Comptes rendus de lecture

Georges Mounin. Louis Leboucher dit Georges Mounin. Textes inédits rassemblés et publiés par Christian Balliu. Bruxelles, Les Éditions du Haz/sard, collection Traductologie, 2003, 112 pages, plus un CD.[Notice]

  • Claude Tatilon

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  • Claude Tatilon
    Université York, Collège Glendon

Georges Mounin nous a quittés dans les premiers jours de l’année 1993 : déjà plus d’une décennie qu’il manque à celles et à ceux qui l’ont connu et aimé. Alors pour ces personnes, ce petit livre, qui emprunte son titre à la discrète épitaphe se trouvant sur sa tombe à la Salvetat (Hérault), sera une véritable fête du souvenir. Ce qu’a souhaité Christian Balliu, c’est de nous faire pénétrer dans l’intimité de Louis Leboucher à la rencontre de Georges Mounin : « Que le regard de l’homme éclaire la pensée du chercheur, tout simplement ». Pour franchir, comme au bon vieux temps, le seuil du Clotet (la petite maison que les Mounin ont longtemps habitée aux limites d’Aix-en-Provence, sur la route de Vauvenargues), dix textes inédits : deux de Christian Balliu, un de Roland Meynet et les sept autres de Georges Mounin lui-même. Puis, pour donner encore plus de relief à l’émouvante évocation, sa voix sur un CD brossant un Panorama des études sur la traduction : c’était lors d’une conférence prononcée le 17 mars 1977 à l’ISTI de Bruxelles. Un témoignage ― celui du père Roland Meynet (« Cet homme-là était intègre et droit », pp. 31-38) ― m’a paru particulièrement émouvant : On pourra lire aussi, p. 105, un petit texte de Georges intitulé « L’histoire de mon pseudonyme » ― histoire, comme il le dit, « à la fois très simple et peu banale ». Les lecteurs qui n’ont pas eu l’heur de le connaître autrement qu’à travers ses travaux ne bouderont pas leur plaisir, eux non plus, en découvrant de l’intérieur quelques facettes de l’homme qu’il fut. En outre, tout un chacun trouvera également son compte au plan intellectuel. À côté de textes courts (« Notes pour un cours de stylistique », pp. 65-69 ; « Sur l’enseignement de la traduction », pp. 3-85), on pourra lire une lettre adressée à l’un de ses cousins, dans laquelle il répond à la question : « Qu’est-ce qu’un travailleur intellectuel? » (pp. 51-62). Chez lui, le pédagogue était toujours en éveil. On trouvera aussi, pp. 73-80, une réflexion intitulée « Rhétorique hébraïque et traduction fidèle ». Cet écrit, qui met en pleine lumière le délicat problème de la traduction de la forme, est un condensé éclairant de la pensée de Mounin, non seulement sur la traduction mais aussi sur la nature du texte et l’importance du style. Il y est question de traduction biblique (il s’agit d’un commentaire sur la thèse du père Roland Meynet que Georges Mounin avait dirigée) ainsi que d’équivalences formelle et dynamique au sens qu’ont ces termes dans les écrits de Eugene A. Nida. Au centre du débat, un chiasme de discours : très différente du chiasme de phrase et beaucoup moins connue, cette figure de style « organise le discours sur une étendue […] beaucoup plus vaste ». Or, ne pouvant pas être le fait du hasard car très fréquente chez Luc, elle est donc à traduire. Mais comment? La réponse se trouve dans la théorisation de Mounin sur la triade structure-fonction-pertinence, expliquée dans plusieurs de ses textes. Il convient d’abord de se demander quelles sont les fonctions de la figure : une fonction mnémotechnique destinée à aider la mémoire dans des civilisations sans écriture, voire une fonction liturgique? On est alors reconduit à son usage oral, à sa mémorisation : même s’il s’agit d’une structure facilitatrice de l’utilisation orale, elle devient liturgiquement fonctionnelle. On peut encore penser que le chiasme de discours a ou peut avoir une fonction stylistique et, par conséquent, qu’il Que conclure de tout cela? Certes le débat sur …

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