Résumés
Résumé
Le présent article se penche sur les traductions et adaptations françaises du classique féministe Our Bodies, Ourselves (OBOS) publié aux États-Unis en 1971. Nous explorons la diversité du « nous » dans l’expression « nous les femmes » à travers trois traductions et adaptations de OBOS réalisées dans des environnements francophones qui diffèrent par l’époque et la situation géopolitique. Nous postulons que ces projets de traduction témoignent des tentatives de représentations de la diversité du « nous » en recourant à la réflexivité et l’intersectionnalité, deux approches qui invitent les traductrices à réfléchir à leur propre posture vis-à-vis des autres femmes et à reconnaître les rapports de pouvoir inégaux qui peuvent exister entre elles. Dans la première partie de l’article, nous présentons les origines de OBOS avant de nous pencher sur les versions françaises réalisées respectivement en France et au Sénégal. Dans la deuxième partie, nous traitons de l’intersectionnalité, de son développement au sein du mouvement des femmes au Québec et de son rôle clé dans le processus d’adaptation adopté par la collective de militantes qui travaille actuellement au Québec à une nouvelle adaptation de OBOS. L’engagement des traductrices envers la réflexivité et l’intersectionnalité montre leur volonté de prendre en considération les rapports de pouvoir inégaux entre des femmes qui occupent différentes postures face au « nous les femmes ». De plus, le cas de OBOS illustre une approche de la traduction où la fidélité ne se mesure pas à l’aune de la retransmission exacte du texte; il s’agit plutôt d’une approche redevable au message et au projet politique d’une reprise de pouvoir des femmes sur leur vie.
Mots-clés :
- Our Bodies Ourselves,
- santé des femmes,
- adaptation culturelle,
- réflexivité,
- intersectionnalité
Abstract
The focus of the present article is on the French-language translations and adaptations of Our Bodies, Ourselves (OBOS), a classic of feminist literature published in the United States in 1971. We explore the diversity implicit in the “we” and “us” that inform expressions like “we women” or “us women” by examining three translations and adaptations of OBOS produced in historically and geopolitically different francophone environments. These translations, we will argue, demonstrate an attempt to represent this diversity through research and writing methods informed by reflexivity and intersectionality, both of which invite women translators to reflect on their own position vis-à-vis the other women they are writing about, and to acknowledge the unequal power relationships that may exist between them. In the first part of the article, we discuss the origins of OBOS and then the French-language versions published in France and in Senegal. In the second part, we focus on intersectionality, its development within the women’s movement in Quebec, and its key role in the adaptation process undertaken by a group of feminist activists currently working on the new translation of OBOS. By engaging with reflexivity and intersectionality, the translators demonstrate a willingness to take into consideration unequal power relations between women who are differently positioned vis-à-vis “we women.” Further, the case of OBOS offers a translation approach where “faithfulness” lies not in the literal retransmission of the source text, but rather in upholding the message of a political project aimed at helping women regain power over their lives.
Keywords:
- Our Bodies Ourselves,
- women’s health,
- cultural adaptation,
- reflexivity,
- intersectionality
Parties annexes
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