquement les familles, cette étude vise les trois objectifs suivants :
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Documenter les facteurs influençant l’intention à modifier et à adopter des comportements énergétiques efficaces auprès d’un échantillon de futurs utilisateurs ;
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Évaluer la pertinence d’utiliser une approche ludique comme moyen pour soutenir le changement de comportements liés à la consommation d’énergie ;
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Entamer un processus de co-construction d’un prototype de jeu soutenant le changement de comportements énergétiques et qui leur serait destiné.
Méthode
L’étude utilise un devis mixte de type séquentiel à trois phases (Creswell et Creswell, 2018). Trois méthodes ont été utilisées : l’enquête ou la consultation, le développement d’une maquette et des entrevues avec des utilisateurs potentiels. Les prochaines sous-sections décrivent plus en détail les trois phases de l’étude. À noter qu’en cours de projet, des changements ont été apportés à la méthode afin de pouvoir respecter les consignes de santé sanitaire en vigueur due à la maladie à coronavirus de 2019 (COVID-19). Lorsque présents, ces changements sont rapportés aux sections correspondantes.
Phase 1 – Consultation de futures familles utilisatrices au regard de leurs intentions de changement de comportements et leur ouverture pour l’approche ludique
La première phase de l’étude est en lien avec les objectifs 1 et 2 élaborés ci-haut. Elle consiste en une première prise de contact avec les futures familles utilisatrices de manière à mieux cerner leurs besoins et attentes envers un potentiel jeu sérieux sur l’énergie, et ce, avant même de débuter le processus de développement de la maquette. Plus précisément, la consultation vise à documenter les facteurs liés à l’intention de modifier des comportements en lien avec l’énergie, à évaluer le niveau de connaissances relatives à l’énergie des participants, de même qu’à valider leurs perceptions concernant l’utilisation d’approches ludiques. Pour atteindre cet objectif, une enquête électronique est menée.
Pour cette phase, l’outil de collecte de données utilisé est un questionnaire maison comprenant 56 questions, regroupées en cinq sections : 1) le profil sociodémographique du participant et de sa famille ; 2) les connaissances générales sur l’énergie du participant ; 3) ses habitudes de consommation énergétique et celles que le parent est prêt à modifier afin d’augmenter son efficacité énergétique ; 4) les perceptions sur l’utilisation des approches ludiques et les composantes souhaitées pour le développement d’une application sur l’adoption de comportements optimaux en matière d’énergie qui leur sont destinées ; et 5) les perceptions sur l’utilisation des approches ludiques et les composantes souhaitées pour le développement d’une application sur l’adoption de comportements optimaux en matière d’énergie destinée aux enfants.
Plus précisément, la deuxième et troisième section du questionnaire s’inspirent de la théorie de l’action raisonnée (Fishbein et Ajzen, 1975) qui sous-tend que l’intention d’adoption d’un nouveau comportement est précédée d’attitudes (elles-mêmes influencées par le niveau de connaissance) et de normes sociales (prescriptions et influences sociales) qui soutiennent ce changement. Les questions visent à mieux cerner dans quelle mesure, et pourquoi, les futures familles utilisatrices seraient, a priori, disposées à changer leurs comportements de consommation d’énergie. Pour la quatrième et la cinquième section, le développement s’appuie sur une recension des écrits réalisée au préalable sur l’utilisation des approches ludiques dans le domaine de l’énergie, de même que sur des concepts importants de jeux sérieux et sur des recommandations émises par d’autres chercheurs ayant réalisé des travaux sur le sujet (Csoknyai et al., 2019 ; Wee et Choong, 2019 ; Boomsma et al., 2018 ; Huber et Hilty, 2014 ; Wood et al., 2014).
Le questionnaire électronique a été présenté sur la plateforme SurveyMonkey et le temps de passation moyen est de 30 minutes. Les participants visés pour cette phase sont des parents ayant au moins un enfant entre la 3e et 6e année du primaire. Le choix de cette population cible s’appuie sur la capacité des enfants à pouvoir comprendre certains messages écrits dans la maquette de jeu ainsi que sur leur impact personnel potentiel sur la consommation du ménage (possibilité d’interagir avec/d’utiliser des équipements qui consomment de l’énergie). Le recrutement des familles a été réalisé par courriel, transmis dans trois réseaux différents, soit : 1) le réseau de l’éducation primaire (commissions scolaires et écoles primaires) de la région de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec ; 2) le réseau universitaire (médias d’information, affiches épinglées et courriels à huit programmes d’étude de l’UQTR) ; et 3) les médias sociaux. Au total, 33 parents ont répondu à l’appel et ont rempli le questionnaire en ligne dont le lien pour y accéder était joint aux documents de sollicitation. Les données recueillies ont été exportées dans le logiciel SPSS (version 28) et des analyses descriptives ont été réalisées.
Phase 2 – Développement de la maquette d’un jeu
Suite aux résultats obtenus lors de la première phase, des échanges ont eu lieu entre les membres de l’équipe de recherche et les concepteurs de jeux vidéo afin de discuter des aspects ludiques qui seraient les plus pertinents à intégrer pour le développement du jeu. Les résultats de la première phase, tels que les types de jeux susceptibles d’être les plus appréciés, les préférences en matière de mécaniques de jeux (par exemple, conseil, tutoriel) ou encore les thématiques ont été partagées avec les concepteurs et ont constitué des assises pour la création de la maquette de jeu. S’appuyant sur ces éléments, les concepteurs ont développé deux esquisses de maquettes de jeux. Elles ont ensuite été présentées lors d’une rencontre multidisciplinaire regroupant des psychoéducateurs, des énergéticiens et des concepteurs de jeux. Les esquisses proposées répondaient toutes les deux à l’objectif visé, mais touchaient deux tranches d’âge distinctes (7-10 ans versus 11-13 ans). La population ciblée par l’étude se trouvait donc à chevaucher deux niveaux de maturité en termes de profils de joueurs et donc, de complexité de jeu. Ainsi, la maquette pour la tranche d’âge 7-10 ans représentait la consommation d’une famille alors que celle pour la tranche d’âge supérieur évoquait plutôt celle d’une ville. Suite à cette rencontre, c’est la maquette visant les enfants de 7-10 ans qui a été sélectionnée. Ce choix a été effectué d’après l’expérience et les recommandations des concepteurs. Selon eux, il s’agissait du concept qui a généralement une bonne réceptivité auprès des filles comme des garçons et qui permet une transposition plus facile vers la réalité d’une famille. Il s’agit d’ailleurs du concept qui sera le plus facile à faire évoluer avec l’âge des enfants et avec leur niveau de connaissances quant à la consommation d’énergie. Cette maquette est d’ailleurs celle qui a été utilisée lors de la troisième phase.
En ce qui a trait à la maquette (voir Figure 1), sa conception a été inspirée par deux jeux populaires, soit Overcooked (Ghost Town Games, 2016) et The Sims (Electronic Arts, 2022). Le joueur est responsable des actions des membres d’une famille ayant tous des besoins différents auxquels ils doivent répondre tout en respectant des critères d’efficacité énergétique et de réduction de la demande en période de pointe. À titre d’exemple, les joueurs peuvent avoir comme défi d’orchestrer, en 5 minutes, l’horaire de chaque membre de la famille afin que chaque besoin soit satisfait tout en s’assurant d’utiliser efficacement l’énergie disponible et que tous les membres de la famille soient prêts à quitter la maison à 9h (prendre une douche, déjeuner, et cetera.). Ce défi particulier vise ainsi à sensibiliser les joueurs à la période de pointe énergétique du matin résultant des routines matinales, qui elles-mêmes découlent de l’agencement et de la coordination de multiples pratiques au sein des membres de la famille, ce à quoi Nicholls et Strengers (2015) réfèrent comme étant la pointe familiale (family peak).
À chaque fois qu’un personnage accomplit une tâche du défi, le joueur reçoit des points. Le joueur doit accumuler des points pour remplir des étoiles dans un temps limité (5 minutes). De plus, des indicateurs visuels sont présents dans le jeu comme des éclairs et une jauge. Les éclairs représentent la consommation des objets de la maison. Un nombre plus élevé représente l’intensité de la consommation. Quant à la jauge, elle indique l'utilisation énergétique de la maison en temps réel et permet également d’introduire le concept de « pointe ». Selon l'emplacement de l'aiguille, les points reçus sont multipliés.
La plupart des mécaniques de jeux ayant suscité le plus d’intérêt auprès des participants de la phase 1 ont donc été incluses dans la maquette : visualisation de la consommation énergétique en temps réel, défis de comportements à adopter, des objectifs de consommation énergétique à atteindre, l’obtention de points lorsque le joueur réalise les défis, les objectifs ou lorsque la consommation énergétique s’améliore, et cetera .
Phase 3 – Rétroactions de parents et enfants sur l’approche ludique et sur la maquette
La troisième phase visait d’une part, à approfondir la compréhension des résultats sur l’approche ludique obtenus lors de la phase 1 (objectif 2), et d’autre part, à connaitre la perception des participants quant à la maquette qui a été développée (objectif 3).
Un courriel de sollicitation a été envoyé à tous les participants ayant donné leur accord pour être contactés pour des phases ultérieures et dont les enfants jouaient à des jeux vidéo. Sur les 18 parents sollicités, cinq ont manifesté un intérêt. Ce faible taux de réponse peut notamment s’expliquer au contexte lié à la COVID 19. En effet, afin de pouvoir réaliser ces entrevues à distance, l’équipe de recherche a dû apporter des modifications aux certificats éthiques en vigueur. Considérant ce délai ainsi que celui associé au temps nécessaire à l'évaluation des demandes éthiques, plusieurs mois se sont écoulés entre la fin de la phase 2 et le début de la phase 3. Il est donc possible que ces délais aient créé un désintéressement chez les participants ayant initialement manifesté un intérêt.
De plus, il est également important de savoir qu’initialement, le projet de recherche prévoyait réaliser deux groupes de discussion collaboratifs en présentiel. Le premier regroupait les parents alors que le second regroupait leurs enfants. Le but était d’obtenir les perceptions des enfants et des parents pour les mêmes questions, et ce, sans que les réponses de l'un aient pu influencer celles de l’autre. Toutefois, comme les entrevues devaient basculer en mode virtuel afin de respecter les consignes de la santé publique, des ajustements ont été apportés quant à la collecte de données pour cette phase. Selon l'équipe de recherche, le but initial aurait difficilement été atteint en maintenant des groupes de discussion, mais réalisé virtuellement, considérant qu’une supervision parentale aurait été nécessaire. En ce sens, les entrevues semi-structurées ont été réalisées en dyade auprès de parents ayant participé à la première phase et de l’un de leurs enfants appartenant au groupe d’âge visé. Les entrevues ont été réalisées via la plateforme virtuelle de ZOOM et étaient d’une durée d’environ 45 minutes.
Le canevas d’entrevue utilisé a été développé à partir des résultats de la phase 1. Comme mentionné, chacun des éléments ayant été jugé le plus favorable lors de la phase 1 a été introduit dans la maquette de jeu. Lors de la phase 3, les participants ont donc donné leur perception quant à ces éléments (par exemple, les types de jeu et les mécaniques utilisés) lors de la présentation concrète d’un prototype de jeu. Le canevas est divisé en trois grandes sections. La première consiste en une mise en contexte qui aborde des questions générales sur la consommation d’électricité. Les participants discutent également de leurs perceptions en lien avec le développement d’une solution ludique soutenant l’adoption de comportements énergétiques efficaces. Par la suite des images de la maquette de jeu (développée à la phase 2) sont présentées et brièvement expliquées. Les enfants et parents réagissent et commentent ce qui leur a été présenté (ce qui est aimé et moins aimé, intérêt pour le jeu, effets possibles sur le changement de comportements énergétiques). Enfin, dans la dernière partie de l’entrevue, les enfants et les parents présentent leurs recommandations pour améliorer la maquette.
Enfin, pour faciliter les analyses qualitatives, les entrevues audios ont été enregistrées pour ensuite être retranscrites sous la forme de verbatim. Plus précisément, une analyse par thématique a ensuite été effectuée afin de mettre en lumière les catégories émergentes et divergentes (Fortin et Gagnon, 2022). Pour ce faire, l’utilisation du logiciel Nvivo (version 1.6) a été privilégiée.
Résultats
Les résultats présentés combinent les informations quantitatives et qualitatives recueillies par le biais de l’enquête (phase 1) et des entrevues en dyade (phase 3).
Description détaillée du profil sociodémographique des participants des phases 1 et 3
Le Tableau 1 présente les caractéristiques sociodémographiques des participants des phases 1 et 3 de l’étude. Ce regroupement est possible considérant le fait que les participants de la phase 3 représentent un sous-échantillon de participants ayant également participé à la phase 1.
Le Tableau 2 présente la perception des parents quant à leurs habitudes d’utilisation des technologies et de jeux numériques ainsi que celles de leurs enfants. Ce tableau inclut également des informations relatives aux comportements numériques des enfants ayant participé aux entrevues de la phase 3. Les données montrent essentiellement que la majorité des participants à l’étude sont des amateurs de jeux vidéo. Pour les parents, ce sont les jeux sur téléphones intelligents ou consoles de jeux qui sont les plus populaires tandis que pour les enfants, les jeux sur tablettes et sur consoles occupent respectivement la première et deuxième place dans leurs préférences.
Les entrevues réalisées lors de la troisième phase ont permis d’en apprendre plus sur les jeux préférés des enfants ayant participé à l’étude. Le Tableau 3 présente les informations recueillies de même que quelques précisions sur le profil sociodémographique des enfants ayant participé à cette phase. Les entrevues ont également permis de connaître les raisons justifiant leurs préférences pour certains jeux. Globalement, tous les enfants ayant participé aux entrevues de la phase 3 mentionnent jouer à Minecraft. Ces derniers disent apprécier le jeu notamment pour son volet créatif ainsi que pour les défis et les habiletés de résolution de problèmes sollicitées (par exemple, stratégie pour assurer la survie). Cette information est relativement pertinente lorsqu’elle est mise en relation avec les commentaires exprimés par les participants sur la maquette de jeu développé lors de la phase 2.
Habitudes de consommation et connaissances sur l’énergie
Les résultats de la phase 1 démontrent que tous les participants adultes de l’étude se disent prêts à modifier leurs habitudes de consommation d’électricité afin d’assurer une meilleure efficacité énergétique. Pour plus de 80 % de l’échantillon, trois raisons justifient ce changement d’habitudes : 1) économiser de l’argent sur la facture ( n = 28); 2) réduire l’empreinte écologique ( n = 27); et 3) inciter leurs enfants à adopter des comportements écoresponsables ( n = 27). Aussi, il semble que l’effort demandé ne soit pas irréaliste, car 45,5 % disent que seuls quelques changements seraient à réaliser pour améliorer les habitudes de consommation énergétique dans le ménage. Pour ce qui est du soutien nécessaire, 87,9 % ( n = 29) des participants croient que l’accès à des conseils pratiques, concrets et personnalisés serait le mode d’intervention le plus motivant pour eux. Une réduction de la facture d’électricité, à titre de récompense pour les bons comportements, représenterait aussi pour 81,8% ( n = 27) un incitatif efficace. Il est aussi intéressant de constater que l’accès à l’information générale sur la consommation est identifié comme étant la mesure d’accompagnement la moins efficace par les participants.
En ce qui a trait aux connaissances sur l’énergie, l’évaluation a été réalisée de deux façons, soit une mesure subjective et une mesure objective. D’abord, au niveau subjectif, les participants devaient qualifier leur niveau de connaissances sur la consommation d’énergie sur une échelle de Likert à 5 points ( très faible, faible, moyenne, bonne, excellente ) . Pour ce qui est de la mesure objective, les participants devaient ensuite répondre à 16 questions portant sur leurs connaissances générales en lien avec la consommation énergétique. Le score moyen des 32 participants est de 54 % ( SD : 18,69). Le Tableau 4 présente la comparaison des résultats issus des évaluations subjectives et objectives. On observe que les participants des groupes disant posséder des connaissances moyennes à excellentes ont eu tendance à surestimer leur niveau réel de connaissances.
Enfin, concernant les enfants, la question des connaissances liées à l’énergie a brièvement été abordée lors des entretiens afin de « briser la glace » avec ces derniers. Sans l’aide de leurs parents, ils ont été questionnés sur le fonctionnement et la provenance de l’électricité et sur des exemples concrets d’objets consommateurs dans leur maison. Tous les enfants ont démontré un minimum de connaissances en nommant au moins deux sources de production et plusieurs exemples d’objets électriques dans leur domicile. Les enfants les plus âgés sont d’ailleurs ceux qui ont précisé davantage ces aspects.
Intention d’utilisation du jeu sérieux sur l’énergie et public cible
Les résultats de l’enquête de la phase 1, réalisée auprès des parents, montrent un intérêt marqué de ces derniers pour le développement d’une application utilisant les approches ludiques afin de favoriser l’apprentissage de connaissances sur l’énergie. En effet, si un jeu en lien avec la consommation d’énergie était développé, 87,88 % (n = 29) des parents auraient l’intention de l’utiliser et 90,63 % ( n = 29) croient que leurs enfants souhaiteraient aussi utiliser une version adaptée à ce jeune public. Toutefois, 81,8 % des parents sont d’avis que le jeu développé devrait, avant tout, s’adresser à tous les membres de la famille. Précisons que lors des entrevues de la phase 3 et la présentation des maquettes, les deux enfants les plus âgés (12 ans) ont réagi positivement à la proposition visuelle, mais ne prévoyaient pas de jouer avec le produit s’il devenait disponible. D’ailleurs, lors des discussions, les parents semblaient d’avis que le produit final serait plus approprié pour un public cible de 7 à 10 ans. Ceci était, en effet, confirmé par les concepteurs de jeux vidéo qui avaient mentionné que la tranche d’âge visé (c’est-à-dire 2 e et 3 e cycles du primaire) était sans doute trop large pour qu’un seul jeu puisse les rejoindre avec le même niveau d’adhésion.
Néanmoins, autant les parents que les enfants croient que le jeu pourrait aider les plus jeunes à développer de meilleures habitudes de consommation.
« Je pense que oui [Ça peut aider à développer les habitudes énergétiques] chez l’enfant]. […] Les parents disent des choses et ça passe dans le beurre. Des fois quand l'enfant s’approprie l’information via un défi, c'est un moyen le fun. Je pense qu'il [mon enfant] aurait du fun à jouer avec ça. » (Parent, famille 1, entretien virtuel, mars 2021)
Thèmes à inclure dans une nouvelle solution numérique
Lors de l’enquête, les parents ont identifié les thèmes les plus pertinents à inclure dans une nouvelle solution numérique qui serait développée dans le but d’accompagner le changement de comportements en lien avec la consommation énergétique. Ils ont réalisé cet exercice en pensant d’une part, à un public adulte et d’autre part, à un jeune public. Le Tableau 5 présente une synthèse des résultats.
Les données montrent que « Le processus de production de l’électricité » de même que « L’électricité et la sécurité » sont les thèmes considérés les moins pertinents pour un public adulte. D’ailleurs, en lien avec ce dernier thème, il a été intéressant de constater que lors des entrevues en dyade, aucun participant n’a proposé d’idées concrètes en lien avec le thème de la sécurité validant ainsi le faible intérêt des participants pour cette thématique. Cette polarisation du point de vue n’est toutefois pas observée pour le jeune public. En effet, il semble que pour les parents, toutes les thématiques représentaient un certain intérêt pour leurs enfants. Les entrevues réalisées ont montré que « Les gestes à poser pour réduire la consommation », « Le processus de production de l’hydroélectricité » ou « Les différentes modes de production de l’électricité » sont les thèmes qui semblaient les plus importants pour eux.
Types de jeu pouvant susciter l’intérêt
Au-delà de la thématique, les mécaniques de jeu ou les types de jeux proposés pourraient avoir un effet important sur le niveau d’intérêt manifesté par le public ciblé. L’enquête réalisée lors de la phase 1 a d’ailleurs permis d’avoir une première idée des types de jeux pouvant susciter l’intérêt des parents ou celui des enfants. Le Tableau 6 présente les résultats obtenus.
En combinant les réponses obtenues aux choix intéressant et très intéressant, on constate que pour les parents, les capsules vidéo éducatives et la proposition d’un environnement interactif proposant des informations et des conseils arrivent ex aequo en tête de liste ( n = 28; 84,85 %). Les jeux utilisant la formule d’histoires sont ceux suscitant le plus faible intérêt auprès de ce public. Pour leurs enfants, les parents jugent que ce sont les mini-jeux misant sur la sensibilisation qui seraient la formule la plus intéressante pour eux ( n = 31; 93,93 %). Il est intéressant de constater que, selon les parents, les histoires interactives permettant de faire des choix semblent être jugées plus intéressantes pour ce public cible. Les jeux développés dans le but de susciter des discussions entre les parents et les enfants sont les formules jugées les moins intéressantes pour leurs enfants. Lors des entrevues en dyade, quelques idées proposées par les parents et les enfants permettent de mieux saisir leur vision concernant la solution ludique pouvant être développée.
D’abord, les discussions ont permis de constater que les enfants et les parents favorisaient des formules de jeux qui simulaient ou ressemblaient à la vie quotidienne. En effet, sur les cinq familles, quatre ont proposé des idées en lien avec un village, une maison ou une communauté alors qu’un autre participant préférait une orientation davantage imaginaire avec des monstres à combattre. Voici des verbatim qui illustrent cette différence observée : « (Il serait intéressant de proposer) un jeu où il faut que tu construises une ville et que tu relies les points d'électricité. […] À chaque jour, tu incarnes un personnage dans chaque maison et il faut que tu fasses le plus attention à l'électricité. » (Enfant, famille 1, entretien virtuel, mars 2021)
D’autres participants ont proposé d’adapter ou de revisiter des formules de jeu déjà connues ou familières.
« J'aurais peut-être plus pensé à une mise à jour d'un jeu qui existe déjà. Je parle de Minecraft. Une mise à jour qui ferait en sorte qu’il y aurait des lumières. Il y aurait des appareils électroniques qui aideraient à survivre, qui consommeraient de l'électricité comme dans la vraie vie. À un moment donné tu pourrais manquer de l'électricité puis il faudrait que tu économises. Faudrait que tu construises des barrages. » (Enfant famille 1, entretien virtuel, mars 2021)
La proposition d’une formule sous la forme de quête ou de circuit animé interactif a aussi été nommée comme en fait foi cette discussion entre un parent et son enfant :
Enfant : « Ça serait bien que tu puisses te promener et puis, des fois, tu arrives à de petites quêtes et tu dois répondre à des questions. »
Parent : « Je fais du pouce avec ce qu'il a dit […]. Mettons des stations de pompage là ou des affaires où il y a des lignes de transports […]. Tu arrives à la station de pompage, comme il dit (son fils), tu pourrais poser des questions et après, ça t'amène à un autre indice et tu t'en vas ailleurs. Comme un genre de cherche et trouve, d'enquête, d'aventure. » (Parent et enfant, famille 5, entretien virtuel, mars 2021)
Une autre discussion de deux participants a permis d’explorer une idée de jeux évolutifs avec des niveaux.
Parent : « Je vois deux facettes : construction et optimisation […] avoir une bonne gestion pour avoir une ville qui est efficace pour pouvoir la faire grossir. (Il pourrait aussi y) avoir un indicateur de performance ou un truc comme ça. […] ou tout simplement plusieurs niveaux qui ne durent pas nécessairement 2 minutes. Peut-être 20 minutes chaque niveau et le but c’est de construire la ville la plus écologique possible. »
Enfant : « Ça serait cool que le but soit de développer une plus grande ville. Ça serait cool de construire des éoliennes, des barrages qui alimenteraient notre ville. » (Parent et enfant, famille 1, entretien virtuel, mars 2021)
Les analyses qualitatives ont aussi révélé que les idées des parents étaient davantage orientées vers un jeu d’apprentissage direct sur l’électricité (par exemple, relier un circuit électrique), alors que les enfants proposaient davantage un jeu ludique dans lequel on retrouve des notions d’électricité, mais dont les apprentissages sont relayés au second plan.
Composantes de jeux
Un autre volet de la collecte de données quantitatives et qualitatives a fourni des précisions relatives aux mécaniques de jeu vidéo pouvant être utilisées lors du développement d’une solution numérique ludique visant le changement de comportements en lien avec la consommation d’énergie. Comme pour les thèmes précédents, les parents interrogés dans le volet 1 se sont positionnés à la fois pour eux, mais aussi à titre de porte-paroles de leurs enfants. Le Tableau 7 présente les résultats.
Au niveau qualitatif, les éléments entourant la notion de défi, d’objectif et de récompense ont constitué l’essentiel des discussions lors de la phase 3. Utilisant la maquette comme point de départ de la discussion, ce visuel a permis aux participants d’approfondir certains aspects qui n’avaient été abordés que très sommairement dans l’enquête.
Les conseils
La présentation d’une maquette de jeu, axé sur la simulation virtuelle de la consommation en milieu résidentiel (voir Figure 1 présentée dans la section méthode), a notamment permis aux participants d’imaginer l’apport que pourraient avoir les conseils prodigués. Ainsi, pour un enfant, ces conseils pourraient contribuer à améliorer la performance au jeu.
Parent : « Est-ce qu'il pourrait y avoir des conseils ? Par exemple, la lumière qui est ouverte dans la chambre et qu’il n’y a personne. Un conseil qui pop (comme par exemple) si tu avais fermé la lumière, tu aurais eu plus de points. ».
Enfant : « Ouais! Comme ça le prochain tour, tu vas plus y penser. Tu vas savoir pourquoi tu as perdu des points. […] (Parent et enfant, famille 4, entretien virtuel, mars 2021)
Quant à la présentation des conseils, pour deux familles, les parents nomment qu’ils pourraient être présentés sous la forme de bulles dans lesquelles des indicateurs de couleurs rouges et vertes indiqueraient à l’utilisateur les éléments pouvant être améliorés dans le jeu.
Parent : « Dans les jeux, tu as souvent de petites bulles. Je pense que ce qui pourrait être intéressant (c’est qu’)en fonction de chacun des éléments qui consomment, quand tu cliques dessus tu as une petite bulle qui te dit : Si tu veux t'améliorer tu peux faire ça, ça, ça. C'est comme ça que tu peux optimiser. Et souvent il y a des jeux comme ça, que si ça ne fonctionne pas bien, ça devient rouge. Ça veut dire que tu fais quelque chose qui n'est pas correct et ce que tu peux faire de mieux. Avoir des espèces d'alarmes comme ça. Rouge-vert-rouge-vert. » (Parent, famille 3, entretien virtuel, mars 2021)
On mentionne que dans un tel univers de jeu, les conseils pourraient arriver par le biais d’une boîte postale intégrée dans le jeu ou par une diffusion de messages sur la télévision. Aussi, une famille mentionne que les conseils peuvent être également de nature informative afin d’envoyer aux familles de l’information sur le fonctionnement de l’électricité.
Enfant : « Au lieu de mettre des pubs dans le jeu, on pourrait recevoir des lettres dans nos boites à lettres (du jeu) qui expliquent un peu comment marche l'électricité. Ça serait peut-être cool. »
Parent : « Ou une émission de TV sur la TV (du jeu). Il passe une émission de TV sur les barrages […] Ça ajoute du dynamisme au jeu. Ça pourrait être un téléphone qui sonne, la famille joue à un jeu de société sur la table. Il y a plein de prétextes qui pourraient servir pour passer l’info. » (Parent et enfant, famille 1, virtuel, mars 2021)
Parent : « Ça pourrait (être) grâce au fait que tu as fermé la TV avant de partir, tu as sauvé tant de kilowatts. Ça deviendrait aussi informatif et aussi, ça sensibilise. » (Parent, famille 5, entretien virtuel, mars 2021)
Les défis et les récompenses
L’enquête avait aussi révélé que la proposition de défis dans le jeu pourrait intéresser les enfants. Plus précisément, lors des entrevues, les participants ont tous nommé que des défis devaient être intégrés dans le jeu et plusieurs idées concrètes ont été proposées. Par exemple, certains mentionnent que les récompenses pourraient être autant remises lorsqu’une tâche du jeu est accomplie dans un temps donné que lors de défis supplémentaires (par exemple, tâches additionnelles, objectifs atteints en moins de temps). Voici certaines idées de défis proposés par les participants : « Dans le 5 minutes, il pourrait y avoir : '' Si tu réussis à faire la tâche qui est écrite avant le temps, alors tu gagnes un bonus de points. '' » (Enfant, famille 4, entretien virtuel, mars 2021)
D’ailleurs, deux familles mentionnent que les défis peuvent autant être liés à l’électricité, les habitudes de vie, l’environnement et l’efficacité énergétique. Ils peuvent être un médium intéressant pour permettre aux enfants d’en apprendre sur diverses notions.
Parent : « C'est l'occasion de rentrer plein de concepts au niveau : comment qu'on branche l'électricité, comment qu'on construit une maison avec de bons matériaux, rendre une maison qui n'est vraiment pas écoénergétique correcte, changer les fenêtres. Il y a plein de choses qu'on peut intégrer là-dedans […] Ne serait-ce que : ‘’ Tu as une maison et trouver la meilleure orientation par rapport au nombre de fenêtres’’. [...] des petits défis comme ça. »
Enfant : « Quand les personnes ont fini de manger […] quelqu'un prend les assiettes et va les porter et va faire la vaisselle pendant que d'autre prend la nourriture (et pour éliminer la nourriture) tu as la poubelle, le compost, le recyclage. » (Parent et enfant, famille 1, entretien virtuel, mars 2021)
Parent : « Comprendre le cheminement de ta consommation. De faire des liens entre la base qui est l'électricité jusqu'à ta consommation. […] Quand je parlais des séquentiels, ça serait le fun que quand il réussit quelque chose, ça soit expliqué. […] Qu’il y ait juste une démonstration. » (Parent, famille 5, entretien virtuel, mars 2021)
Il est aussi intéressant de constater que l’idée d’un jeu-questionnaire est revenue dans les discussions sur la maquette. Les participants ont en effet mentionné que le jeu-questionnaire pourrait être intégré sous la forme d’un défi supplémentaire.
Parent : « Ça rejoint ce que je disais tantôt l'enquête ou l'aventure, mais les défis je ne les mettrais pas nécessairement entre les bonhommes. […] Mettons qu'il y a un cabanon à côté de la maison et quand tu arrives dans le cabanon, tu découvres une liste de défis justement à rencontrer quand tu vas entrer dans la maison. » (Parent, famille 5, entretien virtuel, mars 2021)
Quant à la forme que pourrait prendre le système de récompenses proposé dans un tel jeu, deux propositions sont ressorties lors des entretiens, soit les points ou les sous. La majorité des parents et des enfants ont apprécié le système de points. Il s’agit d’une fonction avec lesquelles les enfants sont habitués et qui peut stimuler leur motivation à jouer. Par ailleurs, les participants croient que le système de récompenses pourrait être utilisé en complémentarité pour : 1) personnaliser le jeu (par exemple, amélioration de la maison virtuelle) et 2) indiquer la performance par la mise en place d’une formule par niveau de progression. Ainsi, l’atteinte d’un niveau pourrait débloquer des options de personnalisation du jeu ou attribuer de nouvelles compétences au personnage du jeu.
« On pourrait rajouter, comme mon père disait, d'autres maisons. Quand on a fini un niveau, on pourrait comme devenir le maire de la ville et construire des bâtiments, lier l'électricité et construire des bâtiments à l'aide des étoiles en haut. Les étoiles débloqueraient de nouveaux bâtiments qu'on peut construire pis ça attirerait le plus de gens dans notre ville et le but, ça serait d'atteindre un nombre maximal de villageois dans notre communauté pour gagner la partie. » (Enfant, famille 1, entretien virtuel, mars 2021)
Parent : « Tu peux commencer toute seule et après … »
Enfant qui interrompt son parent : « Et après ça tu peux agrandir ta maison ou changer ta maison pour une plus grande […] mettons une deux étages et après ça un sous-sol. »
Parent : « Ça pourrait être évolutif. Tu es célibataire, en couple, après ça 1 enfant, 2 enfants. Ça pourrait être chouette ça. » (Parent et enfant, famille 4, entretien virtuel, mars 2021)
Dans le même ordre d’idée, selon plusieurs, la présence des récompenses et de défis susciterait la motivation à court terme chez les enfants. Les parents ont nommé que ces ajouts et ces niveaux pourraient être un moyen de complexifier le jeu. Ce dernier pourrait donc être évolutif selon les connaissances de l’enfant sur l’énergie. En ajoutant des indicateurs de performance, ceci assurerait d’ailleurs que l’intérêt et la motivation soient maintenus dans le temps. « Ce n'est pas fou ça, le fait d'avoir des niveaux à atteindre. […] Ça prend quelque chose qui motive. » (Parent, famille 1, entretien virtuel, mars 2021)
Pour conclure la section résultats, il convient d’inclure quelques commentaires généraux en lien avec la maquette du jeu présenté lors des entrevues de la phase 3. D’abord, selon les parents, un point fort de la maquette est sa représentativité avec la consommation quotidienne d’une famille. Selon eux, si la sensibilisation des enfants à l’adoption de nouveaux comportements est souhaitée, il est important que le jeu représente le plus possible la vie réelle d’une famille quant à sa consommation énergétique. De cette façon, l’enfant pourra généraliser ses connaissances acquises pendant le jeu à son quotidien. Un parent mentionne d’ailleurs que les enfants peuvent même devenir « dogmatiques » envers les autres membres de leur famille lorsqu’un comportement est acquis.
« Sérieusement des enfants, ça peut être assez dogmatique. Si ça joue à ça et ça se fait dire à chaque fois qui joue : 'Ferme la lumière.' Tu peux te le faire dire (ensuite) en tant que parent : 'T'as pas fermé ta lumière, t'as laissé l'eau couler...' (Rire). Ça peut être assez intense les enfants quand ils prennent des conseils comme ça et qui les appliquent. » (Parent, famille 4, entretien virtuel, mars 2021)
Discussion
Le présent projet s’inscrit dans un contexte québécois de consommation énergétique importante par habitant et une volonté d’optimiser la consommation notamment dans les périodes de pointe durant la saison hivernale au Québec. Il est aussi en phase avec la volonté politique et sociale de promouvoir une meilleure efficacité énergétique. La sensibilisation et l’éducation sont des moyens à privilégier dans l’atteinte de ces objectifs. S’appuyant sur une démarche collaborative centrée sur l’utilisateur, cette collecte de données, réalisée à la phase d’idéation, a permis de mieux cerner les préférences relatives à l’utilisation d’une approche ludique (numérique) pour soutenir le changement de comportements énergétiques des familles québécoises.
Position des familles sur les changements de comportement
La phase 1 met en lumière les attitudes des familles participantes par rapport à la perception d’effectuer des changements d’habitudes de sorte à diminuer la consommation de leur ménage. Les résultats obtenus indiquent que les attitudes des participants sont très positives par rapport au changement de comportements. De nombreuses études observant les habitudes de consommation des familles, comme celles de Nicholls et Strengers (2015) et Fell et Chiu (2014), semblent pourtant indiquer que celles-ci sont particulièrement routinières et peu flexibles. Comme la présente étude n’interrogeait pas sur la mise en œuvre réelle de ces nouveaux comportements, mais bien en amont de ces actions, il est difficile de savoir si l’enthousiasme des participants est en rupture avec la littérature existante et si ce résultat est attribuable à un biais d’échantillonnage ; les participants recrutés ayant d’ores et déjà des intérêts qui leur sont propres par rapport au sujet de l’énergie. Seul un protocole expérimental incluant une évaluation des consommations énergétiques, soit par un mesurage direct de la consommation électrique ou par un suivi des factures énergétiques auprès des familles participantes avant, pendant et après l’expérimentation d’un jeu sérieux permettrait de le faire. Par contre, ce résultat démontre qu’il existe des familles intéressées par les questions liées à l’énergie et qui ont une volonté de modifier leurs habitudes de consommation d’énergie.
Ces constats viennent démontrer l’importance de s’intéresser à cette clientèle cible pour le développement d’un jeu sérieux sur l’énergie. Les familles possèdent certes leurs défis propres pour l’adoption de nouveaux comportements, entre autres en ce qui a trait à l’organisation de la vie quotidienne. Toutefois, les futures familles utilisatrices présentent de l’ouverture. Un jeu sérieux bien conçu et adapté à leurs besoins pourrait certainement les soutenir dans cette démarche de changement.
Connaissances des familles en matière d’énergie
Les évaluations objectives et subjectives des connaissances en matière d’énergie des parents, également réalisées à la phase 1, sont des résultats de recherche méritant d’être discutés. En effet, les connaissances en matière d’énergie sont souvent mises de l’avant comme un facteur précurseur essentiel au passage à l’action, contribuant à forger une attitude positive face au changement de comportements. Les démarches visant, en premier lieu, le rehaussement des connaissances en matière d’énergie, puis menant à l’intégration de ces connaissances de manière à favoriser les changements de comportement, peuvent être associées au concept multi-dimensionnel de la « littératie énergétique » comme discuté par Das et Richman (2022) et DeWaters et Powers (2013). En effet, bien qu’il existe une multitude de définitions attribuées au concept de littératie énergétique, certaines se limitent à l’acquisition de connaissances en matière d’énergie comme celle de Turcotte et al. (2012). À l’inverse, celle des auteurs cités précédemment (Das et Richman, 2022 ; DeWaters et Powers, 2013) s’intègre dans un continuum visant non seulement l’acquisition d’une compréhension du rôle de l’énergie dans la vie quotidienne (dimension cognitive), mais également le développement d’une sensibilité aux conséquences environnementales de la consommation d’énergie (dimension affective) et finalement, la mobilisation de ces connaissances et compétences pour poser des actions et faire des choix de comportements durables raisonnés (dimension comportementale). Cependant, le lien de causalité entre le niveau de connaissances et l’adoption de comportements efficaces reste à démontrer. À titre d’exemple, Das et Richman (2022) observent auprès de leur population étudiée que malgré des niveaux de connaissances très faibles, les participants ont généralement une attitude positive envers les enjeux énergétiques et ils rapportent adopter de nombreux comportements énergétiques efficaces. Cotton et al. (2021) observent également une décorrélation entre le niveau de littératie et les attitudes envers l’adoption de comportements efficaces auprès de populations étudiantes. Ainsi, le changement comportemental pour l’adoption de comportements efficaces n’est souvent pas uniquement attribuable au niveau de connaissances, mais également aux valeurs et aux ressources (matérielles et sociales) dont disposent les individus (Bartiaux, 2008).
De la présente recherche, deux constats quant au niveau de connaissances en matière d’énergie des participants émergent. D’abord, lorsqu’évaluées de manière objective (questions de connaissances générales), il est observé que le niveau de connaissances énergétiques moyen des participants est légèrement au-dessus des 50 %, donc qu’en moyenne, les participants ont démontré une certaine connaissance en matière d’énergie, ni bonne, ni mauvaise, qui pourrait correspondre à une connaissance « moyenne » selon l’échelle de Likert proposée pour l’évaluation subjective. Ce résultat est étonnant puisque plusieurs auteurs soutiennent que les niveaux de littératie énergétique, pour la dimension cognitive, sont plutôt bas au sein des populations adultes, comme dans l’étude de Das et Richman (2022), de même que chez des populations plus jeunes (élèves de niveau secondaire), comme dans l’étude de DeWaters et Powers (2013). Ceci pourrait s’expliquer par le niveau de scolarité des participants à l’étude supérieur à celui de la moyenne québécoise compte tenu du fait que la scolarité a été identifiée comme un facteur déterminant du niveau de connaissances en matière d’énergie (Martins et al., 2020 ; Van den Broek, 2019 ; Marcellis-Warin et al., 2015). Autre résultat intéressant, lorsqu’il est demandé aux participants de qualifier de manière subjective leur niveau de connaissances sur l’énergie, ces derniers ont tendance à le surévaluer. À partir de ces résultats, force est donc de constater que des efforts supplémentaires devraient être déployés afin de rehausser les niveaux de connaissances en matière d’énergie comme première étape d’une démarche visant une plus grande littératie énergétique au sein de la population. Dans les phases 1 et 3 de l’étude, les participants se sont avérés particulièrement friands de connaissances ciblées et spécifiques sur les comportements écoénergétiques, soit les gestes à poser.
L’évaluation des connaissances en matière d’énergie auprès des enfants participant à cette étude n’a été réalisée que sommairement et de manière informelle au début des entretiens. Plusieurs études ont tenté de cerner l’état des connaissances en matière d’énergie des plus jeunes. Aguirre-Bielschowsky et al. (2018) rapporte que dès leur jeune âge, plusieurs savent allumer et éteindre le téléviseur et l’éclairage, jouent à des jeux sur la tablette électronique ou l’ordinateur portable qu’ils rechargent au besoin. D’autres vont également apprendre à contrôler les équipements de chauffage pour ajuster leur confort. En âge scolaire, ils peuvent être amenés à utiliser d’autres appareils dans le cadre d’activités comme la confection des repas (cuisinière, micro-ondes) ou l’entretien des vêtements. Pour sa part, Boudet et al. (2014) notent de faibles niveaux de connaissances en matière d’énergie dans leur étude réalisée auprès de jeunes filles scoutes de la Californie. Pourtant, certains jeunes participants de notre étude ont démontré, au travers des discussions, un niveau de compréhension des enjeux pour le moins surprenant. Des liens et une hiérarchisation entre les différentes consommations (essentielles versus non-essentielles) et des contraintes liées à la fourniture de l’électricité (pannes, construction des infrastructures de production) ont ainsi été évoqués, alors que d’autres ont démontré des connaissances plus sommaires et générales. Ces résultats démontrent une disparité dans les niveaux de connaissances liées à l’énergie auprès des jeunes.
Ces constats sur les niveaux de connaissances des parents comme des enfants participant à cette étude ont permis d’orienter le développement de la maquette de jeu de manière à les adresser :
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Les parents ont tendance à surestimer leur niveau de connaissances qui se situe en moyenne à 50 %. Leur participation dans le jeu devrait être considérée, ce qui a motivé l’inclusion d’un jeu-questionnaire pour les parents dans la maquette soumise aux participants de la phase 3.
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Les enfants ont des niveaux de connaissances très variables et cela pourrait être pris en compte en créant des niveaux de jeu.
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Les participants se sont avérés particulièrement friands de connaissances ciblées et spécifiques sur les comportements écoénergétiques, soit les gestes à poser, et les éléments de connaissance du jeu devraient être orientés en ce sens de manière à susciter leur intérêt. Ainsi, la maquette proposée axe le jeu sur la réalisation de défis liés à la réalisation de tâches quotidiennes auxquelles l’utilisateur peut s’identifier. Cela étant dit, les connaissances acquises peuvent être directement transposées dans sa vie courante.
Relations sociales et énergie au sein des familles
Finalement, la dimension relationnelle de l’énergie a été abordée par les participants dans le cadre de cette étude. Dans la phase 1, les participants ne semblent pas montrer d’intérêt particulier pour les formules de jeu développées dans le but de susciter des discussions entre les parents et les enfants. Pourtant, dans les entretiens de la phase 3, l’éducation des enfants est discutée à maintes reprises par les participants. Fell et Chiu (2014) suggèrent que l’énergie est un sujet peu discuté à la maison. La littérature indique pourtant que l’enfance a été identifiée comme une période charnière pour l’apprentissage des comportements énergétiques durables. Comme le décrivent Horton et al. (2013), il s’agit d’une période intensive de « socialisation et de (re)production des habitudes individuelles, de normes, de dispositions, de valeurs, de mode de vie, d’identités et de sentiment d’appartenance qui peuvent avoir toutes sortes de conséquences environnementales, écologiques et politiques complexes et durables »[1] (p. 249). Les mécanismes de socialisation directe et indirecte (observation et reproduction des comportements des parents) seraient alors en action (Aguirre-Bielschowsky et al., 2018). Comme mentionné précédemment, les comportements écoénergétiques acquis durant l’enfance, quoique parfois délaissés durant l’adolescence, seraient repris à l’âge adulte où s’acquiert l’indépendance financière (Aguirre-Bielschowsky et al., 2018). Boomsma et al. (2018) dans leur étude sur les perceptions de ménages résidant dans des logements sociaux par rapport à un jeu sérieux sur l’énergie indiquent que les parents seraient plus enclins à s’y intéresser si les moyens préconisés permettent, plus précisément, aux enfants d’en apprendre davantage sur le sujet.
Les résultats obtenus à la phase 3 indiquent que la socialisation des enfants aux comportements écoresponsables constitue une motivation justifiant l’adoption de tels comportements, servant ainsi de courroie de transmission des valeurs parentales. Mais l’inverse est également évoqué dans les entretiens, c’est-à-dire que les enfants pourraient induire des changements de comportements au sein de la cellule familiale. Toutefois, la littérature nous indique que le rôle des enfants comme potentiels prescripteurs de comportements durables au sein de la famille mérite d’être nuancé. En effet, Bartiaux (2009), au travers d’un sondage auprès d’enfants et de parents belges, s’intéresse à cette question. Elle mobilise la typologie des rapports médias-école-parent-enfant de Kellerhals et al. (1991) : opposition, délégation, médiation et coopération. Ces conclusions sont plutôt mitigées sur le réel pouvoir d’influence des enfants au sein des familles. Une de ses recommandations est de mettre en place des mécaniques pour faciliter le rôle de coordination entre les agents souvent assumé par l’enfant. Le jeu sérieux pourrait possiblement, du moins en partie, remplir cette fonction en constituant un espace sécuritaire de discussion puisque les entretiens de la phase 3 ont révélé que l’acquisition de connaissances énergétiques, proposée ici sous forme de jeu, est perçue comme une activité où il est pertinent d’impliquer l’ensemble des membres de la famille.
Pour conclure sur la dimension relationnelle de l’énergie, un autre résultat s’avère d’intérêt. Dans la phase 3 de l’étude, des dyades parent-enfant ont exprimé la dimension collective de l’énergie en proposant des idées de jeux mettant en scène des familles, des quartiers ou d’autres formes de collectivité. Ce résultat démontre que les participants sont sensibles à la nature collective de la consommation d’énergie. Cependant, ce résultat ne nous informe pas à savoir s’ils réalisent que la consommation énergétique dans les familles n’est pas que la somme de comportements individuels isolés, mais bien influencés par des dynamiques relationnelles de groupes intrafamiliaux (parent-parent, parent-enfant) en plus des pressions venant de l’extérieur (normes sociales, réglementations, infrastructures, et cetera) comme l’amènent Stephenson et al. (2010) dans le cadre conceptuel des cultures énergétiques.
En résumé, cette analyse a permis de préciser certaines orientations de développement de la maquette de jeu. Le jeu propose au jeune joueur de coordonner les actions de plusieurs membres d’une même famille, ce qui contribue à le socialiser à une variété de comportements et peut potentiellement l’appuyer dans une démarche pour prescrire ces comportements dans sa cellule familiale. Finalement, la dimension extrafamiliale, qui avait suscité peu d’intérêt dans la phase 1, mais qui a été évoquée par certains participants de la phase 3, pourrait orienter une éventuelle évolution du jeu, telle que proposée dans une maquette qui n’a pas été retenue destinée à des utilisateurs cibles de 11-13 ans.
Position des familles sur l’utilisation d’une approche ludique
Pour ce qui est de la solution concrète à conceptualiser et à développer, les résultats obtenus montrent un intérêt des participants à utiliser une approche ludique pour les accompagner dans le changement de leurs comportements. À ce titre, les résultats permettent d’établir deux principaux profils de joueurs. D’une part, autant les parents que les enfants mentionnent avoir une préférence pour les défis, l’atteinte d’un objectif et l’accomplissement d’une quête ou d’une mission. D’autre part, certains participants mentionnent vouloir accumuler des points et obtenir des récompenses. Dans la littérature, ces types d’intérêt rejoignent respectivement des profils de joueurs dits « performants » et « compétitifs » (Tondello et al., 2016 ; Marczewski, 2015 ; Bartle, 2005).
En parallèle, les résultats montrent aussi un intérêt des participants pour le développement d’un concept de jeu leur permettant de développer une attitude positive en lien avec leur consommation énergétique. D’ailleurs, ils mentionnent que les solutions à développer devraient notamment se présenter sous la forme d’environnements virtuels interactifs semblables à la vie quotidienne proposant des conseils ou des gestes concrets à poser. Ces éléments relevés par les participants se rapprochent d’un format de type « jeu sérieux » combinant une intention pédagogique et informative, des simulations, une composante de jeu vidéo, une sensibilisation à des enjeux sociaux et la transmission d’un savoir pratique (Perron, 2012 ; Ritterfield et al., 2009). D’ailleurs, cet intérêt des participants se précise lorsqu’ils sont appelés à exprimer plus librement leurs idées sur le concept de jeu à développer. En effet, ces derniers utilisent les verbes construire, développer, optimiser, aider, agrandir et améliorer ; un vocabulaire généralement associé à des approches de jeu progressives ou positives (Zehir et al., 2019). Ces propos se distinguent de ceux exprimés pour les approches transgressives ou régressives qui sont plutôt liés à des verbes comme briser, éliminer ou même détruire. Ajoutons que dans ces formules progressives ou positives, la réalisation de défis permet de donner un sens aux efforts fournis par le joueur. Conséquemment, l’obtention de récompenses constitue un mode de reconnaissance concret des succès et des accomplissements des joueurs. Dans le cadre de la présente étude, les résultats montrent que dans un jeu sérieux axé sur la consommation énergétique, le jeune public préfère un système d’accumulation de points ou d’argent fictif en guise de reconnaissance des efforts réalisés. Pour les parents, ce format fixe et tangible de récompenses semble agir comme un excellent agent motivationnel en soulignant les accomplissements et la progression dans le jeu. Pour ce qui est du niveau d’engagement attendu des joueurs, les données semblent suggérer que le concept de jeu vise une participation dite « occasionnelle ». Ce type de jeu est généralement associé à : un faible niveau d’investissement, un graphisme attrayant, des contrôles simples et faciles à apprendre, une action-réaction rapide et de courtes sessions de jeu (Wee et Choong, 2019 ; Kuittinen et al., 2007). D’ailleurs, dans l’industrie du jeu vidéo, ce type est celui qui est le plus largement représenté et qui suscite le plus d’intérêt dans les activités de développement (Daloukas et al., 2012). Malheureusement, les données de l’étude ne permettent pas d’aller plus loin en ce qui concerne le public cible ou le groupe d’âge à viser lors de la conception d’un jeu sérieux axé sur la consommation énergétique.
Enfin, précisons que bien que plusieurs auteurs (Wee et Choong, 2019 ; Wemyss al., 2019 ; Wemyss al., 2018) relèvent que les approches ludiques misant sur la compétition, l’affiliation et la collaboration influencent positivement le niveau de motivation intrinsèque et l'adoption de comportements énergétiques efficaces, les participants de la présente étude ont démontré peu d’intérêt à se comparer avec d’autres joueurs à l’extérieur de la cellule familiale (par exemple, famille élargie, personne présentant un profil similaire de consommation).
Forces et limites méthodologiques de l’étude
Ce projet se voulait être une première étape de codéveloppement d’un jeu vidéo ayant pour but de sensibiliser les enfants et les parents sur leur consommation d’énergie dans leur maison. Toutefois, bien que l’étude comporte certaines forces, la généralisation et le transfert des résultats sont somme toute limités.
D’abord, une première limite à aborder d’entrée de jeu est liée au contexte de l’étude. En effet, comme mentionné ci-haut, la collecte de données s’est réalisée dans le contexte pandémique liée à la COVID-19. Ceci a amené une modification du format d’animation des groupes de discussion. Bien que l’équipe se soit adaptée en proposant des entrevues en ligne, l’animation de groupes de discussion virtuels en dyade avec des enfants a comporté son lot de défis (susciter l’engagement actif des participants, gestion du tour de parole, ne pas nuire à la spontanéité, et cetera). Les connaissances sur ces nouvelles techniques d’animation en mode virtuel étaient limitées au début de la pandémie. En somme, la collecte de données ne s’est pas réalisée de manière optimale et la COVID-19 a bousculé certains principes en lien avec les conditions de succès associés à la mise en place d’approches de recherche participative (par exemple, inclure les participants dès les premières phases du processus d’idéation). Mentionnons aussi que le contexte pandémique a entraîné une importante attrition de l’échantillon lors de la troisième phase.
Au niveau méthodologique, un élément majeur qui semble avoir introduit un biais lors de la collecte de données est lié à l’utilisation de la maquette d’un prototype de jeu en support à l’animation des discussions. Avec le recul, nous avons constaté que cette méthode semble avoir créé une polarisation des opinions des participants lors de la phase 3. En effet, nous avons observé que lors de la consultation initiale (phase 1), les participants adultes manifestaient un certain intérêt pour une formule de jeu leur étant destinée. D’ailleurs, la majorité imaginait même un jeu s’adressant à l’ensemble de la famille. Par contre, lors de la phase subséquente, les participants semblaient considérer que la maquette proposée ne s’adressait qu’à des enfants âgés entre 7 à 10 ans. D’ailleurs, nous observons que les parents et les préadolescents (12 ans) ne se sont pas sentis interpellés par la proposition. Cette différence obtenue entre les résultats de l’enquête et ceux des groupes de discussion porte à croire que l’orientation choisie par les concepteurs pour le développement des maquettes lors de la phase 2 (aspects visuels, intention) était trop ciblée sur un public spécifique et n’a pas été en mesure d’interpeller tous les publics initialement visés pour le développement de ce projet (ensemble de la cellule familiale). En somme, cette limite rend difficile l’identification d’un public cible. Cela pourrait alors compromettre les étapes futures de développement de la solution. Ainsi, il est recommandé de mener une nouvelle consultation en utilisant une plus grande variété de propositions visuelles afin de voir si ces dernières interpellent un plus large public avant de passer aux étapes ultérieures de conception.
Enfin, précisons que la grande force du projet est liée à l’intérêt des promoteurs d'inclure les utilisateurs finaux dans le processus de conception. D’ailleurs, dans la littérature, cette collaboration est reconnue comme une pratique à privilégier pour soutenir l’acceptabilité du produit final (Csoknyai et al., 2019 ; Hoffmann, 2017 ; Dubé, et al., 2014 ; Giacomin, 2014).
Conclusion
La présente étude avait pour objectif de documenter les perceptions de familles avec enfant en lien avec une solution technologique, prenant la forme d’un jeu sérieux, pour les soutenir dans l’adoption de comportements énergétiques efficaces. Dans un premier temps, les facteurs influençant l’intention de modifier et d’adopter des comportements énergétiques efficaces ont été explorés. Quoiqu’elle ait permis d’en apprendre davantage sur les niveaux de connaissances en matière d’énergie, les motivations à s’engager dans l’adoption de tels comportements ainsi que sur la dimension relationnelle de la consommation d’énergie, l’étude ne renseigne cependant pas sur les freins associés aux changements de comportements liés aux situations des familles et à leurs expériences singulières, ni sur les leviers pouvant être mobilisés pour les soutenir dans cette démarche. Pour ce faire, une enquête qualitative interrogeant les familles spécifiquement sur ces aspects permettrait d’identifier les freins aux changements de comportements. En effet, rappelons que l’objectif principal de cette démarche de recherche-action visait avant tout le développement d’un prototype de jeu. Les familles ont confirmé la pertinence d’utiliser une approche ludique comme moyen pour les soutenir dans les changements de comportements liés à la consommation d’énergie, pourvu que le jeu soit adapté à leurs besoins et leurs préférences. Pourtant, dans le processus de développement de jeux sérieux, l’intention du concepteur constitue un élément central guidant le choix de la structure du jeu, des mécaniques utilisées et de l’identification du public cible (Wee et Choong, 2019 ; Huber et Hilty, 2014). Cette intention aura des répercussions sur l’expérience du joueur, la nature de la quête proposée et les valeurs véhiculées dans le jeu (Wee et Choong, 2019 ; Huber et Hilty, 2014). En ce sens, les résultats de l’étude ont permis d’identifier certains points importants à inclure lors de la conception d’un jeu sérieux soutenant l’adoption de comportements énergétiques efficaces. Toutefois, l’élément principal qui ressort de cette étude est que le jeu proposé doit utiliser une formule « ouverte », c'est-à-dire qu'il doit s’adapter à plusieurs profils d’utilisateurs. Il doit donc être évolutif en prenant notamment en compte la complexité des notions à transmettre ainsi que le profil des joueurs (par exemple, âge, niveau de connaissances, intérêt pour le jeu vidéo, motivation à changer les comportements). D'ailleurs, l’étude révèle que pour favoriser l’apprentissage, le jeu doit s’adapter à la situation des ménages, mais aussi, expliquer comment les apprentissages peuvent être transférés dans le quotidien ou généralisés à différents contextes. Le jeu doit continuer de susciter l’intérêt de l’utilisateur jusqu’à ce que ce transfert puisse être opéré et qu’un changement de comportements durables puisse être observé. De plus, étant donné la saisonnalité des comportements énergétiques efficaces (ces derniers étant différents en saison estivale et en saison hivernale), il serait pertinent que le jeu s’adapte à ces différentes périodes pour supporter l’utilisateur dans l’apprentissage des comportements appropriés à la saison en cours. De cette façon, l’utilisateur pourra plus facilement faire des liens entre ce qu’il voit dans le monde virtuel et le réel et maintenir les acquis qu’il aura développés. Il est à noter qu’une validation de l’impact sur la consommation d’énergie sur une période d’un an serait souhaitable afin de quantifier l’impact des comportements d’économie d’énergie ainsi que les possibles effets rebonds.
Finalement, l’objet du présent article ne concernait que la première étape d’une démarche de développement et de validation d’une plateforme ludique visant à soutenir l’adoption de comportements énergétiques efficaces par les familles avec enfants. Comme mentionné précédemment, la prochaine étape consisterait à revoir la proposition de plateforme en offrant possiblement plusieurs options visuelles dans l’optique de sélectionner un prototype visant un plus large public et pouvant être attrayant pour l’ensemble du ménage. Toutefois, étant donné que cette étude a été réalisée dans un contexte de pandémie, ce qui a mené, comme mentionné précédemment, à un très faible taux de participation, surtout pour la phase 3 il serait pertinent de lancer une deuxième étude en visant un nombre de participants plus important. À la lumière des résultats obtenus dans la présente étude, le protocole suivant serait proposé.
Premièrement, il serait important qu’un sondage soit réalisé auprès d'un échantillon représentatif de plusieurs familles (établissement de leurs profils, de leurs attitudes face à l’adoption de nouveaux comportements favorisant les économies d'énergie, de leurs connaissances en matière d’énergie, à l'utilisation du numérique, des types de joueurs, et cetera). Deuxièmement, il serait pertinent que deux groupes de famille (groupe test et groupe témoin) soient sélectionnés et constitués. Ces familles seraient représentatives des familles québécoises et les deux groupes devraient être comparables entre eux. Les deux groupes pourraient consentir à ce que leur consommation énergétique soit mesurée sur une période d’un an. Troisièmement, les chercheurs pourraient solliciter la participation d'un seul groupe à la co-construction d’un jeu sérieux visant les économies d’énergie. Les participants seraient impliqués activement tout au long du processus (idéation de départ, avant-projet, projet, développement, et cetera). L'autre groupe agirait comme groupe témoin et ne serait pas impliqué dans la conception du jeu. Quatrièmement, l’étude devrait mettre en opération le jeu auprès des deux groupes en suivant les consommations électriques des familles pour voir les corrélations entre l’utilisation de l’approche ludique, des attitudes et des actions réelles. Enfin, une analyse comparative des résultats des deux groupes devrait être réalisée pour voir si la participation à la conception du jeu peut avoir une réelle influence dans l'adoption du jeu par les familles et la mise en pratique de gestes et d’habitudes permettant une réduction de la consommation d'énergie.
Il est à noter que la mesure du taux de rétention des comportements induits sur une période d’un an permettrait de s’assurer des effets persistants de ces comportements même dans un contexte où certains revêtent un caractère saisonnier (par exemple, les comportements associés aux équipements de chauffage en hiver).
Parties annexes
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier Vincent Bernier et Pierre-Olivier Corbin de Firefolk pour la conception de la maquette de jeu. Cette recherche a reçu le soutien de Mitacs dans le cadre du programme Mitacs Accélération.
Note
-
[1]
Traduction réalisée par les auteurs.
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