Résumés
Résumé
Il est une idée reçue selon laquelle les communautés des pays en développement ont fatalement de faibles capacités d’adaptation au changement climatique. Prenant le contre-pied de cette affirmation, parce qu’elle n’est pas toujours vraie et parce que la considérer comme telle induit des biais dans le processus d’identification de stratégies d’adaptation, ce texte défend l’idée que les connaissances actuelles sur ce qui fonde la capacité d’adaptation d’un territoire donné sont encore insuffisantes. Il existe ainsi un manque de maturité sur cette question qui est à relier à un défaut de structuration en termes de recherche scientifique. C’est pourquoi nous proposons ici quatre grandes pistes de recherche pour améliorer l’approche scientifique de la capacité d’adaptation. Ces pistes sont ensuite replacées dans un cadre théorique plus large reposant sur l’identification de trois dimensions d’adaptation et sur la mise en perspective de trajectoires d’adaptation.
Mots-clés:
- trame de recherche,
- capacité d’adaptation,
- changement climatique,
- trajectoires d’adaptation et de développement
Abstract
A generally accepted idea consists in systematically linking a low level of adaptive capacity to a low level of development, and then in affirming that the poor have inevitably low adaptive capacities. What we argue here is that this affirmation is biased because adaptation to climate change is not only determined by economic and technological capacities. Many other characteristics of a community could play a major function in its ability to react to and to anticipate climate changes (e.g. the territorial identity or the social relationships). From our point of view, the generally restrictive conception of adaptive capacity is related to a relative immaturity of the science of adaptation to explain what are the processes and the determinants of adaptive capacity. This can be explained by the fact that few frameworks for studying adaptive capacity currently exist. This paper then consists in a proposition of a research framework based upon four main fields of investigation: (i) the influential factors of adaptive capacity and their interactions, (ii) the relevant spatial and temporal scales of adaptive capacity, (iii) the links between adaptive capacity, vulnerability and the level of development and (iv) the theoretical links between adaptation and sustainability. These four fields of research are assumed to be relevant to bring new knowledge on adaptive capacity, and then to feed a more general reflection on the adaptation pathways to deal with climate change.
Keywords:
- research framework,
- adaptive capacity,
- climate change,
- adaptation and development pathways
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Parties annexes
Remerciements
L’auteur remercie pour leur soutien aux travaux de recherche dont sont issues ces réflexions, la Direction Générale de la Recherche de la Commission européenne dans le cadre du projet « CIRCE » (« Climate change and impact research : the mediterranean environment ») et la Région Île de France dans le cadre du projet « R2DS ». Il remercie par ailleurs Raphaël Billé, Benjamin Garnaud et François Gemenne dans le cadre de réflexions préalables à ce texte, ainsi que Virginie Duvat et Esméralda Longépée pour leurs points de vue sur une version antérieure de cet article. Que soient également remerciés les deux relecteurs anonymes sollicités par VertigO et qui ont incité d’une part à des précisions et des reformulations, d’autre part à ouvrir des pistes de réflexion pour la suite. Enfin, l’auteur tient à rendre hommage à ces auteurs dont quelques articles ont le don de faire décoller la réflexion.
Notes
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[1]
Définition de la "sensibilité" par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) : « degré d’affectation positive ou négative d’un système par des stimuli liés au climat. L’effet peut être direct (modification d’un rendement agricole en réponse à une variation de la moyenne, de la fourchette, ou de la variabilité de température, par exemple) ou indirect (dommages causés par une augmentation de la fréquence des inondations côtières en raison de l’élévation du niveau de la mer, par exemple) ».
-
[2]
Deux exemples classiques, en France par exemple, sont la tempête de 1999 et la canicule de 2003. S’il ne s’agit ici pas de lier ces événements au changement climatique, le fait est que ce dernier accentuera l’occurrence de tels phénomènes. Si des pays comme la France peuvent se relever d’un épisode ponctuel, quel sera l’impact d’une succession de ce type d’épisodes ? En France toujours, l’exemple de la grande crue de 1910 à Paris interroge sur ses impacts si elle survenait aujourd’hui ; sur ses impacts sur Paris et la France, mais aussi sur d’autres mégalopoles du monde car Paris est interconnectée au monde. Les conséquences de l’ouragan Katrina qui a frappé la Nouvelle Orléans en 2005 permettent elle aussi de réinterroger la capacité des pays développés à digérer les catastrophes naturelles.
-
[3]
Il se pose par exemple dans des termes similaires au sujet de la mise en oeuvre de la gestion intégrée des zones côtières, ou encore de l’identification d’indicateurs de capital social (Pelling et High, 2005).
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[4]
Convention Cadre des Nations-Unies sur le Changement Climatique, en anglais UNFCCC (United Nations Framework Convention on Climate Change).
-
[5]
Les éléments qui entrent en jeu pour expliquer la résistance et/ou l’anticipation ne sont pas forcément les mêmes ni face à des risques naturels différents (par ex., submersion et glissement de terrain), ni face à des types de risques distincts (par ex. : risques naturels, géopolitiques, sanitaires…).
-
[6]
Au sein des négociations sur le climat, encore une fois, l’association V / faible niveau de développement peut permettre une simplification du problème, simplification nécessaire pour avancer (car l’urgence étant de rigueur dans la lutte contre le CC, les négociations ne peuvent pas "attendre" les avancées scientifiques ; ces deux blocs évoluent en parallèle et on peut espérer qu’ils se rejoindront un jour) et qui quoi qu’il en soit conduit pour l’heure à une redistribution "sans regret" des fonds mondiaux. Parallèlement, d’autres incitations que financières (à la formation, aux échanges scientifiques…) peuvent apporter un grand soutien à la mise en oeuvre de l’adaptation. Elles doivent de fait être promues mais ne pas concerner seulement des pays à faible niveau de développement. Est ainsi posée la question de savoir si la promotion de ces incitations non financières relève ou non de la sphère des négociations internationales.
-
[7]
Précisons ici que l’ordre de présentation de ces quatre facteurs n’est guidé par aucune volonté de hiérarchisation reflétant une prétendue (dé)croissance d’influence sur la CA dans son ensemble. Les réflexions sont trop jeunes pour l’heure pour prétendre à l’identification d’une telle hiérarchie d’influence, si tant est que celle-ci existe et puisse être établie.
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[8]
Insistons ici sur le fait que la relation éducation/CA doit être entendue avec prudence, car un haut niveau d’éducation ne suppose pas fatalement une connaissance précise de tous les types de risques menaçant le territoire de vie et de tous les types de réactions à adopter. Les mouvements de panique dans les grandes villes en témoignent.
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[9]
Nous faisons référence ici au terme de « manoeuvrability » utilisé par J. Smithers et B. Smit (1997), par exemple pour rappeler qu’en matière d’adaptation au CC, « the preservation of future options is as important as the immediate response » (p. 138).
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[10]
Les termes de fluidité et de flexibilité renvoient à l’idée d’ajustement évoquée dans la définition officielle de l’adaptation par le GIEC, et donc à l’idée d’une approche évolutive et non fixiste des stratégies d’adaptation à promouvoir (Burton, 1997 ; Smit et Pilifosova, 2003 ; Magnan, 2008).
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[11]
Dans une communication aux journées Nature Sciences Sociétés de Paris des 7 et 8 octobre 2008, O. Godard posait par exemple la question de l’aptitude réelle des systèmes ultra-démocratiques à être suffisamment flexibles et réactifs pour intégrer les perturbations du CC, lesquelles se révèleront nécessairement pour partie au fil du temps (problème de leur prédictibilité).
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[12]
Les structures politico-institutionnelles actuelles puisent en partie leurs racines dans des caractéristiques plus profondes de la société, inscrites dans le temps (Blaikie et al., 1994). Cela explique qu’une organisation spécifique doit faire face à des logiques internes qui peuvent rendre difficile l’adoption de nouveaux modes de fonctionnement, plus en harmonie avec des objectifs d’adaptation au CC.
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[13]
Schématiquement, la variabilité climatique renvoie à une variation des composantes climatiques (température, précipitation…) autour d’une moyenne, alors que le CC renvoie à l’évolution de ces moyennes.
-
[14]
Sur cette question du manque de volonté politique et sur ses implications en terme d’action et d’engagement dans des stratégies robustes, voir par ex. O. Godard, à paraître.
-
[15]
Une opportunité ?
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[16]
Les dégradations environnementales actuelles ou encore les mécanismes socioéconomiques de la mondialisation, par exemple, représentent eux aussi des sources de contrainte pour l’avenir des sociétés humaines et compte tenu de la difficulté et du temps nécessaire à résorber leurs problèmes spécifiques, ils le resteront encore pendant quelques décennies au moins. Le CC viendra en partie renforcer ces contraintes.
-
[17]
Est également incluse la question des rythmes d’évolution.
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