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Par son contenu et le public auquel il s’adresse, l’ouvrage L’école d’antan, 1860-1960, se situe dans le sillage de la publication 300 ans de manuels scolaires au Québec (Québec : PUL, 2006), dirigée par le bibliographe et historien Paul Aubin. Robert Cadotte et Anik Meunier ont eux aussi voulu représenter la réalité passée des écoles québécoises, et ce, au moyen d’une sélection de reproductions d’artéfacts de l’exposition du même nom présentée au Musée du Château Dufresne jusqu’en mai 2012. L’idée de réaliser ce joli livre vient aussi d’abondantes recherches parues dans les huit tomes de l’Histoire d’Hochelaga-Maisonneuve qu’ont publiée Robert Cadotte, Paul Labonne et Colette Noël, en 2011.
L’ouvrage couvre la période 1860-1960, soit 100 ans d’histoire scolaire qui débutent par les travaux du Conseil de l’Instruction publique du Québec et, surtout, par le déménagement de la maison mère des Soeurs des Saint-Noms de Jésus et de Marie au Couvent d’Hochelaga, première école du village du même nom. L’année 1960, avec l’entrée au gouvernement des Libéraux de Jean Lesage, marque surtout le début d’un profond renouveau du champ de l’éducation au Québec.
Les auteurs évoquent en treize chapitres des « témoins tant matériels qu’humains » (p. VIII) du passé scolaire d’Hochelaga-Maisonneuve. Utilisant de superbes reproductions photographiques de groupes d’élèves, de manuels scolaires, d’écoles, d’uniformes d’écoliers, d’habillement religieux, de travaux d’élèves, d’images pieuses, de médailles de mérite, notamment, les auteurs se sont en effet attardés à de nombreuses facettes qui composaient la vie à l’école dans ces deux quartiers montréalais. En dépit du fait que l’image est prépondérante, une brève introduction précède chacun des chapitres et des commentaires accompagnent les différentes représentations retenues.
Au chapitre 1, portant sur les enseignants, les auteurs évoquent les Soeurs des Saint-Noms de Jésus et de Marie, les Frères des Écoles Chrétiennes et les maîtres laïcs au moyen surtout de l’habillement. La forte « présence religieuse à l’école » est notamment illustrée par des pages du catéchisme et de manuels de bienséance, des photographies de premières communions, de fêtes religieuses à l’école et de groupes de croisées et d’enfants de Marie. Le chapitre 3 évoque « La condition enseignante » et met en évidence l’horaire quotidien d’un frère enseignant et l’importante diversité des salaires versés aux enseignants religieux et laïcs, protestants et catholiques et, bien sûr, aux hommes et aux femmes laïques.
Pour montrer « L’élève en classe» (ch. 4), les auteurs ont reproduit de nombreuses photographies de groupes d’écoliers et des artefacts des pupitres et de matériel scolaire (sacs d’école, ardoise, cahier, coffrets à crayons). Au chapitre 5 portant sur le « matériel de l’enseignant », le lecteur revivra l’impression à la gélatine, la « stencileuse » ou machine à alcool et l’épiscope qui servait à projeter des images.
Des moyens utilisés pour susciter « La discipline et la motivation » (ch. 6), les auteurs ont retenu le fameux claquoir, la clochette, la monnaie scolaire, les médailles de mérite, les images, les autocollants, sans oublier la « strappe » qu’ont connu plusieurs écoliers. Plusieurs pages sont aussi consacrées aux bulletins scolaires et à l’importance accordée aux différentes matières. Ainsi, en 1950, en 3e année, la religion compte pour 20 %, le français pour 40 %, les mathématiques pour 30 % et les « autres matières » (langue seconde, Histoire du Canada et géographie) pour 10 %.
Au chapitre 7, consacré à l’expression du patriotisme, les auteurs relèvent les différentes perceptions et attitudes des anglo-protestants et des franco-catholiques par rapport à plusieurs symboles et événements, tels que le drapeau et la Seconde Guerre mondiale. Puis, ils abordent la question de la santé, de l’hygiène et du sport. Est reproduit le certificat de vaccination antivariolique nécessaire à la réintégration de la classe. On apprend que l’amiante était en 1918 « considérée par tous les services publics comme parfaitement sécuritaire » (p. 129). Bien que peu d’écoles offraient un cours d’éducation physique avant 1960, des photographies montrent toutefois des garçons faisant partie d’équipes de balle molle, de ballon panier ou de ping pong. Quant aux filles, même si elles sont représentées jouant au croquet au couvent d’Hochelaga en 1874, leurs activités para scolaires se limitent à la broderie, à la lecture et à la marche.
Le chapitre 9 porte sur l’uniforme des élèves, obligatoire dans les écoles tenues par des soeurs et des frères enseignants. Il suit la mode jusqu’en 1910, puis il devient sévère sous Mgr Bruchési. À partir des années 1930, l’uniforme sera interdit par la CECM parce que trop coûteux pour les familles défavorisées (p. 147). La fréquentation scolaire et le décrochage sont ensuite évoqués, les auteurs rappelant l’absentéisme élevé des années 1920 au primaire et la faible obtention du diplôme d’études primaires, particulièrement au sein des familles franco-catholiques où le travail des enfants est d’une absolue nécessité.
Le chapitre 11 porte sur l’enseignement récent des sciences naturelles. Soulignons la reproduction de l’herbier utilisée par une religieuse des SNJM et les tableaux de sciences naturelles des Frères des Écoles Chrétiennes. Les auteurs consacrent ensuite de forts belles pages aux manuels de géographie, d’arithmétique, d’histoire sainte, de catéchisme, de lecture, de mathématiques, d’histoire, d’anglais et de « politesse » (p. 180). Un dernier chapitre réunit plusieurs photos des écoles d’Hochelaga-Maisonneuve, un quartier dont les écoles actuelles ont toutes été construites entre 1911 et 1962.
On peut reprocher à ce bel ouvrage, l’absence d’une véritable bibliographie, son coût relativement élevé, un plan qui réunit parfois difficilement des thèmes éclatés et certains commentaires sur un passé déjà connu. Et, surtout, le lecteur découvrira essentiellement l’école d’Hochelaga-Maisonneuve et non pas celle du Québec. Il reste qu’il s’agit d’un petit livre intéressant, particulièrement pour la diversité des thèmes abordés, la présence d’une chronologie et la grande qualité des représentations choisies.