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Montenach, Anne. Espaces et pratiques du commerce alimentaire à Lyon au XVIIe siècle. Léconomie du quotidien. Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, coll. « La Pierre et l’Écrit », 2009. 415 pages[Notice]

  • Benoît Lafleur

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  • Benoît Lafleur
    Département d’histoire, Université du Québec à Montréal

Issu d’une thèse de doctorat, l’ouvrage d’Anne Montenach se situe dans le sillage de la nouvelle histoire sociale des villes, croisant grilles d’analyse économique et sociale et accordant le primat de la recherche aux « expériences individuelles pour tenter de reconstituer la complexité des liens qui forment la trame des échanges » (p. 177). Ces expériences sont analysées tant dans leurs dimensions spatiales que sociales, à travers les concepts d’espace et de pratique : espaces du corps commercial alimentaire de la ville de Lyon, multiple et diversifié, et pratiques vécues auquotidien par l’ensemble des acteurs. L’historienne montre que toutes les pratiques commerciales s’inscrivent dans un système de souplesse et de compromis, formant ainsi une symbiose tacite au coeur des lieux de convergence, délimités par une réglementation imposée et centralisée par les autorités de la ville. L’ouvrage se divise en trois parties : 1) L’espace négocié 2) Les acteurs de l’échange et 3) Les règles du jeu marchand à Lyon. Son cadre temporel est balisé par la grande ordonnance de police de juin 1640 et le début du XVIIIe siècle avec la crise frumentaire des années 1709–10. Fondamentalement dynamique, lespace négocié montre que rien, sur le terrain des échanges, n’est acquis et que rien ne peut assurer à l’individu ou au groupe la garantie de la pratique du droit de jouissance dans l’espace qu’il occupe, car « tout est négociation ». Accéléré au XVIIe siècle par les tentatives de contrôle et de monopolisation du pouvoir que s’attribue le Consulat lyonnais, le développement d’une logique de la négociation par les différents acteurs du circuit de l’échange alimentaire s’inscrit dans un enchevêtrement de règlements et à travers les divers espaces d’une topographie formelle et informelle du commerce. À l’intérieur de cet espace marchand apparaissent sporadiquement les marques de l’éphémère qui revendiquent leur droit d’occupation, voire de permanence. C’est le cas des petites boutiques de bois, d’abord étals volants ayant pignon sur rue, qui connaissent leur essor après 1640. À ces lois et ces pratiques du contrôle du commerce s’ajoutent leurs transgressions. C’est dans les pratiques souterraines de l’espace commercial qu’innove le plus cet ouvrage. Le monde clandestin nécessite l’apport d’un réseau et d’un circuit pour être efficace. Les multiples cas répertoriés, toujours manifestés à l’intérieur des limites du processus formel d’échange, rendent impossible la délimitation d’une « frontière étanche » entre l’économie du légal et de l’illégal (p. 100). L’auteure suit le méandre des « usages antagoniques de l’espace » (p. 71) des pratiques commerciales : l’accaparement des denrées, la complicité ou la complémentarité des métiers et des acteurs, les lieux fermés de l’échange, bref toutes les formes de transgressions potentielles qui s’activent pour offrir les traces d’une « résistance aux tentatives répétées de normalisation » (p. 92). D’un système législatif apparemment stricte et uniforme, ressort paradoxalement un système souple, où les tolérances et les permissions ne sont pas choses rares et où les acteurs s’arrogent ou dérogent à des pratiques en justifiant constamment leurs droits, venant ainsi ponctuer et nuancer l’ensemble des espaces et des pratiques. L’économie parallèle est tolérée par des « petits arrangements avec la loi » (p. 270) qui font tous participer les acteurs, de près ou de loin, à cette fusion des marchés économiques alimentaires. Une grande place est laissée aux « règles du jeu marchand », structure apparente des échanges sur le terrain des politiques édilitaires du marché. La volonté de contrôler et de discipliner le commerce alimentaire répond à une politique de stabilité, l’élite urbaine redoutant particulièrement les émotions populaires comme ce fût le cas lors de la GrandeRebeyne …