VertigO
La revue électronique en sciences de l’environnement
Volume 19, numéro 2, octobre 2019 Varia
Sommaire (13 articles)
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Écologie et fiscalité : convergence des luttes ? Cas de l’introduction d’une assiette carbone dans la TICPE en France
Marianne Ollivier-Trigalo
RésuméFR :
Le projet de loi de Finances pour 2014 (PLF 2014) a introduit une composante carbone dans la Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) – appelée aussi contribution climat énergie ou encore taxe carbone. L’inscription de cette mesure dans le PLF 2014 revient au gouvernement, qui s’appuie formellement sur les travaux d’un Comité pour la fiscalité écologique (CFE) sur lesquels nous nous sommes penchée afin d’appréhender dans quelles conditions l’introduction de l’assiette carbone dans la TICPE a été élaborée. Sur cette base empirique (nombreux écrits du CFE et entretiens réalisés auprès de membres du comité), l’objet de cet article est de mettre en lumière une interdépendance entre fiscalité et politique énergétique que donne à voir le résultat de ces travaux, concrétisé par le vote de la réforme de la TICPE. Notre analyse met en lumière comment les membres du CFE ont dû s’accommoder des règles et formats imposés par la fiscalité. Ces règles fiscales se retrouvent en effet dans le choix de passer par la TICPE qui répond à une double injonction : d’une part, l’injonction de rendement – une taxe est avant tout une recette ; d’autre part, l’injonction de ne pas créer de nouvelle taxe. Le choix de réformer la TICPE comporte plusieurs caractéristiques porteuses de sens de politique publique. La mobilisation d’un instrument fiscal a conduit à s’appuyer sur des arguments de basculement de la fiscalité – une transition fiscale. Dans le même temps, se concentrer sur la consommation des énergies fossiles en introduisant la prise en considération des émissions de CO2 (y compris des carburants) a induit des échanges sur la recherche de sobriété en énergie – une transition énergétique. Bien entendu, la réalité ne choisit pas, mais au contraire, mixe les deux orientations, les rendant interdépendantes.
EN :
The 2014 Finance Bill (FDP 2014) introduced a carbon component into the Internal Tax on Consumption of Energy Products (TICPE) – also known as the climate energy contribution or carbon tax. The inclusion of this measure in the 2014 FDP is the responsibility of the government, which formally relies on the work of a Committee for Ecological Taxation (CFE), which we examined in order to understand under what conditions the introduction of the carbon base in TICPE was developed. On this empirical basis (numerous writings by the CFE and interviews with members of the committee), the purpose of this article is to highlight an interdependence between taxation and energy policy that the outcome of this work shows, reflected in the vote on the TICPE reform. Our analysis highlights how CFE members have had to deal with the rules and formats imposed by taxation. These tax rules are reflected in the choice to go through TICPE, which responds to a double injunction : on the one hand, the efficiency injunction – a tax is above all a revenue ; and on the other hand, the injunction not to create a new tax. The choice to reform TICPE has several characteristics that have a public policy meaning. The mobilisation of a tax instrument has led to the use of tax switching arguments – a tax transition. At the same time, focusing on fossil fuel consumption by introducing the consideration of CO2 emissions (including fuels) has led to exchanges on the search for energy efficiency – an energy transition. Of course, reality does not choose but, on the contrary, mixes the two orientations, making them interdependent.
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Intégrer la connectivité paysagère dans la séquence ERC : une approche par la quantité d’habitat atteignable
Laurent Bergès, Catherine Avon, Lucie Bezombes, Céline Clauzel, Rémi Duflot, Jean-Christophe Foltête, Stéphanie Gaucherand, Xavier Girardet et Thomas Spiegelberger
RésuméFR :
Des engagements nationaux, européens et internationaux ont été pris pour maintenir et restaurer la connectivité entre habitats naturels face à la perte et à la fragmentation de ces habitats. Dans le même temps, les politiques environnementales dans différents pays mettent en oeuvre la séquence Eviter-Réduire-Compenser (ERC) pour atteindre l’objectif d’absence de perte nette de biodiversité (PPN). La séquence ERC a pour principe d’évaluer l’ensemble des impacts écologiques d’un aménagement, mais les critères et indicateurs permettant de quantifier les impacts sur la connectivité paysagère ne sont pas satisfaisants. Nous proposons une démarche opérationnelle pour évaluer les impacts environnementaux d’un aménagement sur la connectivité des habitats à l’échelle du paysage. Cette démarche est basée sur la théorie des graphes et l’indice EC de « quantité d’habitat atteignable » pour les espèces, qui tient compte de la quantité d’habitat, de la configuration spatiale des taches d’habitats et des capacités de dispersion des espèces. Les trois principaux enjeux de la séquence ERC sont redéfinis au regard de cette démarche. Celle-ci est ensuite appliquée à un réseau d’habitat virtuel où plusieurs scénarios d’évitement, de réduction et de compensation des impacts sont testés et comparés. Nous discutons des atouts et des limites de cette approche pour la séquence ERC et fournissons des recommandations d’application. En conclusion, nous préconisons et justifions une meilleure intégration des trois grandes politiques de conservation de la biodiversité en France : la Loi pour la Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le SRADDET et la Stratégie de création des aires protégées.
EN :
National, European and international commitments have been made to maintain and restore the connectivity of natural habitats to face habitat loss and fragmentation. Meanwhile, environmental policies in different countries worldwide have proposed the mitigation hierarchy to reach the goal of "no net loss (NNL) of biodiversity". The mitigation hierarchy aims at assessing all the ecological impacts of a development project, but the impacts on landscape connectivity are not properly addressed. We propose an operational framework to assess the environmental impacts of a development project on landscape habitat connectivity. This framework is based on graph theory and the equivalent connectivity index EC of "amount of reachable habitat", which takes into account the total amount of habitat, the spatial configuration of habitat patches and the dispersal capacities of the species. We redefine the three main issues of the mitigation hierarchy regarding "no net loss of connectivity". Then, this framework was applied to a simple, virtual network case where several scenarios of impact avoidance, reduction and compensation were tested and compared. We discuss the benefits and limitations of this approach for the mitigation hierarchy and provide practical recommendations for implementation. In conclusion, we advocate and justify a better integration of the three main biodiversity conservation policies in France : the law for the recovery of biodiversity, nature and landscapes, the SRADDET and the strategy for the establishment of protected areas.
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Estimation de la contribution de la production potagère domestique au système alimentaire local : enseignements à partir de l’étude des cas de Rennes, Caen et Alençon
Maxime Marie
RésuméFR :
L’objectif de cet article est d’interroger la contribution des productions potagères domestiques dans le fonctionnement des systèmes alimentaires locaux, il s’appuie sur l’étude comparée de trois agglomérations de l’ouest de la France : Rennes, Caen, et Alençon. La méthodologie mise en place pour cette recherche repose sur un inventaire à échelle fine des espaces de la production potagère et sur une enquête auprès de jardiniers cultivant un potager. Les résultats montrent que les surfaces dédiées à la production potagère, bien que souvent mésestimées, sont très importantes dans les agglomérations étudiées (près de 45 ha à Rennes, un peu plus de 50 ha à Caen et environ 25 ha à Alençon). Ce travail fait ainsi apparaître la place centrale des potagers cultivés dans les jardins privés des maisons au sein des surfaces potagères totales. Leur inscription spatiale n’est pas homogène et rend compte des effets de la morphologie urbaine et de la composition sociale des quartiers. On constate également que les villes les plus marquées par la présence des catégories populaires et des retraités sont celles où les surfaces de potagers par ménage sont les plus importantes. Enfin, une estimation de la contribution des productions potagères domestiques au système alimentaire local a été mise en place. Elle montre que cette contribution est différenciée suivant les agglomérations et les quartiers, et ce, en fonction de plusieurs paramètres : la composition sociale de la population, la morphologie urbaine et l’accès à un espace de culture.
EN :
The paper explores the contribution of domestic gardening to the local food systems in three cities of the North-West of France : Rennes, Caen, and Alençon. The methodology of this research is based on a fine-scale inventory of vegetable gardening space and on a survey with gardeners cultivating a vegetable garden. The results show that the areas dedicated to domestic production, although often underestimated, are very important (nearly 45 ha in Rennes, a little more than 50 ha in Caen and about 25 ha in Alençon). This work shows also the central place of home gardens cultivated in the private gardens of houses within the total vegetable areas. Their spatial distribution is not homogeneous and accounts for the effects of urban morphology and the social composition of neighborhoods. We also note that the cities most marked by the presence of popular categories and retirees are those where the areas of vegetable gardens per household are the most important. Finally, an evaluation of the contribution of domestic gardening production to the local food system has been done. It shows that this contribution is differentiated according to cities and neighbourhoods, due to several parameters : the social composition of the population, urban morphology and access to a cultural space.
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Typologie de l’implantation de la flore spontanée en ville dense, regard croisé écologue-architecte
Xavier Lagurgue, Flavie Mayrand et Philippe Clergeau
RésuméFR :
L’adaptation des villes au réchauffement climatique passe par la recherche de solutions économiques pour être mobilisables à grande échelle. Dans ce contexte, la végétalisation des enveloppes bâties est désormais connue pour contribuer à la réduction des ilots de chaleurs et aux bienfaits de la nature en ville. Parmi les dispositifs de végétalisation existants, la colonisation des supports bâtis par les plantes spontanées est gratuite et retient l’attention. Cependant, la végétalisation spontanée est souvent associée chez les professionnels à la dégradation potentielle des constructions et les expérimentations restent rares. D’autre part, les recherches concernant la colonisation des dispositifs bâtis ne prennent pas en considération l’écoconception architecturale à destination des espèces rupicoles et rudérales. L’objet de cet article est de caractériser des situations bâties identifiées par leur capacité à accueillir le développement des plantes spontanées. La méthode employée a consisté à établir des relevés de végétaux dans leur milieu bâti. La mise à l’échelle des plantes par rapport aux ouvrages construits donne à voir les dynamiques d’interaction. Les points d’implantations ont ensuite été décrits et analysés pour en extraire des caractéristiques d’interaction entre le végétal et le bâti. Les données obtenues concernent des critères architecturaux d’implantation du végétal, des critères de caractérisation du point d’implantation du végétal sur un support bâti et une tentative d’évaluation de l’impact de ces critères sur certaines fonctions végétales. Cette étude propose ainsi une première approche destinée à l’écoconception architecturale des enveloppes dans le but de favoriser la colonisation du bâti par la végétation.
EN :
The adaptation of cities to global warming requires the search for economic solutions to be mobilized on a large scale. In this context, the greening of the built envelopes is now known to contribute to the reduction of islands of heat and the benefits of nature in the city. Among the existing vegetation devices, the colonization of the supports built by the spontaneous plants is free and holds the attention. However, spontaneous vegetation is often associated in professionals with the potential degradation of buildings and experiments are rare. On the other hand, the research concerning the colonization of buildings is not addressed to the architectural ecodesign for rupicolous and ruderal species. The aim of this article is to characterize built-up situations identified by their capacity to accommodate the development of spontaneous plants. The method used was to establish vegetation drawings in their built environment. The scaling of plants compared to constructed structures shows the dynamics of interactions. The implantation points were then described and analyzed to extract interaction characteristics between the plant and the built biotope. The data obtained relate to architectural criteria for plant establishment, criteria for characterizing the plant implantation point on a built support and an attempt to evaluate the impact of these criteria on certain plant functions. This study proposes a first approach aimed at the architectural ecodesign of envelopes in order to favor the colonization of buildings by vegetation.
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Lutter contre la pollution lumineuse : trois processus de valorisation de l’obscurité dans les territoires français
Dany Lapostolle et Samuel Challéat
RésuméFR :
La dégradation de l’obscurité sous l’effet des usages de lumière artificielle nocturne dans et aux abords des infrastructures humaines est appelée pollution lumineuse. Liée à l’urbanisation, cette pollution déborde les espaces urbains pour affecter les espaces ruraux et les aires protégées. La lutte contre la pollution lumineuse s’organise dans plusieurs pays, dans lesquels des territoires expérimentent des politiques environnementales de protection de l’obscurité. L’enjeu porte à la fois sur la préservation de la biodiversité et la transition énergétiques. En France, quelques territoires ruraux pionniers expérimentent des dispositifs intégrant ce double enjeu. Deux d’entre eux constituent les cas d’étude de cet article. Nous montrons comment ces territoires font de l’obscurité une ressource spécifique. Nous identifions trois processus de spécification. Le premier, suivant une logique utilitariste anthropocentrée, relève de l’économicisation de l’environnement dans la lignée de la shallow ecology. Le deuxième, suivant une logique de conservation écocentrée, relève de l’écologisation radicale de l’économie, dans la lignée de la deep ecology. Le troisième suit une logique socioécosystémique intégrée consacrant l’interdépendance entre le développement, l’aménagement, la préservation de la biodiversité et la sobriété énergétique. Les controverses de spécification travaillent les territoires. Ceux-ci deviennent des territoires d’incubation, c'est-à-dire des espaces de résolution de ces controverses qui se traduisent dans un opérateur de transition permettant au territoire d’emprunter une nouvelle trajectoire de développement et d’aménagement.
EN :
The degradation of darkness through the use of artificial light at night (ALAN) in and around human infrastructures is termed light pollution. This pollution is intrinsically related to urbanization and spills out from urban areas to affect rural areas and protected areas. The fight against light pollution is being organized in several countries where local communities are experimenting with environmental policies to protect darkness. The challenge bears on both the preservation of biodiversity and the energy transition. In France, a few pioneering rural areas are experimenting with mechanisms that include this dual implication. Two of them provide the case study for this article. We show how these areas turn darkness into a specific resource. We identify three specification processes. The first, obeying an anthropocentric utilitarian rationale, is part of the “economicization” of the environment in the line of shallow ecology. The second, following a rationale of ecocentric conservation, is part of the radical greening of the economy, in line with deep ecology. The third follows an integrated social-ecological system rationale enshrining the interdependence between development and planning and the preservation of biodiversity and energy savings. Specification controversies beset local areas. These areas become incubation rooms, that is, spaces for resolving these controversies that are reflected in a transition operator enabling the local area to take a fresh trajectory in terms of development and planning.
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Contribution à l’étude des barrières et des leviers d’action face au changement climatique : influence des perceptions et des spécificités territoriales sur les actions individuelles de lutte contre le changement climatique dans les Hauts-de-France
Oumar Marega, Séverine Frere, Anne-Peggy Hellequin, Hervé Flanquart, Iratxe Calvo-Mendieta, Baptiste Berry et Sophie Cornet
RésuméFR :
L’adoption des stratégies individuelles de lutte face au changement climatique est un enjeu majeur aussi bien sur le plan scientifique et environnemental que sur le plan sociétal. Cet article étudie dans quelle mesure les perceptions des populations ainsi que les contextes territoriaux peuvent être des barrières et/ou des leviers d’action face au changement du climat. La démarche s’appuie sur une étude comparée entre les communes de Lille et de Chauny, deux territoires proches sur le plan climatique, mais différents sur le plan géographique et socio-économique. Les résultats démontrent une diversité de perceptions et des stratégies de lutte que l’on peut attribuer à deux facteurs clés : le contexte géographique et les variables socioéconomiques des personnes enquêtées. Au niveau des perceptions du changement climatique, on constate une diversité liée au ressenti individuel des personnes enquêtées ; à leur niveau d’étude et à l’influence des principales sources d’information. Sur le plan des stratégies de lutte, des corrélations significatives existent entre les mesures adoptées et les niveaux de vie des populations enquêtées. Sur nos deux sites d’études, l’essentiel des mesures mises en avant va dans le sens de l’atténuation du changement climatique. Par ailleurs, le développement de ces actions d’atténuation est plus manifeste à Lille qu’à Chauny. Un des facteurs explicatifs de cette différence notable renvoie au contexte territorial et économique des deux sites.
EN :
The implementation of individual strategies to fight against climate change is a major issue both scientifically and environmentally as well as socially. This paper examines how people’s perceptions and territories characteristics could become barriers or drivers of action on climate change. The approach is based on a comparative study between Lille and Chauny, two towns climatically comparable, but differing from geographic and socio-economic factors. The findings show a diversity of perceptions and strategies to fight depending on two key determinants : geographic context and socio-economic variables. We demonstrate a diversity in climate change perceptions both related to people individual’s feeling, their educational level, and their main source of information. In terms of strategies to fight against climate change, our results reveal significant correlations between the measures adopted by people surveyed and their living standards. In our two study sites, most of the measures implemented are focused on climate change mitigation. Furthermore, people residing in Lille are more inclined to take mitigation actions than Chauny’s residents. One reason that could explain this difference between Lille and Chauny is the territorial and economic context.
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Acceptabilité sociale des mesures d’adaptation au changement climatique en zones côtières : une revue de dix enquêtes menées en France métropolitaine
Hélène Rey-Valette, Nicolas Rocle, Didier Vye, Lucile Mineo-Kleiner, Esméralda Longépée, Cécile Bazart et Nicole Lautrédou-Audouy
RésuméFR :
À partir d’une synthèse de dix enquêtes quantitatives réalisées au cours de la dernière décennie (2007-2017) en France métropolitaine, cet article vise à capitaliser des résultats de recherche sur les points de vue des citoyens relatifs aux mesures et aux modalités d’adaptation des territoires littoraux à l’élévation du niveau de la mer. Au-delà des perceptions et représentations sociales des phénomènes littoraux et des risques associés, l’article met en exergue, selon les territoires ou les types de population (résidents principaux, résidents secondaires, touristes...), l’influence de facteurs institutionnels sur l’acceptabilité des politiques de gestion du trait de côte : rôle de l’information, points de vue et représentations quant aux options d’adaptation (protection, ajustement, relocalisation…), légitimité et confiance vis-à-vis des institutions chargées de ces politiques, ou encore sentiments de justice ou d’injustice suscités par certaines mesures de financement des politiques d’adaptation. Parmi les résultats convergents, sont relevés un sentiment de manque ou de défaut d’information chez la plupart des enquêtés, ainsi qu’une approche séquentielle de l’adaptation où la relocalisation est davantage envisagée à moyen terme après une phase de protection. Concernant les modalités de mise en oeuvre des mesures, un certain consensus émerge pour un portage par les autorités publiques (État notamment), associé à des mécanismes de solidarité financière (nationale ou régionale) et assorti de conditions sur la transparence et la légitimité des institutions gestionnaires.
EN :
The article aims to compare and to analyze results from ten quantitative research surveys conducted in mainland France (from 2007 to 2017) dealing with citizen perceptions and points of view about coastal adaptation measures and policies to face sea level rise. Beyond social perceptions and representations on coastal phenomena and coastal risks, the article highlights the influence of institutional factors on adaptation policies’ acceptability depending on the type of population (primary and secondary residents, tourists…) : these factors are mainly the role of information, social perceptions of adaptation measures (protection, adjustment, coastal retreat…), trust and legitimacy about the institutions in charge of these policies, as well as feelings of (in)justice that are observed according to different propositions of funding in adaptation policies. Among the main convergent results, a majority of respondents express the feeling that they lack information about coastal risks and the way public authorities are engaged to tackle them. Moreover, a sequential approach for adaptation measures is expressed, where relocation is expected as a mid-term option after a period of protection and transition towards this type of operation. Regarding the conditions under which the different measures could be planned and conducted, a consensus seems to emerge in favor of a public leadership (especially by the State) where mechanisms of financial solidarity (at national or local scale) as well as procedures conducive to transparency and legitimacy of managing institutions are required.
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Entre dire et faire : discours scientifique sur le changement climatique et adaptation du système ferroviaire français
Vivian Dépoues, Jean-Paul Vanderlinden et Tommaso Venturini
RésuméFR :
Cet article étudie le décalage entre des discours scientifiques sur le changement climatique qui se veulent générateurs de dynamiques ambitieuses d’adaptation et la réalité de leur prise en compte dans la gestion des grands réseaux d’infrastructures. Autour de l’étude détaillée d’une portion du système ferroviaire du sud de la France, particulièrement soumise aux aléas climatiques, il commence par décrire où et comment apparaît la question climatique depuis le temps long des grands projets jusqu’aux problématiques quotidiennes des circulations ferroviaires. Ce travail d’enquête met en lumière, à partir d’une étude documentaire et d’un corpus d’entretiens semi-directifs, une appréhension réelle du phénomène, mais sur un mode incrémental plutôt que transformatif. Il interroge cette approche, au regard des caractéristiques du climat qui change d’une part (incertitude, variabilité) et du contexte ferroviaire confronté à de multiples défis (par ex. : renouvellement, libéralisation) d’autre part. L’article montre l’adaptation au changement climatique telle qu’elle s’observe aujourd’hui, comme résultat des interactions entre le discours scientifique et la réalité complexe des organisations.
EN :
This article analyses the gap between scientific discourses on climate change which aims at generating momentum for ambitious adaptation and the reality of their consideration in the management of large infrastructure networks. Based on a detailed case study of a section of the railway system in Southern France exposed to multiple climate hazards, it first describes where and how the question of climate change is raised, from long-term mega-projects to daily exploitation issues. This work highlights a true uptake of ongoing changes through a form of adaptation which is incremental more than transformative. The second section of the article questions this approach considering both the properties of a changing climate (uncertainties and variability) and the current context of the railway sector, facing major other challenges (ex.: liberalization, renewal). The article shows how adaptation as we can observe it today, is the outcome of the interactions between scientific discourse and the complex reality of organizations.
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Analyse de l’utilisation asymétrique du pouvoir dans les conflits miniers au Pérou
Céline Cardinaël et Olivier Petit
RésuméFR :
Cet article s’intéresse aux conflits miniers au Pérou, à partir d’une grille d’analyse relevant de la Political ecology et mettant plus particulièrement l’accent sur l’importance d’une utilisation asymétrique du pouvoir. Après avoir dressé un état des lieux des relations que l’État péruvien entretient avec la question minière et les facteurs historiques et territoriaux qui permettent de comprendre pourquoi la question minière exacerbe une asymétrie de pouvoir déjà très prégnante au Pérou, l’article se concentre sur le cas du conflit minier de Conga, pour illustrer comment les éléments avancés au plan national se matérialisent dans ce cas emblématique. Les auteurs discutent ensuite des enseignements que l’on peut tirer de la grille d’analyse et de ce cas d’étude au regard d’autres conflits socio-environnementaux au Pérou et plus largement, au regard des enjeux de justice environnementale. Enfin, le texte conclut sur les enjeux du post-extractivisme et sur ses conditions de faisabilité, compte-tenu de la persistance d’une situation où le pouvoir demeure inégalement réparti.
EN :
This article deals with mining conflicts in Peru and mobilizes a Political Ecology approach, focusing on the importance of power asymmetries. After presenting the methodological and theoretical framework of our study, we present a legal and institutional overview of the relationships between the Peruvian state and mining issues. We insist on the historical and territorial dimensions which help to understand why the mining issue exacerbates power asymmetries, already important in Peru. The article then focuses on the Conga case study, to illustrate how the various elements identified at the national level are also taking concrete form on the ground, in this emblematic case. We then discuss the main lessons derived from this analytical framework and from the Conga case study, compared with other socio-environmental conflicts in Peru. The paper concludes with the arguments in favor of a post-extractivist solution and its feasibility conditions, given the persistence of a power asymmetry.
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De l’eau de pluie à l’eau du robinet : étude d’une transformation discrète dans le Sertão (Brésil)
Anne-Laure Collard
RésuméFR :
Dans les années 1990, l’État brésilien et la Banque mondiale promeuvent la « modernisation » de l’accès à l’eau potable dans les communautés rurales de la région du Nordeste, affichée comme une des solutions au développement. Des milliers de réseaux de distribution sont ainsi installés, complétant un dispositif technique déjà en place et géré localement. À partir d’une enquête de terrain menée entre 2009 et 2011, cet article a pour objectif d’interroger les transformations occasionnées par l’immersion sociale de ce nouvel objet au sein de trois communautés rurales. Cette étude analyse la réinvention des pratiques autour de l’eau et au sein d’un territoire nouvellement maillé par la matérialité du réseau d’alimentation. L’article montre en quoi l’arrivée de cette solution technique locale modifie discrètement le quotidien des populations rencontrées et leurs rapports à l’eau. Il pose également la question du devenir de la gestion de la ressource à l’échelle des communautés rurales.
EN :
In the 1990s, the Brazilian State and the World Bank promoted the "modernization" of the access to drinking water in rural communities in the Northeast region as one of the solutions to development. Thousands of distribution networks were thus implemented, complementing a technical system already in place and managed locally. Based on a field survey conducted between 2009 and 2011, this article aims to examine the social transformations brought about by the inscribing of this new artefact in three rural communities. This study analyses the reinvention of social practices around water in a territory restructured by the materiality of the new distribution network. The article shows how the advent of this local technical solution subtly reshapes the daily life of the communities and their relationship with water, and discusses the question of the future of water resource management at the scale of rural communities.
PT :
Nos anos 90, o estado brasileiro e o Banco Mundial promoveram a "modernização" do acesso à água potável em comunidades rurais da região do Nordeste, como uma das solução para o seu desenvolvimento. Milhares de redes de abastecimento foram instaladas, completando pequenas obras hidráulicas já instaladas e gerenciadas localmente. Baseado num trabalho de campo realizado entre 2009 e 2011, o artigo destina-se questionar as transformações sociais causadas pela chegada de novas redes de absatecimento em três comunidades rurais. O trabalho analisa a reinvenção de práticas em torno da água num novo território aonde os indivíduos estão ligados entre eles, materialmente e na ação. O estudo mostra como uma solução técnica local muda discretamente a vida quotidiana das populações e suas relações com a água. Enfim, ele levanta a questão do futuro do gerenciamento da água na escala das comunidades rurais.
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Patrimoines de papier. Superposition des aires naturelles protégées et développement territorial dans l’île de Lanzarote (Canaries, Espagne)
Igor Babou
RésuméFR :
Quels sont les effets, sociaux et environnementaux, de la multiplication sur un même territoire de dispositifs de protection de la nature ? En s’appuyant sur l’étude ethnographique d’un territoire insulaire fragile (l’île de Lanzarote, Archipel des Canaries, Espagne), de la diversité de ses aires naturelles protégées, de ses inscriptions par l’Unesco (réserve de biosphère et géoparc) et des cadres réglementaires locaux, cet article montre la faible emprise sur le territoire des dispositifs de protection de l’environnement dans un contexte caractérisé par la corruption politique et les forts enjeux économiques du tourisme. La superposition de labels patrimoniaux, loin de conduire à des redondances fonctionnelles, ou à des synergies allant dans le sens d’un développement soutenable, produit dans ce contexte des effets de clôture et de concurrence entre les structures patrimoniales. Une logique de « marque » prend parfois le pas sur des enjeux écologiques pourtant bien ancrés dans l’histoire de l’île de Lanzarote, mais qui s’érodent faute d’être soutenus.
EN :
What are the social and environmental effects of the multiplication of nature protection measures in the same area? Based on the ethnographic study of a fragile island territory (Lanzarote Island, Canary Islands, Spain), the diversity of its protected natural areas, its UNESCO listings (biosphere reserve and geopark) and local regulatory frameworks, this article shows the limited influence of environmental protection measures on the territory in a context characterized by political corruption and the high economic stakes of tourism. The superposition of heritage labels, far from leading to functional redundancies, or to synergies in the direction of sustainable development, produces in this context closing and competitive effects between heritage structures. A "brand" approach sometimes takes precedence over ecological issues that are well rooted in the history of the island of Lanzarote, but which are being eroded because they are not supported.
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Des tortues exotiques en ville : évaluation, perceptions et propositions de gestion à Strasbourg, France
Véronique Philippot, Sandrine Glatron, Adine Hector, Yves Meinard et Jean-Yves Georges
RésuméFR :
Les menaces qui pèsent sur la biodiversité conduisent à réfléchir sur le sens accordé au potentiel invasif d’espèces exogènes et aux modalités de leur gestion. La déconnexion des citadins de la nature complexifie les relations humains-non humains que nous invitons à penser en termes d’anthropologie multispécifique. Celle-ci interroge les formes de cohabitation du vivant et nous conduit à examiner les arbitrages concernant l’accueil ou l’exclusion d’espèces jugées envahissantes. Nous avons étudié les tortues exotiques présentes dans deux parcs de Strasbourg avec une double approche naturaliste et ethnologique. Plus de 60 individus de huit espèces de tortues exotiques ont été repérés au cours des étés 2017 et 2018. Les avis partagés sur la pertinence de leur présence révèlent un embarras certain des 87 informateurs. Les tortues représentent un facteur d’attraction et de reconnexion avec la nature, mais leur exotisme interroge ou inquiète. Il invite à confronter les valeurs qui leur sont attribuées pour reconsidérer les modalités de gestion de nos milieux. Une fois que les usagers des parcs sont informés par l’enquêteur sur l’origine et le potentiel envahissant en milieu naturel, la plupart préconisent l’extraction des individus vers des espaces dédiés, mais la perspective de leur destruction est globalement rejetée. L’analyse fine laisse pointer des postures nuancées ou perplexes sur la légitimité des humains à gouverner la nature. Plus largement, ce sont les rapports des urbains à la nature et à l’altérité que ces tortues permettent d’interroger.
EN :
The threats to biodiversity lead us to reflect on the meaning we give to the invasive potential of exogenous species and to their management. The disconnection of urban dwellers from nature complicates the human - nonhuman relationships that we invite to think in terms of multispecific anthropology. The latter questions the forms of living together and leads us to examine how societies deal with the reception or the exclusion of species considered invasive. We studied exotical turtles found in two parks of Strasbourg with a double naturalistic and ethnological approach. More than 60 individuals from eight exotic turtle species have been contacted during the summers of 2017 and 2018. The shared opinions on the relevance of their presence reveal a certain embarrassment of the 87 informants. Turtles represent a factor of attraction and reconnection with nature but their exoticism questions or worries. This exotism invites us to confront the values attributed to them in order to reconsider the methods used to manage our environments. Once informed by the investigator about the origin and the invasive potential in the natural environment, the majority of users recommend the extraction of the turtles towards dedicated places, but the idea of their destruction is globally rejected. The carefull analysis of discourses points out to nuanced or perplexed postures on the legitimacy of humans to govern nature. More broadly, the relationship between city dwellers and the Nature or even Otherness is questions by these exotical turtles in our urban green parcs.
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Diversité et formes d’utilisation des espèces ligneuses de la Réserve de biosphère du Mono (Bénin)
Armelle Gloria Hadonou-Yovo, Laurent Gbènato Houessou, Toussaint Olou Lougbegnon, Yasmina Adebi, Gisèle Koupamba Sanni Sinasson, David Fifonsi Semevo, Udo Lange et Michel Boko
RésuméFR :
Une étude ethnobotanique auprès des principaux groupes ethniques a été conduite sur les plantes ligneuses dans les terroirs riverains de la Réserve de biosphère du Mono au Bénin récemment créée et reconnue par l’Unesco en juin 2017. L’objectif de cette étude est de déterminer les espèces ligneuses à fortes valeurs d’usage ethnobotanique en vue de mettre à la disposition des gestionnaires les espèces importantes à conserver et à promouvoir dans l’aménagement de la réserve. Des enquêtes ethnobotaniques ont été menées dans 26 villages riverains de la réserve où 593 personnes appartenant à cinq groupes socio-culturels ont été sélectionnées de façon aléatoire parmi la population riveraine et enquêtées. L’analyse des données collectées a été faite en utilisant le taux de réponse des organes utilisés, le facteur de consensus au sein des enquêtés « Informant Consensus Factor » et la valeur d’usage ethnobotanique. Au total 101 espèces ligneuses ont été identifiées et réparties dans huit catégories d’usage. Les espèces présentant une forte Valeur d'usage ethnobotanique (VUE) sont respectivement Elaeis guineensis (VUE = 18,9), Ficus trichopoda (VUE = 18,5), Diospyros mespiliformis (VUE = 16), Azadirachta indica (VUE = 15,7), Vitex doniana (VUE = 15) et Mitragyna inermis (VUE = 14,8). La valeur d’usage ethnobotanique totale des espèces varie significativement selon les groupes socio-culturels (p < 0,0001 et ddl = 4). Cette étude a permis de mettre en exergue les espèces à fortes potentialités qui devraient être promues dans les actions de reboisement à grande échelle ou en jardin de case afin d’améliorer leur disponibilité et contribuer à la conservation durable du potentiel ligneux de la réserve.
EN :
An ethnobotanical study was conducted with the main socio-cultural groups on woody plants in the riparian lands of the Mono Biosphere Reserve in Benin which is newly created and recognized by the Unesco in 2017. This study aims to determine the wood species with high ethnobotanical value in order to provide to the managers, the plant species which need high priority of conservation and promotion in the reserve management. Ethnobotanical surveys were conducted in 26 surrounded villages of the reserve where 593 respondents from five socio-cultural groups were selected and interviewed individually using a structured questionnaire. For data analysis, the used organs frequency citation, the informant’s consensus factor and the ethnobotanical use value of the species were calculated. A total of 101 woody species were identified and used in eight categories Elaeis guineensis, Ficus trichopoda, Diospyros mespiliformis, Azadirachta indica, Vitex doniana and Mitragyna inermis yielded high ethnobotanical use-values. Ethnobotanical use value differed significantly between socio-cultural groups (P<0.0001, df =4). This study highlights the woody species which should be promoted in tree planting at large scale and in home garden in order to improve their availability and contribute to their sustainable conservation around the reserve.