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André Corboz, Lucie-K. Morisset (2010). De la ville au patrimoine urbain : histoires de forme et de sens, Québec, Presses de l’Université du Québec, 315 pages[Notice]

  • Johanne Brochu

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  • Johanne Brochu
    Professeure, École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional, Université Laval

L’initiative de Lucie K. Morisset de rassembler dans un seul ouvrage certains textes parmi les plus importants d’André Corboz doit être saluée. L’ouvrage offre des qualités qui à la fois répondront aux attentes des chercheurs et feront le bonheur des passionnés d’architecture et d’urbanisme. Plaisir de lire et rigueur d’analyse sont ici intrinsèquement liés. Avec un esprit agile et une plume élégante, Corboz, historien de l’architecture et de l’urbanisme accompli, offre des réflexions profondes sur nos façons d’appréhender et de concevoir les formes bâties. Ses riches études ouvrent sur des questions fondamentales qu’il aborde de front avec une rigueur exemplaire. Si elles rejoignent d’emblée les historiens, elles ne s’y limitent pas, bien au contraire. Elles trouvent écho chez tous ceux, universitaires et praticiens, chercheurs et penseurs interpellés par l’aménagement, et ce, toutes disciplines confondues. Ici, le regard de l’histoire contribue à mieux comprendre l’articulation des savoirs et des pratiques : la mise en évidence de rapports entre penser et faire l’architecture et la ville, à un moment donné de l’histoire d’une communauté, constitue une étape cruciale dans le développement d’une réflexivité, notamment en cours d’action, et d’une rigueur scientifique. De plus, alors qu’il cherche à mieux saisir ce que ces formes révèlent des rapports entre l’humain et la culture, les façons mêmes de les étudier retiennent aussi son attention. Tenant de l’approche critique, inscrit dans une perspective phénoménologique affirmée, André Corboz propose des analyses qui participent d’une réflexion épistémologique qui demeure d’une actualité percutante. Les textes choisis rappellent tous l’importance de la réflexion théorique et la fécondité de la démarche de recherche ample et souple qu’elle appelle, voire qu’elle exige. Ceci a une résonnance toute particulière à une époque où les impératifs de l’économie du savoir et de l’efficience ajoutent encore plus à l’attrait des méthodes de recherche positives et strictement codifiées. Cette démarche, qu’André Corboz appelle sa « dérive de chercheur », tire parti d’explorations sur les chemins de travers aux destinations inconnues et a priori improbables. Empreintes de poésie et de créativité, ces explorations, lorsqu’associées à la rigueur de l’analyse critique, permettent de dévoiler une intuition, de la développer et d’esquisser ainsi la conceptualisation de phénomènes nouveaux. Ou encore, comme le montrent plusieurs des textes de l’ouvrage, s’agit-il, bien souvent, de revisiter ceux pris pour acquis et en découvrir des ramifications insoupçonnées, pour oser penser le non pensé. Pour reprendre les termes clairs de l’introduction, cette ampleur de la démarche vise à : Tant la structure de l’ouvrage que les textes liminaires servent cet objectif. Une introduction, composée de deux textes qui reprennent en quelque sorte les deux faces de la réflexion corbozéenne, va dans le sens de la perspective phénoménologique annoncée et l’assume ainsi. Un premier texte signé par Lucie K. Morisset est résolument plus théorique et tient d’une préface plutôt musclée. Puis, un entretien conduit par Thierry Paquot permet de faire connaissance avec André Corboz et déjà cerner sa démarche. Empruntant à la biographie et adoptant un ton plus sensible, le penseur chercheur y raconte avec candeur comment, au fil d’un cheminement nourrit de découvertes imprévues, sources de nouveaux intérêts et questionnements, il est devenu historien. Aussi, non seulement y présente-t-il certaines de ses positions, mais les commente, les discute. Une postface signée Paola Vigano, par l’entremise d’un parallèle avec la notion de « connoisseur » qui désigne au XVIIIe siècle un chercheur « indiscipliné » mué par une curiosité insatiable, fait ressortir la portée de l’érudition d’un André Corboz. Garante d’une grande rigueur, cette érudition permet le déploiement d’une démarche nécessairement libre et en assure, par la force des choses, la fécondité. Les textes sont …