TTR
Traduction, terminologie, rédaction
Volume 26, numéro 1, 1er semestre 2013 Traduction et contact multilingue Translation and Multilingual Sous la direction de Aurelia Klimkiewicz
Sommaire (14 articles)
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Présentation
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Cultural Translation: Two Modes
Kyle Conway
p. 15–36
RésuméEN :
This article examines why scholars who theorize cultural translation have not always agreed on what their object of study is. It provides a diachronic account of two competing definitions, one from anthropology and one from cultural studies. It also describes three factors that have complicated debates about cultural translation: the different epistemological and methodological assumptions made by anthropologists and cultural studies scholars; the ambiguous, politically charged relationships linking language, culture, and text; an asymmetry of usage. This article concludes by considering the implications of a point of convergence—the ethical turn taken in anthropology and cultural studies in the last two decades—for debates about attempts to ban Muslim veils from public spaces in North America.
FR :
La présente contribution examine les raisons pour lesquelles les chercheurs qui proposent une réflexion théorique sur la traduction culturelle n’ont pas toujours été d’accord sur la nature même de leur objet d’étude. Deux définitions concurrentes sont analysées d’un point de vue diachronique, l’une provenant de l’anthropologie, l’autre, des « cultural studies ». L’article met en lumière trois facteurs qui viennent compliquer le débat sur la traduction culturelle : le fait que les anthropologues et les spécialistes des « cultural studies » ne partagent pas les mêmes présupposés épistémologiques et méthodologiques ; les rapports entre la langue, la culture et les textes, qui sont souvent ambigus et surchargés de connotations politiques ; une asymétrie d’usage. En guise de conclusion, l’auteur envisage les implications d’un point de convergence, à savoir le tournant éthique dans le contexte des débats sur les accommodements raisonnables en Amérique du Nord.
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De l’Union européenne à la Bretagne : la traduction dans les politiques linguistiques
David ar Rouz
p. 37–72
RésuméFR :
Que la Bretagne se soit dotée d’une politique linguistique pourra en surprendre plus d’un. La France n’est-elle pas monolingue ? Quelles langues s’agit-il de traduire dans ce cadre ? Et surtout, pour quoi faire ? Que peut bien apporter l’analyse de la situation bretonne à la compréhension de la politique linguistique de l’Union européenne, l’organisation qui dispose à ce jour des plus grands services de traduction au monde ? Cette comparaison permet pourtant de mieux percevoir le rôle social et la valeur de la traduction professionnelle, non seulement sur le plan économique, mais aussi, et surtout, sur le plan de la communication. Car elle favorise un certain rapport à la langue, et donc à soi-même, dans l’échange et la négociation. La traduction professionnelle prend alors une place prépondérante, voire devient la politique linguistique, et c’est sa quasi-absence dans les écrits sur les politiques linguistiques qui a de quoi interpeller.
EN :
Many may find it surprising that Brittany has a language policy. Isn’t France a monolingual country? What languages could be translated in this context? And, above all, for what purpose? What could the analysis of the situation in Brittany bring to our understanding of the language policy of the European Union, the organisation with the largest translation services in the world? In fact, this comparative analysis enables us to better understand the social role and value of professional translation, not only in the economic field, but also, and especially, in the realm of communication. This is because translation fosters a particular relationship with language, and oneself, through exchange and negotiation. Thus, professional translation is dominant, and even becomes the languague policy itself. It is its near absence in language policy literature that can be called into question.
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La littérature latino-canadienne en traduction : zones de contact, zones de tension
Julie Turcotte
p. 73–102
RésuméFR :
Cet article adopte une approche postcoloniale pour examiner dans un premier temps le rôle et la place de la traduction dans la production et la diffusion d’une littérature en espagnol au Québec et au Canada, et la façon dont cette littérature bouscule certains présupposés des théories traditionnelles de la traduction. Dans un deuxième temps, l’insertion problématique des oeuvres latino-québécoises dans le corpus littéraire du Québec est examinée sous l’angle des défis que posent ces oeuvres en traduction pour la définition des frontières de la littérature québécoise contemporaine.
EN :
Through a postcolonial lens, this article examines the role and importance of translation in the production and dissemination of Spanish-language literature in both Quebec and Canada, and describes how this literature calls into question some traditional concepts of translation theory. In addition, it examines the problematic insertion of Latino-Quebecois writers in Quebec’s literary field, by looking at how these translated works challenge the delimitation of contemporary Quebecois literature.
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Les langues de Leonard Cohen
Francis Mus
p. 103–122
RésuméFR :
La question sera d’abord abordée à partir d’une analyse de la place du français dans la première période de l’oeuvre littéraire de Leonard Cohen (1950-1967). Elle s’appuiera sur l’analyse d’une nouvelle inédite (sans titre) qui sera comparée au roman Beautiful Losers (1966). Au-delà de la place occupée par Cohen dans une discussion sur le bilinguisme canadien, la confrontation de plusieurs systèmes linguistiques montrera ensuite le caractère factice de ces systèmes et la recherche subséquente d’un mode de communication alternatif et plus authentique. En plus d’une analyse discursive, l’article vise un but historiographique dans la mesure où les liens de Cohen avec les milieux francophones des années 1960 seront explicités grâce à la découverte de matériaux inédits.
EN :
This question is tackled by means of an analysis of the status of the French language in the first period of Cohen’s literary work (1950-1967). This analysis is based on the study of an unpublished and untitled short story by Cohen which will be compared to his 1966 novel Beautiful Losers. Beyond the specific discussion on Canadian bilingualism, the confrontation of several linguistic systems will show the artificial character of these systems and the subsequent search for an alternative and more authentic means of communication. In addition to discursive analysis, this article adopts a historiographical approach. Cohen’s relationships with the Francophone communities of the 1960’s will be explained through unpublished materials.
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Multilinguïsation des systèmes traitant des sous-langages
Najeh Hajlaoui
p. 123–151
RésuméFR :
Dans le cadre de nos travaux sur la multilinguïsation ou « portage linguistique » des services de gestion de contenu traitant des énoncés spontanés en langue naturelle, nous avons dégagé trois méthodes de portage possibles d’une langue L1 vers une nouvelle langue L2, et les avons appliquées sur des cas de systèmes de e-commerce. Le portage par traduction statistique, une de ces trois méthodes, a donné de très bonnes performances, et ce, avec un corpus d’apprentissage très petit (moins de 10 000 mots). Cela prouve que, dans le cas de sous-langages très petits, la traduction statistique peut être de qualité suffisante en partant de corpus 100 à 500 fois moins grands que pour de la langue générale.
EN :
This article focuses on our work on multilinguization, or “linguistic porting,” and content management services. These systems handle spontaneous, natural-language utterances. Within this framework, we developed three methods for porting language L1 to a new language, L2, and have applied them to e-commerce. Statistical translation porting is one of these methods and performed very well with a very small training corpus (less than 10,000 words). This proves that, in the case of very small sub-languages, statistical translation may be of sufficient quality when working from a corpus 100 to 500 times smaller than for general language.
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Meeting the New Anne Shirley: Matsumoto Yūko’s Intimate Translation of Anne of Green Gables
Akiko Uchiyama
p. 153–175
RésuméEN :
Akage no An, the Japanese translation of L.M. Montgomery’s Anne of Green Gables (1908), has enjoyed continued popularity in Japan since the translation was first published in 1952. This paper examines one of the many translations that have been published since then, Matsumoto Yūko’s Akage no An, published in 1993. Unlike previous translations, which generally targeted child readers, Matsumoto translated the book for adult readers. The notable difference in Matsumoto’s translation is her detailed endnotes explaining literary allusions and cultural references. This paper examines how Matsumoto translated Anne of Green Gables, with a particular focus on her relationship with the text. This relationship is viewed through the lens of feminist literary criticism, which, Matsumoto explains, relates to her approach to translation. Her translation is also discussed through the idea of girls’ intimate reading. While Matsumoto describes her approach as aligned with feminist literary studies, this paper argues that the success of her translation is also underpinned by her practice of “girls’ intimate reading.” Feminist literary studies and girls’ intimate reading are shown to be interconnected in Matsumoto’s work.
FR :
Le succès de Akage no An, traduction japonaise de Anne… La maison aux pignons verts (1908) de L.M. Montgomery, ne s’est jamais démenti au Japon depuis la parution de la première traduction en 1952. Cet article étudie l’une des nombreuses traductions publiées depuis lors, celle de Matsumoto Yūko, publiée en 1993. À la différence des traductions précédentes, qui s’adressaient généralement à un public d’enfants, Matsumoto a traduit le livre pour des adultes. Ce qui distingue essentiellement la traduction de Matsumoto, ce sont les notes détaillées qu’elle a jointes pour expliquer les allusions littéraires et les références culturelles. Cet article examine la méthode employée par Matsumoto en se concentrant particulièrement sur sa relation au texte. Cette relation est envisagée sous l’angle de la critique littéraire féministe qui, comme l’explique Matsumoto, se rattache à son approche de la traduction. Sa traduction est également envisagée sous l’optique de la notion de lecture intimiste pour jeunes filles. Bien que la description qu’en fait Matsumoto suggère que son approche s’aligne sur les études littéraires féministes, cet article soutient que le succès de sa traduction repose sur sa pratique de la « lecture intimiste féminine ». L’article montre que les études littéraires féministes et la lecture d’oeuvres intimistes pour jeunes filles se trouvent associées dans l’oeuvre de Matsumoto.
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Du pastiche imaginaire de traduction chez Raymond Queneau : le cas de On est toujours trop bon avec les femmes
Tanka Gagné Tremblay
p. 177–193
RésuméFR :
À la frontière des études littéraires et de la traductologie, cet article étudie la dimension pastichielle de traduction dans On est toujours trop bon avec les femmes de Raymond Queneau, prétendument traduit de l’irlandais vers le français. La présente étude cherche à déterminer comment le pseudo-traducteur s’y prend afin d’aveugler et de persuader son lecteur que le texte qu’il tient entre les mains est une véritable traduction. Le postulat repose sur la base du principe qu’il existe une corrélation entre le pastiche littéraire, qui consiste, grosso modo, à imiter à saturation le style d’un auteur singulier, et la pseudo-traduction, qui désigne un texte présenté comme s’il avait été traduit. En effet, il appert que On est toujours trop bon avec les femmes, en tant que « pastiche imaginaire », répond par essence au critère de saturation du pastiche littéraire tel que l’entend Gérard Genette. Considérant cela, il y a tout lieu de croire que la dimension « pastichielle » de cette pseudo-traduction, laissant présager qu’il y a foncièrement une véritable traduction sous-jacente, se manifeste par la mise en place d’empreintes de traduction, ou d’étrangetés, saturant le texte. La visée de cette étude est donc de révéler ces empreintes dans l’architectonique du roman, en y observant attentivement les divers éléments potentiellement saturés et conditionnels à la crédibilité du canular.
EN :
At the frontier between French studies and translation studies, this article examines the pastichielle dimension of translation in On est toujours trop bon avec les femmes by Raymond Queneau, supposedly translated from Irish into French. This study aims to determine what the pseudo-translator does to persuade the reader that the text is a real translation. This relies on the assumption that a correlation exists between literary pastiche, which essentially consists, in imitating the style of a particular writer to the point of saturation, and pseudo-translation, which presents an original text as a translation. Indeed, it appears that On est toujours trop bon avec les femmes, is an “imaginary pastiche,” meeting Gérard Genette’s saturation criterion of literary pastiche. With this in mind, there is reason to believe that the pseudo-translation’s pastichielle dimension, which fundamentally suggests an actual underlying translation, is expressed through marks of translation, or strangenesses, saturating the text. The aim of this study is to reveal these marks in the architectonic of the novel, by examination of various elements potentially saturated and conditional to the credibility of the hoax.
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Translating an Imagetext: Verbal and Visual Self-Representation in Brett Whiteley’s Interior, Lavender Bay (1976)
Margherita Zanoletti
p. 195–220
RésuméEN :
This paper explores the relationship between the words and images in the drawing Interior, Lavender Bay by the Australian artist Brett Whiteley (1939-1992). This artwork combines the depiction of the artist’s home with a written element composed of the title, date, artist’s monogram, and a brief inscription. By examining Whiteley’s use of words and images in this drawing, the verbal/visual synergy that underpins his language is emphasized as a key aspect of his communicative appeal. The interpretive lens used in order to analyze Interior, Lavender Bay is interlingual translation. Translating Whiteley’s words from English into Italian allows not only to decipher the literal meaning and comprehend the symbolic function of his words, but also to highlight the relation between art and language. From this perspective, drawing on W. J. T. Mitchell’s Picture Theory (1994), the paper aims to discuss the functioning of images and the way in which interlingual translation might bring out latent connections in the source, opening a window on the interdisciplinary encounter between creative processes in the visual art and translation theory and practice.
FR :
Cet article explore la relation entre les mots et les images dans le dessin Interior, Lavender Bay de l’artiste australien Brett Whiteley (1939-1992). Cette oeuvre artistique associe la description de la maison de l’artiste à un élément écrit constitué par le titre, la date, le monogramme de l’artiste et une brève inscription. À travers l’examen de l’usage que fait Whiteley des mots et des images dans ce dessin, la synergie verbale et visuelle qui sous-tend son langage est soulignée comme un aspect essentiel de sa capacité communicative. L’instrument interprétatif utilisé pour analyser Interior, Lavender Bay est la traduction interlinguistique. Traduire les mots de Whiteley de l’anglais à l’italien permet non seulement de déchiffrer le sens littéraire et de comprendre la fonction symbolique de ses mots, mais aussi de mettre en évidence la relation existant entre l’art et le langage. Dans cette perspective, en s’appuyant sur la Picture Theory de W. J. T. Mitchell (1994), cette étude vise à examiner le fonctionnement des images et la façon dont la traduction interlinguistique peut faire ressortir des connexions latentes présentes dans le « texte » de départ, en ouvrant une fenêtre sur la rencontre interdisciplinaire entre les processus de création dans les arts visuels et la théorie et la pratique de la traduction.
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Quand « la traduction est un jeu » : métaphores ludiques dans le discours contemporain sur la traduction
Fabio Regattin
p. 221–254
RésuméFR :
Depuis quelques années, la métaphore suscite un intérêt croissant en traductologie. Cependant, les chercheurs se concentrent en général sur la traduction interlinguale des métaphores ou répertorient des métaphores de l’acte traductif récurrentes à un moment donné de l’histoire. Dans notre article, nous proposons plutôt l’analyse approfondie d’un seul rapprochement métaphorique (celui qui relie la traduction et le jeu) et ses occurrences dans les écrits contemporains sur la traduction. Après une discussion des concepts de « métaphore » et d’« analogie », nous présenterons une sélection d’études qui, à l’époque de la traductologie dite « scientifique », ont relié la sphère ludique et la traduction. Ces études ont été rangées dans trois catégories : traduction comme jeu, traduction comme un certain type de jeu, traduction ludique de textes ludiques ou de jeux de mots. L’exposition de ces données est suivie de leur systématisation, qui permet de répondre à la question suivante : comment des visions qui s’avèrent très différentes peuvent-elles coexister sous la même formulation de base, à savoir la métaphore prédicative « la traduction est un (type de) jeu » ?
EN :
In recent years, attention to metaphor has grown in translation studies. However, research mostly focusses on the interlingual translation of metaphors or on recurring metaphors for translational activity at a given moment in history. This article, in contrast, seeks to provide a detailed analysis of one single metaphorical extension (the one that links translation with the concept of game, or play) and its occurrence in contemporary theories of translation. After a discussion of the concepts of “metaphor” and “analogy,” this contribution presents a selection of theoretical works that, in the context of so-called “scientific” translation studies, have linked games and translation. These works have been divided into three categories: translation as play/game, translation as a specific type of game, “playful” translation of “playful” texts and wordplay. After presenting these data, we will attempt to analyse them in order to answer the following question: how can visions that are very different from each other co-exist under the same basic formulation, i.e., the predicative metaphor “translation is a (type of) play/game”?
Comptes rendus
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Michael Cronin. Translation Goes to the Movies. London and New York, Routledge, 2009, 145 p.
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Áurea Fernández Rodríguez. Le monde de la bourse en Espagne et en France. Description, glossaire et lexique. La bolsa y su entorno en España y Francia. Descripción, glosario y léxico. Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2010, 221 p.
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Edwin Gentzler. Translation and Identity in the Americas: New Directions in Translation Theory. New York, Routledge, 2008, 232 p.
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Kieran O’Driscoll. Retranslation through the Centuries: Jules Verne in English. Berne, Suisse, Peter Lang, 2011, 286 p.