Comptes rendus

Esra Akcan. Architecture in Translation: Germany, Turkey, and the Modern House. Durham, Duke University Press, 2012, 408 p.[Notice]

  • Erin Zoellner

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  • Erin Zoellner
    Université Laval

Dans Architecture in Translation: Germany, Turkey, and the Modern House, Esra Akcan se penche sur le caractère traduisible des concepts d’architecture moderne et d’urbanisme, en mettant en lumière l’histoire entremêlée de l’Europe et de l’Asie occidentale et en offrant de nouvelles façons de comprendre le rôle que joue l’architecture dans la traduction de la culture, de la justice mondiale et des enjeux environnementaux. Architecte turco-américaine, Akcan est professeure au département d’architecture de l’Université Cornell et rattachée au Centre Mario Einaudi d’études internationales, dont elle a été la directrice de 2020 à 2021. Elle a rédigé plus de 150 articles et publié cinq livres, Building in Exile—Bruno Taut : Turkey 1936-1938 (2019, avec Bernd Nicolai) étant le plus récent. Le livre qui fait l’objet de la recension étend la notion de traduction au-delà de la langue, pour y inclure les domaines visuels comme l’art et la conception métaphorique de la traduction comme dynamique d’échanges interculturels produite lorsqu’un style architectural étranger et moderne est introduit dans une culture ancienne. La monographie d’Akcan nous fait découvrir le rôle incontournable de la traduction dans la modernisation architecturale de la Turquie au XXe siècle. Dans les années 1920-1930, la plupart des architectes travaillant sur des projets turcs les conçoivent sans quitter leur pays d’origine, en communiquant par d’innombrables lettres traduites. Ce dialogue multilingue sera à la base de nombreux malentendus, mais il permettra aussi un échange d’idées, de cultures et de concepts architecturaux. En effet, dans sa transition de l’Empire ottoman au nationalisme kémaliste, la Turquie cherche à se moderniser en se tournant vers l’Europe et, par le fait même, à adhérer à une vision plus occidentale de l’état aux niveaux politique, culturel et architectural. Istanbul perd son titre de capitale en faveur d’Ankara en 1923; par conséquent, de nouveaux édifices gouvernementaux sont nécessaires et un grand nombre de bâtiments et de quartiers résidentiels voit le jour. Afin de couper les ponts avec l’ancien régime et sa capitale impériale, un plan d’urbanisme moderne et de développement régional est mis en place pour la nouvelle cité d’Ankara. Invités à moderniser et à européaniser ses bâtiments, les architectes étrangers cherchent à traduire une nouvelle vision moderniste issue à cette époque de l’Allemagne, de l’Angleterre et de la France. L’architecte allemand Hermann Jansen remporte le concours d’urbanisme et de nombreux architectes allemands sont engagés pour réaliser des projets d’envergure. Malgré la volonté d’importer des concepts architecturaux d’Europe, un certain nombre d’architectes turcs souhaitent ralentir la cadence de construction et réfléchir plus exhaustivement à la question de traduction de la culture, des valeurs, du symbolisme et des méthodes de construction de ces nouveaux édifices. Pourquoi importer l’architecture moderniste européenne qui est, selon eux, froide, sans âme, cubiste et mal adaptée à la réalité turque? N’ont-ils pas plutôt intérêt à garder l’esprit turc et à traduire architecturalement le modernisme allemand? L’auteure note qu’un choix semblable se pose à plusieurs reprises dans les traductions architecturales : un architecte doit-il intégrer autant que possible les influences extérieures dans la culture locale, surtout si celles-ci sont bien différentes de la culture initiale, plus ancienne? En d’autres mots, doit-il maintenir une continuité et une homogénéité dans le contexte existant ou doit-il, au contraire, intentionnellement mettre en lumière les différences et les chocs culturels, en introduisant de nouvelles idées et des concepts innovants pour rompre la continuité et instituer une nouvelle traduction? En poussant plus loin, nous pourrions même nous demander, à l’instar d’Esra Akcan, s’il est possible de traduire des mouvements architecturaux ou s’il y a des concepts qui seront toujours jugés intraduisibles? En posant ces questions, l’auteure nous invite à …

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