VertigO
La revue électronique en sciences de l’environnement
Volume 20, numéro 2, octobre 2020 Varia
Sommaire (5 articles)
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Évolution du rapport à l’humide en zone alluviale : Laplaigne, village riverain de l’Escaut (Belgique)
Thibaut Ghils
RésuméFR :
L’étude de la vulnérabilité des sociétés et des facteurs humains y contribuant est au centre des préoccupations de nombreux auteurs. Plus spécifiquement, la problématique de l’aléa inondation, conséquence de l’anthropisation de milieux humides ou inondables, fait l’objet d’un intérêt récent, mais marqué. Cependant ces recherches sont encore trop rarement réalisées dans une optique opérationnelle. Pourtant, en interrogeant le passé, il est possible de comprendre le déroulé des mutations s’opérant sur un espace spécifique donné afin d’en imaginer le futur. Le cas du village frontalier de Laplaigne, situé en bord d’Escaut belge, est à ce titre exemplatif. Lié à l’humide, il s’en est détourné pour finir par l’ignorer. Aujourd’hui, n’est-il pas temps d’imaginer un nouveau paradigme permettant d’inventer de nouveaux modèles d’aménagement du territoire qui réintroduiraient l’eau dans le paysage ?
EN :
The study of the vulnerability of societies and human factors is the center of concern of many authors. More specifily, the problem of flood hazard, a consequence of the anthropization of wetlands or floodplains, is of recent but marked interest. However, this research is still too rarely done in an operational perspective. But by questioning the past, it is possible to understand the mutations of the future. The case of the border village of Laplaigne, located on the edge of the Belgian Scheldt, is exemplary. Connected to the, he turned away from it and ignored it. Today, is not it time to imagine a new paradigm for inventing new territory development models that would reintroduce water into the landscape?
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La dynamique d’enfrichement, ses expressions paysagères et ses significations : le cas du Beaujolais viticole
Jessica Pic, Yoann Le Guen, Étienne Cossart et Mathieu Fressard
RésuméFR :
Le Beaujolais est un vignoble en crise économique depuis la fin des années 1990. Elle se matérialise dans les paysages par une dynamique d’enfrichement qui préoccupe les acteurs locaux. La caractérisation de cette dynamique, nécessaire pour comprendre et endiguer le phénomène, fait face à deux difficultés : (i) théorique, liée à la définition même du terme de friche, et (ii) technique, liée à la quantification et la qualification de l’enfrichement. Un protocole combinant photo-interprétation, inventaire de terrain et entretiens, a été appliqué pour caractériser la diversité des expressions paysagères de l’objet friche et envisager sa polymorphie. Ce travail se concentre sur trois secteurs du Beaujolais viticole afin de dégager les modalités sous-jacentes à l’enfrichement. Une typologie comprenant six types de parcelles en friche a été construite : chaque type présente un impact paysager différent au vu de sa physionomie. Trois filiations temporelles entre les types ont été identifiées : une famille de friches de coteaux, une de plaine dont les ceps ont été arrachés et une de plaine non-arrachés. L’enfrichement a en outre été quantifié et représente en 2017, respectivement, 1,5 %, 8,4 % et 8,7 % de la surface en vignes de la Basse-Ardières, du Marverand et du Merloux en 1999. Ces taux montrent un différentiel entre le nord et le sud du territoire, témoignant d’un vignoble plus résilient en Basse-Ardières (classification en cru) tandis qu’en Marverand et Merloux l’enfrichement est prépondérant.
EN :
The economic crisis that affects the Beaujolais vineyard since the late 1990s is the origin of the abandonment of previously vine-growing plots. It implies important landscape mutations, worrying the local stakeholders. The lack of definition of these abandoned plots, as well as the technical difficulty to qualify and quantify the conversion dynamics, is a problem to hold back the conversion from agricultural to abandoned plots. Photo-interpretation combined with fieldwork and interviews of stakeholders was conducted to characterize the extension and spatial patterns of abandoned plots. It was done for three catchments to compare the results and highlight the underlying ways and means of the conversion of vine into abandoned plots. A typology was built : it includes six types of abandoned plots, each one having, according to its features, its own impact on the landscape. Three temporal filiations between the types were identified : one is located on the hillside, one is in the plain, but the previous vine stocks have been uprooted, and one is in the plain and the vine stocks have not been uprooted. The conversion into abandoned plots was quantified and related with the vine plots extent of the catchments in 1999 : 1.5 % of the vine plots surface that has been converted into abandoned plots for the Lower Ardières catchment, 8.4 % for the Marverand catchment and 8.7 % for the Merloux catchment. A distinction between north and south Beaujolais has been noticed, highlighting the slope and the vintage sorting influence on the abandonment but also of land withholding phenomena.
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Suivi de l’anthropisation du paysage dans la région forestière de Babagulu, République Démocratique du Congo
Joël Masimo Kabuanga, Blaise Adipalina Guguya, Elvis Ngenda Okito, Nicolas Maestripieri, Mehdi Saqalli, Vivien Rossi et Léon Iyongo Waya Mongo
RésuméFR :
La région forestière de Babagulu concerne ici la Réserve forestière de Babagulu (RFB) et sa périphérie. En République Démocratique du Congo, la région forestière de Babagulu subit des pressions anthropiques suite notamment à sa proximité par rapport à la ville de Kisangani. Ces pressions anthropiques restent peu documentées et leurs impacts sur ce paysage forestier demeurent mal connus. Le but de cette étude est de faire un suivi régulier de l’anthropisation du paysage de la région forestière de Babagulu. L’approche méthodologique adoptée est basée sur les techniques de la télédétection, de la cartographie et de l’écologie du paysage. Les images satellitaires Landsat TM (1984, 1986, 1990, 1994 et 2010), ETM+ (2001 et 2005) et OLI (2015 et 2018), toutes de 30 mètres de résolution spatiale, ont été mobilisées pour cartographier l’occupation du sol en trois classes (forêt primaire, friches/forêts dégradées et complexe rural). Le calcul de dix indices spatiaux a permis de caractériser la composition et la configuration du paysage entre 1984 et 2018. Ces indices spatiaux comprennent le nombre de taches, la taille moyenne des taches, sa variation absolue et relative, la densité du périmètre, l’indice d’agrégation, l’indice du plus large fragment, indice de forme du paysage, la distance euclidienne moyenne au plus proche voisin, la dimension fractale et l’indice de contagion. Les résultats montrent une régression significative de la forêt primaire au profit des classes anthropiques (complexes ruraux et friches/forêts dégradées) tant à l’extérieur (R² =0,98 ; p<0,01) qu’à l’intérieur (R² =0,99 ; p<0,01) de la réserve. La structure paysagère se complexifie au fil des années. Il est également à noter une fragmentation progressive des forêts primaires mises en évidence par l’augmentation continuelle du nombre (+310) et de la densité des périmètres des taches (+14 m/ha) ainsi que la diminution remarquable de leur aire moyenne (-223 ha). Aussi, la distance moyenne séparant deux taches voisines a augmenté, passant de 119,30 mètres en 1984 à 123,57 mètres en 2018 (soit un écart de 4,27 mètres) signalant un isolement accru des taches. Ces résultats montrent la nécessité de l’encadrement effectif de l’utilisation des terres en dehors de la réserve afin de préserver la biodiversité qui s’y trouve.
EN :
The Babagulu forest region here concerns the Babagulu Forest Reserve (BFR) and its periphery. In the Democratic Republic of Congo, the forest region of Babagulu is under anthropogenic pressure, notably due to its proximity to the city of Kisangani. These anthropic pressures remain little documented and their impacts on this forest landscape remain poorly understood. The purpose of this study is to regularly monitor the anthropization of the landscape of the RFB. The methodological approach adopted is based on techniques of remote sensing, cartography and landscape ecology. The Landsat TM (1984, 1986, 1990, 1994 and 2010), ETM + (2001 and 2005) and OLI (2015 and 2018) satellite images, all of 30m spatial resolution, were used to map the land cover in three classes (primary forest, fallow land/degraded forest and rural complex). The calculation of ten spatial indices made it possible to characterize the composition and configuration of the landscape between 1984 and 2018. These spatial indices include the number of spots, the average spot size, the perimeter density, the aggregation index, largest fragment index, landscape shape index, mean Euclidean distance to nearest neighbor and fractal dimension, variation and absolute, fractal dimension and contagion index. The results show a significant regression of the primary forest for the benefit of the anthropic classes (rural complexes and fallow land and degraded forests) outside (R²= 0.98; p <0.01) than inside (R²= 0.99; p <0.01) of the reserve. The landscape structure becomes more complex over the years. It should also be noted that there is a gradual fragmentation of primary forests highlighted by the continuous increase in the number (+310) and the density of patch perimeters (+14 m/ha) and the impressive decrease in their average area (-223 ha). Also, the average distance separating two neighboring spots increased from 119.30 meters in 1984 to 123.57 meters in 2018 (a difference of 4.27 meters) signaling an increased isolation of the spots. These results show the need for effective management of land use outside the reserve in order to preserve the biodiversity found there.
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Classification hiérarchique des zones boisées d’altitudes de l’île d’Anjouan, Comores
Houmadi Amélaïd, Pascal Fust, Kathleen Green, Mohamed Daniel, Ishaka Said, Joelisoa Ratsirarson et Steeves Buckland
RésuméFR :
Avant la colonisation humaine de l’archipel des Comores, l’île d’Anjouan était couverte de forêt. Aujourd’hui, seuls quelques vestiges de forêts primaires subsistent sur des pentes escarpées et inaccessibles. Sous les pressions humaines, la perte des forêts au profit des zones agricoles continuait d’une façon exponentielle. La présente étude a examiné la végétation de l’île pour déterminer les types d’habitats qu’on pouvait trouver à Anjouan. En 2010, nous avons collecté des données liées aux arbres, à l’exploitation agricole et à l’altitude pour partitionner la couverture végétale en différentes classes. Nous avons utilisé l’Analyse en composante principale (ACP) et la Classification ascendante hiérarchique (CAH). Six classes d’habitats ont été identifiées : la classe des plantations des zones ouvertes de haute altitude, la classe des plantations des zones moins boisées, la classe de l’agroforêt dense de moyenne altitude, la classe de la forêt sévèrement dégradée et sous-plantée, la classe de forêt dégradée, et la classe de forêt dense humide. Les quatre premières sont associées aux activités agricoles. Des différences significatives entre les classes ont été observées pour les densités des arbres (natifs ou non-natifs), la diversité des espèces et les niveaux d’exploitations agricoles. La densité des arbres augmentait avec l’altitude, tandis que la diversité en espèces était liée à la classe de la couverture végétale. Les types d’exploitation agricole étaient liés à la classe d’habitat et à la localisation dans l’altitude. Cette étude sera utilisée pour la planification de la gestion des zones agroforestières et la mise en place des actions de conservation pour les habitats forestiers.
EN :
The second largest island of the Comoros archipelago, Anjouan, was covered by forest before human colonization, whereas today only a few forest fragments remain on steep and inaccessible slopes. Under human pressure, the loss of forests to make place for agricultural areas continues. The present study investigated the vegetation of Anjouan to determine which habitat types can be found on the island. In 2010, we collected data on vegetation composition using a plot-based methodology. Two types of analyses were used to partition the habitat into different classes : principal component analysis (PCA) and hierarchical cluster analysis (HCA). Six habitat classes were identified : plantations in high altitude open areas, plantations in less wooded areas, low altitude agroforestry, severely degraded and under-planted forest, degraded forest and dense natural forest. The first four classes were associated with agricultural activities in varying intensities. Significant differences between habitat classes were distinguished by Kruskal-Wallis tests for tree densities (native and non-native), species diversification, and level of agricultural exploitation. The findings show that the vegetation cover in Anjouan is marked by human exploitation, which requires monitoring to avoid over-exploitation of the last remaining natural forests on the island. The results of this study will be used for the agroforestry management planning and the implementation of conservation actions for forest habitats on the island.
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Évaluation des valeurs d’usage indirect des récifs coralliens et écosystèmes associés de Mayotte
Ewan Trégarot, Pierre Failler, Cindy C. Cornet et Jean-Philippe Maréchal
RésuméFR :
Les récifs coralliens de Mayotte (342 km2), ainsi que ses mangroves (8,46 km2) et ses herbiers (7,60 km2) procurent des services écosystémiques dont les plus importants sont la protection côtière, la séquestration de carbone, le traitement des eaux et la production de biomasse halieutique. La quantité et la qualité de ces services diminuent de manière régulière depuis plusieurs années et elles devraient continuer de la sorte si aucune mesure n’est prise pour contenir les pressions anthropiques. La couverture corallienne des récifs frangeants a ainsi diminué de 60 % en 15 ans et celle du récif barrière de 15 % en 8 ans, alors que les fronts pionniers de Sonneratia des mangroves ont régressé de 13 % en 6 ans. La qualité écologique des masses d’eaux suggère quant à elle un état dégradé des herbiers. La valeur monétaire annuelle de l’ensemble de ces services est actuellement estimée à 151 millions d’euros. Si les écosystèmes étaient en parfait état écologique, elle s’élèverait alors à 188 millions d’euros. Cet article montre ainsi que la préservation des écosystèmes côtiers est primordiale d’un point de vue économique.
EN :
Mayotte’s coral reefs (342 km2), mangroves (8, 46 km2) and seagrass beds (7,60 km2) provide important ecosystem services of which the most important are the coastal protection, carbon sequestration, water purification and fish biomass production. The quantity and quality of these services have been decreasing steadily for several years and should continue to do so if no action is taken to contain anthropogenic pressures. The coral cover of the fringing reefs and the barrier reef has thus declined respectively by 60 % in 15 years and 15 % in 8 years, while the pioneer front of Sonneratia for mangroves has declined by 13 % in 6 years. As for the water quality, it suggests a degraded state of seagrass beds. The estimated annual value of these services amounts to EUR 151 million. This value would then rise to EUR 188 million if the ecosystems were in pristine conditions. This article shows that the preservation of coastal ecosystems is essential from an economic point of view.