VertigO
La revue électronique en sciences de l’environnement
Volume 11, numéro 1, mai 2011
Sommaire (13 articles)
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Vers une mise en débat des incertitudes associées à la notion de service écosystémique
Cécile Barnaud, Martine Antona et Jacques Marzin
RésuméFR :
Le concept de service écosystémique – idée de services fournis par les écosystèmes à l’humanité- connaît aujourd’hui un succès exponentiel, tant dans les sphères scientifiques que politiques. Mais du fait de ce succès, ce concept est de plus en plus considéré comme un acquis, sans que soient reconnues et prises en compte les fortes incertitudes qui lui sont associées. Cet article souligne d’abord les incertitudes scientifiques qui portent sur les dynamiques sous-jacentes à la production des services. En effet, dans de nombreuses situations, les scientifiques ne sont pas en mesure d’énoncer avec certitude des relations de cause à effet entre l’état d’un écosystème et la fourniture effective d’un service, soit parce que les connaissances sont insuffisantes, soit parce que les systèmes considérés sont par nature imprédictibles. L’article souligne ensuite l’importance des incertitudes sociétales associées à ce concept, c’est-à-dire l’existence de perceptions différenciées, voire contradictoires, avec des controverses d’une part autour du concept même de service et de la place de l’homme dans les écosystèmes, et d’autre part autour des dispositifs de gouvernance issus de ce concept, tels que les paiements pour services environnementaux. À partir d’une revue de la littérature, cet article montre que si les incertitudes scientifiques associées au concept de service écosystémique sont relativement reconnues et prises en compte, les incertitudes sociétales le sont beaucoup moins. Il semble nécessaire de développer des démarches fondées sur la confrontation et l’intégration des points de vue, des intérêts et des connaissances des différents acteurs sur les services et leurs dynamiques, pour que les arbitrages (trade-offs) entre services soient l’objet de choix collectifs explicitement négociés.
EN :
The concept of ecosystem services – benefits supplied to human societies by ecosystems- is a fast spreading concept, both in scientific and political arenas. Because of this success, this concept is more and more used as a robust and stabilised concept, with a lack of recognition of the high uncertainties associated with it. This paper first highlights the scientific uncertainties concerning the socio-ecological dynamics of production of services. In many cases, scientific have no certainties about the cause-effect relationships between the state of an ecosystem and the effective production of a service, either because of a lack of knowledge on these relationships, either because the complex systems under study are by their nature unpredictable. The paper also underlines the importance of societal uncertainties associated with ecosystem services, due to the existence of diverse and sometimes contradictory perceptions among stakeholders, about the concept of service and the framing of human-nature relationships, and about the governance devices and tools using this concept, such as payments for environmental services. Based on a literature review, this papers shows that several communities of researchers take scientific uncertainties into account, but very few deal with societal uncertainties. We emphasize the need to develop methods aimed at confronting and integrating the diversity of stakeholders’ perceptions, interests and knowledge about ecosystem services and their dynamics, seeing trade-offs among ecosystem services as explicit collective and concerted choices.
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Paiements pour services environnementaux – de la theorie a la pratique en Indonesie
Romain Pirard et Raphaël Billé
RésuméFR :
Un Paiement pour Services Environnementaux (PSE) est un instrument de conservation couramment invoqué par les praticiens et les chercheurs. Il est présenté comme un instrument incitatif novateur, qui repose sur le principe d’une transaction volontaire entre bénéficiaires et pourvoyeurs d’un service environnemental, lorsque des conditions préalablement fixées sont respectées. Des enquêtes sur des sites indonésiens ont permis aux auteurs de confronter la mise en oeuvre à une définition canonique et théorique de l’instrument, celle qui en fait une application au domaine des services environnementaux d’une approche coasienne et liée à une théorie des droits de propriété. Cette mise en oeuvre a également été confrontée à plusieurs aspects importants dans la perspective d’une application à grande échelle. Cette étude apporte les enseignements suivants : (i) la pratique des PSE est éloignée de la définition canonique et théorique pour des raisons de faisabilité ; (ii) les évaluations économiques des services environnementaux sont sous-utilisées ; (iii) les coûts de transaction représentent un obstacle majeur ; (iv) l’impact des PSE sur le rôle de l’action publique fait débat : d’un côté le principe pollueur payeur est mis à mal et l’État tend à être substitué par les acteurs privés, d’un autre côté la réplication à grande échelle rend l’intervention des autorités nécessaire et revendiquée par les contractants ; (v) les activités conditionnant les paiements sont de type productif et ne correspondent pas à un gel des activités en échange du versement d’une rente, pour des raisons pratiques principalement. Notons enfin que cet écart entre la théorie et la pratique peut s’expliquer en partie par une approche top-down appliquée à un concept élaboré par les économistes, et qui confirme des observations déjà faites sur d’autres d’instruments économiques appliqués aux questions environnementales.
EN :
A Payment for Environmental Services (PES) is a conservation tool that is commonly referred to by practitioners and researchers. Is is presented as an innovative approach that relies on voluntary transactions between suppliers and beneficiaries of a given environmental service, with associated (and previously agreed upon) conditions. Surveys of Indonesian sites have provided the authors with information enabling them to compare the implementation with the canonical and theoretical definition of PES, which applies a Coasean approach and a theory of property rights to the field of environmental services. On-the-ground implementation was also confronted to several important issues that would arise in the perspective of a large-scale application of the tool. Our study leads to the following lessons : (i) PES in practice contrast with the theory for reasons of feasibility ; (ii) economic evaluations of environmental services are under-utilized ; (iii) transaction costs appear to be a major obstacle ; (iv) the impact of PES on the role of public action is not obvious : on the one hand the polluter pays principle is put at risk and the State tends to be substituted by private actors, on the other hand a large-scale replication makes it necessary (and demanded by contracting parties) that public authorities take action ; (v) the activities defined as conditions for payments are productive and do not lead to freezing production in exchange for economic rents, for practical reasons mainly. Last, the gap between theory and practice might be partially due to a top down approach applied to a concept elaborated in the offices of economists, and this explanation is in line with previous analyses of the implementation of economic instruments for the environment.
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Naturalité urbaine : l’impact du végétal sur la perception sonore dans les espaces publics
Solène Marry et Muriel Delabarre
RésuméFR :
Du point de vue de la requalification de la ville contemporaine, le sensible peut être considéré comme un opérateur de formes nouvelles d'urbanité et questionne à ce titre les différents modes d'intervention sur la ville. Il s'agit donc de se focaliser sur une logique d'action sur la ville par le sensible. La connaissance fine d’un espace passe par celle de ses ambiances sonores, révélatrices de pratiques individuelles et collectives. Ces ambiances socialisantes (ou a-socialisantes) de l’espace public sont le propre de l’urbanité. Formes spatiales et formes sociales s'y rencontrent. C'est d'ailleurs là que réside l'intérêt de la recherche amorcée : les méthodes développées en faveur de la perception sonore de l’espace public questionnent des dimensions de l'environnement (son, lumière, visibilité, objets saisis au niveau sensoriel et physique), du milieu (interactions, échanges, sociaux) et du paysage (formes saisies au plan esthétique). L’article s’attache à démontrer l’importance de la place de la nature en ville et, plus particulièrement, celle du végétal, comme facteur déterminant dans l’évaluation spatiale mais aussi la perception sonore du lieu à travers trois places grenobloises. De ce fait, la transformation de la connaissance et de la perception sonore des sites expérimentaux choisis émerge conjointement avec l’apparition de nouvelles pratiques et de nouvelles représentations sociales.
EN :
From the point of view of the requalification of the contemporary city, the sensitive can be considered as an operator of new urban forms and questions as such the various modes of intervention on the city. It is thus a question of focusing on a logic of action on the city by the sensitive. The fine knowledge of a space passes by its sonic ambiances, revealing individual and collective practices. These ambiances, of the public place define the urbanity. Spatial forms and social forms meet there. It is moreover the interest of this research: the methods developed in favor of the sound perception in public space question dimensions of the space (sound, light, visibility, objects seized at the sensory and physical level), of the environment (interactions, exchange, social) and of the landscape (aesthetic forms). The article attempts to demonstrate the importance of the place of nature in urban environment and, more particularly, the place of the vegetation, as factor determining in the spatial evaluation but also the sound perception of the place through three squares in Grenoble. Therefore, the transformation of the knowledge and of the sound perception of the experimental sites appears with the appearance of new practices and new social representations.
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L’autre agriculture urbaine en zone métropolitaine : une recherche-action sur les opportunités de mise en valeur et développement de l’agriculture périurbaine montréalaise
Ghalia Chahine
RésuméFR :
L’agriculture métropolitaine ne peut plus se laisser contenir dans des définitions ou classifications traditionnelles. Qu’elle soit urbaine ou périurbaine, il faut dorénavant porter notre attention sur les innombrables fonctions communes à tous les types d’agricultures et surtout, sur les actions et les acteurs qui les mettent en valeur. La question centrale de l’’article présenté est donc : est-il possible de contrer la pression, et l’étalement urbains sur le territoire agricole par un processus de co-construction inusité axé sur un développement multifonctionnel agricole ?
EN :
Whether associated with urban or periurban settings, agriculture and farming activities in metropolitan areas have clearly evolved away from the classical or more traditionnal definitions of what agriculture is and can provide. The different levels of governement need to pay special attention to the many enriching possible interactions between residents, field agents and experts, types of collaborative project-oriented-action and multifunctionality of agriculture in these areas
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La crise alimentaire, le développement durable et les biocarburants : perspectives d’avenir
Erwan Cheneval, Ariane Adam-Poupart et Joseph Zayed
RésuméFR :
Les biocarburants, extraits des céréales ou d’autres denrées alimentaires, connaissent actuellement un intérêt grandissant notamment comme substitut de l’énergie fossile. Toutefois, l’utilisation de produits comestibles à des fins de production de biocarburants a été récemment qualifiée de crime contre l’humanité, puisqu’elle contribue à la hausse des prix des denrées alimentaires sur le marché mondial et à l’intensification du phénomène de famine. Afin d’évaluer l’effet du marché des biocarburants sur la crise alimentaire mondiale, une analyse basée sur les grands axes du développement durable (économique, social et environnemental) a été effectuée. Sur le plan économique, les biocarburants entrent en compétition avec les denrées alimentaires et entraînent un accroissement des prix à l’échelle mondiale. Sur le plan social, les biocarburants exacerbent l’insécurité alimentaire et la malnutrition mondiales en raison de la diminution de la disponibilité de la nourriture et de l’importante utilisation d’eau pour l’irrigation des cultures. Sur le plan environnemental, les biocarburants auront des effets sur la qualité des écosystèmes par l’épuisement des ressources hydriques, la pollution des sols par les engrais et la perte de biodiversité. Des biocarburants faits à partir de ressources non comestibles sont actuellement à l’étude et semblent offrir des solutions prometteuses. Il ne reste qu’à souhaiter qu’une étude d’impacts soit effectuée avant l’exploitation massive de ces nouvelles technologies, afin d’éviter des effets indésirables tels que ceux créés par les biocarburants de première génération.
EN :
Biofuels, extracted from cereals and other food crops, are attracting greater interest, especially as a substitute for fossil energy. However, the use of food products for biofuel production has been recently described as crime against humanity, since it contributes to raise the world market food prices and intensifying the world hunger. To assess the effect of the biofuels market on the global food crisis, an analysis based on key dimensions of sustainable development (economic, social and environmental) was performed. Economically, biofuels compete with food, which causes an increase in food prices. In social terms, this energy may increase food insecurity and malnutrition via decreased availability of food for consumption, but also because of the significant amount of water used for irrigation of crops. On the environmental front, the market for biofuels will affect the quality of ecosystems through the depletion of water resources, soil pollution by fertilizers and loss of biodiversity. Biofuels made from raw materials other than food products are currently being studied and appear to offer promising solutions. It is advisable to conduct an environmental and social impacts assessment before massive exploitation, in order to avoid side effects, such as those created by the first generation of biofuels.
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Vers une institutionnalisation de l’agriculture bio ? Étude de deux manifestations promotionnelles en Alsace
Denise Van Dam, Jean Nizet et Michel Streith
RésuméFR :
L’agriculture biologique en tant que nouveau mouvement social économique est parcourue par des tensions. Dans cet article nous posons l’hypothèse qu’elles font évoluer le mouvement vers l’institutionnalisation. Nous testons cette hypothèse en comparant deux événements promotionnels du bio en Alsace : la Foire Eco-Bio d’Alsace, créée en 1982 dans un contexte hostile au bio et le Salon BiObernai, créé en 2004 dans un contexte plus accueillant. Nous observons ces évolutions au travers du prisme de la construction des réseaux, tel qu’il est théorisé par la sociologie de la traduction. L’hypothèse de l’institutionnalisation est partiellement confirmée. La recherche fait par ailleurs émerger une seconde hypothèse, qui renvoie à la théorie des générations. En effet, les comparaisons font apparaître que les deux évolutions passent par un remplacement de la génération des acteurs favorables au bio radical, par une génération d’acteurs qui met en avant un bio plus consensuel.
EN :
We consider organic farming as a « new social economic movement ». As such, it is crossed by several tensions pushing the movement to evolve. We make the hypothesis that an evolution is going on towards institutionnalization. We test this hypothesis by comparing two promotional events in Alsace : the Foire Eco-Bio d’Alsace, created in 1982 in a hostile environment to organic farming, and the Salon BiObernai, established in a more organic-favorable environment. We analyze this evolution through the prism of network contruction, as theorized by the sociology of networks of Callon and Latour. The hypothesis of institutionalization is partially confirmed. Through our research, a second hyothesis emerge, which refers to the theory of the generations. Indeed, the comparison between the two promotional events shows that the institutionnalization goes through a replacement of the generation that was in favour of radical organic farming by a generation that emphasizes the more consensual organic farming.
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Le jardin créole à Fort-de-France : stratégie de résistance face à la pauvreté ?
Jean-Valéry Marc
RésuméFR :
Dans la Caraïbe insulaire près de 70 % de la population vit aujourd’hui dans des aires urbaines. La crise de l’industrie cannière dans les années 1950 a été le principal facteur de l’exode rural des populations vers les villes capitales des Petites Antilles afin d’y trouver de meilleures conditions de vie. Constituées majoritairement de ruraux et occupant souvent des emplois faiblement rémunérés, ces populations ont dû s’accommoder au mieux des vicissitudes urbaines. L’une de ces accommodations les plus visibles demeure le jardin créole. Il désigne cette petite unité spatiale de productions agricoles, moyennement délimitée, attenante aux maisons individuelles, très répandue dans les espaces ruraux et urbains des Petites Antilles. Il est dit « créole » parce que caractéristique d’un mode cultural et culturel hérité des époques précoloniale et coloniale, et centré essentiellement sur l’autoconsommation. Ainsi, bien qu’elle rassemble une large part de la population urbaine de l’île et l’essentiel des fonctions de commandement, Fort-de-France reste néanmoins marquée par une ruralité subsistante (Marc, 2007 ; Martouzet, 2001).
Malgré un IDH la plaçant parmi le peloton de tête des pays caribéens, la Martinique accuse de fortes disparités de niveaux de vie ; une frange importante de sa population vit en deçà du seuil de pauvreté et doit survivre entre emploi précaire, revenus sociaux, travail informel. Au croisement du patrimoine, de l’environnement et de l’autoconsommation, le jardin créole urbain révèle une véritable stratégie de survie économique en particulier pour les populations les moins favorisées.
EN :
In the Caribbean islands about 70 % of the population lives in urban areas today. The crisis of the sugar cane industry in the 1950s was the main factor of the drift from the land of the populations towards the major cities of the Lesser Antilles to find better living conditions there. Constituted mainly of countrymen and occupant often weakly paid jobs, these populations had to adapt at best urban adventures. One of these most visible accommodations lives the Creole garden. It indicates this small spatial unit of agricultural productions, averagely bounded, adjacent to the detached, very wide-spread houses in the rural and urban spaces of Lesser Antilles. It is said « Creole » because characteristic of a farming and cultural mode inherited from precolonial and colonial periods, and centred essentially on the autoconsumption. So, although it collects a wide part of the urban population of the island and the main part of the functions of command, Fort-de-France remains nevertheless marked by a remaining rural life (Marc, 2007 ; Martouzet, 2001). In spite of an IDH placing her, among the main platoon of the Caribbean countries, Martinique accuses strong disparities of standards of living ; an important fringe of her population lives below the poverty line and constantly has to tack between precarious employment, social incomes, and informal work. In the crossing of the heritage, the environment and the autoconsumption, the urban Creole garden reveals a real strategy of economic survival in particular for the least facilitated populations.
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Agriculture urbaine comme réponse au chômage à Kinshasa, République Démocratique du Congo
Dieudonné E. Musibono, E. M. Biey, M. Kisangala, C. I. Nsimanda, B. A. Munzundu, V. Kekolemba et J. J Palus
RésuméFR :
L’agriculture urbaine est une activité qui fait vivre de nombreuses familles à Kinshasa (République Démocratique du Congo). Elle peut donc contribuer au développement durable des villes africaines sous certaines conditions dont notamment par sa professionnalisation, le non-recours aux intrants chimiques et la distribution équitable des terres arables. Le cas de Kinshasa illustre bien que cette agriculture demeure une solution palliative aux contraintes sociales de survie (absence de salaire rémunérateur et manque d’emplois durables). Ce cas montre qu’il n’y a pas de honte à pratiquer le maraîchage urbain, car même les universitaires le font (5 % seulement le font par tradition familiale) ; il s’y pose le problème du choix des sites et d’encadrement. En effet, mal encadrés, les maraîchers cultivent le long des routes à intenses trafics motorisés, exposant ainsi les légumes aux contaminations diverses, notamment au plomb.
EN :
Urban agriculture is an important livelihood activity at Kinshasa (Democratic Republic of Congo). Many families live on it. Urban agriculture might lead to African cities sustainable development under certain conditions, namely its professionalization, limited use of chemicals and the equitable distribution of fertile lands. Kinshasa case study reveals that the urban agriculture remains a secondary activity as a social response for survival (due to the lack of safe salary and sustainable jobs). This survey also revealed that urban agriculture is practiced by various classes including university graduates (only 5 % are practicing by traditions). The site selection is posing problem and vegetable growers are now exploiting free spaces along roads with intensive motorized traffic which negatively impacts the product quality.
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La gestion dérogatoire : une stratégie associant péniblement l’État et les communautés locales dans le Parc National du Haut Niger (Guinée)
Diallo Mamadou Saïdou et Yamna Djellouli
RésuméFR :
Intégrer les structures traditionnelles dans la gestion du Parc National du Haut Niger. Contrairement au schéma classique fondé sur une gestion exclusive par les structures de l’État, l’expérience présentée dans l’article s’appuie sur les structures traditionnelles dont les savoirs ancestraux sont mobilisables pour une gestion concertée des ressources naturelles notamment la faune et flore. Les observations de terrain et les enquêtes par entretiens semi-directifs révèlent que, malgré la reconnaissance et la prise en compte du rôle des communautés traditionnelles concernées, ces dernières adhèrent à la gestion dérogatoire sans grande conviction, d’autant plus que les structures publiques associées à la gestion du Parc ne disposent pas de moyens suffisants pour intervenir de manière efficiente. Cet exemple illustre l’écart entre le discours dominant qui prône la gestion intégrée des aires protégées et les difficultés concrètes de mise en oeuvre d’une telle gestion censée associer l’État et les structures traditionnelles. Ces difficultés ne devraient pas pour autant conduire à une remise en cause de la gestion dérogatoire, car nos observations et nos enquêtes suggèrent que la stratégie peut fonctionner et faire la preuve de son efficacité si des efforts sont entrepris dans l’appui au développement communautaire et dans la création d’activités génératrices de revenus pour les populations traditionnelles qui mettent leurs savoirs au service de la gestion du Parc,en un mot au développement durable.
EN :
This paper presents the derogatory strategy of management implemented by the Guinean State to integrate traditional structures in the management of the High Niger National Park. Contrary to the traditional management form founded on an exclusive management by State structures, the experiment presented in this paper is based on the traditional structures whose ancestral knowledge is mobilized for a concerted management of natural especially resources fauna and flora. Field observations and investigations reveal that, in spite of the recognition of the role of concerned local communities, they adhere to derogatory management without strong conviction, more especially as the public structures associated to the Park management do not have sufficient means to intervene in an efficient way. This example illustrates the difference between the dominant point of view which preaches the integrated management of protected areas, and the concrete difficulties related to the implementation of such a management system supposed to associate State and traditional communities. Nevertheless, these difficulties should not lead to reject the derogatory management, because our observations and our investigations suggest that the strategy can improve its effectiveness if efforts are made especially to support local community development by income-generating activities for these local populations which put their knowledge at the service of the management of the Park, in one word sustainable développement.
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Les conventions locales pour la gestion des ressources naturelles au Sénégal : Entre autonomisation et problème d’appropriation
El hadj Touré
RésuméFR :
Les conventions locales peuvent être définies comme des accords légitimes négociés entre plusieurs parties prenantes (stakeholders) dans une perspective de régulation des ressources naturelles – en termes de contrôle, d’accès, d’appropriation, d’usage et d’exploitation – et de l’environnement. Au Sahel, bien qu’elles soient en vogue et jouissent davantage d’attention chez les décideurs, elles constituent des instruments encore peu exploités dans le contexte actuel de la décentralisation (Diallo, 2003). Il en est ainsi des plans d’occupation et d’affectation des sols (POAS) expérimentés dans les collectivités paysannes de la vallée du fleuve Sénégal. L’objet de cet article est d’interroger, à partir d’une enquête menée dans une commune rurale auprès d’élus, d’agents techniques, de responsables associatifs et d’usagers, la portée de ce système non formel, quoique formalisé, de gestion foncière concertée. Le POAS, certes, a contribué à renforcer les capacités des élus locaux à agir dans leur espace décentralisée, et des paysans usagers à délibérer collectivement sur un enjeu aussi crucial que le foncier agropastoral. Il n’a pas fait l’objet cependant d’une appropriation effective de la part de ces élus chargés de sa mise en application, et de ces usagers censés en respecter les règles opérationnelles convenues. Entre autonomisation (empowerment) et problème d’appropriation, les conventions locales demeurent, quoi qu’il en soit, des outils nécessaires à une gestion partagée des ressources communes, et donc à une gouvernance locale renforcée.
EN :
The local conventions can be defined as justifiable agreements negotiated between several stakeholders in a perspective of natural and environmental resources regulation - in terms of control, access, appropriation, usage and exploitation. In Sahel, although they are fashionable and enjoy more attention at the decision-makers, these instruments are still poorly considered in the current context of the decentralization (Diallo, 2003), like plans of occupation and affectation of grounds (POAS) experimented in the valley of the Senegal River. The aim of this paper is to question, from a survey led in a rural district with elected representatives, with technicians, with associative persons in charge and with users, the impact of this informal system, although formalized, of joint land management. The POAS, contributed to strengthen the capacities of the local elected representatives to act in their space, and farmers users to deliberate collectively on a stake so crucial as the agropastoral land tax. It was not however the object of an effective appropriation on behalf of these elected representatives in charge of its application, and these supposed users to follow the agreed operational rules. Between empowerment and problem of appropriation, the local conventions are left by tools necessary for a management shared by the common resources, and thus for a strengthened local governance.
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Analyse des perceptions locales des aménagements forestiers participatifs au Benin
C. P. Djogbenou, Romain Glèlè Kakaï, O. Arouna et B. Sinsin
RésuméFR :
Le présent travail a analysé les perceptions de l’aménagement forestier par les populations riveraines des forêts classées dotées de plans d’aménagement participatif au Bénin suivant des critères comme les forêts classées aménagées par un même projet, les groupes socioculturels et les niveaux d’instruction. L’Analyse Factorielle des Correspondances simples (AFC) appliquée aux données d’enquête sur 690 personnes aléatoirement choisies dans 23 villages riverains des forêts considérées a permis d’établir des relations entre les perceptions de l’aménagement forestier et les différents critères considérés. Les résultats obtenus ont révélé que l’aménagement forestier est globalement perçu par les populations riveraines comme un projet en activité mettant l’accent sur le reboisement, l’emploi au profit des populations locales et une nouvelle manière de gérer les forêts classées en se basant sur la concertation. Les populations locales qui ont participé à l’aménagement forestier à travers les projets PAMF et PGRN ont des perceptions basées globalement sur la répression forestière (répression de l’incivisme dans le domaine forestier) et la mise à disposition des moyens aux agents forestiers, celles qui ont participé à l’aménagement forestier sous la conduite du Projet PRRF assimilent l’aménagement forestier à un projet en activité et enfin les populations bénéficiaires du Projet UNSO considèrent l’aménagement forestier comme une nouvelle façon de gérer les forêts classées. En considérant par ailleurs les niveaux d’instruction, les populations illettrées ont une conception traditionnelle de l’aménagement forestier (reboisement, police forestière) alors que celles instruites ont une conception moderne de l’aménagement forestier (participation des populations, concertation). Ces perceptions sont de nature visuelle et empirique et expriment le contenu des discours de sensibilisation délivrés par les projets chargés d’élaborer les plans d’aménagement de ces forêts classées.
EN :
The present study analyzed the perceptions of forest management by the surrounding populations of the forests reserves under management in Benin according to some criteria like patterns of the forests reserves considered, the sociocultural groups and the educational levels of the populations. The Factorial Correspondence Analysis (FCA) performed on surveyed data related to the perception of 690 informants randomly chosen in 23 surrounding villages of forest reserves helped to analyse the link between various patterns of people and their perceptions. Results revealed that, on the whole, forest management is perceived by the local populations of the forests as a project in activity emphasizing the reforestation, employment for local people and a new manner of managing forest reserves. The local populations of forest reserves managed under projects PAMF and PGRN have perceptions based overall on forest repression (repression of the lack of civic virtue in the forest domain) and more means to forest agents in protecting forest reserves, those which took part in forest management with PRRF Project consider forest management as project in activity and finally the beneficiary populations of UNSO Project consider forest management as a new way to managing forests reserve. By considering the educational levels of people, results showed that the illiterate people have a traditional idea of forest management (reforestation, forest police) whereas those educated have a modern design of forest management (participatory approach of the populations, dialogue). These perceptions are visual and empirical and express the contents of the speeches of sensitization delivered by the projects in charge of the management of forest reserves.
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Les indicateurs que les jeunes utilisent pour repérer la présence de problèmes environnementaux dans leur milieu
Houcine Benchekroun et Diane Pruneau
RésuméFR :
Les problèmes environnementaux ne sont pas faciles à observer dans un milieu donné. Pour cette raison, les experts utilisent des indicateurs scientifiques pour reconnaitre la présence de ces problèmes. La recherche présentée avait pour objectif d’identifier les indicateurs que les élèves du primaire utilisent pour repérer un problème environnemental en milieu côtier. Les élèves de 2e, 3e, 4e, 6e et 8e ont été interrogés sur différents aspects de l’environnement : la santé des plantes, des animaux sauvages, des cours d’eau, de la zone côtière et des espèces du littoral. Les outils de collecte de données utilisés sont le questionnaire et l’entrevue d’explicitation. Les résultats de la recherche indiquent que les principaux indicateurs de santé employés par les élèves sont la couleur des plantes (2e et 8e années), le mouvement et la taille des animaux (3e et 8e années), et l’absence de pollution (déchets) dans les cours d’eau et dans la zone côtière (4e et 8e années). Ainsi, les élèves emploient principalement des indicateurs faisant appel à leurs sens, ce qui résulte en une conscience limitée des problèmes locaux. Des recommandations pédagogiques sont formulées pour améliorer les perceptions environnementales des élèves.
EN :
Environmental problems are not easily recognizable in a given environment. For this reason, experts use scientific indicators to detect the presence of these problems. The research presented aimed at identifying indicators that elementary students use to find an environmental problem in a coastal area. Students in 2nd, 3rd, 4th, 6th and 8th grades were interviewed on various aspects of the environment : the health of plants, wildlife, streams, coastal zone and coastal species. The data collection tools were questionnaires and interviews. The results indicate that the main health indicators used by pupils are the color of plants (2nd and 8th grades), movement and size of animal (3rd and 8th grades), and lack of pollution (waste) in streams and in the coastal zone (4th and 8th grades). Students mainly use indicators visible with their senses, which results in a limited awareness of local issues. Educational recommendations are provided for improving students’ environmental perceptions.
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La végétation des Petites Antilles : principaux traits floristiques et effets plausibles du changement climatique
Philippe Joseph
RésuméFR :
A toutes les échelles spatiales, la topographie contrastée des Petites Antilles conditionne un grand nombre de biotopes. Ces derniers accueillent de multiples formes d’organisation floristique : des espèces aux paysages, en passant par les phytocénoses et les écosystèmes. En dépit d’une forte anthropisation, cet archipel est une composante importante d’un point chaud (Hotspot) de la biodiversité planétaire : la Caraïbe. À long terme, le changement climatique aura des conséquences sur la répartition spatiale, sur le fonctionnement des espèces et des formations végétales.
EN :
According to all spatial scales, the uneven topography of the Lesser Antilles leads to a great lot of biotops. So, from species to landscapes, through phytocenoses and ecosystems, numerous types of floristic organisation occur. Despite an important anthropization, this archipelago belongs to one of the Hotspots of the planetary biodiversity: the Caribbean. In the Long-Term, climatic change will have consequences on the spatial distribution and on the function of species and vegetal associations.