VertigO
La revue électronique en sciences de l’environnement
Volume 19, numéro 1, mars 2019 Les nouveaux chantiers de la justice environnementale Sous la direction de Valérie Deldrève, Nathalie Lewis, Sophie Moreau et Kristin Reynolds
Sommaire (28 articles)
Les nouveaux chantiers de la justice environnementale
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Les nouveaux chantiers de la justice environnementale : introduction
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La fabrique des acteurs de la justice environnementale dans l’Aire marine protégée du Bamboung au Sénégal
Mariama Diallo
RésuméFR :
Les Aires marines protégées (AMP) constituent actuellement des espaces d’expérimentation de la justice environnementale. La justice environnementale n’a pas pour seul objectif de rétablir un ordre naturel bouleversé par la pollution ou l’extraction de ressources naturelles. Elle concerne également la distribution de biens et services, d’avantages et de bénéfices issus de la biodiversité. Comment et par quels mécanismes y accède-t-on ? Cet article tente d’apporter des éléments de réponse à cette interrogation à travers l’AMP de Bamboung, située dans le delta du Saloum au Sénégal. L’étude de cas révèle que les acteurs de la justice environnementale incarnent une élite « conservationniste », consciente des enjeux de conservation de la biodiversité et disposant déjà d’un capital « socio-économique » important leur permettant de se positionner en « courtiers » auprès des bailleurs de fonds et en intercesseurs auprès des populations locales. Ils ne sont pas fondamentalement les premiers ayants droit, ceux qui ont été lésés par la création de l’AMP. Les pratiques menées sous couverte de la justice environnementale et incarnées par ces acteurs, dans ce sens, favorisent une certaine reproduction sociale des inégalités et le maintien des hiérarchies sociales, politiques et économiques. De telles démarches trahiraient, sans doute, l’idée de la justice environnementale qui sous-tend la valorisation socio-économique des aires protégées ainsi que le partage des avantages qui en sont issus.
EN :
Marine Protected Areas (AMP) are nowadays spaces for experimentation on environmental justice. Environmental justice doesn’t only aim to restore a natural order disrupted by pollution or the extraction of natural resources. It mainly concerns the distribution of goods and services, benefits and advantages derived from biodiversity. But how and through what mechanisms is it accessed? This article attempts to provide some answers to this question through the Bamboung AMP located in the Saloum delta in Senegal. The case study reveals that environmental justice actors embody a "conservationist" elite, aware of conservation issues and already having significant "socio-economic" capital enabling them to position themselves as "brokers" with donors and as advocates with local populations. They are far from being the first beneficiaries, those who have been harmed by the creation of the GPA. In this sense, practices conducted under the guise of environmental justice, and embodied by these actors, promote a certain social reproduction of inequalities and the maintenance of social, political and economic hierarchies. Such approaches would undoubtedly betray the idea of environmental justice that underpins the socio-economic development of protected areas and the sharing of the benefits derived from them.
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Analyse des mutations socio-environnementales induites par l’exploitation minière à Bétaré-Oya, Est-Cameroun
Eric Voundi, Philippes Mbevo Fendoung et Patrick Essigue Emossi
RésuméFR :
La région de l’Est Cameroun concentre la grande part de ressources minières prouvées et potentielles du pays. Elle est actuellement le principal foyer de l’extraction minière notamment dans la commune de Bétaré-Oya. Cette activité s’est accentuée dès 2007 avec l’« opération sauvegarde de l’or » lancée par le ministère des Mines en prévision de la mise en eau du barrage hydroélectrique de Lom-Pangar. Cependant, les mutations environnementales que les activités minières induisent remettent en question les perspectives de développement à long terme des localités et soulèvent de nombreux problèmes. Cette étude repose sur une démarche empirique. Elle analyse les mutations environnementales induites par les activités extractives à Bétaré-Oya afin d’évaluer les enjeux de justice environnementale. Il en ressort que ces enjeux formulent localement la prise en compte, au-delà des compensations matérielles et financières, de l’identité collective des communautés impactées, de leurs rapports d’attachement au territoire, leurs besoins/préoccupations, de leur culture, de leurs droits territoriaux et de leur droit à une existence décente conforme à leurs valeurs et croyances. La participation de ces communautés dans les prises de décision est alors nécessaire afin d’articuler convenablement la soutenabilité des transformations environnementales induites, la préservation des liens entre nature et patrimoine culturel, et l’accompagnement des communautés dans leurs aspirations légitimes à la prospérité.
EN :
East region of Cameroon concentrates the large share of proven and potential mineral resources of the country. It is currently the main focus of mining especially in the town of Bétaré-Oya. This activity has increased since 2007 with the "Operation Safeguard gold" launched by the ministry of Mines in preparation of the impoundment hydroelectric dam at Lom Pangar. However, the environmental changes that the mining activities induce question the long-term development prospects of the localities and raise many problems. This study is based on an empirical approach. It analyzes the environmental changes induced by extractive activities in Bétaré-Oya in order to assess environmental justice issues. It emerges that these issues locally formulated the taking into account, beyond the material and financial compensations, the collective identity of impacted communities, their relations of attachment to the territory, their needs/concerns, their culture, their territorial rights and their right to a decent life consistent with their values and beliefs. The participation of these communities in decision-making is then necessary to properly articulate the sustainability of environmental changes brought, preserving links between nature and cultural heritage, and support communities in their legitimate aspirations for prosperity.
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Grands aménagements hydroagricoles, inégalités environnementales et participation : le cas de Bagré au Burkina Faso
William’s Daré, Jean-Philippe Venot, Étienne Kaboré, Abdoulaye Tapsoba, Farid Traoré, Françoise Gérard, Simone Carboni, Donatien Idani, Hyacinthe Kambiré et Katian Napon
RésuméFR :
Cet article s’intéresse aux dynamiques sociales et environnementales liées au développement de l’irrigation en Afrique subsaharienne, à travers l’étude de cas de Bagré au Burkina Faso. Nous présentons les résultats d’un projet de recherche associant sciences sociales et démarches participatives et visant à renforcer le rôle que les populations affectées peuvent avoir dans les décisions concernant le développement des infrastructures irriguées. L’approche a permis d’identifier certains des principes de justice mobilisés par ces populations vis-à-vis du processus de compensation lors de la construction d’infrastructure hydroagricole. Nos recherches soulignent notamment que les personnes affectées par le projet (PAP) lient la légitimité d’obtenir des parcelles dans le nouveau système d’irrigation à la durée et à la nature des droits coutumiers que les individus ont sur la terre. Elles révèlent également l’importance de la concertation dans la définition de règles de compensation tenant compte des besoins des générations futures. Ces points de vue étaient insuffisamment pris en compte dans les projets de développement de l’irrigation de Bagré des années 1990 et 2000. Depuis, et conformément à la politique de sauvegarde sociale de la banque mondiale, l’agence chargée de superviser le développement de l’irrigation dans cette région a intégré certains de ces principes dans ses pratiques. Pourtant, dans le cadre d’un projet de « pôle de croissance », le choix délibéré d’attribuer une grande partie des futures superficies irriguées à des agro-entrepreneurs exerce une pression indue sur des ressources foncières déjà rares et constitue un risque d’aggravation des inégalités environnementales existantes et de création de nouvelles vulnérabilités. Cela est d’autant plus problématique que les projets de développement de l’agro-entreprenariat tardent à se concrétiser et pourraient bien ne pas constituer le déclencheur d’un développement économique régional comme l’espèrent la banque mondiale et le Gouvernement du Burkina Faso.
EN :
This paper engages with the coupled social and environmental dynamics of irrigation development in sub-Saharan Africa through the case study of Bagré in Burkina Faso. A mix of traditional social science research and participatory methods meant at strengthening the role of local farmers in decision making over irrigation development allows identifying how people affected and sometimes displaced by the construction of irrigation infrastructure frame the idea of justice and identify related principles for their compensation. The research highlights that people affected by the project link the legitimacy to get plots in the newly build irrigation system to the duration and nature of customary rights that individuals have on the land. They also stress the importance of free choice when it comes to irrigation practices and of defining current compensation rules that account for the needs of future generations. While such views had not been considered in previous irrigation development projects implemented in the area in the 1990s and 2000s, the agency now in charge of overseeing irrigation development in the Bagré area has streamlined some of these in its procedures. Compensation practices follow the social safeguard policy of the World Bank whose aim is that none of the people affected by the project are worse after project implementation than before. However, the deliberate choice to attribute a large share of the future irrigated area to agro-entrepreneurs puts undue pressure on already scarce land resources and constitutes a risk to increase environmental inequalities and create new vulnerabilities. This happens even though agro-entrepreneurship is not yet observed in the area and may well fall short of the expectations of the World Bank and the Government of Burkina Faso that saw in agrobusiness the trigger for far reaching regional economic development.
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Politiques de développement durable à l’épreuve de la justice environnementale : les plantations de teck à Ban Lak Sip, Nord Laos
Laure Le Guillevic et Evelyne Micollier
RésuméFR :
Nous présentons ici le cas de Ban Lak Sip, village multiethnique situé dans la province de Louang Prabang au nord du Laos, où cohabitent divers acteurs soucieux de la qualité des terres agraires. Villageois, autorités locales, membres de projets de développement rural, chercheurs internationaux en sciences environnementales, tous semblent inquiets de l’érosion des sols. Depuis le début des années 1990, la communauté internationale s’associe aux autorités gouvernementales pour mettre en oeuvre des programmes de développement rural. Le concept de justice environnementale offre une perspective critique des politiques de développement durable appliquées à la gestion locale des plantations de teck en vigueur au Laos. Il est utile pour comprendre les conséquences de ces politiques, leur réception et appropriations comme leur rejet et leur subversion par les populations locales. À partir de données ethnographiques récoltées sur le terrain, nous mettrons en relief le contexte anthropologique du problème environnemental de la dégradation des sols à Ban Lak Sip. Nous dévoilerons les nouages socio-environnementaux formés autour du développement inquiétant de la monoculture de teck. De la perspective de la justice environnementale, nous mettrons en lumière les injustices subies par des villageois déjà victimes de discriminations ethniques. Ces injustices sont environnementales dans la mesure où les inégalités observées sont accentuées par le phénomène de l’érosion des sols. De plus, les politiques publiques mises en oeuvre pour lutter contre ce phénomène peuvent elles-mêmes cibler des populations vulnérables. En ignorant les capabilités des populations concernées, elles aggravent les inégalités et échouent à résoudre le problème de l’érosion des sols.
EN :
We introduce the case of Ban Lak Sip, a multiethnic village located in the province of Louang Prabang in northern Laos, where various actors share concerns about the quality of agrarian lands. Villagers, local authorities, sustainable development projects and international environmental scientists all seem concerned about erosion. Since the early 1990s, the international community has joined forces with the authorities to implement rural development programs. The concept of environmental justice provides a critical perspective of sustainable development policies applied to the local management of teak plantations in Laos. It is useful to understand the consequences of these policies, their reception and appropriation, as well as their rejection or subversion by local populations. With the help of ethnographic data collected in the field, we will highlight the anthropological context of the environmental problem of land degradation in Ban Lak Sip. We will present the socio-environmental stakes formed around the disturbing development of the teak monoculture. Through the perspective of environmental justice, we will highlight the injustices suffered by villagers already victims of ethnic discrimination. These injustices are environmental, as the inequalities observed are accentuated by the soil erosion. Moreover, the public policies implemented to fight this erosion can themselves target vulnerable populations. By ignoring the capabilities of the populations concerned, they aggravate inequalities and fail to solve the problem of soil erosion.
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Justice environnementale et biopiraterie : le cas de l’Inde
Jérôme Ballet et Sylvie Ferrari
RésuméFR :
L’objectif de cet article est d’analyser comment l’Inde a construit son arsenal de défense contre la biopiraterie depuis sa ratification du Protocole de Nagoya en 2012. Il s’agit ici de souligner et d’analyser l’articulation entre les mouvements militants en faveur de la justice environnementale, les discours qu’ils portent et les arguments qu’ils utilisent pour faire pencher la balance de leur côté, et l’État indien. Cette perspective est particulièrement intéressante dans la mesure où les mouvements militants ont largement influencé la politique législative du pays. Par ailleurs, cette influence ne s’est pas réalisée uniquement par l’usage d’un discours assez formaté sur la justice environnementale, mais aussi par l’usage d’arguments rattachés à des cadres juridiques internationaux. Après avoir étudié les points de convergence et de divergence entre la justice environnementale et la protection de la biodiversité dans un contexte global, nous analysons à travers des études de cas comment cette protection s’est construite en Inde. Enfin, l’étude de deux outils originaux portés par le dispositif législatif indien est proposée comme une piste complémentaire pour renforcer la protection de la biodiversité.
EN :
The aim of this article is to analyze how India has built its arsenal of defense against biopiracy since the ratification of the Nagoya Protocol in 2012. We want to emphasize and analyze the linkages between the activist movements in favor of environmental justice, their speeches and the arguments they use to tip the scales on their side, and the Indian state. This perspective is particularly interesting insofar as militant movements have largely influenced the country's legislative policy. Moreover, this influence was not achieved solely by the use of a fairly formatted discourse on environmental justice but also by the use of arguments linked to international legal frameworks. After studying the points of convergence and divergence between environmental justice and the protection of biodiversity in a global context, we analyze through case studies how this protection was built in India. Finally, the study of two relevant tools put in place by the Indian legislative system is proposed as a complementary track to strengthen the protection of biodiversity.
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Justice climatique et mobilisations environnementales
Lydie Laigle
RésuméFR :
La notion de justice climatique à l’origine conçue dans un sens distributif est amenée à évoluer compte tenu des injustices sociales et environnementales engendrées par le changement climatique. Comment appréhender les évolutions de cette notion ? En quoi les approches de la justice environnementale et les analyses des mobilisations citoyennes nous aident à en cerner les contours ? Dans cet article, nous nous appuyons sur les approches de la justice environnementale pour rendre compte des multiples facettes des injustices climatiques. Après en avoir précisé les caractéristiques essentielles, nous montrons comment les organisations non gouvernementales (ONG) ont véhiculé ces approches dans les arènes diplomatiques notamment celles des négociations climatiques. Toutefois, depuis quelques années, les formes de mobilisation évoluent. Des coalitions citoyennes, associatives et d’ONG interpellent les États sur leur inaction en matière climatique. Ces coalitions mettent en cause la faible intégration des enjeux de justice sociale dans les politiques climatiques. Dans quelle mesure ces coalitions reformulent-elles le cadre d’interprétation de la justice climatique en mettant davantage l’accent sur les articulations du social à l’environnement ? De quelles manières réintroduisent-elles les dimensions éthiques et réflexives du changement climatique dans les débats démocratiques entre citoyens et institutions ? Dans quelle mesure ces coalitions amènent-elles à repenser la redistribution pour rendre les politiques climatiques socialement plus justes et les mettre au service d’une transition écologique à portée sociétale et démocratique ?
EN :
Climate justice was originally conceived as a distributive question due to differentiated responsibilities of countries in worldwide greenhouse gases emissions. Firstly, it concerns their capacities to develop mitigation policies. Secondly, it requires to back the poorest and most vulnerable countries to carry out sustainable ways of adaptation to climate change impacts. Nevertheless, this question of distributive justice is likely to evolve regarding the growing concerns of social and environmental injustices caused by climate change. In this article, we extend approaches of environmental justice to identify and characterize injustices. Theses injustices result from socio-ethnic discriminations to environmental changes, and transfers of social and ecological costs between territories and generations. They are also related to the recognition of ethical and cognitive dimensions of climate changes which are rarely integrated into democratic participation and decisions affecting natural and built environments. Finally, they reveal the influence of the democratic functioning on nature-society relations. NGOs have embraced these different topics of climate injustices and bring them into climate negotiations regarding ecological debt, human rights, indigenous sovereignty on Earth, ecological citizenship. NGOs have recently changed their forms of mobilization pursuing justice actions against states by urging them to intensify their climate policies and make them socially fairer. How do citizen and NGOs coalitions point out the weak integration of social justice issues into climate policies? To what extent do they place themselves as political interlocutors to rethink redistribution and citizen participation toward socio-ecological transition? How do these issues can be thought through democratic dialogue and turned into climate justice policies?
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Justice climatique et démocratie environnementale - Les inégalités d’accès au droit des populations vulnérables aux risques littoraux – quelques éléments de comparaison
Marie-Laure Lambert, Aurélie Arnaud et Cécilia Claeys
RésuméFR :
La démocratie environnementale, promue notamment par la convention d’Aarhus (accès à l’information, participation aux décisions publiques et accès au juge en matière d’environnement), se heurte sur le terrain à des inégalités économiques et sociales. Notamment, en matière de risques littoraux dans un contexte de changement climatique, les populations exposées ne sont pas égales, y compris sur le territoire français. Des exemples étudiés sur les littoraux basque et guadeloupéen permettent de mettre en résonance des cas de populations très différentes en termes de vulnérabilité environnementale, sociale, économique et juridique. Une fois ces éléments analysés, il est utile de réfléchir à la définition de l’intérêt général qui devrait conditionner les opérations publiques de défense contre la mer ou de relocalisation des biens exposés. Or cet intérêt général n’est pas défini a priori, et apparaît plutôt, dans nombre de cas, comme un cumul d’intérêts particuliers ou économiques de propriétaires disposant d’importantes capacités d’action, renforcées par la valeur élevée de leurs biens. Une réflexion plus poussée devra donc être menée, afin de refonder l’adaptation des territoires au changement climatique sur des critères d’équité, qui permettent de mettre en sécurité de façon prioritaire les personnes les plus vulnérables.
EN :
The environmental democracy, as promoted by the Aarhus convention (access to environmental information, participation in the public decisions and access to the judge), encounters, in reality, economic and social inequalities. In particular, as regards littoral risks in a context of climate change, the exposed populations are not equal, including on the French territory. Examples studied on the Basque and Guadeloupean coasts, help to compare the cases of populations who appear to be very different in terms of environmental, social, economic and legal vulnerability. Once analyzed these elements, it is useful to think of the definition of the general interest which should condition the public operations of coastal protection or relocalization of the exposed housings. However, this general interest is never defined, and rather appears, in many cases, as a plurality of private interests of owners having robust « capabilities », reinforced by the high value of their goods. A more thorough reflection will have to be carried out, in order to found climate change adaptation of the territories, on criteria of equity which make it possible to put firstly in security the most vulnerable people.
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Résister aux projets d’aménagement, politiser les territoires : le concept de résistance éclairée appliqué à trois conflits d’aménagement (France, Belgique)
Léa Sébastien, Julien Milanesi et Jérôme Pelenc
RésuméFR :
Nous souhaitons ici formuler l’hypothèse selon laquelle les résistances aux projets d’aménagement peuvent être l’occasion d’une (re)politisation des territoires. En décortiquant trois cas de luttes territoriales contre des infrastructures (une décharge, une autoroute et une prison), nous étudions l’évolution des mouvements de contestation dans le temps au travers du concept de résistance éclairée. Ce concept nous permet de voir émerger sur les territoires concernés la constitution de réseaux sociaux, de savoirs spécifiques et d’attachements aux lieux. Nous soutenons que le développement et l’articulation de ces trois « capitaux » (social, patrimonial, savant) permettent l’émergence d’un positionnement politique. Encore souvent qualifiés de NIMBY, ces différents collectifs, par leur politisation, créent au contraire un mouvement social décentralisé et multi-situé porteur de valeurs nouvelles.
EN :
In this article we formulate the hypothesis that resistance to development projects could be considered as an opportunity for the (re) politicization of territories. By looking at three cases of place-based struggles against infrastructures (a landfill, a highway and a prison), we analyze the evolution of these resistance movements over time through the concept of enlightening resistance. This concept allows us to see the emergence of new social networks, specific knowledge and attachments to the threatened places. We argue that the development and combination of these three types of "capital" (social, patrimonial, knowledge) allow the emergence of a political capital. On the contrary to the NIMBY (not in my back yard) label, we show thanks to the concept of enlightening resistance, that these place-based struggles participate in the emergence of a decentralized social movement promoting new democratic and socio-ecological values.
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Tensions entre justice environnementale et justice sociale en société postcoloniale : le cas du risque requin
Marie Thiann-Bo Morel
RésuméFR :
Cet article propose de discuter, avec le cadrage théorique par la justice environnementale dans un contexte postcolonial, des stratégies mises en oeuvre par une population culturellement majoritaire pour lutter contre une dégradation environnementale. Les résultats présentés dans cet article sont issus de plusieurs enquêtes menées depuis 2011 sur le risque requin. D’abord, nos résultats posent la question de la justice distributive pour l’accès aux aménités environnementales : au nom de quels principes aider ou non une population, fut-elle jugée privilégiée, à maintenir un accès à une aménité environnementale, accès qui ne priverait pas – sur le papier – une autre population de ses droits ? D’autre part, nos résultats posent la question de l’éthique développée par la justice environnementale : doit-elle nécessairement être pro-environnementaliste ?
EN :
This article proposes, within the theoretical frame of environmental justice in a postcolonial context, to discuss of the strategies implemented by a culturally majority population to fight against environmental degradation. The results presented in this article come from several surveys conducted since 2011 on shark risk. First, our results raise the question of distributive justice for access to environmental amenities: in the name of what principles to help or not a population, considered as privileged, to maintain access to environmental amenity, access that does not would not deprive - on paper - another population of its rights? On the other hand, our results raise the question of ethics developed by environmental justice: must it necessarily be pro-environmentalist?
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Des élevages sous les fumées des industries du Creusot. La justice environnementale à rebours
Sandrine Petit
RésuméFR :
Dans les années 1970, les fumées des usines de Creusot-Loire, spécialisées dans la fabrication d’aciers, rendent malades les bovins qui paissent dans les pâturages alentour. Le problème fait la une de la presse en 1974. Un comité d’experts est constitué. Ceux-ci s’accordent sur une concentration excessive de molybdène dans les plantes et le sol, qui, associée à un déficit de cuivre, altère la santé des animaux. Les industriels réagissent en changeant les adjuvants dans le procédé de fabrication des aciers et en posant des filtres. Si le terme de justice n’est pas usité, les dommages et les préjudices sont réparés. Les éleveurs sont finalement indemnisés, même si l’expertise leur échappe. Tout converge pour dire que justice a été rendue, sous la pression du syndicat des agriculteurs et dans un contexte où l’environnement en est à ses prémices dans l’action publique. Pourtant, rien n’est dit sur la santé des riverains, des ouvriers et des agriculteurs. Ce cas vient enrichir les travaux sur la justice environnementale, très développés aux États-Unis et davantage sur les zones urbaines. Il illustre une situation rarement considérée : celle des relations entre agriculture et pollution industrielle dans les espaces ruraux.
EN :
In the 1970s, smokes of the factories of Creusot-Loire, specialized in the manufacturing of steels, make sick the cattle which graze in surrounding pastures. The problem hits the headlines of the press in 1974. An experts’ committee is established. These experts agree on an excessive concentration of molybdenum in plants and soil, which, associated with a copper deficit, alters cattle health. The industrialists react by changing additives in the manufacturing process of steels and by putting in filters. If the term of justice is not used, the damage and harm are rehabilitated. The breeders finally got compensations, even if the expertise escapes them. Everything converges to say that justice was obtained, under the pressure of the farmers’ union and in a context where the environment is for its beginnings in politics. Nevertheless, nothing is said on the health of local residents, workers and farmers. This case comes to contribute to the works on the environmental justice well developed in the United States, more on urban areas. It illustrates a situation rarely considered of the relations between agriculture and industrial pollution in rural areas.
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Quels cadres d’action collective contre les boues et poussières rouges d’Altéo-Gardanne? Les apports de l’Environmental Justice
Valérie Deldrève et Juliette Metin
RésuméFR :
Les boues et poussières rouges rejetées par la production d’alumines de spécialité d’Altéo-Gardanne (sud-est de la France) suscitent de nombreuses mobilisations depuis 2014, suite à l’avis certes conditionné mais néanmoins positif accordé par le jeune Parc national des Calanques à la poursuite des rejets de bauxite en son coeur marin. Cet article propose une analyse de ces mobilisations, à partir d’une enquête sociologique (2015-19) menée auprès de leurs principaux acteurs : collectif de défense des Calanques, pêcheurs, collectifs écologiste ou encore de riverains d’Altéo-Gardanne et du dépôt terrestre de Mange-Garri, dans la commune voisine de Bouc-Bel-Air. L’analyse de ces discours permet d’identifier plusieurs définitions ou « cadrages » du problème, qui traduisent différentes expériences du préjudice environnemental et sanitaire, et des visions du monde divergentes (notamment de la technologie). Ils empruntent, par ailleurs, à des registres apparentés à l’Environmental Justice, sans s’en réclamer explicitement. Le parallèle avec des mobilisations états-uniennes fondatrices de ce vaste mouvement contribue à interroger la dynamique du front anti-rejets de bauxite, la diversité de ses acteurs et ressources, ainsi que les principaux éléments qui s’opposent ou favorisent la convergence des causes « terre » et « mer ».
EN :
The red muds and dusts released by the production of specialty alumina from Altéo-Gardanne (southeast France) has been the subject of numerous mobilizations since 2014. They follow the positive and conditional advice given by the young Calanques National Park to continue discharging bauxite into its marine core area. This paper proposes an analysis of these mobilizations, based on a sociological survey (2015-19) conducted among their main stakeholders : the collective for the Calanques protection, fishermen, ecological collective, or Altéo-Gardanne and Mange-Garri landfill residents’ organizations. The analysis of their discourses makes possible to identify several problem definitions or "framing", which reflect different experiences of environmental and health damage, and divergent world views (including about technology). Furthermore, these discourses borrow from registers related to Environmental Justice, without explicitly referring to it. The parallel with the US founding mobilizations of this wide movement contributes to question the dynamics of the anti-discharges of bauxite front, the diversity of its participants and resources, as well as the main elements that curtail or, rather, foster the convergence of the "land" cause and the "sea" cause.
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Justice sociale et durabilité, la rencontre est-elle possible ? Portée politique de l’expérience vécue des injustices écologiques
Caroline Lejeune
RésuméFR :
Depuis le début des années 90, les mouvements de justice environnementale ont démontré que l’environnement est une source d’injustice, qui vient se cumuler aux inégalités existantes. Les approches théoriques et pratiques de la justice environnementale ont contribué à reconnaître cette nouvelle forme d’injustice. Des outils de réparation et des procédures réglementaires et participatives ont été élaborés pour apporter des réponses aux victimes des inégalités environnementales. Ces instruments semblent toutefois insuffisants pour les appliquer aux conséquences de la crise écologique. Nous présenterons les limites théoriques et pratiques de la justice distributive dans un monde fini, telles qu’elles ont été présentées par la green political theory, et en appui de l’éthique environnementale écocentrée. Nous pourrons ainsi questionner les enjeux ontologiques et épistémiques qu’offre une justice écologique dans une pensée politique. Nous soulignerons enfin l’apport de l’expérience sensible et matérielle à la nature pour appréhender une justice dans un monde fini.
EN :
Since the early 1990s, environmental justice movements have demonstrated that the environment is a source of injustice, adding to existing inequalities. Repair tools and regulatory and participatory procedures have been developed to provide responses to the victims of environmental inequalities. While these theoretical and practical approaches have contributed to recognizing this new form of injustice and putting the challenges of environmental justice on the political agenda. They nevertheless seem to be insufficient to deal with environmental irreversibilities. We will present the theoretical and practical limits of distributive justice in a finite world as presented by green political theory and ecocentric ethics. We will then be able to question the ontological and epistemic stakes that an ecological justice offers in a political thought. We will underline the contribution of the sensible and material relation to the nature to apprehend a justice in a finite world.
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Quand l’économie écologique dé-nature la justice environnementale
Laurie Gagnon-Bouchard
RésuméFR :
La conception de la nature au coeur du mouvement de justice environnementale et des courants théoriques se réclamant de celle-ci a été très peu étudiée et mise en lumière dans la littérature académique sur la justice environnementale. Pourtant, les théoricien.nes critiques de la pensée décoloniale, de l’écoféminisme et du poststructuralisme ont largement démontré que la représentation ou la façon de définir la nature n’est pas anodine et innocente, mais participe le plus souvent à renforcer des rapports de pouvoir déjà à l’oeuvre. Dans cet article, je propose d’abord de resituer le mouvement pour la justice environnementale dans son histoire militante. Ensuite, je propose d’examiner deux formulations de justice environnementale, l’une provenant de l’économie écologique (Hornborg, 2001; Martinez-Alier, 2014) et l’autre de la socioécologie (Larrère, 2017; Scholsberg, 2004, 2013) afin de ressortir la définition qu’elles proposent de la nature. La confrontation du corpus de littérature étudié au cadre théorique expose que les théoriciens (Hornborg et Martinez-Alier) de l’approche de l’économie écologique, qui nécessite une uniformisation du langage des luttes, mobilisent une conception occidentalocentrée et moderne de la nature et ce faisant, échoue à se soustraire de la logique coloniale qu’ils critiquent.
EN :
Despite the abundance of environmental justice literature, there are few articles examining the conceptualization of nature within it. Yet critical theorists of decolonial thought, ecofeminism and poststructuralism have shown that the representation of nature is not innocent and often participates in reinforcing power relations already at work. In this article, I propose to question the conceptualization of nature as a place of power relation and as a historically and socially constructed notion. As a first step, this article presents an historical reminder of the emergence of the notion of environmental justice alongside the civil rights movement in the United States. Next, I propose to examine the conceptualization of nature within the two major approaches of the environmental justice literature (ecological economics and socioecology) to see if they participate in the imposition of a Western-centered definition. With regard to the theoretical framework, the results of the analysis show that the theoreticians (Hornborg and Martinez-Alier) of the ecological economics approach, which requires a standardization of the language of the struggles, mobilize a western-centered and modern conception of nature and by doing so, fails to escape the colonial logic they criticize.
Section courante
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Les valeurs de la nature dans les iles subantarctiques
Anne Atlan et Véronique van Tilbeurgh
RésuméFR :
Cet article explore les valeurs attribuées à la nature et la façon dont elles s’articulent dans un territoire particulier, les îles subantarctiques françaises. Dans la mesure où ces îles n’ont pas de populations permanentes et ne sont pas exploitées pour leurs ressources biologiques ou minières, les valeurs directement utilitaristes y sont peu présentes, et les autres types de valeurs sont exprimés plus largement que dans des situations plus classiques. En effectuant des enquêtes sociologiques auprès des résidents de Kerguelen et à bord du Marion Dufresne, nous avons pu dresser une typologie des valeurs exprimées et de leur mode d’affectation par les individus. La plupart des valeurs identifiées sont plurielles, telles les valeurs d’authenticité, les valeurs affectives, spirituelles, ou celles liées aux activités scientifiques, et sont exprimées de manière différentiée. Nous avons distingué les « valeurs-principe » des « valeurs-objet », c’est-à-dire des différents attributs de la nature qui se trouvent dotés de valeur. Nous avons ensuite décrit les modes d’adhésion à ces valeurs, qui peuvent être partagées ou clivantes, et les avons mis en parallèle avec leur légitimité à justifier les principes d’action. Nous n’avons pas observé de variations significatives en fonction des catégorisations sociales telles que l’âge, le sexe ou le statut professionnel, mais nous avons identifié des « bouquets de valeurs » exprimées plus souvent de manière conjointe, qui permettent de dégager quatre grands types de rapport à la nature dans les îles subantarctiques.
EN :
This article explores the values attributed to nature and how they are articulated in a particular territory, the French sub-Antarctic islands. Since these islands do not have permanent populations and are not exploited for their biological or mining resources, the values directly utilitarian are not present there, and the other types of values are expressed more widely than in more classical situations. By conducting sociological surveys of the residents of Kerguelen and on board the Marion Dufresne, we were able to draw up a typology of the values expressed and how they were assigned by the individuals. Most of the values identified are plural, such as values of authenticity, affective, spiritual, or science-related values, and are expressed in different ways. However, we did not observe any significant variations based on social categorizations such as age, gender or occupational status. We have distinguished the « value-principle » from the « values-object », that is, the different attributes of nature that are endowed with value. We were then able to study the modes of adherence to these values, which can be shared or cleavant, and compare them with their legitimacy to justify the principles of action.
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Articuler la politique Trame verte et bleue et la séquence Éviter-réduire-compenser : complémentarités et limites pour une préservation efficace de la biodiversité en France
Julie Chaurand, Charlotte Bigard, Sylvie Vanpeene-Bruhier et John D. Thompson
RésuméFR :
Face aux multiples bilans et rapports documentant la perte massive de biodiversité, la préservation de la biodiversité est plus que jamais un impératif de l’aménagement du territoire. C’est dans cette perspective que les politiques publiques françaises telles que la Trame verte et bleue (TVB) et la séquence Éviter-réduire-compenser (ERC) se veulent des outils d’aménagement durable des territoires et de préservation de la biodiversité au-delà des seules aires protégées. Ces deux politiques publiques ont été inscrites explicitement dans plusieurs lois et s’imposent donc aux acteurs des territoires. Or elles peinent à être mises en oeuvre dans les documents d’aménagement des territoires et à avoir un réel effet sur la conservation de biodiversité. Dans cet article nous rappelons et comparons les trajectoires historiques de ces deux politiques publiques en France avant de présenter les difficultés concernant leur intégration dans le cadre de la planification stratégique des territoires. Afin d’y pallier, nous identifions différentes sources de complémentarités entre les deux politiques et nous examinons les principales limites que cette articulation implique. Enfin, pour un développement plus durable, nous nous interrogeons sur la cohérence interterritoriale des projets des territoires suite aux récentes évolutions réglementaires avec notamment l’introduction de la « solidarité écologique » en tant que principe qui appelle à prendre en compte les interdépendances des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés dans toute prise de décision publique ayant une incidence sur l’environnement.
EN :
Biodiversity conservation is more than ever an imperative for urban and territorial planning. In this regard, French public policies such as the Green and Blue Infrastructure (TVB) and the mitigation hierarchy (ERC) are regulatory tools dealing with sustainable urban planning and the preservation of biodiversity beyond protected areas. These two public policies have been explicitly brought to the fore in several laws and are now part of the planning procedure and important elements in discussion with territorial stakeholders. However, they encounter difficulties with regard their implementation in urban planning documents and thus to provide a means to contribute to stopping the loss of biodiversity. In this article we describe and compare the historical trajectories of these two public policies in France. Then we present the pitfalls concerning their integration within the framework of strategic urban and territorial planning. In order to overcome these difficulties, we identify different sources of potential complementarity between the two policies and we examine the main limits these articulations imply. Finally, we question the inter-territorial coherence of their implementation in light of the notion of "ecological solidarity" that has recently been introduced into legislation for biodiversity conservation as a basic principle to guide public decision-making.
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La cartographie sensible et participative comme levier d’apprentissage de la géographie : l’exemple de la cartographie de leur établissement scolaire par une classe de lycéens français
Sophie Gaujal
RésuméFR :
La géographie scolaire française privilégie l’étude de territoires à la petite échelle, selon des modalités qui relèvent d’une pédagogie transmissive. A rebours de ces pratiques, l’expérimentation présentée ici mobilise la cartographie sensible et participative pour initier d’autres modalités d’apprentissage, au plus près des expériences spatiales des élèves. Après avoir présenté la méthodologie et les objectifs de ce dispositif pédagogique, cet article analyse la manière dont les élèves s’en sont emparés, à partir d’un terrain qu’ils expérimentent au quotidien, leur propre lycée.
EN :
This article presents a sensitive et participatory mapping experience with high school french student about their own school establishment. The purpose was the hybridization of various knowledges in the class (formal and informal, individual and collective), where the usual practices are focused on formal knowledge only.
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Quelle multifonctionnalité des transhumances urbaines de brebis ?
Christian Nicourt et Jacques Cabaret
RésuméFR :
Les transhumances d’animaux ovins et/ou bovins ont permis à leurs éleveurs de les nourrir à moindres frais : ce sont des pâtures naturelles collectives dont sont propriétaires les collectivités territoriales. Regroupées en Syndicats de vallée, elles offrent aux éleveurs de leur juridiction le privilège de les utiliser gracieusement. En France, les transhumances de brebis concernaient majoritairement la plaine de la Crau et le Pays Basque. Ces transhumances qui perdurent ont, depuis le début des années 2010, vu naître d’autres formes de transhumances, mêlant projets sociaux et projets médiatiques. Des transhumances plus urbaines et de plus en plus festives. Comment s’est opérée cette mutation ? Quels en ont été les porteurs ? Comment les transhumances sont-elles devenues multifonctionnelles ?
EN :
The cattle and sheep seasonal change to summer pastures has offered cheap feed to the farmers. These summer natural pastures are the property of the regions. They are regrouped in Valley’s syndicates and are available for local farmers free of charge. The sheep transhumances in France are practised in the Crau plaine (South-east France) and the Basque region (South-west France). These classical transhumances are still used but since 2010, other types of transhumances appeared, mixing social perspectives and shows. Thus transhumances become more urban and were included in towns’ feasts. How this change from a transhumance for practical purposes to a show transhumance did occur? Who did participate to this change? How transhumances become multifunctional?
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Apports de l’évaluation délibérative dans la gestion concertée des ressources communes. L’exemple des marais Tanoé-Ehy
Ettien Brou
RésuméFR :
Le choix des politiques de gestion des ressources renouvelables implique la participation d’acteurs avec chacun sa logique d’action. Il n’est cependant pas évident que ces logiques d’actions convergent vers une décision consensuelle. Comment les structurer et les formaliser afin de réduire les contradictions ? Le modèle délibératif apporte une réponse à cette question en offrant un cadre méthodologique de débats permettant aux acteurs de révéler leurs préférences et d’argumenter leurs points de vue sur un projet de politique. Cet article présente les apports de la démarche Integraal d’analyse délibérative suite à son application au programme de formulation du plan de gestion d’un espace communautaire de ressources renouvelables.
EN :
The choice of natural resources policies involves stakeholders’ participation with their logical determinants. However, it should not be necessarily that these logical determinants converge on a consensus decision. How to structure the contradictions? The deliberative approach answers this question with methodological support for debate. Integraal deliberative method has been implemented to formulate a policy in a common pool resource program. The purpose of this report is to present the analysis of the outcomes from this implementation.
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Planifier avec le territoire : la dynamique des lieux de projets à l’épreuve des approches participatives et paysagères
Benoît Dugua et Leila Chakroun
RésuméFR :
À la fin des années 1990, la montée en puissance des enjeux de durabilité et les dynamiques de métropolisation engendrent un renouvellement des méthodes de planification territoriale. Elles résultent notamment de la remise en question de l’opposition classique centre/périphérie et de la transformation conséquente du rapport entre la ville et son territoire et entre les espaces bâtis et ouverts. Dans ce contexte, les démarches participatives et paysagères ont gagné en légitimité, provoquant une profonde évolution de la dynamique des lieux de projets et du rapport entre acteurs politico-administratifs, experts et habitants. Des travaux récents mettent en évidence l’importance des « lieux transactionnels » : espaces intermédiaires d’interactions et de coopération en mesure de favoriser une mise en synergie entre acteurs, échelles territoriales et temporalités au sein des systèmes urbains. Dans cet article, nous proposons d’enrichir ce concept au moyen de deux thématiques majeures : la qualité de vie en ville et l’agriculture urbaine. Ces thématiques sont illustrées à partir de deux cas d’étude localisés aux franges de l’agglomération lausannoise en Suisse : le Contrat de quartier des Boveresses et le design participatif de la Ferme agroécologique de Rovéréaz. En quoi les approches participatives et paysagères à l’oeuvre bouleversent-elles la dynamique des lieux de projets au sein de l’agglomération ? De quelle manière la dynamique propre aux deux cas d’étude entre-t-elle en résonance ou en synergie avec les différentes échelles d’approche du territoire ?
EN :
Since the late 1990s, the soaring issues related to sustainability coupled with the ongoing process of metropolization have generated a progressive renewal of territorial planning methods. These new methods result primarily from the reconsideration of the conventional center/periphery divide and from the subsequent transformation of the relationship between the city and its territory, and between built-up and open spaces. In that context, participatory and landscape approaches rapidly gained legitimacy in the planning process, which has led to a significant change in the dynamics within and between project places. Recent works underline the importance of taking transactional places into account. Those places represent intermediary spaces of cooperation, enabling new synergies between the territory and politico-administrative stakeholders, experts and the inhabitants. In this article, we propose to enrich this concept of “transactional places” through two major themes: urban quality of life and urban agriculture. We illustrate the latter by means of two case studies in the agglomeration of Lausanne: the Boveresses neighbourhood contract and the participative design of the Agroecological Farm of Rovéréaz. To which extent the participatory and landscape approaches adopted in those places alter, even shift, the conventional dynamics of project places? How does the peculiar dynamics of those places resonate with the different territorial levels within the agglomeration?
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Écologie et régulation des relations homme-faune : repenser la conservation de la biodiversité par les Communs
Nicolas Gaidet et Sigrid Aubert
RésuméFR :
La manière dont l’Homme pense et représente ses relations avec l’animal sauvage a été profondément marquée d’une part par la manière dont les écologues ont décrit, organisé et expliqué le monde vivant, et d’autre part, par la manière dont les juristes ont élaboré et interprété les règles de droit. Les modes de classification, de quantification et de fonctionnalisation du vivant établi par la science écologique ont contribué à la formulation du droit autour de catégories assorties d’une finalité anthropocentrée de la régulation des relations entre humains et non-humains. Cette régulation a principalement consisté à atténuer les impacts du développement économique et à conserver une biodiversité minimum. Dans cette histoire, la place et le rôle des animaux sauvages comme acteurs des systèmes naturels ont été oubliés. Nous proposons ici de questionner la structure du droit en la confrontant aux pistes ouvertes par le renouveau des sciences écologiques, des débats et des dispositifs de politiques publiques pour dépasser la vision réductrice et anthropocentrée de l’enjeu de l’érosion de la biodiversité. L’approche par les Communs contribue aujourd’hui à remettre en question les modèles dominants de régulation des sociétés humaines en privilégiant le « faire commun ». Nous analysons les perspectives qu’offre cette approche pour restituer les notions d’interdépendance, de responsabilité, et de solidarité entre humains et non-humains dans l’usage des ressources.
EN :
The way in which Man thinks and represents his relations with wild animals has been deeply marked, first, by the way ecologists have described, organised and explained the living world, and second, by the way jurists have developed and interpreted the law. The modes of classification, quantification and functionalisation of life established by ecological science have contributed to the formulation of the law around objective categories participating in an anthropocentric goal of regulating human-nature relations. This regulation mainly consisted in mitigating the impacts of economic development and preserving a minimum biodiversity. In this story, the place and role of wild animals as actors of natural systems have been forgotten. We propose here to question the structure of the law by confronting it with the options opened up by the renewal of ecological sciences, debates and public policy mechanisms in order to go beyond the reductive and anthropocentric vision of the challenge of biodiversity erosion. The approach by the Communes today contributes to questioning the dominant models of regulation of human societies by favouring "common action". We analyze the perspectives offered by this approach to restore the notions of interdependence, responsibility, and solidarity between humans and non-humans in the use of resources.
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Les énergies marines renouvelables répondent-elles au modèle d’économie de la fonctionnalité ?
Soazig Lalancette, Pascal Le Floc’h et Bertrand Le Gallic
RésuméFR :
Cet article examine l’apport de l’économie de la fonctionnalité appliqué au cas des projets d’énergies marines renouvelables. L’étude repose sur les contributions des acteurs au débat public prenant part au projet d’éolien en mer en baie de Saint-Brieuc (France). Nous analysons la perception des acteurs face à l’implantation d’un parc éolien en mer par l’analyse textuelle des contributions versées dans les cahiers d’acteurs. L’analyse des données textuelles soulève deux problématiques, la première aborde les impacts socio-économiques pour le territoire (emploi et formation). La seconde concerne l’efficacité énergétique des énergies marines renouvelables.
EN :
This article seeks to estimate the relevance of the service economy applied to marine renewable energy projects. This study is based on stakeholder contributions in public debate in Saint-Brieuc offshore wind farm project (France). We seek to analyze stakeholder perspectives through an application of a textual analysis on contributions (cahiers d’acteurs). Textual analysis reveals two main results, the first one turns to social and economic question with the impact on the territory, in particularly the employment and the training. The second issue concerns the energy efficiency of marine renewable technologies. For each of these issues, the discussion try to give a perspective regard to service economy theory and discuss about the relevance of service economy application in marine renewable energy sector.
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Réserve de Biosphère de Yangambi à l’épreuve de la cristallisation des pratiques locales de survie : une réponse à la faillite de l’État en République Démocratique du Congo
Justin Kyale Koy, Alphonse Maindo Monga Ngonga et David Andrew Wardell
RésuméFR :
La question des pratiques locales de survie des riverains d’aires protégées en République Démocratique du Congo se situe au coeur de deux logiques difficilement conciliables. D’une part, l’État s’engage à conserver la nature sans toutefois assurer un minimum de développement local. D’autre part, les communautés locales qui vivent dans la pauvreté n’ont d’autres alternatives que d’exploiter les ressources naturelles. Cet article analyse les activités de survie dans la Réserve de biosphère de Yangambi comme réponse à la faillite de gouvernance étatique en matière de lutte contre la pauvreté. Centrées sur la triangulation des sources de données (focus group, archives historiques et entretiens semi-structurés), les investigations ont révélé un vaste champ d’activités, englobant l’agriculture, la pêche, la chasse, l’exploitation minière, forestière et des produits autres que le bois. Plutôt que de consolider les acquis du développement local hérités du Congo belge, l’État postcolonial les a abandonnés du fait de sa faillite. L’implication directe et/ou indirecte des pouvoirs publics dans ces activités rend difficile l’application de la loi.
EN :
The issue of local practices to survive developed by local communities living around protected areas in the Democratic Republic of Congo is based on two different logics that are irreconcilable. In the first case, the country is pursuing a nature conservation policy without ensuring a minimum of attention for local development. In the second case, the lack of alternative economic activities to survive leads local communities to have to exploit natural resources. This study analyses the survival activities of local communities living around the Man and the Biosphere Reserve of Yangambi, as a response to the failure of the State. The analysis is based on the triangulation of data sources from focus group discussions, historical archives and semi-structured interviews. The investigations reveal a wide range of activities including agriculture, fishing, hunting, mining, forestry and the exploitation of other non-timber forest products. The gains of local community development initiatives from the late colonial Belgian Congo period were not consolidated by the postcolonial State which abandoned them due to its own failures. The direct or indirect involvement of public authorities in these activities makes enforcement difficult.
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Risques sanitaires liés aux déchets ménagers sur la population d’Anyama (Abidjan-Côte d’Ivoire)
Julie Koné-Bodou Possilétya, Victor Kouamé Kouamé, Charles Fé Doukouré, Dopé Armel Cyrille Yapi, Alain Serges Kouadio, Zié Ballo et Tidou Abiba Sanogo
RésuméFR :
Cette étude a eu pour objectif principal d’évaluer le lien entre certaines pratiques de gestion des déchets ménagers et les maladies environnementales que sont le paludisme, les Infections respiratoires aiguës (IRA) et la diarrhée. Une enquête transversale a été menée sur 150 ménages choisis dans deux quartiers précaires, un quartier de moyenne standing et un quartier résidentiel. Les coordonnées géographiques des déchets à proximité des habitations ont été relevées. L’analyse statistique descriptive a été appliquée aux données. Les résultats montrent que plus de la moitié des chefs de ménages sont non scolarisés (51 %), dont 67 % de femmes contre 49 % d’hommes. Et que 60 % des ménages déversent les déchets solides dans la rue pendant que 48 % y déversent les eaux usées. Aussi, la morbidité présente-t-elle un taux de prévalence élevé de 66 %, le paludisme en tête (48 %), suivi de l’IRA (28 %) et de la diarrhée (9 %). Le paludisme et la diarrhée sont corrélés négativement au niveau d’instruction et positivement aux mauvaises pratiques de gestion des ordures. Les quartiers où ont été trouvés les plus forts taux de dépotoirs sauvages sont Derrière-Rails (43 %) et Schneider (25 %). Ces quartiers présentent également les plus forts taux de prévalence du paludisme 88 % et 82 %, respectivement pour Derrière-Rails et Schneider. S’agissant de l’IRA, elle semble affecter plus les individus de niveau universitaire (77 %) ainsi que les habitants du quartier Résidentiel (88 %).
EN :
The main objective of this study was to assess the link between poor household waste management practices and environmental diseases such as malaria, acute respiratory infections (ARI) and diarrhea. A cross-sectional survey was conducted on 150 selected households in two precarious neighborhoods, a modest and a residential neighborhood. Geographical coordinates of waste near homes have been identified. Descriptive statistical analysis was applied to the data. The results show that more than half of heads of households are out of school (51 %), of which 67 % are women compared to 49 % men. And that 60 % of households dump solid waste on the street while 48 % dump sewage. In addition, morbidity has a high prevalence rate of 66 %, with malaria at the top (48 %), followed by ARI (28 %) and diarrhea (9 %). Malaria and diarrhea are negatively correlated with education and positively with poor waste management practices. Neighborhoods with the highest rates of wild dumpsites are Derrière-Rails (43 %) and Schneider (25 %). These neighborhoods also have the highest prevalence rates of malaria 88 % and 82 %, respectively for Derrière-Rails and Schneider. With regard to the IRA, it seems to affect more individuals at the university level (77 %) as well as the inhabitants of the Résidentiel district (88 %).
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Variabilité de certains paramètres climatiques et impacts sur la durée des périodes humides de développement végétal dans une station au centre et une autre au nord du Burkina Faso
Dasmané Bambara, Jacques Sawadogo, Oumar Kaboré et Ablassé Bilgo
RésuméFR :
Ce travail se base sur les données météorologiques de Ouagadougou et de Ouahigouya pour examiner les changements qui ont affecté la pluviométrie, l’humidité relative de l’air (HR) l’évapotranspiration potentielle (ETP) et l’impact de ces changements sur la durée des périodes favorables au développement des cultures pluviales de 1956 à 2015. Le test de Pettitt et la procédure de segmentation de Hubert ont permis de mettre en évidence plusieurs ruptures d’homogénéité localisées en : (i) 1981 (Ouagadougou), 1973 et 1995 (Ouahigouya) pour la pluviométrie, (ii) 1984 (Ouagadougou) pour l’HR, (iii) 1985 et 1994 (Ouagadougou), 1978 et 1992 (Ouahigouya) pour l’ETP. Cette dynamique climatique est accompagnée d’un raccourcissement de la durée de la saison humide de -25 % à Ouagadougou et de -3 % à Ouahigouya. Ce raccourcissement est lié essentiellement à la diminution de la durée des périodes humides qui ont baissé de -37 % à Ouagadougou et de -12 % à Ouahigouya. De même, la durée de la période de végétation active a diminué, passant de 102 jours avant rupture à 48 jours après rupture (baisse de -59 %) à Ouagadougou et de 67 jours avant rupture à 21 jours après rupture (baisse de -38 %) à Ouahigouya. Le diagnostic de la variabilité climatique et de son incidence sur l’étendue des périodes humides de développement des cultures pluviales à travers tout le pays permettra de mieux caractériser la dynamique agro-climatique aux fins d’orienter l’élaboration de stratégies appropriées d’adaptation.
EN :
This work is based on weather data from Ouagadougou and Ouahigouya to examine the changes that have affected rainfall, relative humidity (RH) and potential evapotranspiration (FTE) and the impact of these changes on the duration of favorable periods for rainfed crops growth from 1956 to 2015. Pettitt's test and Hubert's segmentation procedure revealed several breaks of homogeneity localized in : (i) 1981 (Ouagadougou), 1973 and 1995 (Ouahigouya) for rainfall, (ii) 1984 (Ouagadougou) for HR, (iii) 1985 and 1994 (Ouagadougou), 1978 and 1992 (Ouahigouya) for ETP. This climatic dynamic goes with a shortening of the wet season duration of -25 % in Ouagadougou and -3 % in Ouahigouya. This shortening is mainly due to the decrease in the duration of the wet periods, which fell by -37 % in Ouagadougou and -12 % in Ouahigouya. Similarly, the duration of the active vegetation period decreased from 102 days before break to 48 days after break (-59 % decrease) in Ouagadougou and from 67 days before break to 21 days after break (-38 % decrease) in Ouahigouya. The diagnosis of climate variability and its impact on the duration of rainfed crops growth periods across the country will better characterize agro-climatic dynamics in order to guide the development of appropriate adaptation strategies.
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Perceptions du changement climatique, impacts environnementaux et stratégies endogènes d’adaptation par les producteurs du Centre-nord du Burkina Faso
Pamalba Narcise Kabore, Bruno Barbier, Paulin Ouoba, André Kiema, Léopold Some et Amadé Ouedraogo
RésuméFR :
Le changement climatique représente une menace potentielle majeure pour la viabilité des ménages ruraux d’Afrique subsaharienne qui vivent principalement de l’exploitation des ressources naturelles. Cette étude a pour but d’analyser les perceptions des producteurs agricoles du changement climatique, ses impacts sur l’environnement, les stratégies d’adaptation et les relations qui existent entre ces différents aspects. Des enquêtes ont été réalisées au travers de discussions de groupes et d’un questionnaire individuel administré à 300 ménages dans le Centre-nord du Burkina Faso. Un modèle Logit binaire a permis d’identifier les facteurs qui influencent les perceptions locales du changement climatique et le choix des stratégies d’adaptation. L’étude montre que les producteurs perçoivent une baisse des pluies (76,7 %), une hausse des températures (97 %) et des vents violents (98,7 %). Le niveau d’éducation du chef de ménage, la taille, l’appartenance à une organisation paysanne et le nombre de bovins déterminent cette perception. La dégradation des terres se traduit essentiellement par des sols dénudés, la réduction des ligneux et la faiblesse des rendements agricoles. Les principales stratégies d’adaptation sont l’adoption des techniques de conservation des eaux et des sols (CES), la possession de fosses fumières, l’irrigation et l’adaptation variétale. Les facteurs déterminants de cette adaptation sont la possession de pioches et de pelles, l’appartenance à une organisation paysanne, la formation en technologies agricoles et l’accès au crédit. L’adoption d’une stratégie d’adaptation par un producteur dépend de sa perception du changement climatique et de ses causes, ses impacts négatifs sur l’environnement et des moyens disponibles pour apporter des solutions.
EN :
Climate change represents a major potential threat to the viability of rural households in sub-Saharan Africa who live mainly from the exploitation of natural resources. The purpose of this study is to analyze farmers’ perceptions of climate change, its environmental impacts, coping strategies and the relationships between them. Surveys were conducted through group discussions and an individual questionnaire administered to 300 households in north-central Burkina Faso. A Logit binary model identified factors that influence local perceptions of climate change and the choice of adaptation strategies. The study shows that farmers perceive a decrease in rainfall (76.7 %), a rise in temperatures (97 %) and strong winds (98.7 %). The determinant factors of this perception are education level of the household head, household size, belonging to a peasant organization and number of cattle. Land degradation mainly results in bare soils, reduced woody vegetation and low agricultural yields. The main adaptation strategies are the adoption of water and soil conservation techniques (WSCT), possession of manure pits, irrigation and the use of adapted varieties. The determining factors of this adaptation are the availability of picks and shovels, belonging to a peasant organization, training in agricultural technologies and access to credit. The adoption of an adaptation strategy by a farmer depends of his perception of climate change and its causes, its negative impacts on the environment and the means available to provide solutions.
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Étude comparative de performance d’utilisation des foyers améliorés et leurs effets sur les niveaux de vie des ménages de Bukavu
Angélique Neema Ciza, Stany Vwima Ngezirabona, Mardochée Ngandu et Clérisse Casinga Mubasi
RésuméFR :
Le bouleversement économique qu’a connu l’Afrique depuis un siècle, a eu pour effets la destruction de vastes étendues forestières, la dégradation de la faune et l’appauvrissement des écosystèmes. L’objectif de cette étude est de promouvoir la réduction de la consommation du bois énergie au sein des ménages de la ville de Bukavu à travers la comparaison des performances de différents types de foyer pour ainsi diminuer les dépenses énergétiques budgétaires et le temps lié à la cuisson des aliments afin d’améliorer la sécurité alimentaire des ménages, socle de leur bien-être. L’enquête s’est déroulée du 3 juin 2014 au 3 août 2014. Nous avons tiré un échantillon occasionnel de 600 ménages répartis équitablement entre les 3 communes de la ville de Bukavu, soit 200 ménages par commune. De plus nous avons utilisé les techniques : documentaire, du questionnaire et d’interview directe. Nos résultats révèlent que les dépenses de la consommation alimentaire moyennes des ménages s’élèvent à 132,82 $ au cours de l’année 2014 ; les foyers améliorés sont les plus utilisés comparativement aux autres fours à raison de 94,6 % des ménages et le charbon de bois constitue le combustible le plus utilisé par les ménages (65 %). L’usage du foyer amélioré améliore de 6,61 % (8,78 $) le niveau de vie (par rapport à la dépense alimentaire) des ménages de la ville de Bukavu.
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Étude ethnotaxonomique des espèces fruitières spontanées comestibles chez l’ethnie Diola d’Oussouye (Sénégal)
Yves Djihounouck, Doudou Diop, César Bassène, Mame Samba Mbaye, Richard Demba Diop, Babacar Faye et Kandioura Noba
RésuméFR :
Les produits naturels végétaux connaissent un regain d’intérêt depuis des décennies. Toutefois, les changements climatiques et l’action humaine entrainent une dégradation des écosystèmes naturels et la disparition de certaines plantes. Cette étude contribue à une meilleure connaissance des systèmes de classification populaire des végétaux spontanés. Des enquêtes ethnobotaniques basées sur un guide d’entretien ouvert semi-structuré, des échanges oraux et des observations directes faites sur le terrain ont été menées. Elles se sont déroulées dans 33 villages du département d’Oussouye, fief des Diola. Elles ont mobilisé 82 informateurs dont 30 groupes et 52 individus avec une prédominance masculine de 80,77 % contre 19,23 % pour les femmes. Nos résultats ont montré que parmi les 62 espèces végétales, seules 4 sont domestiquées. Ces espèces sont en majorité des arbres et des arbustes et sont plus présentes dans les milieux potagers. Les familles dominantes sont les Annonaceae et Apocynaceae et les valeurs d’usage les plus importantes sont notées chez les Arecaceae avec 10,52 et les Anacardiaceae avec 8 ; la diversité générique est plus marquée chez les Anacardiaceae. La population utilise 17 classificateurs pour nommer les plantes. Le classificateur bu est majoritairement employé dans les localités An Alufay, Esulalu, Ejamat, Her et ceux de ni, nu dans Dyiwat. De plus 7 référentiels mentionnés et par ordre d’importance sont : usage, animal, propriété, morphologie, écologie, onomatopée et métaphore. Les résultats font ressortir différentes espèces fruitières comestibles, la tranche d’âge qui maitrise mieux les savoirs liés à ces plantes et les différents modes de classification populaire.
EN :
Natural products of plant meet a renewed interest for a decade. However, climate change and human action have led to a degradation of the natural ecosystems and extinction for certain plant. This study contributes to a better knowledge of popular classification systems of spontaneous plants. Ethnobotanics survey based on an open semi structured interview, exchanges oral and direct observations were made in the field. They took place in 33 villages of Oussouye department which is the Diola’s bastion. They mobilized 82 informants including 30 groups and 52 individuals with male predominance. In fact, we had 80.77 % men against 19.23 % women. Our results showed that among 62 wild botanical species, only 4 were domesticated. They are for the greater part tree and bush, and are more present in the vegetable circles. The dominant families are Annonaceae and Apocynaceae and the most important use values are noted in Arecaceae with 10.52 and Anacardiaceae with 8; the generic diversity is mostly marked by Anacardiaceae. The population uses 17 classifications systems of nomination of plants. The classification “bu” is mostly used on localities such as: Huluf, Esulalu, Ejamat, Her and those of “ni”, “nu” in Dyiwat. In addition 7 tables reference are mentioned and order of importance are: use, animal, morphology, ecology onomatopoeia and metaphor. The results bring out different edible fruit species, the age group of people which master better the knowledge related to these plants and methods of popular classification.