Résumés
Résumé
En Guinée Maritime, la gestion des ressources naturelles est clairement assumée par les autorités coutumières : ils ont une véritable considération de leur durabilité. Les limites du rôle joué par les pouvoirs déconcentrés et décentralisés au niveau local, ainsi que le manque de considération des pratiques autochtones, sont d’autant plus dommageables. L’Etat, n’ayant les moyens ni d’assurer sa présence au niveau local, ni d’avoir une connaissance fine des pratiques à ce niveau, semblerait effectuer une opération pragmatique en s’appuyant sur les structures locales qui poursuivent le même objectif, à savoir assurer la durabilité des ressources. Se pose alors la question des modalités de participation des populations locales dans les politiques environnementales.
Mots-clés :
- approche ascendante,
- décentralisation,
- développement participatif,
- droit coutumier,
- durabilité des ressources,
- Guinée Maritime,
- savoirs autochtones
Abstract
In Coastal Guinea, natural ressources management is clearly assumed by traditional powers : they have a real consideration for their sustainability. The limits of the administration action at a local scale, as the ignorance of the autochton’s practices, are all the more prejudicial. As the Government doesn’t have a local presence, neither a good knowledge of the local land management modalities, it would be a pragmatic choice to consider the local structure which follows the same goal : to maintain the ressources sustainability. Therefore, we should ask ourselves how to integrate the local populations in the construction of the environmental policies.
Keywords:
- bottom/up approach,
- decentralization,
- participative development,
- traditional rights,
- Coastal Guinea,
- local knowledges
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Parties annexes
Biographie
Pascal Rey est Docteur en Géographie. Il a travaillé sur l’ « étude des pouvoirs » comme révélateur des stratégies économiques et agraires mais aussi des modalités locales de gestion des ressources, du foncier et des conflits. Cet article est basé sur des travaux de recherche réalisés dans le cadre de l’Observatoire de la Guinée Maritime entre 2003 et 2007, dans le cadre d’un programme de recherche-action financé par l'Agence Française de Développement, la Banque Mondiale et le Fond pour l’Environnement Mondial, sous la direction scientifique de l’Université de Bordeaux 3 (CNRS) et exécuté pour le compte du Ministère guinéen du plan.
Notes
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[1]
De nombreuses ethnies peuplent la Guinée Maritime qui a accueilli plusieurs vagues successives de migration, amorcées avec l’arrivée des Nalou, des Baga et des Landouma dès le XIVème siècle (Hanquez Passavant, 2000). Les Soussou seraient arrivés dans la région entre le XVème et le XVIIème siècle. Plus récemment, des Peulh et des Diakanké, mais aussi des Ballante, se sont éparpillés dans la zone (Champaud, 1957).
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[2]
Les résultats présentés dans cet article sont basés sur des travaux de recherche menés en Guinée Maritime, région naturelle de la République de Guinée, et plus précisément dans une cinquantaine de villages dispersés dans cinq Sous-préfectures, elles-mêmes situées dans les Préfecture de Boffa et Boké.
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[3]
Il s’agit du droit de chaque membre de lignage de jouir, chaque année, d’un espace et d’y pratiquer la culture. Il n’a pas à être négocié : il est imprescriptible. Les terres accordées ne le sont que pour une ou deux saisons de cultures. Les bénéficiaires ne sont pas assurés de revenir y cultiver un jour. Ce droit permet à tous les villageois d’obtenir un espace cultivable chaque année qui sera distribué par l’aîné du lignage de l’intéressé ou du lignage fondateur suivant qu’il existe ou non des domaines lignagers
-
[4]
Le droit d’usage consolidé, au niveau de l’individu, est très proche du droit de propriété, au sens romain du terme, car les enfants du détenteur d’un tel droit pourront hériter de l’espace concerné. Cependant, si le détenteur jouit d’une grande liberté quant aux activités pratiquées sur cet espace, celles-ci doivent restées conformes à ce qui a été accepté lors de la cession du droit d’usage consolidé. Ce type de droit d’usage établit un lien important entre le détenteur et sa terre : son appropriation peut difficilement être remise en question une fois acceptée. Il nous faut préciser que cet état de fait ne donne pas pour autant la possibilité au détenteur de vendre la terre en question qui reste inaliénable.
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[5]
Le fondateur d’un village établit un contrat avec le ou les génies en place. L’accord trouvé donne un droit éminent à ce fondateur : il est le seul à connaître la nature du contrat, c’est-à-dire les modalités d’occupation des terres autorisées par le génie. Toute sa descendance héritera de ce droit éminent sur tout le territoire villageois à travers l’aîné du lignage. C’est ce droit éminent qui nourrit le pouvoir du lignage fondateur.
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[6]
Il s’agit de la plus petite circonscription territoriale reconnue par la Loi Fondamentale.
-
[7]
Les génies spécialisés sont des génies en lien avec un médiateur consulté par des individus dans le cadre de résolution de problèmes privés.
-
[8]
Au niveau d’un lignage, le droit d’usage consolidé laisse beaucoup de liberté quant à l’utilisation de la terre mais surtout reste illimité dans la durée : tous les descendants du lignage jouiront de ces espaces concernés par ce type droit.
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[9]
Dans (Rey, 2007), des exemples de zones rurales où le droit moderne a pénétré sont détaillés. Cela aboutit souvent à des pratiques prédatrices ou à la marginalisation de certains groupes sociaux.
-
[10]
Pour plus de détails sur les conceptions locales de la justice et les contreparties du pouvoir, voir Rey (2009). Y sont présentés les devoirs des autorités coutumières, mais plus généralement les avantages que tirent les communautés villageoises dans l’acceptation d’un pouvoir fort, à savoir notamment une gestion cohérente des ressources et le maintien d’une certaine paix sociale.
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