L’ouvrage Voice and Versification in Translating Poems se veut une réponse à l’idée convenue que la traduction de la poésie est une tâche impossible. Faisant valoir que cette intraduisibilité supposée découle d’une division erronée entre le fond et la forme en poésie (à savoir que cette division n’a pas lieu d’être), James W. Underhill aborde la question en trois temps, d’abord en déconstruisant la conception classique de la forme en poésie dans la partie « Versification », puis en la reconstruisant en tandem avec le fond dans la partie « Form and Meaning in Poetry Translation » et enfin en utilisant l’approche de traduction qu’il préconise pour commenter des traductions de Baudelaire et de Dickinson dans la dernière partie, « Case Studies ». Dans la première partie, la plus volumineuse et la plus théorique du livre, Underhill fait valoir que la forme ne doit plus être considérée comme un aspect secondaire de la poésie ou, inversement, comme la seule caractéristique de ce genre littéraire. S’appuyant sur les travaux d’Henri Meschonnic, il montre comment la voix poétique jaillit de l’alliance entre le sens et la forme. C’est-à-dire que la forme n’est ni une béquille sur laquelle s’appuie le sens ni un cadre préétabli dans lequel le poète doit insérer ses mots. Fond et forme sont en symbiose, l’un alimentant l’autre pour créer un tout. À ce titre, Underhill insiste bien que la forme ne peut se réduire à la simple métrique : elle comprend également d’autres structures et procédés, comme l’allitération, le rythme et l’accentuation. Underhill procède ensuite à une analyse comparative de l’utilisation de la forme en poésie en anglais et en français, soulignant les procédés propres à chaque langue. L’analyse de l’accentuation et de son usage dans les deux langues est fort pertinente et met en lumière des différences fondamentales dans les modes d’expression poétique du français et de l’anglais (l’anglais ayant recours à la « promotion » et la « demotion » tonique des syllabes, et le français, à la diérèse et à la synérèse). Les deux derniers chapitres de la première partie présentent une analyse approfondie de la métrique, de la rime et d’autres structures internes des poèmes (les figures de répétition, la manipulation des syllabes, la rime interne) pour dégager leur utilité et leur effet sur le sens et la voix poétique. Ayant bien expliqué sa conception de la forme, Underhill consacre la deuxième partie de l’ouvrage à analyser l’interaction entre fond et forme. C’est ici qu’il propose une approche à la traduction qui vise une fidélité à la fois au sens et à la forme. Pour lui, la forme ne doit pas être un carcan qui brime la voix poétique et le sens ne doit pas être la seule priorité du traducteur au point où il abandonne toute considération formelle. Tout au long de cette partie, Underhill appuie ses arguments sur des exemples de la poésie classique française et anglaise et propose une analyse des traductions pour souligner à la fois les bons réflexes de traduction et les passages qui auraient mérité plus de travail. Il y a lieu de souligner que l’auteur offre en exemple des traductions de son cru afin d’illustrer son approche où forme et fond ne sont pas deux éléments complémentaires, mais bien une seule et même entité. Comme le livre repose en grande partie sur la critique du travail de nombreux traducteurs, il faut féliciter l’auteur d’oser présenter ses propres traductions. L’ouvrage, qui aurait pu sembler prescriptif et négatif sans ces créations personnelles, prend une tournure beaucoup plus constructive. L’approche proposée n’apparait plus servir uniquement à critiquer des traductions qu’il …
James W. Underhill. Voice and Versification in Translating Poems. Ottawa, University of Ottawa Press, coll. Perspectives on Translation, 2016, 333 p.[Notice]
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Benoit Laflamme
Université du Québec en Outaouais