Résumés
Résumé
Dans notre article, nous tentons d’illustrer la nature du fossé qui existe, chez Antoine Berman, entre la pratique du traducteur et le discours épistémologique du traductologue. Pour ce faire, nous proposons une analyse de plusieurs passages des premières pages de sa traduction française du roman d’Augusto Roa Bastos, Yo el Supremo, en fonction de principes traductologiques avancés par Berman lui-même dans deux essais parus au cours des années 80. Dans ces essais, Berman oppose le « polyfacétisme » propre au roman latino-américain aux « tendances antivernaculaires » qui caractérisent la prose française et qui compliquent la tâche de quiconque essaie de traduire vers le français une langue de départ dans laquelle l’oralité, le dialogisme et le vernaculaire dominent. Nous décrivons neuf des douze tendances dégagées par Berman et, à l’aide d’extraits tirés de sa traduction Moi le Suprême, montrons que « Berman le traducteur » n’a peut-être pas su mettre en pratique des principes dont « Berman le traductologue » avait pourtant conscience.
Mots-clés:
- traduction,
- traductologie,
- Antoine Berman,
- littérature latino-américaine,
- oralité
Abstract
This article is an attemp to illustrate the exact nature of the gap between the translator’s practice and the translation scholar’s epistemological discourse. Numerous passages in the first part of Berman’s French translation of Augusto Roa Bastos’s novel, Yo el Supremo, are analysed particularly with regards to translation principles that Berman himself put forward in two essays published in the 80’s. In these essays, Berman opposes the “polyfacetism” of the Latino novel with the “anti-vernacular tendencies” that characterise French prose and that complicate the task of translating into French from a language where orality, dialogism, and the vernacular are dominant. We describe 9 out of the 12 of Berman’s suggested tendencies, and demonstrate with extracts from Moi le Suprême, the translated novel, that “Berman the translator” did not seem to be able to put into practice principles of which “Berman the translation scholar” was very aware of.
Keywords:
- translation,
- translation studies,
- Antoine Berman,
- Latin American literature,
- orality
Parties annexes
Références
- BERMAN, Antoine (1982). « La traduction des oeuvres latino-américaines », Lendemains, no 27, pp. 39-44.
- ——— (1984). L’Épreuve de l’étranger. Culture et traduction dans l’Allemagne romantique. Paris, Gallimard.
- ——— (1985). « La traduction comme épreuve de l’étranger », Texte, no 4, pp. 67-81.
- ——— (1995). Pour une critique des traductions : John Donne. Paris, Gallimard.
- FOUCAULT, Michel (1963). Raymond Roussel. Paris, Gallimard.
- LEVINE, Suzanne Jill (1991). The Subversive Scribe: Translating Latin American Fiction. Graywolf Press, St. Paul (Minnesota).
- OSEKI-DEPRÉ, Inês (1999). Théories et pratiques de la traduction littéraire, coll. U, série Lettres, Paris, Armand Colin.
- RIFFATERRE, Michael (1980). “Syllepsis”, Critical Inquiry, vol. 6, no 4, pp. 626-638.
- ROA BASTOS, Augusto (1974) [1986]. Yo el Supremo. Caracas, Biblioteca Ayacucho.
- ——— (1977). Moi le Suprême, trad. par Antoine Berman. Paris, Belfond.
- ——— (1986). I the Supreme, trad. par Helen Lane. New York, Alfred Knopf.
- WELDT-BASSON, Helen Carol (1993). Augusto Roa Bastos’s I the Supreme: A Dialogic Perspective. Columbia (Missouri) et Londres, University of Missouri Press.