[VertigO] La revue électronique en sciences de l’environnement
Numéro 6, hors-série, 2009 La gouvernance à l’épreuve des enjeux environnementaux et des exigences démocratiques
Sommaire (25 articles)
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Les théories de la gouvernance : pluralité de discours et enjeux éthiques
Alain Létourneau
RésuméFR :
Certes, le travail sur la gouvernance dans le chantier des questions environnementales semble bien amorcé et il ne peut que prendre de l’ampleur dans les années à venir. Il est peut-être encore tôt pour produire une typologie des théories de la gouvernance, ou une conceptualisation trop serrée. Il semble plus opportun pour le moment de repérer les principaux usages que nous rencontrons effectivement des recours à la gouvernance. Nous pourrons ensuite voir comment ce vocable peut fonctionner dans une pluralité de discours, et comment il peut véhiculer des significations assez diverses. Il ne s’agira donc pas d’enrichir un Dictionnaire de la gouvernance ou de mettre un terme aux études de terrain, alors qu’elles débutent! Au contraire, il nous faut réfléchir d’emblée et davantage en termes des usages que nous faisons de nos concepts, et pas seulement rechercher des modèles théoriques en quelque sorte purs qui ne rencontreront presque aucun usage dans la pratique. Il faut s’interroger sur le sens que les acteurs accordent à ces recours et sur ce qu’ils vont y chercher. Il faut aussi nous demander, en plus de la question des effets de sens qui sont produits par l’usage de la gouvernance, quels sont les enjeux éthiques sous-jacents qui sont soulevés par de tels usages.
EN :
Reflexion on the governance topic and the different uses of that term are going forward in the field of environmental issues and practices. Since that topic is very popular, we suppose it can only grow in the upcoming years. Considering it might be too soon to produce at this time a typology of governance theories or a too strict conceptualisation of the notion, we aim here instead at identifying the different ways in which this term is used in a plurality of discourses and how it probably goes with a plurality of meanings. We are at the starting point of field studies on governance practices; it seems more interesting now to focus on how the concept actually works in practice, instead of trying to build a unifying model from the theoretical point of view. A purely theoretical endeavour would probably miss the various ways by which actors find and give meaning to the uses of the governance concept. We also would like to reflect on the effects produced by uses of governance and what are the ethical issues that are raised by these uses.
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Quelle implication des destinataires de la norme ? La voie de la corégulation
Apolline Roger
RésuméFR :
La corégulation est promue par la Communauté européenne comme un instrument de « bonne gouvernance ». Notre analyse tend à montrer la distance entre le discours sur la corégulation et la réalité de sa pertinence pour mettre en oeuvre une politique environnementale ambitieuse et démocratique. Les limites de la corégulation à cet égard sont clairement dévoilées lorsqu’elle est utilisée comme un substitut à une réglementation que l’autorité publique concernée ne peut ou ne veut pas adopter. En revanche, lorsqu’elle est utilisée dans un cadre réglementaire, la corégulation apparaît comme une méthode intéressante pour accroître la participation des destinataires et la flexibilité de la norme.
EN :
Coregulation is hardly promoted by the European Community as a “good governance” tool. This analysis highlights how far the reality suits the discourse when coregulation is at stake.When coregulation is used as a substitute to classical regulation that the public authority does not want or can not adopt, it is likely that reality will be far from the theory. This coregulation raises legitimacy issues, and its environmental efficiency is doubtful. On the other hand, when used as a part of a policy mix including classical regulation, coregulation appears as an interesting method to increase participation and flexibility.
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Environnement : la gouvernance par la responsabilité ?
Denis Salles
RésuméFR :
La spécificité des problèmes d’environnement les rend difficilement gouvernables par le recours aux formes de l’action publique standard. La transgression des échelles politiques traditionnelles, la trans-sectorialité des problèmes et la désynchronisation des impacts vis-à-vis à des temporalités des activités humaines ont conduit à l’émergence de politiques de co-responsabilité (interterritoriales, intersectorielles, intergénérationnelles). Cette tendance s’affirme au travers de politiques qui renforcent des interdépendances explicites entre des territoires, qui imaginent des dispositifs de responsabilisation visant à « faire rendre des comptes » et qui font porter une part croissante de la régulation des problèmes collectifs d’environnement sur les changements de pratiques sociales individuelles (consommer autrement, se déplacer autrement, etc.). Ce texte expose ces trois mécanismes de responsabilisation caractéristiques de la gouvernance de l’environnement contemporaine et interroge leur portée et leur limite.
EN :
Due to their specificity, environmental problems are difficult to govern using standard politics. The transgression of the traditional political scale, the intersectorial nature of the problems, and the desynchronization of the impact of human activity on the environment, have resulted in the emergence of policies that champion co-responsibility (inter-territorial, intersectorial, intergenerational). This tendency is evidenced by politics which reinforce explicit interdependencies between territories, and by devices which serve to make social actors aware of their responsibilities (in regards to the environment). These environmental devices represent a new and increasing trend in the regulation of collective environmental problems, in that they place greater emphasis on shifting the social practices of individuals (alternate forms of consumption, travel, etc…). This text exposes these mechanisms aimed at making people more responsible. It explores the range and the limits of environmental governance.
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Diffusion des savoirs sur Internet et interactions citoyennes : de la « connaissance-produit » à la « connaissance-processus »
Chantal Aspe
RésuméFR :
Une des formes d’intervention du milieu associatif environnemental dans les années 1980 en France, s’est constituée sur sa capacité à proposer des contre-projets, en particulier dans le domaine de l’aménagement. Mais ceux-ci manquaient souvent de légitimation scientifique, ce qui nuisait à leur aboutissement. L’accès à l’information directe que présente Internet et les liens nouveaux qu’il suscite, transforment les moyens d’action contestataires. Se dégage ainsi progressivement une « connaissance-processus » face à une « connaissance-produit », qui oblige à la fois les organismes d’Etat à composer avec les organisations associatives, mais aussi les scientifiques à repenser leur rapport avec l’ensemble de la société.
EN :
In the 1980’s, the french environmental movement was established on its capacity to offer “counter-proposals”, especially in the field of development. But these often missed scientific legitimization, what damaged their outcome. The contemporary access to direct information which presents Internet and the new scientific links which it occurs, transform the anti-authority means of action. So progressivel,y the knowledge as a scientific product is making place for a “ processing knowledge” which obliges at the same time the state organisms to compose with the associative organizations and the scientists to rethink their relationship with the whole society
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Droit d’accès à l’information environnementale : pierre d’assise du développement durable
Jean Baril
RésuméFR :
De nombreux développements juridiques récents indiquent l’apparition d’une nouvelle forme de gouvernance environnementale, basée sur la divulgation la plus large des informations en matière d’environnement. Après une étude des principaux mécanismes d’accès à l’information environnementale au Québec, l’auteur démontre que les règles juridiques y permettant l’accès à l’information environnementale, ne respectent pas les exigences nouvelles posées par le développement durable et l’affirmation du droit de chacun à un environnement sain. Une importante réforme est donc nécessaire.
EN :
Recents juridical developments point to a new form of environmental governance, based on the largest access to environmental information. After a study of the main rules concerning that question in Quebec, the autor demonstrates that those rules don’t respect new requirements implied by sustainable development and the affirmation of individual’s right to an healthy environment. A strong reform is necessary.
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Contentieux sanitaires et environnementaux à l’OMC la gouvernance confiée aux experts ?
Ève Truilhé-Marengo
RésuméFR :
Face à la complexification des litiges et à la progression constante du recours à l’expertise, se pose la question de la place des éléments non juridiques dans l’élaboration du jugement. Sur le terrain environnemental, le recours de plus en plus fréquent à l’expert relève du paradoxe : la haute teneur scientifique des litiges impose presque systématiquement un recours à l’expert alors que, simultanément, l’incertitude scientifique couplée au fort enjeu politique entourant la décision judiciaire complexifie l’utilisation de l’expertise par le juge. L’impossible isolement du juge face aux controverses de la science a fait de l’expert scientifique un acteur à la fois majeur et contesté des contentieux sanitaires et environnementaux. La relation qui se noue entre le magistrat et l’expert, dans cette situation, devient donc essentielle. Les juridictions internationales sont de plus en plus souvent amenées à contrôler l’assise scientifique des mesures prises à des niveaux inférieurs. Le cas du droit de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) constitue un cadre d’analyse pertinent. Lorsqu’ils apprécient la valeur d’une expertise ou le caractère suffisamment étayé d’un risque, les Groupes spéciaux deviennent inévitablement des arbitres de l’expertise scientifique. Quelles sont les modalités de recours aux experts ? Quelle est l’importance des rapports d’expertise dans la construction des jugements ? C’est l’objectif de cette intervention que de poser un jalon dans la réflexion autour du recours de plus en plus fréquent à l’expertise en droit de l’OMC.
EN :
The increasing complexity of litigation and increasingly frequent use of scientific expertise raises questions about the role of non judicial elements in jurisprudence. In the environmental field, the frequent recourse to expertise leads to a paradox: while the increasing importance of scientific considerations almost systematically calls for scientific expertise, the scientific uncertainty, coupled with the political stakes makes it difficult for a judge to use this expertise. Due to the impossibility for a judge to isolate himself from scientific controversies, the expert has become a prime stakeholder in environmental and health issues and subject to criticism. The relationship between the expert and the magistrate thus becomes highly important.
International jurisdiction is more and more often called upon to validate the scientific basis of the judgements of lower courts. This is also the case of the World Trade Organisation. As dispute settlement panels assess the value of a scientific expertise or the accuracy of a risk assessment, they become judges of scientific expertise. What are the modalities of the use of scientific experts?
What is the importance of the scientific expertise in the making of a ruling?
These questions will allow us to contribute to the discussion about the increasing use of scientific expertise in judicial proceedings at the World Trade Organisation.
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Optimisation du développement durable et management territorial stratégique : de la gouvernance locale à la transaction sociale
Michel Casteigts
RésuméFR :
Le développement durable exige un nouvel équilibre entre biens marchands et biens collectifs. La qualité des arbitrages à opérer n’est pas seulement un problème politique mais aussi un enjeu économique car elle contribue à l’optimisation de l’utilisation sociale des ressources les plus rares. La gouvernance locale, qui associe acteurs publics, entreprises et société civile, contribue à cet optimum décisionnel en réduisant les coûts de transaction et les coûts de contrainte dans les choix collectifs. Pour cela, il faut qu’elle opère des transactions sociales efficaces entre les acteurs locaux en présence, dans une perspective de management territorial stratégique : la logique du développement durable est fondamentalement transactionnelle.
EN :
Sustainable development requires a new balance between collective and private goods. The quality of the arbitrations to be carried out is not only a political issue, but also an economic stake, since it contributes to optimizing the social use of scarcest resources. Local governance, which associates public player, private sector and civil society stakeholders, contributes to this decision making optimum by reducing costs of transaction and costs of constraint in the collective choices. For that purpose, it has to implement efficient social transactions between the local players in presence, in a perspective of strategic territorial management: the logic of the sustainable development is fundamentally transactional.
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Responsabilité et environnement : questionner l’usage amateur des pesticides
Julia Barrault
RésuméFR :
Près de 10 000 tonnes de produits phytosanitaires (soit 8% de la consommation nationale) sont répandus chaque année dans les jardins des particuliers en France. Si de nombreuses recherches se sont intéressées (et s’intéressent encore) aux usages agricoles des pesticides et à leurs impacts sanitaires et environnementaux, il s’avère, important d’interroger les usages domestiques et notamment ceux des jardiniers amateurs pour plusieurs raisons: la faible superficie d’application, les types de surfaces traitées, et les pratiques et conditions d’utilisation génèrent des risques de pollution et des risques sanitaires au même titre que les usages agricoles. Par ailleurs, ces usages des pesticides pour l’entretien du jardin interpellent particulièrement dans un contexte marqué par une forte stigmatisation de ces substances et une conscientisation grandissante à l’égard des problèmes qu’elles soulèvent.
Mais à qui incombe la responsabilité de prévenir ces risques intervenant dans la sphère privée? Aux pouvoirs publics qui devraient légiférer pour limiter voire interdire la vente et l’usage? Aux fabricants qui devraient mettre sur le marché des produits plus « doux »? Aux distributeurs qui devraient délivrer des conseils de qualité ou mettre sous clé les substances les plus préoccupantes? Aux jardiniers eux-mêmes qui devraient raisonner leurs utilisations et se soucier de leurs conséquences?
En posant comme toile de fond de notre analyse, une société où l’individu occupe une place centrale et où l'injonction à une responsabilité individuelle semble de plus en plus marquée, notamment dans le domaine de l'environnement, notre communication s’attachera à discuter, à travers un objet de recherche original, cette notion de responsabilité et l’hypothèse de son usage nouveau par l'autorité publique qui donnerait à voir une façon nouvelle de gouverner, davantage orientée qu’auparavant vers une autorégulation individuelle des problèmes d’environnement.
EN :
About 10000 tons of phytosanitary products (8 % of the national consumption) are spread every year in the gardens of the private individuals in France. If numerous researches were interested (and are still interested) in the agricultural manners of pesticides and in their sanitary and environmental impacts, it turns out important to question domestic uses in particular those of the amateur gardeners for several reasons: the weak surface of application, the types of treated surfaces, and the practices and the conditions of use, generate risks of pollution and sanitary risks in the same way as the agricultural manners. Besides, these manners of pesticides for the maintenance of the garden call particularly in a context marked by a strong stigmatization of these substances and a growing awareness towards the problems which they raise.
But to whom falls the responsibility for preventing these risks occurring in the private sphere? To the authorities which should legislate to limit even to forbid the sale and the use? To the manufacturers who should launch on the market products more "soft"? To the distributors who should deliver quality advice or to put under key the most worrisome substances? To the gardeners who should reason with their uses and to care about their consequences?
By resting as backcloth of our analysis, a society where the individual occupies a central place and where the order in an individual responsibility seems more and more marked, in particular in the environment domain, our communication will attempt to discuss, through an original research object, this notion of responsibility and the hypothesis of its new custom by the public authority which would give to see a new way of governing, more directed than previously to an individual autoregulation of the problems of environment.
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Environnement politique et réglementaire des pharmacultures au Canada : la contamination pharmaceutique à l’horizon ?
Marie-Hélène Bacon
RésuméFR :
Depuis les années 1980, le gouvernement canadien a misé sur le développement des biotechnologies dans l’intention de faire du pays un "chef de file" dans ce secteur. Plusieurs programmes ainsi que des mesures réglementaires et financières ont été mis de l’avant afin d’atteindre cet objectif. Le Canada se situe donc aujourd’hui parmi les premiers pays au monde en termes de cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM) à visé agroalimentaire.
Au sein des nombreux champs d’OGM canadiens se dressent, depuis 1994, des plantes transgéniques dont le but serait de produire, éventuellement, des molécules pharmaceutiques. Nommées pharmacultures ou molécultures pharmaceutiques, ces nouveaux OGM posent de multiples enjeux dont les principaux sont liés à la contamination des sources d’alimentation et de l’environnement. Ces enjeux sanitaires, environnementaux et socioéconomiques ne se circonscrivent cependant pas uniquement à l’espace canadien. L’expérience des OGM agroalimentaires montre en effet que dans le contexte scientifique et réglementaire actuel, aucune frontière biologique, physique ou politique ne semble pouvoir contenir adéquatement la contamination transgénique.
Situés en porte-à-faux entre le développement économique et la protection de la santé et de l’environnement, le gouvernement canadien et ses agences tel l’Agence canadienne d’inspection des aliments affirment pourtant concilier avec succès ces deux aspects. Or, l’analyse des politiques canadiennes relativement à l’encadrement des pharmacultures montre notamment que l’intégration de la dimension économique au mandat des agences de protection influence directement la réglementation et mine le processus d’évaluation scientifique des plantes transgéniques, contribuant ainsi à mettre en jeu la santé des populations et l’environnement.
EN :
During the years 1980’s, the Canadian government decided to stimulate the development of biotechnologies in order to become a leader in this sector. Since then, many policies as well as regulatory and financial initiatives have been designed by the government to achieve that goal. As a result, Canada is today among the firsts countries in the world in terms of hectares of genetically modified (GM) crops.
Within these multiple fields of GM crops grows, since 1994, transgenic plants which could eventually produce pharmaceutical molecules. Called pharma-crops, these new genetically modified organisms (GMO) could, among many other things, contaminate the food system and the environment. We have learned from recent events related to GM crops that in the actual scientific and regulatory context, no biological, physical or political limits seems to be able to contain effectively transgenic contamination. As such, pharma-crops could generate health, environmental and socioeconomic impacts which would spread beyond the Canadian territory.
Despite that, the Canadian government and his regulatory agencies such as the Canadian Food Inspection Agency maintain that they can, at the same time, stimulate economical grow and protect the population’s health and the environment. The analysis of the policies and regulations in Canada underline that the economical goal actually jeopardise the regulatory process and the scientific evaluation of pharma-crops and thus, put at stake the protection of the populations and the environment.
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Le jeu de la concertation autour des sites Seveso : une analyse des dispositifs de gouvernance locale dans l’agglomération dunkerquoise
Antoine le Blanc, Séverine Frère, Anne-Peggy Hellequin, Hervé Flanquart, Frédéric Gonthier et Iratxe Calvo-Mendieta
RésuméFR :
À travers une approche territoriale menée dans l’agglomération dunkerquoise où sont concentrés pas moins de 14 sites industriels classés SEVESO, nous avons réalisé une étude des outils de gouvernance locale intervenant dans la gestion des risques et pollutions industriels. Nous avons interrogé les formes d’interaction entre les acteurs (entreprises, représentants de la société civile, acteurs institutionnels) et structures (SPPPI, CLIC, CLI…) concernés par ces risques afin de mettre en évidence les modalités de gouvernance à l’oeuvre. Comment les acteurs locaux s’organisent-ils pour vivre et se prémunir dans un environnement pollué par les rejets industriels et exposé aux risques ? Qui participe aux modes de gestion institutionnels, dans quelles structures ? Comment les différentes structures de concertation coexistent-elles et comment se structurent leurs interventions dans la gouvernance locale ?
Pour répondre à ces questionnements, une analyse des instances de concertation a été réalisée au moyen d’entretiens qualitatifs menés auprès des acteurs locaux y participant.
Les entretiens laissent notamment apparaître des attitudes ambiguës à l’égard des structures de concertation implantées sur le territoire. Bien que les participants critiquent les modalités de fonctionnement de ces dispositifs et leur absence de pouvoir décisionnel, le jeu de la concertation pratiqué dans ces instances semble pourtant accepté de tous, chacun y trouvant un intérêt stratégique. Au-delà de la mise en évidence d’une grande asymétrie des rôles et de la légitimité des acteurs, cette analyse des structures de concertation nous livre également une double lecture du jeu des acteurs locaux « multipositionnés » dans des réseaux formels et informels de relations dans lesquels se définissent les règles de la gouvernance locale.
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Gouvernance sur le territoire. Un regard attentif à la configuration du pouvoir
Aurélie Sierra et Nathalie Lewis
RésuméFR :
Il s’agit moins de questionner épistémologiquement la notion de gouvernance que de la questionner dans une réalité sociologique tant théorique, qu’empirique. Cette réflexion s’inscrit au coeur de la condition moderne celle qui, au sens de Touraine (1992), réunit Raison et Sujet. Dès lors, l’individu moderne prend part d’une culture politique en émergence construite sur la base de l’individualisme où le Sujet peut prétendre à la maîtrise de la chose publique ce que la gouvernance semble permettre. Afin de poser ces réflexions, une étude de cas sera présentée sous la forme de deux terrains situés au Bas-Saint-Laurent (Québec) s’étant engagé dans une réflexion autour d’une possible mise en place d’un projet collectif (à l’échelle locale) de développement à caractère économique et social tout en profitant et protégeant les ressources naturelles; l’outil français Parc National Régional est avancé. En s’appuyant sur ces terrains nous constatons rapidement que le passage entre des systèmes d’actions politiques dont les normes sont établies depuis longtemps et d’un outil politique de gouvernance se heurte à des principes d’action divergents.
EN :
Over the objective of questioning the epistemic foundation of the governance notion, we aim to resituate it in a sociological reality as much theoretical as empirical. This thought found its roots inside the modern condition, for which following Touraine (1992), joins together Reason and Subject. Consequently, the modern individual take part in an emerging political culture built on the basis of individualism where Subject can pretend to be part in res publica. Governance seems to allow that new political culture. In order to explore these ideas, a case study will be presented around two fields in Bas-Saint-Laurent area (Québec) where two populations are engaged in developing a collective project linking economic and social matter while integrating the protection of natural resources; the French tool Parc National Régional is evaluated. Taking those results as a starting point we note that the passage between systems of political actions whose standards are well established and to a political tool like governance runs up against different principles of action.
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Le rôle des collectivités territoriales dans l’adaptation des enjeux environnementaux globaux à l’échelle locale
Véronique Van Tilbeurgh et Laurence Le Dû-Blayo
RésuméFR :
Les enjeux environnementaux tels qu’ils sont définis par les politiques publiques aboutissent à des aménagements dans l’espace rural, confrontant les sociétés locales à une transformation de leur environnement immédiat. L’objectif de cet article est de montrer le processus par lequel les enjeux globaux, tels que la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité, sont convertis à une échelle locale à travers l’action des structures politiques locales (municipalité, communauté de communes, etc.). La réception de ces aménagements, déterminant leur nature, est liée à deux facteurs principaux : la structure de la société locale et le degré d’adaptabilité du projet en fonction des objectifs attribués au débat public.
Cette communication repose sur un travail de terrain où différents aménagements ont été comparés (deux parcs éoliens et deux itinéraires pédestres). Dans tous les cas, il a été observé que le débat public a été organisé par les structures politiques locales pour adapter les dispositifs en fonction de la stratification de la société locale et des enjeux du pouvoir local.
EN :
Environmental stakes, as defined by public policies, result in developments in rural space, confronting local societies to transformations of their close environment. The article aims at explaining the process through which global stakes, such as the struggle against climatic change and the protection of biodiversity, are converted into local stakes through the action of local political structures. Two main factors determine the perception of these stakes by the population : the structure of local societies, and the degree of adaptability of these developments.
The communication is based on the comparison of different developments (two Aeolian parks and two pedestrian paths). In all cases, the public debate has been organised by local political structures to adapt the developments to the stratification of local societies and to the local power stakes.
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Les sites d’extraction, révélateurs d’un nouvel engagement citoyen : le cas des sablières Lafarge en Bretagne
Anaïs Guérin Chapel
RésuméFR :
Dans le cadre d’une recherche dont l’objet est l’inscription des sites d’extraction dans le cadre du développement durable des territoires en Bretagne, nous avons été amenés à analyser la problématique de la gouvernance de cette activité industrielle.
Depuis 1993, les sites d’extractions sont régis par une loi contraignant les entreprises à intégrer les aspects environnementaux et à tenir compte des opinions des riverains sur les projets, lors de l’ouverture d’un site ou de son extension.
Au-delà de cet aspect réglementaire, nous montrerons que le jeu d’acteurs au coeur du développement de l’activité d’extraction met en scène un modèle particulier de concertation : 1) La volonté de créer un territoire qui leur ressemble, mais également de préserver des conditions de vie fortement associées à la ruralité, font des riverains des acteurs de plus en plus investis et, de fait, de plus en plus incontournables. L’augmentation de la participation et de la représentation associative aux réunions définies par le cadre législatif en témoigne. 2) D’un autre côté, la nécessité pour les entreprises de s’inscrire dans des projets territoriaux durables requiert la création de partenariats avec les collectivités et les associations qui vont bien au-delà du cadre réglementaire.
Nos propos seront appuyés par des enquêtes et par l’analyse de deux exemples. Le premier est le site de Bodonou (Finistère) inscrit dans une démarche partenariale dont l’objectif est la remise en état d’un espace naturel protégé (zone humide, espèces patrimoniales...)
Le second exemple concerne un projet de recherche pour un site d’extraction en mer. Il met en évidence l’engagement citoyen tant sur des préoccupations environnementales que, plus largement, sur la préservation qualitative d’un espace de vie.
EN :
This research deals with the relation between extraction sites and sustainable development in Brittany, and aims at analysing the modalities of governance within this industrial activity.
Since 1993, all extraction sites have, by law, an obligation to consider environmental issues and local community demands in their projects, whenever a site is to be opened or extended: 1) The opinion of the local resident is highly important because they desire to create a territory that suits the needs of their local community and that preserves a way of life strongly associated with rural areas. Their increasing participation in local councils and meetings is a testimony for their long lasting involvement. 2) On the other hand, the need for companies to sign up for sustainable projects requires the forging of partnerships with collective groups and associations that far exceed any regulatory requirements.
Our proposals will be supported by the analysis of two sites. In Bodonou (Finistère) a good industry/local communities partnership has resulted in the reclaiming a protected natural area (wetland, natural heritage …) after the closure of the site. Off shore Lorient, the local opposition to the possible opening of an extraction site at sea demonstrates the civic commitment to environmental issues, and, more broadly, to the preservation of a quality living space.
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Gouverner une AMP, une affaire publique ? Exemples Sud-Méditerranéens
Saïd-Chaouki Chakour et Tarik Dahou
RésuméFR :
Dans le contexte du millennium ecosystem assessment (2001-2005), les institutions multilatérales, les groupes de pression internationaux et les Etats ont promu les Aires Marines Protégées (AMP) comme instrument majeur de la conservation de la biodiversité marine. Or, rares sont les AMP dans le monde à atteindre leurs objectifs. En recourant à une analyse de la gouvernance des AMP en Méditerranée Sud (Algérie et Tunisie), la pertinence des plans de gestion à l’égard des objectifs de conservation et de développement durable est appréciée. La difficile intégration des objectifs de conservation et des objectifs de développement, suppose une meilleure connaissance des enjeux socio-économiques locaux et une adaptation des modes de gouvernance des AMP vers une implication accrue des usagers.
EN :
Since the millennium ecosystem assessment, Marine Protected Areas (MPA’s) have become the main instrument of biodiversity conservation in marine environment. However, it is internationally agreed that MPA’s have difficulties to attain their goals. The discrepancies of these areas’ management in southern Mediterranean (Algeria and Tunisia) are described using a perspective of governance analysis. The lack of integration between conservation and sustainable development is mainly due to insufficient studies of local socio-economic dynamics. The governance of MPA’s should increasingly include marine resources’ users.
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Enjeu des droits fonciers dans la gestion des ressources naturelles
Caroline Plançon
RésuméFR :
L’objectif de cette contribution est de souligner que la propriété individuelle, absolue et exclusive n’est pas le seul montage juridique envisageable pour que la terre et les ressources naturelles soient mises en valeur par les populations locales ; c'est-à-dire de suggérer que le titre foncier n’est pas la seule voie envisageable pour valoriser les terres, en dépit du discours majoritaire.
A cette fin, il est utile de préciser certaines catégories juridiques et notions, telles que la gouvernance, son lien avec le droit, et de présenter ce que peut apporter l’anthropologie juridique aux questions environnementales dans des situations de pluralisme juridique, notamment en soulignant que cette démarche prend en compte les différentes cultures juridiques applicables à la gestion des ressources naturelles, en soulignant que terres et ressources naturelles ne sont pas toujours inscrites dans une perspective commerciale et financière. Dans un second temps, le texte précise en quoi la question foncière, est au coeur de la gestion des ressources naturelles en ce qui concerne la répartition des droits de propriété. Là encore, de quelles propriétés parle-t-on ? Que cela recouvre-t-il en termes de droits mais également de devoirs de protection, tant des ressources que des populations qui en vivent ? Une plongée dans la structure même des « différents droits démembrés de la propriété » permet d’envisager l’accès à la terre et aux ressources naturelles dans une perspective de lien d’obligation et de responsabilité dans les différents usages liés au territoire.
EN :
This paper underlines that the individual, absolute ownership is not the only possible way to productive use of land and natural resources, it means that the land title is not the only possible manner to put the land in use, despite of the main stream of thinking.
For this purpose, it is useful to specify some legal categories and concepts, such as the governance, its link with the right/law, and to present how legal anthropology can bring to the environmental questions in situations of legal pluralism, in particular by underlining that this methodology takes into account the various legal cultures to the natural resources management, in particular by focusing that lands and natural resources are not always considered with a commercial and financial point of view. In the second time, the text details how the land question, is in the middle of the natural resources management, in particular with regard to the property rights. But, “about which properties rights does one speak?” What does it recover in terms of rights but also of duties of protection, as well of the resources as the populations which live about it? A diving in the structure of the “various dismembered rights of property” makes it possible to consider the access to the land and the natural resources from the bond of obligation and responsibility in the various uses related to the territory.
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Une concertation restreinte pour définir l’intérêt général des espaces forestiers : regard sur un paradoxe
Jacqueline Candau et Philippe Deuffic
RésuméFR :
La concertation est une méthode fréquemment mise en oeuvre pour définir un bien commun localisé. L’objectif est d’obtenir une cohérence et une légitimité plus grande des décisions par rapport à l’action publique classique qui présume une conception préalable de l’intérêt général. Afin d’éviter de privatiser le bien commun local par des intérêts particuliers, les dispositifs d’intervention publique préconisent d’associer une grande diversité d’acteurs au processus délibératif. À partir d’un exemple sur la multifonctionnalité de la forêt dans le sud de la France, on se demandera si l’opérationnalisation de ces principes permet de garantir une définition plus démocratique de l’intérêt général. On a observé que les discussions à propos des fonctions que devait remplir cette forêt ont été menées surtout entre acteurs de la filière bois. Pour autant, la problématique issue du processus délibératif ne cantonne pas la forêt dans un rôle de production. Elle lui assigne une fragile fonction de protection et surtout une fonction sociale (services récréatifs). On assisterait donc à une publicisation de la forêt sur le secteur alors que l’espace de débat ne peut être qualifié de démocratique. Ce constat nous interroge sur le lien communément fait entre la diversité des acteurs associés et le dépassement des intérêts particuliers. Nous proposons des hypothèses explicatives à ce résultat qui peut paraître paradoxal.
EN :
Participation is frequently implemented to define localized common goods. The aim is to obtain a larger and more coherent legitimacy of the decisions compared to the traditional public action which supposes a preliminary conception of the general interest. In order to avoid the privatization of common goods by private interests, public policies tools recommend to associate a great diversity of actors with the deliberative process. Drawing on experience from a research program on multifonctionality of the forest in the south of France, we will wonder whether the implementation of these principles guarantees a more democratic definition of the public interest. It was observed that the discussions in connection with forest multifunctionality were mainly managed by forest actors. For as much, the problems resulting from the deliberative process do not confine the forest in a role of production. It assigns a fragile function of protection and especially a social function to it (recreational activities). We attend a publicisation of the forest whereas the frame of the participation forums cannot be described as democratic. This paradox questions us on the link commonly established between the stakeholders’ diversity and the protection of their private interests. We propose assumptions to explain this result which can appear paradoxical.
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La gouvernance forestière au Québec : le défi du changement institutionnel dans les systèmes socio-écologique interdépendant
Alain Fréchette
RésuméFR :
Le secteur forestier du Québec est en état de crise. Les raisons de cette tragédie émergente sont à la fois conjoncturelles et structurelles. Alors que l’origine de la crise actuelle est la plupart du temps attribuée à la refonte du régime forestier de 1986, l’histoire de la gouvernance des ressources forestières au Québec nous révèle que les problèmes auxquels ce secteur fait face aujourd’hui ne sont pas nouveaux. En effet, le caractère peu durable de l’exploitation forestière au Québec et la précarité du secteur vis-à-vis les aléas des marchés internationaux préoccupent depuis toujours les gestionnaires de la forêt de même que les acteurs sociaux, politiques et économiques de la province. Cependant, malgré les nombreux appels aux changements effectués depuis plus d’un siècle pour améliorer la soutenabilité de l’exploitation forestière, de même que l’équité des retombées socio-économiques qui en découlent, il appert que les nombreux changements effectués en marge des régimes forestiers qui se sont succédés au fil des décennies n’ont jamais parvenu à résoudre les problèmes fondamentaux auxquels est assujetti cette industrie. Face aux nombreux dilemmes environnementaux qui se dressent devant nous en ce début du 21e siècle (ex. : changements climatiques, perte de la biodiversité, pollution, surexploitation des ressources naturelles) quelles leçons pouvons-nous tirer de l’histoire de la foresterie au Québec? En d’autres mots, pourquoi est-il si difficile de changer des institutions de gouvernance et la structure des retombées qui lui sont associées une fois qu’un régime parvient à s’imposer ?
EN :
Quebec’s forestry sector is an a state of crisis. The reasons for this emerging tragedy include both conjunctural and structural elements. While the origins of this crisis are most often associated with the 1986 reform of the province’s forest regime, the history of forest resource governance in Quebec reveals that the problems affecting this sector are not new. In fact, the unsustainable nature of forest resource exploitation in Quebec and the sector’s vulnerability to sudden shifts in foreign commodity markets have always been at the forefront of concern to resource managers as well as social, political and economic actors within the province. However, in spite of ongoing calls for change over the last century to improve the sustainability of forest resource use and equity of socioeconomic outcomes, it appears as though the numerous changes enacted over the decades at the margin of succeeding forest regimes have yet to resolve the fundamental problems affecting this industry. When one considers the growing number of environmental dilemmas we now face at the onset of the 21st century (e.g., climate change, biodiversity loss, pollution, overexploitation of natural resources), what lessons can be drawn from the history of forestry in Quebec? In other words, why is it so difficult to change unsustainable governance institutions and resulting payoff structure once a regime becomes established?
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Décentralisation, gouvernance forestière et démocratie au Sénégal : y a-t-il un avant et un après 1996 ?
Ahmadou Makhtar Kanté
RésuméFR :
La loi de 1996 consacre au Sénégal, le transfert de compétences de l’État aux collectivités locales dans dix domaines dont la gestion forestière. Cette étude a pris la production de charbon de bois comme observatoire pour comprendre dans quelle mesure ce nouveau mode de gouvernance dite décentralisée promeut-elle (ou non) la démocratie locale, en rapport avec la situation d’avant 1996. Elle montre que malgré la compétence d’autorisation préalable à toute coupe dévolue aux élus locaux, les représentants de l’État à travers ses administrations territoriale et forestière, et les exploitants privés influencent encore largement les prises de décision sur l’exploitation forestière sans être soumis à l’obligation de rendre compte aux populations locales. Cet état de fait est en porte à faux avec le principe de libre administration qui implique que les choix politiques locaux soient le fait des conseils élus, dans tous les domaines à compétences transférées. De plus, il est apparu qu’il existe un lien étroit entre l’identification par les administrés de quoi leurs gouvernants sont responsables, et l’exercice qu’ils font du droit citoyen de contrôle de l’action publique locale. En son sein, le conseil local fonctionnerait mieux avec une plus grande clarification des responsabilités de l’exécutif et du reste des élus locaux, et plus de transparence dans les prises de décisions. Voilà autant de conditions pour l’avènement d’un supplément d’âme démocratique à la décentralisation politico administrative en cours au Sénégal.
EN :
In Sénégal, transfer of competencies from State to local governments through forest management decentralization has arrived in 1996. This study took the production of charcoal as observatory to understand to what point this new governance promotes (or not) the local democracy, in connection with the situation before 1996. It shows that in spite of legal power on any cut given to the rural councilors, representatives of the State through its territorial and forest administrations, and the private sector still largely influence decision makings on forest production without returning account to the local populations. This situation is contrary with the principle of free administration which implies that the local policy options must be the fact of the elected councils, in all the fields with transferred competences. It appeared too, that accountability occurs when the populations are able to charge given decisions to their representatives. In addition, the local elected council would function better with a greater clarification of the responsibilities for the executive and remainder of the others councilors, and more transparency in decision makings.
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La gouvernance de l’eau : entre procédure de concertation et régulation « adhocratique ». Le cas de la gestion de la rivière Verdon en France
Gilles Massardier
RésuméFR :
Cette communication, basée sur une enquête menée sur la rivière Verdon dans le Sud de La France, cherche à approfondir l’idée de régulations environnementales « adhocratiques », c’est-à-dire des négociations d’usages différentiés de la ressource eau hors des instances de participation/concertation prévues par la loi (en l’occurrence la loi française de 1992 sur la gestion de l’eau).
A travers le cas des relations entre industrie du tourisme (camping, rafting, kayak) et celle de la production électrique (EDF), il s’agira de décrypter les postures ubiquistes des acteurs de ces deux secteurs vis-à-vis de l’espace officiel de concertation : la Commission Locale de l’Eau (CLE).
Les enjeux importants de la gestion des rivières (lâchés d’eau des barrages par exemple) sont l’objet de négociations bilatérales, hors de la CLE, entre Electricité de France et les professionnels du Rafting par exemple, au mépris des principes de concertation et de gestion intégrés des problèmes et conflits d’usages.
Mais pour autant, la posture de ces acteurs ne saurait être pensée de manière manichéenne : soit dans la concertation, soit hors de la concertation. En effet, l’observation montre qu’ils choisissent de participer à la concertation officielle pour maîtriser ou contrôler les évolutions de la négociation interne à la CLE tout en continuant à négocier hors de ce lieu leurs intérêts vitaux (exemple des lâchés d’eau). La participation de certains acteurs, et non des moindre en terme d’impact environnemental, doit donc être analysée comme un positionnement entre participation/concertation d’une part et « adhocratie » d’autre part.
Cette ubiquité des postures n’est pas sans conséquences sur le métier des coordonateurs des politiques de l’environnement (chargés de mission CLE intégré à l’équipe du Parc Naturel du Verdon pour notre exemple) : leur quotidien consiste alors à tenter de construire une concertation via la procédure officielle d’une part, tout en essayant de repérer et d’infiltrer, et finalement de participer à leur tour aux négociations « adhocratiques » d’autre part. Autrement dit, les professionnels de la concertation se trouvent pris dans un jeu à double tranchant : celui de reconnaitre l’ « adhocratie » pour réussir la concertation. Leur posture revient alors à celle de « passeurs » entre ces deux types de régulation.
Ainsi, les instruments et procédures de concertation font l’objet d’usages et de stratégies de la part des acteurs, montrant ainsi les limites de la gouvernance environnementale basée sur le principe de concertation.
A l’aide de la reconstruction des stratégies de négociations hors et dans la CLE l’hypothèse de la gouvernance « adhocratique » de l’eau est ici postulée.
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La Loire, espace d’une gouvernance environnementale ?
Franck Huyghues Despointes
RésuméFR :
Nous sommes passés sur la Loire d’une politique principalement de l’État (énergétique, sécuritaire, économique) à une action publique multi-niveaux. Nous entendons par action publique Loire : un territoire de l’action publique à géométrie variable (la zone d’action du Plan Loire grandeur nature, le Val de Loire patrimoine mondial de l’Unesco) en fonction des politiques et des acteurs concernés. Cette action publique Loire, au contenu politique varié (sécurité, économie, environnement, patrimoine), met en scène une pluralité d’acteurs publics (État, collectivités locales) et privés (associations de protection de l’environnement).
Il faut se rappeler que cet espace devait être aménagé (quatre barrages étaient programmés) et qu’à la faveur d’un mouvement écologiste, le réseau Loire Vivante, à la fin des années 1980, ce programme a été largement revu. L’intérêt ici se situe moins sur le conflit que sur ses effets : la réorientation de l’action publique Loire et les modalités de production de cette dernière.
L’intervention de la société civile a modifié l’action publique dans ses objectifs mais aussi dans ses moyens. Nous nous accordons avec Vincent Simoulin pour penser la gouvernance comme un référentiel (au sens de Pierre Muller) de l’action publique (Simoulin, 2003).
Le débat d’idées opéré par l’intrusion d’acteurs écologistes dans le programme d’aménagement de la Loire a-t-il conduit à l’ouverture du processus de décision ? Pouvons-nous pour autant parler de gouvernance ?
Le processus de crises-conflits n’a pas donné lieu à une ouverture mais à une percolation, une transfusion, un passage des idées d’une sphère à une autre (des écologistes vers les aménageurs notamment ceux de l’Établissement public d’aménagement de la Loire et de ses affluents). Au final nous n’observons pas de renouvellement des modalités de la coopération entre acteurs. Ainsi une analyse en terme de régulation plutôt que de gouvernance se dégage.
EN :
This work analyses the Loire river policy over a thirty year period. This policy was at first meant to be a politically-driven project to spatially and economically regenerate a particular area but became later a transversal public policy whereby the environment, and then the notion of heritage, became key factors. The Loire river was approached from both a spatial perspective as well as a temporal one. Within this thesis it was necessary to reconstruct the decision making process over time in order to understand where we started from and where we are today. The Loire river public policy is a mixture of diverse purposes : regeneration of a hydrosystem, ecology, urban regeneration, landscape, the notion of heritage and the notion of world heritage. The Loire river has been a platform upon which many projects have been developed, but rarely leading to concrete results. The few results achieved are truly complex. The Loire river has been a place around which many debates, conflicts of ideology, and action have occurred.
The objective is to understand the Loire river related public policy as well as its evolution. This was done from the perspective of the changes introduced by the involvement of “territorial agents” i.e. some local public actors, as well as some ecology-driven ones. The latter took part in the gradual reshaping the public policy objectives of the area under scrutiny.
We also wanted to address the hypothesis according to which territorial governance was to be put in place. This territorial governance was to symbolize the renewal of the public policy. We wish to see if, as is often said, the sort of actions and relations between different agents involved in the Loire projects have had an impact on public policies of other geographical sites and areas.
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Les conseils consultatifs régionaux : vers une nouvelle gouvernance pour les pêches de l’union européenne ?
Sarah Lelong
RésuméFR :
La mer est aujourd’hui au coeur de grandes préoccupations environnementales : lutte contre les pollutions, réchauffement climatique et gestion des ressources. Les études scientifiques sur cette dernière question sont de plus en plus alarmantes et laissent envisager un avenir sombre pour les ressources halieutiques mondiales sur du court terme. Après une course effrénée vers des technologies et techniques de pêche toujours plus importantes depuis les années 70, le problème de surcapacité des flottes mondiales a conduit à celui de la surexploitation que connaissent près de 75% des stocks exploités dans le monde.
La politique communautaire des pêches de l’Union européenne tente de prendre en compte les considérations environnementales depuis sa dernière réforme de 2002. Mais la tâche est complexe du fait des nombreux conflits existants entre les acteurs concernés par la question (scientifiques, professionnels du secteur de la pêche, décideurs politiques…). De ce constat sont nés les conseils consultatifs régionaux (CCR), structures de dialogue entre les différents acteurs impliqués à un niveau pertinent de décision et d’échange. Ces conseils travaillant en effet sur une échelle régionale, ils permettent l’implication des professionnels au processus de décision communautaire en matière de pêche et ainsi une meilleure acceptation de la norme et de ses considérations environnementales. Un premier bilan de leurs travaux actifs depuis quelques années permet d’espérer que l’on parvienne à une nouvelle forme de gouvernance.
EN :
Oceans and fisheries all over the world are endangered by threats as pollutions, global warming and overfishing. Scientists are more and more worried about the dangerous evolution of these problems. Since the 70’s, the technological growth and the incredible progress on fishing gears lead the worldwide fleet to overcapacity and overexploitation of almost 75 percent of fish stocks.
The European common fisheries policy tries since 2002 to have a better acceptance of environmental concern. But the problem is very complexe because of so many conflicts between the stakeholders (scientists, fishermen, decision-maker…). As a consequence, the regional advisory councils (RACs) were created as communication cells between the different bodies engaged into the decision-making process and information exchange. Since these cells are working at a regional level, they enable the participation of professional to the Communitarian decision process in the field of fisheries and then facilitate the acceptation of rules as well as environmental objectives. A first assessment of their active work in the last past years can justify good hope towards a new way of governance.
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La place des organismes interétatiques de bassin dans la gouvernance de l’eau partagée
Vanessa Richard
RésuméFR :
Les organismes interétatiques de bassin devraient, dans une logique de gestion intégrée des ressources en eau, chapeauter la gouvernance de la gestion de l’eau partagée. En réalité, lorsque ce rôle est prévu par les textes qui les instituent, il existe un décalage important entre ces derniers et une réalité infiniment plus complexe. Beaucoup d’organismes interétatiques de bassin échouent à jouer leur rôle de directeur de la gestion, un échec dans lequel trois raisons paraissent déterminantes. Premièrement, ils ne sont, dans la plupart des cas, pas dotés des outils leur permettant d’asseoir cette gouvernance, c’est-à-dire de moyens de contrôle a priori et a posteriori pour garantir la mise en oeuvre de leurs engagements par les États du bassin. Deuxièmement, lorsque l’organisme de bassin rassemble des États émergents ou en développement, le rôle central joué par les bailleurs de fonds dans la planification des activités et le fonctionnement de ces organismes est un facteur important de dispersion ou de délocalisation du pouvoir décisionnel, que l’on considère l’aide publique au développement ou l’investissement privé. Enfin, le manque de participation directe de toutes les catégories d’usagers de la ressource génère un décalage entre les besoins et les activités, préjudiciable à la légitimité des organismes de bassin.
EN :
From an Integrated Water Resources Management point of view, international basin organizations should head the governance of shared water resources management. In practice however, when the instruments which institute these organizations make provision for such a role, there is a gap between the texts’ provisions and a much more complex reality. Many international basin organizations fail to play their role of supervisor of water management. Three reasons appear to account for this failure. First, in most cases they are not given the tools which would allow them to build their governance, that is to say they do not have enough a priori and a posteriori control means to ensure the basin States’ implementation of their commitments. Second, when international basin organizations gather emerging or developing countries, the leading role of financing partners in the planning of activities and the functioning of these organizations can result in a decision-making power dispersal or relocation, whether the financing comes from official development assistance or from private investment. Finally, the lack of direct participation of all stakeholders creates discrepancies between needs and activities which are prejudicial to the legitimacy of basin organizations.
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La valorisation des cours d’eau en Normandie : un exemple de gouvernance locale
Nathalie Alexandre-Bourhis, Chantal Rouvrais-Charron et Françoise Perdrieu-Maudiere
RésuméFR :
D’inspiration gestionnaire, l’article s’attache à mettre en relief certaines difficultés inhérentes à l’application du concept de développement durable. A partir de l’analyse d’un projet de protection des cours d’eau et de développement du tourisme de pêche en Normandie (France), l’objectif est de souligner certains aspects de la problématique à laquelle sont confrontées les collectivités locales. Ce travail de recherche montre que l’équilibre entre protection des milieux naturels et développement économique dépend de la capacité des acteurs publics et privés à concevoir un mode de gouvernance approprié. La question des formes d’organisation à concevoir ainsi que celle de leur évolution temporelle sont au coeur de la problématique.
EN :
This paper develops a management perspective and sets out to throw into relief some difficulties inherent in the implementation of the concept of sustainable development. It aims to highlight certain aspects of the problems facing local authorities, on the basis of the analysis of a project bearing on the protection of watercourses and the promotion of fishing tourism in Normandy (France). This research demonstrates that equilibrium between the protection of natural milieus and economic development is dependent on the capacity of public and private stakeholders to establish appropriate methods of governance. The issues of the forms of organisation to be devised, and how they develop over time, are at the heart of the matter.
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L'intégration des changements climatiques dans les politiques publiques locales : le cas du golfe du Morbihan
Betty Queffelec
RésuméFR :
La manifestation des premiers effets des changements climatiques, notamment en zones côtières, presse l'adoption d'une stratégie sur le long terme, et ce à tous les niveaux de décision. Bien que des perturbations soient inévitables, le doute persiste quant à leur ampleur et leurs manifestations locales. Elles dépendront en partie de nos capacités de réaction, en particulier relativement à une limitation des émissions de gaz à effet de serre. Perçu il y a peu encore comme lointain et hypothétique, le phénomène se concrétise progressivement.
Le questionnement croissant des collectivités locales est exacerbé par des contextes pressants : international (Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques et le Protocole de Kyoto), européen (paquet climat énergie) et national (Grenelle de l'environnement). Leur volonté d'action peut se concrétiser, en France, au moyen d'un outil spécifique, le "plan climat territorial". Toutefois, la transversalité du sujet déborde ce seul cadre d'action ; ainsi, la région Bretagne a intégré la préoccupation climatique notamment dans le projet de parc naturel régional du golfe du Morbihan mais aussi dans son "plan énergie pour la Bretagne ".
Les stratégies développées dans ces textes résultent de la construction des enjeux locaux en matière climatique. Les mesures adoptées au niveau local visent principalement la limitation des émissions de gaz à effet de serre, mais des mesures d'adaptation commencent à apparaître. Ces stratégies résultent d’une approche prudente, optimisant les chances de succès face à un enjeu nouveau et entouré de nombreuses incertitudes.
EN :
First climate change effects, especially in the coastal zone, stress the adoption of a long term strategy at all decision levels. Even if disruptions are unavoidable, there are still doubts concerning their extent and local effects. They will partly depend on our reaction capacities, especially concerning the mitigation of greenhouse gas emissions. Even quite recently perceived as distant and hypothetical, gradually the phenomenon is beginning to take shape.
The increasing concern of local collectivities is stressed by its context: international (United Nations Framework Convention on Climate Change and Kyoto Protocol), european (climate energy package) and national (Grenelle de l'environnement). In France, their willingness of action can become concrete through a specific tool, the territorial climate plan. But, the cross-cutting feature of the subject overflows this framework. The Bretagne region strongly integrate climatic concern especially in the Morbihan gulf regional natural parc project and in its energy plan. Strategies developed in those texts are elaborated following the building of climate stakes at local level. Dispositions adopted at local level aim essentially to mitigate greenhouse gaz emissions but adaptation measures begin to appear. Those strategies are the result of a cautiousness approach which optimize chances of success in front of a new stake with a lot of uncertainties.
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La gouvernance locale à l’épreuve des migrations dues aux changements climatiques : cas des rapports entre conseils villageois de développement et chefs traditionnels au Burkina Faso dans la gestion des conflits sociaux
Habib Ahmed Djiga
RésuméFR :
Le Burkina Faso est touché par les changements climatiques. Ceci entraîne une baisse de la pluviométrie. En territoire agricole, cela conduit à des mouvements de population des zones arides vers les zones les plus fertiles. Ces migrations provoquent des conflits sociaux entre migrants et autochtones. Cette recherche veut contribuer à éclairer le processus de résolution de conflits intervenant entre les conseils villageois de développement (CVD) et les chefs traditionnels. Les premiers, créés dans le cadre de la "modernisation" de la gouvernance locale, sont un relais entre le pouvoir central et les populations. Quant aux seconds, bien qu’occultés par l’appareil d’État, ils jouent un rôle primordial dans la vie des populations. Au moyen d'entrevues semi-dirigées et d'observation participante, il s’agissait d’aborder les rapports qui existent entre les CVD et les chefs traditionnels dans la gestion des conflits qui naissent relativement aux migrations dues aux changements climatiques et d'étudier les modalités de résolution de ces conflits. Nos résultats démontrent que les changements climatiques entraînent des migrations; ensuite, que ces migrations créent un conflit au sein des groupes sociaux ou ethniques; enfin, nous avons mené la réflexion autour de la gestion des crises causées par les migrations dues aux changements climatiques par les CVD et les chefs traditionnels, qui en principe, sont des instances incompatibles.
EN :
Burkina Faso, a small country in West Africa, is hard struck by climate change. Declining precipitation has affected agriculture and lead to the migration of populations from dry areas towards more fertile territory. These migrations have provoked social conflicts between migrants and aboriginals. This research wants to shed light on the conflict resolution processes used between the village development committees (Conseil villageois de développement (CVD)) and traditional leaders. The committees were recently created as a result of the government’s local governance modernization strategy and are to represent the link between the central government and local populations. Traditional chiefs on the other hand, although withdrawn from the strategy, still play a fundamental role within the community. Using semi-directed interviews and participatory observation, an in-depth look at the relations between CVDs and traditional leaders in the management of conflicts resulting from migrations was conducted. Results confirm that climate change is the cause of population migration and that these in turn cause social conflicts between different ethnic groups. Also, we have examined the management of conflicts by both bodies which appear to be distinct and incompatible.