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À mi-chemin entre l’album d’histoire institutionnelle et la brochure de promotion des politiques actuelles de l’institution, ce document a été publié par l’Union des municipalités du Québec (UMQ) pour commémorer son 90e anniversaire. Abondamment illustré, cet essai rédigé par Martin Rivest comprend deux parties différentes par le contenu et par le ton. Les trois premiers chapitres proposent une histoire thématique et chronologique de l’UMQ articulée à trois grandes questions : les relations entre l’UMQ et le gouvernement du Québec, l’enjeu de la décentralisation/centralisation et la fiscalité municipale. Ces pages permettent de suivre les grands événements de l’histoire de l’UMQ tout en donnant des repères utiles sur l’histoire des municipalités du Québec. Les trois derniers chapitres sont consacrés aux orientations actuelles de l’UMQ et aux perspectives du monde municipal québécois sous trois dimensions : les nouvelles problématiques de la vie communautaire (immigration et urbanisation des communautés autochtones, patrimoine et culture, mobilisation citoyenne), l’environnement et le développement durable, l’occupation du territoire.
Tout en proposant un survol historique intéressant, cet essai se veut avant tout une « ode aux fondateurs et à tous ceux qui à leur suite […] ont oeuvré à la [l’UMQ] bâtir puis la fortifier» (p. 15). Une grande place est donc donnée aux entrevues avec quelques personnalités du monde municipal (maires et ex-maires, ministres et ex-ministres). Les mémoires de l’UMQ depuis sa fondation, la revue Urba et les rapports de commission d’étude et d’enquête depuis la Commission Tremblay de 1954 représentent l’autre source principale de données. Par contre, les travaux des historiens, géographes, politologues et autres spécialistes des études urbaines ont été peu utilisés.
L’essai de Martin Rivest est instructif en ce qu’il rend compte des préoccupations et des prises de position de l’UMQ depuis sa fondation en 1919. Il nous permet de suivre les débats entre les maires des municipalités urbaines et les divers gouvernements provinciaux (de Lomer Gouin à Jean Charest) qui se sont succédés à Québec. Cette perspective rend compte de la nature profonde de l’UMQ : un groupe de pression actif sur la scène provinciale pour faire valoir les intérêts et les besoins des municipalités urbaines. Encore qu’il faille déplorer qu’à trop vouloir épouser le point de vue de l’Union, l’auteur ne prend pas toujours la peine de rapporter tous les éléments pertinents pour ne retenir que des morceaux choisis. C’est par exemple le cas du débat sur la tarification qui n’est certainement pas traité avec toutes les nuances qui s’imposent—les positions respectives du gouvernement du Québec, d’une part, et de l’UMQ et du monde municipal, d’autre part, n’étant pas aussi simplement contraires et opposées que ce qui est prétendu au chapitre 3. Aussi, cette vision trop souvent dichotomique des relations provinciales-municipales amène malheureusement l’auteur à verser dans la polémique. C’est notamment le cas quand il dénonce sommairement « la ‘petite noirceur’ qu’elles [les municipalités] ont dû traverser le temps que passe la Révolution tranquille » (page 103).
Cela dit, le survol historique proposé permet de saisir à quel point, pour le monde municipal québécois, la notion d’autonomie est d’abord, avant tout et presque exclusivement une affaire de fiscalité. « Est advenue l’heure où cette autonomie municipale revendiquée et défendue dès son origine sans désignation par l’UMQ reçoit son qualificatif : fiscale. » (p. 65) En plaçant ainsi la question de la fiscalité au centre de la revendication d’autonomie municipale, l’auteur est amené à illustrer le conservatisme tranquille et le relatif immobilisme du monde municipal québécois pour qui « persister persuade ». Dans son prologue, l’auteur se permet même l’observation suivante : « cependant … qu’il soit dit entre nous, l’histoire des municipalités, de décennie en décennie, radote un peu » (p. 15). Cela rejoint le fait qu’au Québec, comme dans l’ensemble du Canada d’ailleurs, le monde municipal adhère à la thèse de l’apolitisme municipal qui se traduit par la volonté de cantonner les municipalités dans le rôle d’administrations locales et de mettre en sourdine leur potentiel comme gouvernement d’une collectivité territoriale.
On comprend alors que la démocratie municipale qui coiffe le titre du chapitre 2 est ramenée à la double question de la « centralisation/décentralisation du pouvoir, des deniers publics et des responsabilités à partager » à l’exclusion de l’examen du cadre électoral et de la participation politique des citoyens à l’échelle municipale. La démocratie municipale dans ce contexte se ramène à une question de proximité de la gestion des services publics et non pas à l’expression d’un programme politique. Si une telle approche est significative de la qualité de la démocratie municipale québécoise telle que perçue et promue par les édiles (maires et conseils municipaux), il aurait été nécessaire de l’assortir d’un examen critique des débats, des réalisations et des enjeux qui ont marqué l’histoire et qui se posent aujourd’hui.
Car la relative mise en échec du monde municipal—déplorée tout au long de l’essai—ne se résume pas à une seule histoire de fiscalité ou, plus exactement, de partage fiscal. En effet, cette question des règles de l’exercice de la démocratie municipale a aussi marqué l’histoire politique et sociale du Québec depuis Lord Durham. S’il y a eu résistance de la part des contribuables à l’implantation des municipalités comme machines à taxer, il y a eu aussi résistance de la part des maires et des municipalités au développement des municipalités comme ‘machines démocratiques de gouvernement’.
Il faut aussi déplorer le peu d’attention portée à la Fédération québécoise des municipalités (FQM). Le monde municipal québécois ne se limite pas à l’UMQ, loin s’en faut, comme le laisse entendre l’auteur dans son prologue. Les assises politiques et territoriales de l’Union sont essentiellement en milieu urbain (bien qu’il y ait eu un certain élargissement du membership de l’UMQ ces dernières années) pendant que le monde des municipalités rurales et des municipalités régionales se reconnaissent plutôt dans la FQM. Aussi des municipalités urbaines parmi les plus importantes ont parfois boudé l’UMQ—comme ce fut le cas des banlieues regroupées sous l’Union des municipalités de banlieue de Montréal (UMBM) dans les années 1990 et, depuis 2004, de la Ville de Montréal.
Une autre déception concerne les défauts de la présentation. En premier lieu, l’essai est écrit dans une langue souvent indigeste avec une volonté trop manifeste de faire de l’effet de style, ce qui se traduit souvent par des phrases trop longues et mal construites. Un peu plus de simplicité aurait fait bon effet et une révision linguistique aurait été de mise. D’autant que les coquilles et les fautes sont assez nombreuses. Au premier abord, l’abondance des illustrations séduit. Toutefois, il faut déplorer qu’à l’exception des photos de dirigeants de l’UMQ ou de personnalités politiques québécoises et municipales, ces photos ne sont pas véritablement reliées au texte. Elles décorent plus qu’elles n’ajoutent au propos. Par ailleurs, les légendes et attributions des photos (pages 158–159) sont incomplètes et plusieurs fois erronées. Finalement, un peu de cartographie n’aurait certainement pas fait de tort.