Résumés
Résumé
Après le naufrage de l'Erika et du Prestige, les dispositions répressives concernant les rejets illicites d’hydrocarbures à partir des navires ont été modifiées à trois reprises (lois du 3 mai 2001, du 9 mars 2004 et du 1er août 2008). Les sources de ce dispositif répressif figurant désormais aux articles L.218-10 et suivants du Code de l’environnement sont assez complexes car elles sont d’origine nationale, internationale ou communautaire. Afin de responsabiliser les différents acteurs du transport maritime, le Législateur a élargi le cercle des personnes responsables en renforçant considérablement les peines applicables. Ainsi, en cas de pollution volontaire, les peines peuvent s’élever jusqu’à 10 ans d'emprisonnement et 15 millions d'euros d'amende. D’ailleurs, le système est particulièrement abouti lorsque la pollution est involontaire puisque les peines prévues dépendent de trois critères : la gravité de la faute d'imprudence commise, la gravité du dommage causé à l'environnement et la taille du navire. Elles peuvent atteindre 7 ans d'emprisonnement et 10,5 millions d'euros d'amende en cas d’accident de mer aggravé. Mais ce renforcement incontestable de la responsabilité pénale est parfois en trompe-l’oeil. En effet, le dispositif répressif révèle des incohérences en raison d’une probable application rétroactive des dispositions plus douces de la loi du 1er août 2008 mais aussi des incertitudes d’ordre conceptuel ou procédural. Ces anomalies démontrent la dimension symbolique et non pas instrumentale que revêt bien trop souvent le droit pénal en matière de protection de l’environnement.
Mots-clés :
- responsabilité pénale environnementale,
- rejet d’hydrocarbures,
- sécurité maritime,
- délits de pollution des mers,
- peine de sanction-réparation,
- procès de l’Erika
Abstract
After the wreck of Erika and the Prestige, repressive measures concerning the illicit discharges of hydrocarbons from ships were three times modified (laws of May 3rd, 2001, March 9th, 2004 and August 1st, 2008). The sources of this repressive device appearing henceforth to articles L.218-10 and following ones of the Code of the environment are rather complex because they are national, international or they come from Community Law. To give responsibilities the various actors of the sea transport, the Legislator widened the circle of the responsible persons by strengthening considerably the applicable punishments. So, in case of voluntary pollution, the punishments can rise until 10 years of detention and 15 million euro of fine. Moreover, the system is particularly succeeded when the pollution is involuntary because the planned punishments depend on three criteria : The gravity of the fault of committed carelessness, the gravity of the damage caused to the environment and the size of the ship. They can achieve 7 years of detention and 10,5 million euro of fine in the event of an accident of sea aggravated. But this indisputable intensification of the penal responsibility is sometimes done in trompe-l'oeil. Indeed, the repressive device reveals incoherence because of a likely retroactive application of the softer measures of the law of August 1st, 2008 but also the uncertainties of abstract or procedural order. These abnormalities demonstrate the symbolic dimension and not instrumental which takes on too often the criminal law in environmental protection.
Keywords:
- Environmental penal responsibility,
- Discharge of hydrocarbons,
- Maritime security,
- Offences of marine pollution,
- Punishment of penalty-repair,
- Trial of Erika
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Parties annexes
Notes
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[1]
Trib.cor. Paris 16 janvier 2008, JCP 2008, II, 10053, note B.PARANCE; JCP 2008, I, 126 étude par K. LE COUVIOUR; Dr.envir. 2008, n°156, Dossier spécial Erika p.15 à 25; Rev.sc.crim. 2008, p. 344, obs. J-H. ROBERT. L’affaire est en appel devant la Cour d’appel de Paris qui devrait rendre sa décision en mars 2010.
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[2]
Pour une vision d’ensemble du cadre communautaire concernant la responsabilité pénale environnementale: CUDENNEC (A.), « L’apport du cadre pénal communautaire à la prévention et à la réparation du dommage à l’environnement », in La responsabilité environnementale : prévention, imputation, réparation, Thèmes et commentaires, Actes, Dalloz 2009, p.395 et s.
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[3]
RUBI-CAVAGNA (E.), « Réflexions sur l’harmonisation des incriminations et des sanctions pénales prévues par le Traité de Lisbonne », Rev.sc.crim. 2009, p. 501 et s.
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[4]
…et non pas la filiale de Total qui avait conclu le contrat d’affrètement car, d’après le tribunal, la Convention CLC (convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) du 29 nov. 1969 s’oppose à ce que la responsabilité de l’affréteur soit recherchée ès qualité.
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[5]
Le vetting est une pratique des groupes pétroliers qui s’est développée à la suite du naufrage de l’Amoco-Cadiz. Afin d’échapper au système de responsabilité internationale mis en place au niveau du transport maritime d’hydrocarbures, les compagnies pétrolières se sont petit à petit démunies de leur flotte tout en conservant un droit de regard sur les navires qu’elles affrètent. Le vetting consiste en une inspection externe du navire avant le contrat d’affrètement qui vient se superposer aux contrôles effectués par les sociétés de classification.
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[6]
Laquelle a été condamnée au maximum de l’amende qui était prévue à l’époque à l’encontre d’une personne morale reconnue coupable d’un rejet d’hydrocarbures suite à un accident de mer: 375000 euros.
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[7]
RABUTEAU (Y.), « Marées noires: le dispositif pénal issu de la loi sur la responsabilité environnementale », DMF 2009, n°703, p. 481.
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[8]
Il faut soit la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité et de prudence prévue par la loi ou le règlement, soit une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignorée. La Cour de cassation a estimé que cette disposition était applicable aux délits de pollutions des eaux prévues dans le Code de l’environnement.
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[9]
Voir le 9ème considérant de la directive 2009/123/CE ainsi que l’article 4.1 de la directive 2005/35/CE du 7 sept. 2005 modifiée relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions, JOUE L.280 du 27 oct.2009, p. 52.
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[10]
La convention MARPOL envisage des zones spéciales MARPOL correspondant à des mers particulièrement vulnérables telles que la Méditerranée, la Manche, la mer Baltique ou la mer Noire, et des zones de droit commun. Par exemple, dans le cadre du droit commun, les rejets en provenance des espaces à cargaison des pétroliers (navires-citernes) sont interdits, sauf s’ils respectent certaines conditions très strictes, notamment d’éloignement des côtes. De même les rejets des cales de la tranche des machines de ces navires-citernes sont interdits, sauf si le navire fait route, qu’il utilise un matériel de filtrage des hydrocarbures et que la teneur en hydrocarbure ne dépasse pas un seuil déterminé. Pour plus de détails sur les règles applicables, cf. GUIHAL (D.), Droit répressif de l’environnement, Économica, 3ème édition, 2008, pp. 360-361.
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[11]
C’est-à-dire les navires-citernes dont la jauge brute est supérieure ou égale à 150 tonneaux ou supérieure ou égale à 400 tonneaux pour les autres navires.
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[12]
Art. L.218-19.IV du C. envir.
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[13]
Les rejets illicites d’hydrocarbures sans répercussions notables sur l’environnement suite à une faute simple d’imprudence sont punis de 800000 euros d’amende pour les navires visés à l’art. L.218-13, de 400000 euros d’amende pour les navires visés à l’art. L. 218-12 et de 4000 euros d’amende pour les autres navires. En cas de dommage irréversible ou d’une particulière gravité causé à l’environnement, les amendes s’élèveront respectivement à 7,5 millions d’euros et à 4,5 millions d’euros pour les navires de plus grande taille ou les plates-formes.
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[14]
Art. L.218-19. II, 1°, 2° et 3° du C. envir.
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[15]
DESPORTES (F.), LE GUNEHEC (F.), Droit pénal général, Économica, 13ème éd. 2006, n° 356.
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[16]
ZEE : Zone Economique Exclusive sous juridiction de l’État côtier.
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[17]
Crim. 15 mars 1995, Bull.crim. n°106.
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[18]
Pour le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, le député Alain GEST, le fait de pouvoir appliquer des peines de prison aux seuls navires français était apparu comme insupportable car c’était un encouragement à naviguer sous des pavillons de complaisance. Cf. RABUTEAU (Y.) : « Loi sur la responsabilité environnementale et rejets volontaires d’hydrocarbures à partir des navires: Avancées et incertitudes », DMF 2008, n°698, p. 1079.
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[19]
La nouvelle définition des infractions non intentionnelles donnée par la loi du 10 juillet 2000 a été appliquée immédiatement à des faits de pollution de cours d’eaux douces (art. L.432-2 du C. envir.) qui avaient été commis avant son entrée en vigueur, cf. crim. 15 mai 2001.
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[20]
Voir le site internet du CEDRE (Centre de documentation, recherches et expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux) www.le-cedre.fr . Cette étude récapitule les affaires et jugements survenus après le naufrage du Prestige jusqu’au 2 mars 2008.
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[21]
Affaire Kalhed Ibn Whaleed, TGI de Marseille, 6 sept. 2004 : 1 an de prison avec sursis et 500000 euros d’amende. Affaire Mega express II, TGI de Marseille, 8 juin 2005 : 6 mois de prison avec sursis et 500000 euros d’amende.
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[22]
Par la loi n°2001-380 du 3 mai 2001 et son décret d’application n°2002-196 du 11 février 2002.
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[23]
Art. L.218-23-I du C. envir.
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[24]
Affaires Al Esraa et Valentia commentées par Yann RABUTEAU in Environnement marin- ANVMAR, www.allegans.com . Ces amendes record sont à relativiser puisque le maximum de l’amende encourue est désormais 15 millions d’euros.
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[25]
La fixation du montant de l’amende sur 4 fois la valeur de la cargaison a disparu dans le nouveau dispositif répressif issu de la loi du 1er août 2008. Elle n’avait jamais été utilisée en pratique.
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[26]
Art. 131-8-1 du C. pén.
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[27]
Art. 131-39-1 du C. pén.
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[28]
Au niveau de l’Union européenne, la réparation du dommage à l’environnement avait été proposée comme sanction alternative, cf. CUDENNEC (A.), op.cit., pp.403-404.
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[29]
Cf. les propositions de Véronique JAWORSKI, « La réponse pénale au dommage écologique causé par les marées noires », RJE n°2009, n°1, pp. 17-25.
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[30]
Crim. 13 mars 2007, Dalloz 2007, p. 2590, note Thierry GARÉ. Cependant, la cour de cassation exige également de la part des juridictions du fond un faisceau d’indices concordants pour caractériser l’infraction.
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[31]
Voir les explications de Yann RABUTEAU, op.cit. note n°18, pp.1080-1081.
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[32]
RABUTEAU (Y.), ibid., p.1082.