Présentation[Notice]

  • Fayza El Qasem et
  • Freddie Plassard

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  • Fayza El Qasem
    École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, Centre Universitaire Dauphine, 75775 Paris cedex 16, FRANCE
    fayza.el-qasem@univ-paris3.fr

  • Freddie Plassard
    École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, Centre Universitaire Dauphine, 75775 Paris cedex 16, FRANCE
    freddie.plassard@sorbonne-nouvelle.fr

En posant d’emblée la question de la traduction et de l’écriture, notre intention est d’établir que traduire et écrire relèvent du même processus. En effet, si traditionnellement la traduction se veut un reflet fidèle de l’original, elle est en même temps une réinterprétation et une nouvelle création et in fine, elle acquiert le statut de texte autonome dans l’espace d’accueil. Aborder le thème de la création dans le domaine de la traduction a une double motivation : l’attrait qu’exerce sur nous la production de connaissances, par exemple, et l’intuition que le travail du traducteur, comme celui de l’écrivain, est une tâche créative. L’oeuvre littéraire ou le texte traduits sont une oeuvre, un texte de (re)création même s’ils ne répondent pas aux deux critères de la création, à savoir l’originalité et la nouveauté. Il s’agit d’un autre texte qui prétend être le même texte, mais dans une autre langue, un autre espace conceptuel. Le monde cognitif du traducteur joue ici à plein, sa subjectivité, ses compétences, son histoire aussi. Il y a autant de maîtrise, sinon plus, dans l’acte de traduire que dans la création littéraire. Ce travail de l’écriture auquel se soumettent les écrivains ne fait que se reconstruire dans la traduction. « La traduction sera, alors, une espèce de répétition du geste par lequel les idées se transvasent dans le champ de l’écriture. C’est quelque chose d’analogue à l’art d’écrire. Ainsi, la traduction devrait être comprise comme un art de (ré)écrire » (Motoc, 2002, p. 2). Traduire et écrire auraient donc un destin lié même si le paradoxe de la traduction selon Jean-René Ladmiral (1979) réside justement dans le fait que la traduction serait, à première vue, une répétition, c’est-à-dire le contraire de la création. Pour Georges Steiner (1975, p. 223), la traduction est une tentative de doter la signification d’une nouvelle forme, de découvrir et justifier un autre énoncé possible. L’art du traducteur s’inscrit au centre des tiraillements entre le besoin de reproduire et celui de recréer lui-même. Pour justifier l’impossibilité de la répétition, de la copie parfaite en quelque sorte, Steiner considère en effet qu’on ne peut pas séparer temps et langue, espace et langue ou monde et langue, car ce sont des concepts intimement liés. Voulant dire (ou faire) la même chose que l’original, la traduction le refait, ou fait quelque chose de nouveau, sous une autre forme linguistique, dans un autre système conceptuel. Les choix du traducteur fonctionnent comme des indicateurs de temps, d’espace et de milieu social, indicateurs de modes (de traduire) et d’intention, enfin indicateurs de la relation entre émetteur et récepteur. Cela implique que traduire, c’est réécrire le texte en le décontextualisant de son espace « poétique », de son espace cognitif. La nouvelle écriture s’inscrira ainsi dans un espace nouveau, et en fin de compte la traduction serait un travail d’écriture où l’auteur serait libéré du souci de l’invention et se concentrerait davantage sur l’écriture elle-même. Dans ses études sur la traduction littéraire, Theo Hermans (1985) décrit la traduction comme une esthétique résultant d’une série d’opérations, de manipulations, de procédés d’écriture tendant à une autonomie par rapport au texte-source, qui nous conduit par conséquent à nous interroger sur la nature de la secondarité du texte traduit. À partir du moment où l’on ne considère plus l’original comme un texte figé, l’écriture devient un « incessant réarrangement textuel » (Berman, 1988, p. 24), et l’existence du « texte clos » (Simon, 1989, p. 197) est remise en question. Ainsi, le traducteur lit à sa manière le texte qu’il traduit, de même chaque époque a sa lecture d’un même texte, sa traduction. …

Parties annexes