Résumés
Résumé
Les auteurs abordent la question du pardon à partir de l’expérience des victimes d’abus sexuels qui la posent souvent d’une façon très aiguë. Le christianisme tient généralement le pardon pour un devoir chrétien, fondé sur une théologie qui considère la réconciliation comme le coeur de l’histoire de salut. Le Nouveau Testament porte un appel à pardonner qui ne peut être nié. Par contre, celui-ci ne va pas nécessairement sans condition ni en faisant abstraction du contexte de la faute ou de la relation. Opérant une étrange inversion de la dynamique du pardon, la psychologie considère de son côté les bienfaits du pardon pour celui ou celle qui le donne plus que pour celui ou celle qui le reçoit. La psychologie connaît aussi les longs cheminements et les impasses du pardon dont la théologie ne saurait faire abstraction. Cela appelle une théologie qui soit plus sensible à la justice et qui approche avec plus de retenue la question du pardon et de la réconciliation. Comme l’amour, le pardon est un don et il ne peut être forcé.
Le pardon n’est pas une obligation dont il faudrait se culpabiliser ou culpabiliser les victimes, souvent les plus faibles, de ne pas y répondre. Si la grâce de Dieu permet de pardonner là où la volonté et le pouvoir humains touchent à leurs limites, peut-être y a-t-il aussi une grâce qui permet de retenir le pardon jusqu’à ce que quelque chose change, voire une grâce qui permet de faire justice pour que la vie se poursuive en abondance.
Abstract
The authors address the issue of forgiveness from the experience of victims of sexual abuse who often bear it very acutely. Christianity generally holds forgiveness as a Christian duty, based on a theology that views reconciliation as the heart of salvation history. The New Testament carries a call to forgive that cannot be denied. But it is not necessarily without conditions, and we should not disregard the context of the fault or the relationship between the actors. In a strange inversion of the dynamics of forgiveness, psychology on the other hand considers the benefits of forgiveness for the one who forgives rather than for the one who is forgiven. It also knows the long paths and dead ends of forgiveness which theology cannot ignore. This calls for a theology that is more sensitive to victims and justice, and that handles the issue of forgiveness and reconciliation more cautiously. Like love, forgiveness is a gift and it cannot be forced.
Forgiveness is not an obligation that should be imposed on victims, who often are the weakest ones. If the grace of God allows us to forgive where human will and power reach their limits, maybe there also is a grace to refuse forgiveness until something changes or a grace to make justice so that life abounds.
Parties annexes
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