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La revue électronique en sciences de l’environnement
Volume 21, numéro 2, octobre 2021 Sociétés, territoires et environnement, comment repenser les interconnexions entre les milieux humains et naturels ?
Sommaire (15 articles)
Sociétés, territoires et environnement, comment repenser les interconnexions entre les milieux humains et naturels ?
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Sociétés, territoires et environnement, comment repenser les interconnexions entre les milieux humains et naturels ?
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Mieux comprendre la complexification de l’occupation de l’espace pastoral au Ferlo. Un prérequis pour une bonne gestion des ressources naturelles
Abdou Ka, Arthur Perrotton, Birane Cissé et Deborah Goffner
p. 1–22
RésuméFR :
Dans le contexte des changements globaux, le pastoralisme se positionne comme un système de production pertinent dans les zones semi-arides. Face aux menaces qui pèsent sur ces systèmes, il est nécessaire de penser des règles d’aménagement et de gestion flexibles, ancrées dans les réalités socio-écologiques locales. Cet article présente un travail conduit dans le Ferlo (Zone sylvopastorale), habité principalement par des pasteurs peuls. Depuis plus d’un demi-siècle, le Ferlo est le théâtre d’incessantes politiques et projets de développement accumulés autour de la gestion des ressources pastorales et de la lutte contre la désertification. Nous défendons l’idée que leurs difficultés à résoudre les défis socio-écologiques du Ferlo tiennent en partie du fait qu’ils reposent sur un narratif devenu obsolète, celui d’une brousse en libre accès utilisé par une population éparse. En nous appuyant sur un travail de terrain et sur l’analyse de documents, nous proposons une mise à jour de ce narratif, en décrivant la transition socio-écologique du Ferlo depuis le système historique du hurum vers un système contemporain caractérisé par une grande complexité foncière, l’atomisation des habitations, la disparition progressive des espaces communs et la compétition pour l’accès aux ressources. Au fil de l’article nous attirons l’attention sur les potentielles conséquences du décalage entre le Ferlo tel que perçu par les pouvoirs publics et les agents de développement d’un côté, et la manière dont il est de facto utilisé par les pasteurs peuls : capture légale de l’espace par l’État, montée des tensions entre usagers du territoire et pression sur les ressources naturelles.
EN :
In the context of global changes, pastoralism is positioned as a relevant production system in semi-arid areas. However, those ecosystems are particularly vulnerable face to global warming. It is now necessary to preserve them and think up flexible planning and management rules rooted in local socio-ecological realities. This article presents work carried out in the Ferlo (Sylvopastoral Zone), inhabited mainly by Fulani pastoralists. For more than half a century, the Ferlo has been the scene of constant development policies and projects accumulated around the management of pastoral resources and the fight against desertification. We defend the idea that difficulties in solving the socio-ecological challenges of the Ferlo come from project development implemented in this area are based on an obsolete narrative. Based on fieldwork and document analysis, we propose an update of this narrative, describing the socio-ecological transition of the Ferlo from the historical system of the hurum to a contemporary system characterized by great complexity. Throughout the article, we draw attention to the potential consequences of the discrepancy between the Ferlo as perceived by public authorities and development agents on the one hand and how Fulani pastoralists de facto use it.
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Cartographie sémantique par zonage à dires d’acteurs : le Ferlo (Sénégal) et l’observatoire de Tessekere
Mehdi Saqalli, Amadou Hamath Diallo, Doryan Kaced, Mahamadou Belem, Raoul Iopue, Yayé Moussa, Axel Ducourneau et Benoît Gaudou
p. 1–30
RésuméFR :
Le territoire du Ferlo est de plus en plus « occupé », humainement, environnementalement et institutionnellement. Une cartographie basée sur les perceptions des acteurs locaux a été réalisée pour recenser les facteurs qui, aux yeux de ces acteurs, structurent l’organisation spatiale de ce territoire et de ses alentours : usages, pratiques, « pays » ou tout autre facteur recensé. En fusionnant toutes les cartes obtenues, chacune correspondant à un entretien, via une intersection spatiale via QGIS et une combinaison sémantique programmée sur JAVA, nous obtenons une base de données spatialisée sur les déterminants structurant ce territoire. Si les éléments structurants, écologiques et socio-historiques demeurent et tendent même vers la spécialisation des territoires en « pays » de productions, le faible nombre de mois de présence des troupeaux dans le Ferlo (deux mois) ainsi que le recours généralisé à la supplémentation en période de soudure pastorale nous induit à penser à des réorientations de cet élevage vers le sud, mais aussi à identifier des espaces de tension possible là où axe de transhumance nord-sud et axe de colonisation agricole ouest-est se croisent. Cette méthode exploratoire permet une réflexion sur le rôle des observatoires sur l’environnement et celui du Ferlo en particulier.
EN :
The Ferlo territory is increasingly "occupied", humanly, environmentally and institutionally. A mapping based on the perceptions of local stakeholders (ZADA in French, PBRM or Perception-Based Regional Mapping) was carried out to identify the factors that, from the point of view of these stakeholders, structure the spatial organization of this territory and its surroundings: uses, practices, localisms or any other factor identified. By GIS-merging together all the maps obtained, each corresponding to an interview, we obtain a spatialized database on the determinants structuring this territory. Although the structural, ecological and socio-historical elements remain and even tend towards the specialization of territories into production 'countries', the short 2-months period herds graze in the Ferlo and the generalized use of supplementation during the pastoral lean season suggests a reorientation of these herds towards the south. It induces areas of possible tension where the north-south axis of transhumance and the West-East axis of agricultural colonization intersect. This experimental method allows us to reflect on the role of environmental observatories and the Ferlo in particular.
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Perception des populations sur le rôle des aires protégées dans leur résilience face au changement climatique : cas du Parc National de la Marahoué (Centre-Ouest, Côte d’Ivoire)
Yves Adélani Olatoundji, Djakalia Ouattara, Yao Konan et Junior Ohouko
p. 1–33
RésuméFR :
Les aires protégées représentent un outil clé pour atténuer les changements climatiques, car elles fournissent aux gens plusieurs services écosystémiques, en particulier les communautés environnantes. Cependant, leurs multiples rôles dans l’adaptation ou la résilience aux changements climatiques sont souvent ignorés. De plus, les services écosystémiques qu’elles fournissent aux populations sont pour la plupart méconnus, ce qui affecte leur appropriation par les communautés riveraines et donc leur protection. Notre étude consiste à évaluer les connaissances des communautés locales sur le rôle joué par le Parc National ivoirien de la Marahoué (PNM) et les services écosystémiques qu’il peut fournir. Plus précisément, l’étude vise à questionner les communautés riveraines sur l’importance du PNM au niveau local et national, ainsi que sur les services écosystémiques qu’il peut fournir en tant que biosphère régionale. Les résultats montrent que les populations locales ont des perceptions différentes du rôle du PNM, de ses atouts et de ses services écosystémiques. Cependant, les connaissances ne sont pas uniformément réparties au sein des communautés riveraines. Les enseignants ainsi que les personnes ayant des niveaux d’éducation supérieurs comprennent mieux les rôles du PNM et ont clairement des connaissances différentes sur les services écosystémiques. Bien qu’une grande partie de la population souhaite être impliquée dans le processus de gestion du PNM, la majorité pense que la gestion de l’aire protégée est mauvaise, et donc que sa restauration est inutile. Afin de mieux intégrer les communautés riveraines dans les processus de gestion du parc, cette recherche met alors en évidence la nécessité de développer des projets de sensibilisation sur les avantages et services écosystémiques qu’offre le PNM au niveau local.
EN :
Protected areas represent a key tool to mitigate climate change, as they provide several ecosystem services to people, especially the surrounding communities. However, their multiple roles in adaptation or resilience to climate change are often overlooked. In addition, the ecosystem services they provide to populations are mostly unknown, which affects their appropriation by neighbouring communities and, therefore, their protection. Our study consists of evaluating the knowledge of local communities on the role played by the Ivorian Marahoue National Park (MNP) and the ecosystem services it can provide. More specifically, the study aims to question the surrounding communities on the importance of the MNP at the local and national level and the ecosystem services that it can provide as a regional biosphere. The results show that local populations have different perceptions of the role of the MNP, assets, and ecosystem services. However, knowledge is not evenly distributed among neighbouring communities. Teachers and those with higher levels of education better understand the roles of the MNP and have different knowledge about ecosystem services. Although a large part of the population wishes to be involved in the MNP management process, the majority believe that the management of the protected area is poor, and therefore its restoration is unnecessary. To better integrate the surrounding communities into the park's management processes, this research highlights the need to develop awareness-raising projects on the benefits and ecosystem services offered by the MNP at the local level.
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Globalité des savoirs des pêcheurs artisans dans l’appréhension des changements de l’environnement marin
Adama Mbaye
p. 1–16
RésuméFR :
Cet article documente et analyse la nature des savoirs traditionnels des pêcheurs artisans sénégalais dans leur appréhension des risques dus aux changements de l’environnement marins. A partir d’entretiens individuels et de groupe auprès de pêcheurs de la communauté guet-ndarienne, il montre que les pêcheurs interprètent ou prédisent la survenue de variations ou de changements sur les paramètres environnementaux tels l’état de la mer, la houle, le vent, la pluie, la nature des fonds, les espèces en présence à partir d’indicateurs reposant sur le mouvement apparent des astres, le comportement des arbres ou des animaux (marins ou terrestres), le goût, la couleur ou la forme de certains éléments de leur environnement. Ces modes d’appréhension de l’environnement marin des pêcheurs fondés sur leurs savoirs empiriques pourraient être soumis à l’expérimentation et la validation scientifique et, à l’issue de recherches futures, venir renforcer la connaissance général sur les mécanismes d’alerte et de réduction des risques dus aux changements climatiques, notamment auprès de certaines communautés côtières ouest-africaines.
EN :
This article analyses the nature and scope of the knowledge of Senegalese artisanal fishermen in their understanding of the risks due to changes in the marine environment. Based on individual and group interviews with fishermen from the guet-ndarienne community, it shows that fishermen interpret or predict the occurrence of variations or changes in environmental parameters such as sea state, swell, wind, rain, the nature of the seabed and species present using indicators based on the apparent movement of the stars, the behaviour of trees or animals (marine or terrestrial), the taste, colour or shape of certain elements of their environment. These ways of understanding the marine environment of fishermen based on their empirical knowledge can be subjected to scientific experimentation and validation and can be appropriated by the scientific community and be of universal use in order to contribute to the means of reducing the risks due to global changes.
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Manières de voir, manières de faire : moderniser les canaux gravitaires
Anne-Laure Collard, François Molle et Anne Rivière-Honegger
p. 1–24
RésuméFR :
Dans le sud de la France, les canaux d’irrigation gravitaire témoignent d’une maîtrise séculaire de l’eau par les sociétés locales. Mais aujourd’hui, le devenir de ces aménagements (appelés « béals » en Cévennes gardoises) ne va plus de soi. Leur présence dérange, s’articulant difficilement aux nouvelles injonctions de partage et de qualité pour la gestion de l’eau (lois sur l’eau 1992, 2006). Pour résoudre des situations devenues problématiques, un processus de modernisation - institutionnel et technique - des canaux a été initié par l’Administration. À partir d’un travail de terrain en Cévennes auprès des sociétés d’irrigants composant avec la modernisation de leurs béals, cet article étudie les réactions et interrogations des habitants face à une conception administrative des canaux afin d’interroger la rencontre entre des modes de relation des acteurs à l’eau.
EN :
In the South of France, gravity-fed irrigation canals embody centuries-old experience in water management in response to the high variability of rainfall across space and time. But nowadays, the sustainability of these works (called "béals" in the Cévennes gardoises) is no longer given and their very existence comes in the way of the adaptation to the new regulations concerning water sharing and quality (water laws 1992, 2006). To address a situation that has become problematic, a process of modernisation (institutional and technical) of the canals has been initiated by the Administration. Based on fieldwork in the Cévennes with irrigators' associations dealing with the modernisation of their béals, the aim of this paper is to discuss the actors' relationship to water through the study of local reactions to, and questions about, an administrative conception of these works that denies the values and knowledge associated with them.
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Adaptation des forêts françaises aux changements climatiques : discours et jeux de pouvoir : Adapting French Forest to climate change: discourses and power games
Marieke Blondet
p. 1–26
RésuméFR :
Les forestiers français sont de plus en plus conscients des effets du changement climatique qui va très certainement affecter les forêts dont ils s’occupent à l’avenir. Une option sylvicole pour adapter la forêt française à cette menace est de transformer par plantation la composition des peuplements forestiers. Les représentants au niveau national des propriétaires de bois sont particulièrement porteurs de cette idée. Pour autant, cette option adaptative ne rencontre pas de consensus, notamment parmi les propriétaires et gestionnaires privés du nord-est de la France. Basé sur une enquête ethnographique, cet article tente d’expliquer l’écart existant entre le point de vue de ces détenteurs locaux de forêts et leurs représentants nationaux. Le discours porté au niveau de l’État serait une construction virtuelle de la réalité, intentionnellement construite dans le cadre d’un rapport de force externe et interne, entre, d’une part, les représentants des propriétaires et d’autres acteurs au niveau national, et, d’autre part, entre forestiers privés, eux-mêmes porteurs de manières concurrentes d’envisager la gestion forestière.
EN :
French foresters are becoming more and more aware of climate change, which will most likely impact the forests they care for in the future. One forest management option to adapt French forests to climate change is planting and changing the forest composition. The national representatives of private forest owners mainly support this idea. Yet, this adaptation tool does not find a consensus, especially among forest owners and managers from Northeastern France. Based on qualitative research, the article attempts to explain the gap between the viewpoint of local private forest owners and their national representatives. The discourse advocated at the national level would be a virtual construction of reality intentionally built in an external and internal power relationship: between representatives of private owners and other national actors, and among foresters themselves and between competing types of sylviculture. Climate change and plantation are only instruments in that context.
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L’habitant et son territoire dans les procédures d’aménagement : l’exemple de projets éoliens dans l’Allier et dans le Vaucluse, France : The inhabitant and his territory in planning procedures: The example of wind power projects in Allier and Vaucluse, France
Pierre Pech, Cécile Gauthier, Justine Muller, Delphine Giney et Hélène Sirota-Chelzen
p. 1–19
RésuméFR :
Cet article propose une exploration de la question des relations entre les individus qui habitent sur un territoire et leur territoire dans le cas précis des projets d’aménagement. Nous nous attachons ici à deux cas de projets d’aménagement d’infrastructures éoliennes dans des secteurs peu denses en France. L’évaluation d'impact environnemental (EIE) s’est imposée comme démarche réglementaire dans la plupart des pays. Cette procédure intègre des enquêtes auprès des habitants des territoires concernés par des projets d’infrastructure. L’enquête menée dans deux secteurs ruraux, dans les départements français de l’Allier et du Vaucluse, concerne les relations entre les représentations des acteurs habitants concernant l’éolien avec leur représentation de leur territoire. Les dires des personnes interrogées permettent d’opposer selon les représentations qu’ont les habitants sur leur territoire. Dans l’Allier, le paysage est ressenti comme pauvre, déclassé, parce que la majorité des habitants et une partie du patrimoine bâti conservent la mémoire d’une activité industrielle considérée comme ayant fait le dynamisme du territoire. L’objet visuel « éolienne » dans le paysage n’est pas considéré comme négatif parce qu’il représente une image positive du territoire. À l’inverse, en Haute Provence, les habitants, pour la plupart des néo-retraités ou des résidents secondaires périphériques de grandes villes voient les éoliennes négativement.
EN :
This article explores the relationship between people living in a territory and their territory in the specific case of development projects. We focus here on two cases of wind infrastructure development projects in sparsely populated areas in France. Environmental Impact Assessment (EIA) has become a regulatory process in most countries. This procedure includes surveys of the inhabitants of the areas affected by infrastructure projects. The survey carried out in two rural areas, in the French departments of Allier and Vaucluse, concerns the relations between the representations of the inhabitants relating to wind energy and their representation of their territory. The statements of the interviewed persons allow opposing the representations that the inhabitants have over their territory. In the Allier, the landscape is felt to be poor, downgraded because most of the inhabitants and part of the built heritage preserve the memory of an industrial activity considered to have made the territory dynamic. The landscape's visual object, "wind turbine," is not considered unfavourable because it represents a positive image of the territory. On the other hand, in Haute Provence, the inhabitants, for the most part, neo-retired or secondary residents on the outskirts of large cities, see wind turbines negatively.
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La mise en lumière du conflit humain-goéland et sa gestion en France
Matiline Paulet et Frédéric Bioret
p. 1–27
RésuméFR :
En France, l’augmentation de l’effectif des goélands argentés et leucophées au XXe siècle sur le littoral atlantique et le littoral méditerranéen (Larus argentatus ; Larus michahellis) s’accompagne de leur expansion hors de leur site d’origine et d’une nidification dans les milieux urbains. Elle entraîne des conflits entre l’être humain et l’oiseau, d’abord avec les gestionnaires des espaces naturels et les conchyliculteurs puis avec les citadins qui se plaignent des nids sur leurs toits. Dans les années 1990, les municipalités mettent en place des dispositifs de gestion afin de contrôler le nombre de goélands en ville. L’article s’intéresse à la manière dont s’est construit ce « problème goéland » en France. Il étudie comment le goéland protégé par la loi et apprécié des habitants est devenu un oiseau contrôlé et régulé, considéré gênant et envahissant par les scientifiques et les citadins. Il s’agit de comprendre l’évolution des représentations du goéland et d’analyser comment les scientifiques, les gestionnaires et les municipalités se sont saisis de cette dynamique de populations de l’oiseau et de ces conflits entre humains et animaux. L’article permet de souligner l’importance de développer des recherches sur les communautés hybrides, constituées d’humains et de non-humains, afin que puissent coexister durablement sur un même territoire les Hommes et les goélands (Gramaglia, 2010).
EN :
In France, the population increase of European Herring Gull and Yellow-legged gull (Larus argentatus ; Larus michahellis) in the 20th century on the Atlantic and Mediterranean coast was accompanied by their expansion outside their original site and nesting in the urban areas. This novel situation dated back to the eighties in France leads to conflicts between humans and birds, first with managers of natural areas and shellfish farmers, then with city dwellers who complain about the nests on their roofs. In the 1990s, municipalities set up management systems to control the number of gulls in the city. The present article focuses on understanding how this “gull problem” was constructed in France. It studies how seagull protected by law and appreciated by the inhabitants of the coast has passed to a controlled and regulated bird, considered annoying and invasive by scientists and city dwellers. The aim is to understand the evolution of the seagull representations and analyze how scientists, managers and municipalities seized this dynamic of populations of the bird and these conflicts between humans and birds. The article underlines the importance of developing research on these hybrid communities, composed of humans and non-humans so that people and seagulls can coexist durably on the same territory (Gramaglia, 2010).
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Engager les pratiquants de loisirs dans la gestion des invasions biologiques : une co-production territoriale : Engaging recreational users in the management of biological invasions: A territorial co-production
Jeoffrey Dehez
p. 1–24
RésuméFR :
Engager les pratiquants de loisirs dans la gestion du milieu naturel suppose d’être en capacité d’imaginer des modes de coordination adéquats, jusqu’à présent plutôt conçus par et pour les experts de la profession. Dans cet article, nous proposons de réfléchir à cette question à partir du cas des plantes aquatiques invasives, en étudiant les dispositifs mis en place sur les lacs Aquitains, dans le Sud Ouest de la France. Nous abordons ces dispositifs comme des processus de co-production territoriale, grâce à des outils d’analyse empruntés à l’économie des services. Nous montrons que les expérimentations ayant réussi à impliquer des pratiquants valorisent tout d’abord leurs compétences opérationnelles et relationnelles, et assez peu (voire pas) expertes. Ces formes d’actions collectives sont autant conditionnées par les plantes que par les supports sur lesquels celles-ci se développent. Dans ce contexte, l’implication des pratiquants de loisirs va largement contribuer à façonner la nature des actions mises en place et, par ce fait, conférer une dimension territoriale à la gestion. Ce processus s’accompagne néanmoins d’une tendance à la micro-localisation des tâches, ainsi que d’une certaine spécialisation des responsabilités, finalement assez peu compatibles avec les dynamiques spatiales des plantes, et que seuls les techniciens et les gestionnaires traditionnels de l’espace semblent en mesure de dépasser. Ces premières initiatives n’en conservent pas moins un caractère pionnier, véritable source d’inspiration pour de futures expériences de gestion participative.
EN :
Involving recreational users in the management of environmental issues implies imagining new modes of cooperative actions, which have been built for professional managers. In this article, we propose to reflect on this question from the case of invasive aquatic plants on the shore lakes of Aquitaine in South Western France. We analyze these collective actions as territorial coproduction processes, relying on service economics analytical tools. We show that the collective actions that have succeeded in involving outdoor recreationists value first their operational and relational skills and rather little (if any) expertise. These actions are strongly conditioned by the type of support where the plants develop, at least as much as by the plants on which they are supposed to intervene. The involvement of recreational users will largely contribute to shaping the nature of the collective action and, as a result, add a territorial dimension. However, such a process favours the micro-localization of operations and responsibilities specialization. The latter is not adapted to the spatial dynamics of the plants. Technicians and traditional managers currently seem to be the only ones to overcome such difficulties. Neverthelss, these first initiatives are pioneering in character and a trustworthy source of inspiration for future experiments in participatory management.
Section courante
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Évaluer l’impact d’un changement d’échelle sur la durabilité des services d’eau : la méthode ABAFAD : Evaluating the impact on their sustainability of a re-scaling of water services: The ABAFAD method
Antoine Brochet et Christophe Wittner
p. 1–40
RésuméFR :
L’enjeu de durabilité des services d’eau est désormais bien identifié par la littérature et fait l’objet de politiques publiques spécifiques. Pour autant, si un certain nombre d’outils proposent de rendre compte du caractère durable de la gestion d’un service, très peu de méthodologies offrent la possibilité d’évaluer l’impact des enjeux à venir. Or, du fait des caractéristiques sociotechniques des services d’eau potable, ces enjeux (renouvellement du patrimoine, normes environnementales, sécurisation de l’approvisionnement en eau, et cetera) apparaissent déterminants. Nous formalisons ici une méthode théorico-empirique baptisée "ABAFAD" qui propose d’évaluer l’impact de ces enjeux sur l’acceptabilité sociale du prix de l’eau et suivant deux hypothèses : celle d’une fragmentation de l’organisation administrative des services d’eau, et celle d’une mutualisation. Nous cherchons alors à répondre à la question suivante : comment le changement d’échelle de gestion permettrait d’améliorer la durabilité des services d’eau ?
EN :
The issue of sustainability of water utilities is now well identified in the literature and is the subject of specific public policies. However, very few methodologies propose to assess the impact of future challenges on the sustainability of water utilities. However, due to the sociotechnical characteristics of drinking water utilities, these stakes (renewal of the heritage, securing the water supply, etc.) appear decisive. We are formalizing here a theoretical-empirical method called "ABAFAD" which enables the evaluation of future impacts according to two hypotheses: that of a fragmentation of the administrative organization of water services, and that of a mutualization. We then seek to answer the following question: does the change in scale of management improve the prospect of sustainability of water utilities ?
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Impacts des structures rigides de protection sur la côte néo-brunswickoise de la baie des Chaleurs au Canada
Simon Diouf, Dominique Bérubé et André Robichaud
p. 1–26
RésuméFR :
En raison de l’érosion côtière, les structures rigides de protection (SRP) sont devenues particulièrement nombreuses sur le territoire de la Commission de Services régionaux Chaleur, ce qui pose la nécessité de mesurer leurs impacts sur ce littoral. Pour cela, les techniques de la photogrammétrie ont été utilisées sur quatre sites. Dans un premier temps, le déplacement historique du trait de côte a été mesuré entre 1934-1985et entre 1985-2012/2018. Ensuite, la superficie de plage occupée par les SRP a été quantifiée. Finalement, des levés topographiques sur la morphologie des plages ont été réalisés. Les résultats montrent que les SRP représentent en moyenne 54 % du trait de côte de la région d’étude. Les parties rigidifiées du trait de côte deviennent fixes, alors que les parties naturelles adjacentes montrent globalement une accélération du recul. Les SRP recouvrent 23 % des plages de Nigadoo, 12 % de celles de Beresford Nord, 37 % de celles de Salmon Beach Ouest et 27 % de celles de Salmon Beach Est. Finalement, il a été constaté que les plages rigidifiées sont en moyenne deux à quatre fois moins larges que les plages naturelles et présentent les plus faibles élévations du haut estran.
EN :
Hard coastal defences (HCD) have multiplied in the last few decades on the Chaleur Regional Service Commission area, a situation that requires the assessment of their effects on coastal processes and features. In this study, photogrammetric techniques were used to make an accurate appraisal of impacts. Firstly, historical coastline change was measured for two periods: 1934-1985 and 1985-2012/2018. Secondly, beach surface occupied by HCD was quantified. Finally, topographic surveys on beach morphology were carried out. Results show that HCD represent 54 % of the study area coastline. The hardened sections of the coastline become fixed, while adjacent natural sections globally an accelerated retreat. HCD cover 23 % of beaches in Nigadoo, 12 % in Beresford, 37 % in Salmon Beach west and 27 % in Salmon Beach Est. Finally, it was found that the hardened beaches are on average two to four times less wide than natural beaches and present the lowest foreshore elevations.
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La Nouvelle-Calédonie face à ses déchets. Quel modèle de gestion des déchets pour les territoires insulaires ?
Laurence Rocher, Romain Garcier, Nathalie Ortar, Gilles Pestaña et Myra Hird
p. 1–23
RésuméFR :
Bien que la question des déchets ne domine pas les préoccupations environnementales, politiques et sociales en Nouvelle-Calédonie, elle connaît de profondes transformations depuis une quinzaine d’années. Ces transformations sont menées au nom d’une puissante rhétorique de “modernisation”, qui vise à rationaliser la gestion des déchets en vertu d’un modèle très largement inspiré de la France métropolitaine. L’article montre que cette rationalisation prend la forme d’une normalisation institutionnelle, infrastructurelle et comportementale, qui vise à répondre à des impératifs sanitaires et environnementaux. Nous argumentons que le modèle modernisateur repose sur une certaine vision de la mobilité des déchets et de la “circularisation” de l’économie. L’introduction du recyclage en particulier, est emblématique de ce modèle et en révèle les limites. Plusieurs cas relatifs à l’économie du recyclage montrent la difficulté à mettre les déchets en mouvement. L’analyse, qui propose un regard critique sur les modèles modernisateurs dans le domaine des déchets et leur réplication indifféremment des contextes, invite à prêter une attention plus systémique à la génération des déchets d’une part, et d’autre part aux facteurs qui déterminent leur devenir et leur circulation dans des contextes insulaires.
EN :
Although waste issues do not dominate environmental, political and social discourses in New Caledonia, waste management has profoundly changed within the past fifteen years due to, amongst other factors, increases in production and consumption. These transformations are taking place within a "modernization" framework, which aims to rationalize waste under a model largely inspired by France. Our paper shows that this rationalization takes the form of institutional, infrastructural and behavioral normalization, and that it responds to imperatives that prioritize sanitation, environmental protection and the circular economy. The introduction of recycling reveals the assumptions inherent in this (ongoing colonial) emphasis on modernization. We examine several cases relating to the recycling economy to illustrate how the reality of the waste streams are determined by the specific physical, economic and institutional geography of the New Caledonian island. The analysis offers a critical look at the modernization models in the field of waste and their replication indifferently to contexts. We argue that the indifference of initiatives to modernize New Caledonia’s waste management system according to French colonial assumptions is resulting in the uneven and complex implementation of modern waste management systems.
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Valeur écologique et produits de cueillette des plantations forestières de la Forêt classée de la Téné
Bi Tra Aimé Vroh et Youssouf Kone
p. 1–19
RésuméFR :
En Côte d’Ivoire, la Forêt classée de la Téné a été reboisée sur plus de 21 000 ha, en espèces exotiques pour la production de bois depuis 1986. Des inventaires botaniques dans des plantations forestières et une relique de forêt, ainsi que des enquêtes ethnobotaniques, ont permis d’estimer la valeur écologique et de conservation, les relations entre les communautés riveraines et ce système de production. La relique de forêt (109 espèces) et les plantations forestières multi-spécifiques (104 espèces) sont plus diversifiées, plus stables et ont une biomasse végétale plus importante que les jeunes et vieilles plantations mono-spécifiques de Teck. Outre les pratiques d’entretien des plantations, responsables de la perte d’une bonne partie de la diversité des espèces dans les plantations forestières, le fort potentiel de régénération de Cedrela odorata, une des espèces exotiques de reboisement dans les habitats de la Forêt classée de la Téné, mérite un suivi quant à son impact négatif sur l’installation des espèces arborescentes indigènes. Près de la moitié (49%) des produits de cueillette est issue de la Forêt classée de la Téné, signe d’une bonne collaboration entre les services des gardes forestiers et les populations riveraines.
EN :
In Côte d’Ivoire, since 1986, the Téné Gazetted Forest has been reforested based of exotic species on more than 21,000 ha for timber production. Botanical inventories in these forest plantations and a remaining natural forest and ethnobotanical surveys have permitted us to assess the ecological and conservation value and the relationships between the neighbouring communities and this timber production system. The remaining forests (109 species) and multi-specific forest plantations (104 species) have higher plant diversity than mono-specific teak plantations. These two habitats are also more stable and have high plant biomass than mono-specific young and old teak plantations. The high abundance of Cedrela odorata, one of the exotic reforestation species in the remaining forest, may require future study about its potential negative impacts on establishing native tree species in the reforested area at Téné Gazetted Forest. More than half (49%) of the harvested products are from the Téné Gazetted Forest; that attests to good collaboration between the forest police officers and the neighbouring communities.
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Intelligence artificielle, données volumineuses et conservation de la biodiversité
Jérôme Duberry
p. 1–9
RésuméFR :
L’intensification technologique croissante de la conservation de la biodiversité répond à un besoin de capacité accrue d’analyse de données volumineuses, plus diverses et plus complexes. L’intelligence artificielle (IA) et les données volumineuses permettent de mieux comprendre la planète et ses habitants. L’IA permet aussi de soutenir les efforts des sciences participatives en automatisant la reconnaissance d’espèces dans certaines données collectées par les citoyens. Elle implique parfois également la collaboration avec le secteur privé, et plus particulièrement de grandes entreprises technologiques qui soutiennent financièrement et technologiquement des projets de conservation. Si la contribution des citoyens et des grandes entreprises technologiques à la conservation de la biodiversité est à la fois louable et souhaitable, les enjeux diffèrent. Alors que les sciences participatives s’inscrivent dans une démarche scientifique qui implique la transparence et la justification de décisions, les critères qui conditionnent le soutien de ces entreprises manquent souvent de transparence. La comparaison de ces deux formes de participation aux efforts de conservation assistés par l’IA met en évidence le besoin accru de transparence des grandes entreprises technologiques, d’autant plus que leur rôle ne consiste pas simplement à collecter des données, mais bien plus fondamentalement à soutenir les projets sur le plan financier et technologique.
EN :
The increasing technological intensification of biodiversity conservation is driving greater capacity to analyze larger, more diverse, and more complex data. Artificial intelligence (AI) and big data enable a better understanding of the planet and its inhabitants. AI also supports participatory science efforts by automating species recognition in some data collected by citizens. This technology also sometimes involves collaboration with the private sector, particularly large technology companies that support conservation projects financially and technologically. While the contributions of citizens and large tech companies to biodiversity conservation are both laudable and desirable, the issues differ. Whereas participatory science is a scientific process that implies transparency and justification of decisions, the criteria that condition the support of these companies often lack transparency. Comparing these two forms of participation in AI-assisted conservation efforts highlights the increased need for transparency in large tech companies, especially since their role is not simply to collect data but much more fundamentally to support projects financially and technologically.