VertigO
La revue électronique en sciences de l’environnement
Volume 22, numéro 2, septembre 2022 Aménagement territorial et protection de l’environnement Sous la direction de Yann Roche
Sommaire (15 articles)
Aménagement territorial et protection de l’environnement
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Introduction : aménagement territorial et protection de l’environnement
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Articulation territoriale des instruments de protection et de gestion des espaces et ressources naturelles. Comparaison des Parcs naturels régionaux et des Espaces naturels sensibles français
Estelle Carlier et Romain Lajarge
p. 1–29
RésuméFR :
L’extension des aires naturelles protégées réclamée et la nécessité d’une gestion plus précautionneuse des ressources naturelles obligent à penser une meilleure articulation des instruments et outils environnementaux existants. Parmi eux, les Parcs naturels régionaux (PNR) et les Espaces naturels sensibles (ENS) représentent des exemples emblématiques de deux familles différentes d’intervention (contractuelle et réglementaire) qui entrecroisent préoccupation de protection des espaces naturels et gestion des ressources naturelles pour le développement territorial. Après avoir analysé leurs principes et méthodes à l’aune de leurs résultats après plusieurs décennies d’existence, cet article propose d’envisager les conditions d’une meilleure interaction entre eux et d’en mesurer l’intérêt et les limites. L’hypothèse suivie ici consiste à considérer que la triple nécessité d’une transcalarité, d’une extraterritorialité et d’une approche multi-partenariale est une de ces conditions. PNR et ENS participent au processus de territorialisation des ressources naturelles. S’ils opèrent conjointement, leurs différences gommées par le facteur territorial, ils oeuvrent à faire advenir des communs territoriaux, et donc à dépasser les catégories et oppositions habituelles entre public et privé. Cette troisième catégorie d’action territorialisée en commun ne pourrait alors que renforcer les objectifs quantitatifs et qualitatifs de la stratégie nationale française pour les aires protégées adoptée en janvier 2021.
EN :
The requested extension of the natural protected areas and the expected need for a more careful management of the natural resources force us to think about a better articulation of the existing environmental instruments and tools. Among them, the French systems PNR (Regional natural parks) and ENS (Fragile and vulnerable natural spaces) represent emblematic examples of two different families of intervention (contractual and regulatory) that intertwine preservation of natural spaces and management of natural resources for territorial development. After analyzing their principles and methods in the light of their results after several decades of existence, this article proposes to consider the conditions for a better interaction between them and to measure their interests and limits. The hypothesis followed here is to consider that the triple necessity of transcalarity, extraterritoriality and a multi-partner approach is one of these conditions. PNR and ENS participate to a territorialization of natural ressources process. If they operate jointly, their differences shaded by the territorial factor, they work to create territorial commons and thus to go beyond the usual categories and oppositions between public and private. This third category of common territorialized action could only reinforce the quantitative and qualitative objectives of the French national strategy for protected areas adopted in January 2021.
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La déforestation au prisme des terroirs villageois en situation de mosaïque forêt-savane, République Démocratique du Congo
Christophe Demichelis, Johan Oszwald, Clélia Gasquet-Blanchard, Victor Narat, Jean-Christophe Bokika et Tamara Giles-Vernick
p. 1–25
RésuméFR :
Les mosaïques forêt-savane constituent une formation écologique hétérogène où la structure et la composition paysagère sont très variables. Cette étude s’intéresse à l’organisation spatiale des activités humaines à l’échelle des terroirs villageois de la Chefferie des Batéké Nord, en République Démocratique du Congo. De quelle manière les activités humaines sont-elles organisées en périphérie des villages ? Existe-t-il une variabilité locale de spatialité de ces activités et quels en sont les facteurs ? Enfin, quels sont les conséquences sur le paysage, notamment en termes de déforestation ? Ces questions sont abordées en croisant des données issues de relevés de terrains géoréférencés et d’enquêtes socio-économiques, le tout confronté à des analyses en géomatique (SIG et télédétection). Un modèle théorique du terroir villageois a été produit pour l’ensemble des villages, présentant une organisation concentrique des activités basée sur les distances maximales parcourues pour chacune d’entre elles. Une variation de ces distances a pu être observée, notamment concernant l’agriculture, en raison de la démographie, de la disponibilité en forêts, de la présence de forêts communautaires et de l’intensité de l’agriculture de rente. Cette variabilité inter-villages met en évidence une typologie villageoise directement liée à la composition paysagère des terroirs, et met en avant différentes situations socio-écosystémiques au sein d’une zone pourtant restreinte. Cela a permis d’identifier des fronts de déforestation, et à l’inverse des zones où le couvert forestier est très peu dégradé. Cette étude entend participer à éclairer les politiques locales en termes de développement et de conservation, en leur permettant d’agir de manière intégrée à l’échelle des villages. En s’appuyant sur le concept de terroir villageois, cette étude met en avant la pertinence de réaliser des études locales, voire micro-locales, afin de mieux appréhender toute la complexité des relations entre les êtres humains et leur environnement, dont l’empreinte est directement visible sur le paysage.
EN :
The forest-savannah mosaics are an ecological and heterogenous formation, where landscape structure and composition vary substantially. This study investigates the spatial organization of human activities at the scale of village terroirs of the North Batéké Chiefdom, Democratic Republic of Congo. How are human activities organized on the periphery of the villages? Is there local variability in the spatiality of these activities and what factors account for such variability? Finally, what are the consequences on the landscape, particularly in terms of deforestation? These questions were addressed by crossing data from georeferenced field surveys and socio-economic surveys, all of which were triangulated with analyses from geomatics (GIS and remote sensing). A theoretical model of the village terroir was produced for all villages, consisting of a concentric organization of activities on the periphery of villages, based on the maximum distances walked for each activity. A variation in these distances was observed, notably concerning agriculture, because of demography, availability of woodlands, the presence of community forests and the intensity of economic agriculture. This inter-village variability made it possible to highlight a village typology directly linked to the landscape composition of the terroirs, and thus to highlight different socio-ecological situations within a small area. This has made it possible to identify certain deforestation hotspots, and, conversely, areas where there is little degradation of forest cover. Ultimately, this study aims to support local policies in terms of development and conservation by enabling them to act in an integrated approach at the village level. By relying on the concept of village terroir, this research highlights the relevance of carrying out local, or even micro-local, studies in order to gain a better understanding of the complexity of human-environment relations, which are directly visible on the landscape.
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Déploiement des initiatives de réduction de la déforestation et émergence de dynamiques territoriales dans la province de la Tshopo en République Démocratique du Congo
Eliezer Majambu, Moïse Tsayem Demaze, Dénis Jean Sonwa, Symphorien Ongolo et Benoît Mertens
p. 1–33
RésuméFR :
La Tshopo est une des premières provinces de la République Démocratique du Congo (RDC) à être sélectionnée, en 2011, pour la mise en oeuvre des projets de Réduction des Émissions de gaz à effet de serre issues de la Déforestation et de la Dégradation des forêts (REDD+). Depuis lors, cette province offre l’opportunité d’analyser la mise en oeuvre des initiatives de réduction de la déforestation pour comprendre comment la REDD+, élaborée au niveau international et mise à l’agenda au niveau national à Kinshasa pour le compte de la RDC, est déployée concrètement sur le terrain à travers des projets de réduction de la déforestation. Cet article décrypte le processus de diffusion et de sélection des sites de mise en oeuvre des projets en RDC en général et dans la province de la Tshopo en particulier. Il décrit et analyse également la mise en oeuvre des activités estampillées REDD+ et les dynamiques territoriales qui en découlent. En mobilisant les concepts de diffusion et implémentation des politiques (policy diffusion and implementation), de dynamiques territoriales, ainsi que l’analyse de documents officiels, les enquêtes par entretien et les observations directes sur le terrain, nous montrons que la diffusion de la REDD+, de l’arène nationale à l’arène locale dans la Tshopo, a été l’initiative de la Coordination nationale REDD+ (CN-REDD), appuyée financièrement par les partenaires extérieurs. La sélection des sites considérés comme « points chauds » de la déforestation a été une étape cruciale du processus de diffusion. En plus des projets pilotes REDD+, les sites sélectionnés ont accueilli les projets intégrés REDD+ (PIREDD). Les résultats de nos investigations montrent que dans la Tshopo, les activités réalisées dans le cadre des PIREDD+ sont en rapport avec l’aménagement du territoire, la gouvernance, l’agriculture, l’afforestation et la restauration des paysages. Ces activités font émerger des dynamiques territoriales caractérisées par des changements d’occupation du sol et des velléités d’appropriation ou de réappropriation foncière. Les dynamiques émergentes sont néanmoins soumises à de fortes contraintes : lenteur et retard dans la réalisation des projets, courte durée des projets, absence d’innovations liée au fait que les projets s’apparentent aux initiatives classiques de développement qui n’ont pas, par le passé, fait la preuve de leur efficacité. Les contraintes identifiées révèlent des dysfonctionnements qui ont pour effet de réduire l’enthousiasme des acteurs locaux, avec le risque de compromettre le succès de la lutte contre la déforestation à travers les projets REDD+.
EN :
Tshopo is one of the first provinces of the Democratic Republic of Congo (DRC) to be selected, in 2011, for the implementation of Reducing emissions from deforestation and forest degradation (REDD+) projects. Since then, this province offers the opportunity to analyze the implementation of deforestation reduction initiatives in order to understand how REDD+, developed at the international level and put on governmental agenda of the DRC, is concretely deployed on the ground through deforestation reduction projects. This paper deciphers the process of dissemination and selection of project implementation sites in the DRC in general and in Tshopo province in particular. It also describes and analyses the implementation of REDD+ activities and the resulting territorial dynamics. By mobilizing the concepts of policy diffusion and implementation, territorial dynamics, as well as the analysis of official documents, surveys by interview and direct observation in the field, we show that the diffusion of REDD+, from the national arena to the local arena in the Tshopo, was the initiative of the National REDD+ coordination (CN-REDD), financially supported by external partners. The selection of sites considered as deforestation "hot spots" constituted a crucial step of the diffusion process. In addition to the first REDD+ pilot projects, these sites receive integrated projects known as PIREDD. Our investigations and observations in the field show that in the Tshopo, activities carried out by these PIREDD+ are related to land use planning, governance, agriculture, afforestation and landscape restoration. These activities give rise to territorial dynamics characterized by changes in land use and attempts for land appropriation or reappropriation. Emerging dynamics are nevertheless subject to strong constraints: slowness and delay in the implementation of projects, short duration of projects, lack of innovation linked to the fact that projects are similar to traditional development initiatives that have not, in the past, proven their effectiveness. Constraints identified lead to dysfunctions that have the effect of reducing the enthusiasm of local actors, with the risk of compromising the success of the struggle against deforestation through REDD+ projects.
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Freins et leviers de l’adaptation au changement climatique : représentations des acteurs de moyenne montagne
Lutoff Céline, Arina Susa, Stéphane La Branche, Chloé Maréchal et Aurélie Chamaret
p. 1–37
RésuméFR :
Face au changement climatique les acteurs des collectivités sont amenés à développer des actions pour s’adapter aux effets locaux. Cependant, on constate que ces actions peinent à se mettre en place. Dans cette étude, nous cherchons à identifier quels sont les freins à cette mise en action ou au contraire, ce qui peut constituer des leviers utiles pour l’adaptation. Pour cela, nous nous intéressons particulièrement aux territoires de moyenne montagne aux moyennes latitudes (Alpes, Europe occidentale), régions dans lesquelles les impacts du changement climatique s’expriment déjà très concrètement. Une double enquête réalisée auprès des acteurs des collectivités de la région Auvergne Rhône-Alpes en France permet d’identifier les facteurs en jeu dans le développement de mesures d’adaptation au niveau local. Nuançant ce que la littérature indique, l’étude montre que le défaut d’engagement des collectivités locales de moyenne montagne est moins lié à une faible conscience des enjeux et des effets du réchauffement climatique qu’à l’incertitude qui s’exprime sous trois formes différentes : i) incertitude sur les possibles évolutions futures du climat et des territoires, ii) incertitude sur les modalités de transfert des connaissances sur ces changements et sur leurs effets à des échelles fines, et iii) incertitude concernant la pertinence des actions mises en oeuvre et de leurs effets. Les acteurs interrogés, directement impliqués dans l’élaboration des stratégies d’adaptation, révèlent ainsi un besoin d’espace de concertation et de partage d’expériences sur les pratiques et les solutions d’adaptation, mais aussi un besoin d’accompagnement pour entreprendre les changements majeurs nécessaires pour limiter les impacts des changements climatiques sur ces territoires vulnérables.
EN :
In the context of climate change, authorities must take actions for adapting to local impacts. However, one can notice that they have difficulties doing so. In this study, we aim at identifying the obstacles to action, or on the contrary, what can be levers for adaptation. We investigated mid altitude mountains at mid latitudes in the French Alps (western Europe), where the impacts of climate change are already clear. A double survey has been realized with authorities over the French region Auvergne Rhône-Alpes, for observing their perception of levers and obstacles for adaptation at local scale. Nuancing literature, the results states that the failure to bring action at local scale is not necessarily due to a weak awareness of climate change impacts, but rather to uncertainties in i) possible futures of climate and territories, ii) knowledge brokering on global changes and their local impacts and iii) relevance of actions undertaken. Interviewees, local actors directly involved into the definition of adaptation strategies, reveal a need of places for dialogue and sharing of experiences on adaptation, but also a need for guidance to initiate major changes toward reducing vulnerabilities of mid altitude mountains.
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Au-delà du rôle régalien de l’État dans la gestion des conflits autour des aménagements hydro agricoles de la Vallée du Niger au Bénin
Abdou Razak Maman, Janvier Egah et Mohamed Nasser Baco
p. 1–26
RésuméFR :
L’étude vise à analyser l’émergence des conflits issus des modes de gouvernance des aménagements hydroagricoles dans la vallée du Niger au Bénin. Des entretiens semi-structurés, des groupes de discussion (focus groups) et des entretiens ont été organisés avec les différents acteurs impliqués dans la gouvernance des aménagements hydroagricoles. Au total, 110 personnes ont été enquêté, regroupant les responsables des coopératives des riziculteurs, de l’administration publique du secteur agricole ainsi que les autorités communales et locales. La traduction des enregistrements à partir des téléphones intelligents (smartphones) a facilité la collecte et le traitement des données. L’analyse de discours a permis de comprendre les types de conflits, leurs émergences et leurs méthodes de résolution. Dans la vallée du Niger au Bénin, les modes de gouvernance observés sont : communautaire, communautaire-privée (mixte) et privée. Plusieurs conflits ont émané du non-respect des règles opérationnelles, collectives et constitutionnelles. La proximité des producteurs avec les leaders politiques locaux a entretenu la récurrence des conflits. Enfin au-delà de la régulation tant souhaitée par les différents acteurs, d’autres stratégies fondées sur le capital social ont été utilisées par l’État pour assurer la stabilité dans le fonctionnement des aménagements hydroagricoles.
EN :
The study aims to analyze the emergence of conflicts arising from the modes of governance of hydro-agricultural developments in the Niger valley in Benin. Semi-structured interviews, focus groups and interviews were organized with the different actors involved in the governance of hydro-agricultural developments. A total of 110 people were interviewed, including leaders of rice-growers' cooperatives, public administration in the agricultural sector, and communal and local authorities. Translation of recordings from smartphones facilitated data collection and processing. Discourse analysis was used to understand the types of conflicts, their emergence and their methods of resolution. In the Niger Valley of Benin, the modes of governance observed are: community, community-private (mixed) and private. Several conflicts arose from the failure to respect operational, collective and constitutional rules. The proximity of producers to local political leaders has led to the recurrence of conflicts. Finally, beyond the regulation so desired by the various actors, other strategies based on social capital have been used by the State to ensure stability in the operation of hydro-agricultural developments.
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Printemps arabe et « retour à la montagne », prédation ou développement ? L’exemple de Djebel Goubrar (Tunisie Centrale)
Hédi Rebei
p. 1–38
RésuméFR :
Malgré leur statut de propriété domaniale mise en défens, les montagnes tunisiennes connaissent un phénomène de « retour » des ruraux et des formes d’exploitation et d’occupation variées depuis la révolte du 14 janvier 2011. Cela met fin à la distanciation des rapports entre l’homme et la montagne, mais restaure-t-il le patrimoine montagnard des régions concernées ? Y impulse-t-il le développement local ? Ou génère-t-il de nouveaux ravages environnementaux et de nouveaux conflits ? L’exemple de djebel Goubrar (Tunisie du Centre-Ouest) permet de comprendre les mutations des structures agraires et des formes d’occupation du sol depuis la fin du XIXème siècle. Il aide surtout à comprendre l’actuel « retour à la montagne » et les stratégies et représentations des acteurs locaux autour du développement local et durable de ces régions pauvres et marginalisées.
EN :
Despite their defended state property status, Tunisian mountains are affected by a rural people return phenomenon and a varied occupation and utilizing forms since the January 14 revolt (2011). This ended distancing relationships between people and mountains, but is-it restoring mountain heritage in concerned regions? Is-it boosting local development ? Or is-it generating new environmental ravages and new conflicts ? The Goubrar mountain example (middle-west Tunisia) allows for understanding agrarian structures and land use forms change since the end of XIXth century. It enables particularly to understand the current “return to the mountain” and the stakeholders strategies and social representations about local and sustainable development in such a poor and marginalized regions.
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Quand la non-activation des règles devient la règle : regard de géographe sur un problème public qui s’éternise. Le cas de la déprivatisation des rives lacustres (Annecy, Léman)
Alice Nikolli
p. 1–29
RésuméFR :
Le cadre théorique du problème public, classique en sociologie et en science politique, reste peu diffusé en géographie. Il semble pourtant tout indiqué pour analyser les situations conflictuelles portant sur l’espace, son partage et son aménagement ainsi que leur (non-)résolution par les politiques publiques. L’article propose de le mobiliser pour analyser un problème dont la résolution piétine depuis plus d’un siècle : la déprivatisation des rives de deux grands lacs périalpins que sont le Léman (Suisse/France) et le lac d’Annecy (France). Après avoir reconstitué la lente et difficile construction du problème public, l’article analyse les stratégies mises en oeuvre par les acteurs pour activer ou au contraire contourner les règles politiques à leur disposition. Sur la base de ce matériau, l’article insiste sur la non-linéarité du processus de construction et de résolution du problème et invite à déplacer la focale sur les rétroactions multiples entre les opérations situées en amont (cadrage, publicisation) et en aval (mise à l’agenda, politiques publiques) du modèle classique.
EN :
The theoretical framework of public problem remains quite discreet in geography, even though it is very classical in sociology and political science. Yet it seems useful to analyse conflictual situations regarding space, its sharing and its planning, as well as their (non-)resolution by public policies. The paper proposes to build on this framework to study a problem lasting for over a century: the deprivatization of the shores of Lake Geneva (Switzerland/France) and Lake Annecy (France). The paper reconstitutes the slow and difficult construction of the public problem and then analyses the strategies used to activate or circumvent the existing political rules. Drawing on this case study, we emphasize on the non-linearity of the construction and resolution of the problem and invite to shift the focus on the multiple retroactions between the early (framing, publicization) and late (agenda setting, public policies) stages of the classical model.
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Les cartes d’aléas littoraux : quand la technique occulte des conceptions différentes de la politique française de gestion des risques
Céline Perherin et Catherine Meur-Ferec
p. 1–25
RésuméFR :
La cartographie des aléas littoraux (submersion marine, recul du trait de côte) est basée à la fois sur la connaissance des phénomènes locaux et sur des principes propres à la politique de prévention des risques naturels. Lors de l’élaboration des Plans de Prévention des Risques Littoraux (PPRL), instruits par les services de l’État, les cartes d’aléas, qui serviront ensuite, une fois croisées avec celles des enjeux, à la réalisation du zonage réglementaire, concentrent les débats et parfois les conflits. La méthode d’élaboration du PPRL fait de la cartographie des aléas la principale étape de territorialisation des PPRL. Les collectivités voient ainsi majoritairement la carte d’aléas comme un pré-zonage réglementaire annonçant des restrictions d’urbanisation. Les cartographies d’aléas sont donc influencées par les intérêts divergents des acteurs. Or, pour les services de l’État, les cartes d’aléas restent avant tout un objet technique, peu négociable. Les débats, très techniques, centrés sur ces cartes, masquent les objectifs du PPRL. Ils ne permettent pas une appropriation des hypothèses de cartographie liées à la politique nationale de prévention des risques naturels majeurs, basée sur la solidarité nationale et le développement durable.
EN :
The mapping of coastal hazards (coastal flooding, coastline recession) is based on both: knowledge of local phenomena and principles of natural risks prevention policy. During the development of coastal risks prevention plans, instructed by State services, hazards maps are the main subject of the discussions, sometimes leading to conflicts. These maps, crossed with stakes maps, are used to elaborate the regulatory zoning, one of the pieces of risks prevention plans. The process of regulatory zoning conception gives to the hazards mapping the main stage in the territorialization of coastal risks prevention plans. Thus the territorial authorities mainly see the hazards map as a pre-zoning, announcing urbanization restrictions and hazards mapping are influenced by opposing interests of stakeholders. For the State services, hazards maps are first a technical object, lowly negotiable. The debates, very technical, focused on hazards, hide risk prevention plans objectives. They thinly deal with mapping hypothesis linked to natural risks prevention national policy, based on national solidarity and sustainable development.
Section courante
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Utilisation d’un SIG pour l’évaluation et la cartographie des risques d’érosion hydrique par l’Equation Universelle des Pertes en sol Révisée (RUSLE) dans le Département de Saraya (Sénégal)
René Boissy, Mamadou Ndiaye, Moise Diatta et Maguette Mbaye
p. 1–25
RésuméFR :
Le département de Saraya (Sénégal) est confronté depuis ces deux dernières décennies à l’érosion. Malgré les stratégies antiérosives (digues, cordons pierreux, haies vives, diguettes, tranchées, régénération du couvert végétal, paillage) mises en place par les autochtones et les autorités locales, l’érosion prend une tournure de plus en plus inquiétante dans cette localité. Cet aléa naturel constitue un problème environnemental majeur et menace les activités économiques. Cette étude a consisté à évaluer le risque d’érosion par la modélisation des facteurs R, K, LS, C et P. L’intégration du modèle dans un Système d’information géographique (SIG) a facilité l’élaboration des cartes thématiques (topographique, érosivité des pluies, érodibilité du sol et occupation du sol) pour évaluer les risques d’érosion et cartographier les milieux vulnérables et ceux moins sensibles à cet aléa. Le couplage des SIG avec l’équation universelle des pertes de sols révisée a permis d’estimer les impacts du ruissellement en nappe. Les pertes en sols sont comprises entre 0,01 t/ha/an et 134,64 t/ha/an, soit une moyenne de 33,46 t/ha/an et un écart-type de 57,29. L’approche SIG/RUSLE apporte une aide aux décideurs et aux aménageurs au cours de l’élaboration des scénarios d’évolution de la dégradation du sol et la planification des stratégies antiérosives dans les zones où l’érosion est prédominante.
EN :
The department of Saraya has been confronted with erosion for the last two decades. Despite the anti-erosion strategies (dykes, stone barriers, hedgerows, bunds, trenches, regeneration of vegetation cover, mulching) put in place by the local people and the local authorities, erosion is becoming increasingly worrying in this locality. This natural hazard constitutes a major environmental problem and threatens economic activities. This study assessed the potential risk of erosion by modelling the factors R, K, LS, C and P. The integration of the model into a Geographic information system (GIS) facilitated the elaboration of thematic maps (topography, rainfall erosivity, soil erodibility and land use) to assess the risk of erosion and to map the vulnerable areas and those less sensitive to this hazard. Coupling the GIS with the revised universal soil loss equation allowed the estimation of the impacts of groundwater runoff. Soil losses range from 0.01 t/ha/yr to 134.64 t/ha/yr, with an average of 33,46 t/ha/yr and a standard deviation of 57.29. The GIS/RUSLE approach helps decision-makers and planners to develop scenarios of soil degradation and to plan anti-erosion strategies in areas where erosion is predominant.
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Pourquoi consommer la viande de brousse ? Réponses auprès des populations de Yangambi et de Kisangani, République Démocratique du Congo
Olivier Igugu et Theodore Trefon
p. 1–20
RésuméFR :
La viande de brousse est un élément capital dans l’alimentation et la culture de populations des forêts tropicales. En dehors des espèces interdites par la coutume, toutes les espèces sont consommées. Dans nos sites d’étude, la consommation de la viande de brousse diminue. La croissance démographique, les techniques de chasse utilisées et la déforestation sont les principales explications de la baisse de ressources fauniques dans le milieu. La forêt de Yangambi, qui était le réservoir de la viande de brousse consommée aussi bien par les habitants de cette cité que par ceux de la ville de Kisangani, devient alors une « forêt vide ». Face à cette rareté et à l’absence d’autres sources de protéines animales, la population est confrontée à des défis alimentaires. Toutefois, la population reste attachée à la consommation de la viande de brousse pour de multiples raisons. Cette étude présente l’analyse de ces raisons, notamment les dimensions socioculturelles. Chaque individu, famille, clan ou tribu a des relations particulières avec la viande de brousse. Cette relation est dynamique, et les motivations du passé ne sont pas nécessairement celles d’aujourd’hui et ne seront probablement pas celles de demain. Selon la perception locale, la viande de brousse est un aliment avant d’être une priorité pour la conservation. Enfin, il s’avère que l’observation des interdits alimentaires, qui ont favorisé la conservation dans le passé, est actuellement de moins en moins respectée.
EN :
Bushmeat is an essential element in the diet and culture of tropical forest populations. Apart from species prohibited by custom, all species are consumed. In our study sites, bushmeat consumption is decreasing. Population growth, used hunting techniques and deforestation are the main explanations for the decline in wildlife resources in the area. The forest of Yangambi, which was the reservoir of bushmeat consumed by the inhabitants of this city as well as those of the city of Kisangani, is becoming an “empty forest”. Faced with this scarcity and the absence of other sources of animal protein, the population is faced with food challenges. However, the population remains attached to the consumption of bushmeat for many reasons. This study presents an analysis of these reasons, including socio-cultural dimensions. Each individual, family, clan or tribe has a particular relationship with bushmeat. This relationship is dynamic, and the motivations of the past are not necessarily those of today and will probably not be those of tomorrow. The local perception is that bushmeat is a food before it is a conservation priority. Finally, it appears that the observance of dietary prohibitions, which favored conservation in the past, is now less and less respected.
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Face aux pollutions : hiérarchies et solidarités entre fumeuses de poissons à Abidjan
Marie Belland et Alain Bonnassieux
p. 1–18
RésuméFR :
En Afrique de l’Ouest, les femmes qui fument le poisson et la viande sont exposées à des risques environnementaux élevés, car leur activité les expose à de fortes concentrations d’émissions nocives. À travers l’étude de cas des travailleuses d’un site de fumage accolé à un marché populaire à Abidjan, cet article décrit les perceptions de la pollution de l’air, les effets sur leur santé et les stratégies et pratiques individuelles et collectives des fumeuses pour la réduire. Un accent particulier est mis sur les relations de travail entre fumeuses et les aides qu’elles emploient, puisque ces hiérarchies influent sur le niveau d’exposition à la pollution. Dans cette perspective sont analysées les relations de dépendance qui structurent les activités féminines de l’économie populaire, et en particulier les pratiques de confiage d’une main-d’oeuvre juvénile, ainsi que les parcours professionnels des aides face aux risques, entre exploitation et émancipation. Cet article propose de considérer conjointement les pollutions, leurs risques sur la santé des travailleuses, les opportunités économiques des femmes de milieu populaire et les obligations sociales réciproques entre fumeuses dans la capitale ivoirienne.
EN :
In West Africa, women who smoke fish and meat face high environmental risks because their activity exposes them to high concentrations of harmful air emissions. Through a case study of women workers at a smoking site adjacent to a popular market in Abidjan, this paper describes the perceptions of air pollution, its health effects, and the individual and collective strategies and practices of women smokers to reduce it. Particular emphasis is placed on the working relationships between smokers and the helpers they employ, since these hierarchies influence their level of exposure to pollution. In this perspective, relations of dependence structuring women-led activities of the popular economy are analyzed, and especially the practices of entrusting the juvenile workforce, as well as the professional path of young helpers in the face of risks, between exploitation and emancipation. This article proposes to consider together environmental degradations, occupational health risks, economic opportunities for working-class women, and reciprocal social obligations among female smokers in the Ivorian capital.
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Stratégie d’une junior minière française face au « risque social » : le cas du projet Fonts-Bouillants
Aurélien Reys, Sylvain Le Berre, Yann Gunzburger et Laurent Jammes
p. 1–33
RésuméFR :
La question du risque social, c’est-à-dire de l’opposition des populations locales, se pose désormais comme l’un des enjeux majeurs pour tout projet d’exploration ou d’exploitation des ressources du sous-sol. En France, les mouvements de protestation à leur encontre contrarient depuis plus d’une décennie la relance minière souhaitée par l’État et les acteurs du secteur. Cet article propose d’examiner la trajectoire de l’un de ces projets qui se développe jusqu’à ce jour sans faire l’objet de mobilisations sociales ou de résistances locales. Situé dans le département de la Nièvre, il concerne des gisements gazeux constitués d’hélium et de gaz carbonique et est porté par une compagnie minière française junior récemment créée. L’analyse est conduite au prisme d’une grille de lecture qui cherchait à évaluer ce risque pour plusieurs projets miniers au Canada. Cette recherche offre, tout d’abord, l’occasion de revisiter cette grille en mettant en miroir les contextes miniers canadien et français, ce dernier étant marqué par un fort déclin depuis les années 1990. Elle permet également d’identifier les principales raisons du succès, à ce jour, du projet minier étudié : ses faibles impacts directs sur l’environnement et une stratégie de communication efficace de l’entreprise reposant en grande partie sur une approche marketing de type storytelling. Les dynamiques de co-construction sont à ce stade inexistantes, principalement en raison de parties prenantes locales qui ne souhaitent pas jouer un autre rôle que celui de simples partenaires dans le développement du projet.
EN :
Social risk, i.e. the opposition of local populations, has now become one of the major issues for mineral exploration or exploitation projects. In France, protest movements against them have been holding back the mining revival desired by the government and the industry for over a decade. This article examines the trajectory of one of these projects which has been able to develop without facing any social mobilization or local resistance. Located in the French’s department of Nievre, it concerns gaseous deposits of helium and carbon dioxide and is being carried out by a French junior company recently created. The analysis is conducted through the prism of a grid that seeks to evaluate this risk for several mining projects within Canada. Our work offers the opportunity to revisit this grid by comparing the Canadian and French contexts, the latter being characterized by a decline since the 1990s. It also highlights the main reasons of the project’s success to date: its low direct impact on the environment and an effective communication strategy led by the company based on a storytelling marketing approach. At this stage, co-constructive dynamics are non-existent, mainly due to stakeholders' wish to not play a role other than that of secondary partner.
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De la solidarité dans les espaces protégés : exploration des chartes des Parcs nationaux et Parcs naturels régionaux français
Céline Fromont, Raphaël Mathevet, Marie Chandelier, Nadja Couratte-Arnaude et John D. Thompson
p. 1–31
RésuméFR :
La solidarité écologique est l’un des principes fondamentaux des lois de 2006 portant réforme des Parcs nationaux et de la loi de 2016 relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Afin d’amorcer un bilan de l’appropriation de ce principe, et plus largement de la notion de solidarité par les aires protégées françaises, nous explorons ici l’usage du terme solidarité par les Parcs nationaux et les Parcs naturels régionaux à partir d’une analyse textuelle de leurs chartes. Ceci permet de questionner le rapport entre le recours aux trois types de solidarité (écologique, sociale et économique) dans les chartes, avec, d’une part, le contexte socio-environnemental des parcs et, d’autre part, les représentations des rapports humains-nature véhiculées dans les chartes. La notion de solidarité apparait être mobilisée par les deux réseaux de parcs, mais les types de solidarité ainsi que les objets sur lesquels portent ces solidarités diffèrent. Ainsi, les références à la solidarité écologique et à la nature sont issues tantôt d’un formalisme basé sur des croyances conventionnelles, fictionnelles et motivationnelles, tantôt sur un principe de gestion intégrée du territoire dont le caractère putatif, à la fois du public et de la nature, participe à la légitimation de l’existence de l’espace protégé et de ses actions. Nous terminons cette exploration par un questionnement sur la place du principe de solidarité écologique dans la construction de « territoires capables » de penser et d’agir pour la transition écologique, sociale, économique et énergétique, au sein et au-delà des espaces protégés.
EN :
Ecological solidarity is one of the fundamental principles of the 2006 law reforming French national parks and the 2016 law on biodiversity, nature and landscapes. In order to make an assessment of the appropriation of this principle in protected areas in France, we explore the use of the term solidarity by national parks and regional nature parks by a textual analysis of their charters. We question the relationship between the use of the three registers of solidarity (ecological, social and economic), with the socio-environmental context of the parks and the representations of human-nature relationships conveyed in the charters. The notion of solidarity appears to be mobilized by both park networks, but the types of solidarity as well as the objects on which these solidarities focus differ. Thus, the references to ecological solidarity and to nature are based either on a formalism of conventional, fictional and motivational beliefs or on a principle of integrated territorial management whose putative character of the public and nature participates in the legitimization of the existence of protected areas and their action. We conclude this exploration by questioning the place of the principle of ecological solidarity in the construction of "capable territories" that participate in the ecological, social, economic and energy transition within and beyond the boundaries of protected areas.
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La recherche en sciences humaines et sociales sur l’objet pesticide dans le cadre académique français : état des lieux et perspectives
Eve Bureau-Point et Ludovic Temple
p. 1–21
RésuméFR :
Cet article propose un état des lieux des recherches en sciences humaines et sociales sur les pesticides réalisées dans la cadre académique français depuis 1945. Les travaux sont présentés à partir d’une mise en perspective historique qui tient compte du contexte agricole, politique, macro-économique et institutionnel dans lequel elles ont été publiées. Les auteures et auteures distinguent deux phases principales : une première (1945-2000) où les pesticides sont principalement appréhendés comme une ressource de la « modernisation » agricole, une seconde (2000-2021) où ils font progressivement l’objet d’un champ d’études à part entière en sciences humaines et sociales, dans lequel ils sont davantage envisagés comme un objet controversé. Cette revue analytique met en lumière la structuration d’une communauté de chercheurs et de chercheures impliquée sur le sujet en France et à l’étranger, et les principaux thèmes approfondis au cours de cette période.
EN :
This article proposes an analytical review of the research in the Humanities and Social sciences (HSS) on pesticides carried out in the French academic context since 1945. The research is presented from a historical perspective that takes into account the agricultural, political, macroeconomic, and institutional context in which it was published. The authors distinguish two main phases: a first (1945-2000) where pesticides are mainly understood as a resource for agricultural modernization, and a second (2000-2021) where they emerged gradually as a field of study in the Humanities and Social sciences, in which they are considered as a more controversial object. This analytical review highlights the community of researchers involved in the subject in France and abroad, and the main themes explored during this period.