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Bible et archéologie (syro-palestinienne)L’une a-t-elle encore besoin de l’autre ?[Notice]

  • Alain Gignac

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  • Alain Gignac
    Exégèse néotestamentaire, Université de Montréal

Ce numéro thématique de Théologiques s’est construit à partir de cinq contributions du 69e congrès de l’Association catholique des études bibliques au Canada, ACÉBAC (Pierrefonds, 5-7 juin 2012) auxquelles se sont rajoutées cinq contributions subséquentes. Dans cet avant-propos, mon but n’est pas de résumer les essais de mes collègues — comme il en est l’habitude dans Théologiques, chacun se termine par un tel résumé — mais de présenter la problématique qui tenait lieu de fond de scène à nos discussions, puis d’indiquer quelques transversalités. En d’autres mots, de proposer une relecture de ce qui m’est apparu être en jeu dans ce numéro. Dès le départ de l’aventure, trois objectifs étaient poursuivis : 1) prendre acte de la fin du paradigme de l’archéologie biblique comme discipline spécifique, avec la tendance apologétique qui l’accompagnait — alors que les données archéologiques étaient lue à travers le prisme biblique et au service de l’ordre du jour des exégètes ; 2) se mettre à jour à propos des nouvelles manières de faire mises de l’avant par les archéologues ; 3) évaluer l’impact des nouvelles découvertes archéologiques — à Jérusalem, en Judée-Samarie, en Galilée mais aussi en Grèce et en Asie mineure — sur notre interprétation des textes de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament. Les articles qui suivent concourent pleinement à l’atteinte de ces objectifs. L’archéologie fascine encore — à preuve, un colloque grand public se tenait au Louvre en avril 2012, peu avant le congrès de l’ACÉBAC, sous les auspices de la revue Le Monde de la Bible et de France Culture. Cette journée coïncidait avec la parution du 200e numéro de la revue, qui portait le titre : « L’archéologie contredit-elle la Bible ? ». L’existence de la revue, et la question qu’elle pose de manière si directe, me permettent d’amorcer une problématisation par quelques remarques que j’offre à la discussion de manière un peu provocatrice. Premièrement, si l’archéologie fascine encore, elle n’occupe plus la place privilégiée qu’elle avait au xixe siècle et dans la première moitié du xxe siècle — on conviendra, à la lecture de l’article de Maria Gorea qui porte sur la découverte de l’inscription du tunnel « d’Ézéchias » en 1880, qu’une émulation (voire compétition !) archéologique entre l’Angleterre, l’Allemagne et la France serait difficilement envisageable aujourd’hui. Avec « l’invention » moderne de l’historicité humaine et les découvertes spectaculaires qui ont permis d’élargir notre horizon historique (qui s’arrêtait à la Renaissance, à l’horizon de la Grèce classique et du petit monde biblique), l’archéologie était une science choyée, valorisée et... subventionnée. Et pour cause. En seulement quelques dizaines d’années, une révolution cartographique s’est déroulée, élargissant l’espace et le nombre des civilisations connues et ajoutant quelques millénaires à l’histoire — sans même parler de la préhistoire. L’échelle chronologique du monde en a été chamboulée. Or, à l’ère d’internet et du virtuel, mais aussi à l’occasion d’un passage généralement qualifié de (post)moderne — finalement annonciateur d’un véritable changement de paradigme —, histoire et vieilles pierres attirent moins l’attention et ne sont plus aussi centrales au plan épistémologique. Le financement des fouilles s’avère de plus en plus difficile. Le Zeitgeist n’oriente plus le regard vers le passé, mais vers ce présent où s’élabore un futur incertain voire angoissant. Structuralisme et poststructuralisme sont plus affaire de construction de modèles universels et de déconstruction des idéologies que de reconstruction du passé. D’ailleurs, à l’heure du néolibéralisme individualiste triomphant, comment une « économie du savoir » pourrait-elle commercialiser une connaissance du passé — d’autant plus que celle-ci est essentiellement porteuse d’une réflexion collective ? La question « D’où venons-nous » — …

Parties annexes