Résumés
Résumé
Les pensées de Nietzsche et de Maître Eckhart constituent deux influences majeures qui traversent toute l’oeuvre de Nishitani. Dans ce beau texte, rédigé lors de son séjour d’études (1937-1939) à l’université de Fribourg auprès de Heidegger, Nishitani fait une lecture tout à fait originale et innovante de la mystique eckhartienne, en la mettant en contraste avec la figure de Zarathoustra chez Nietzsche. Au-delà de leurs conditions historiques et de la spécificité de leurs démarches respectives, il leur reconnaît une attitude fondamentale commune qui consiste à approfondir ce qu’il nomme le « mouvement dialectique de la vie » (lequel vise une affirmation de l’homme à travers la négation de celui-ci) en direction du fond infondé qui soutient toute existence. Par « caractère originaire de la vie », il entend la source de la vie dans son absence de fondement et de limite, dans son absence de raison. Ce faisant, et bien que relativement précoce (1938), cet essai annonce quelques-unes des intuitions les plus fulgurantes de Nishitani et offre une première esquisse de la plupart des thématiques qui lui tiendront particulièrement à coeur dans ses travaux à venir. Aussi y est-il déjà question de la vacuité, du savoir du non-avoir par opposition à la distinction sujet-objet, de la problématique de la représentation attachée à son exigence d’objectivité, de la compréhension de l’au-delà comme immanent à ce monde-ci, etc. Même la thématique du nihilisme, qui n’est pourtant pas nommément mentionnée, y fait écho dans l’exemple significatif du sentiment que tout est égal, que tout se vaut. En raison de la forme encore largement germinale que prennent ici ces réflexions, il est plus aisé d’en percevoir la portée et les imbrications. D’une certaine manière, on pourrait considérer cet essai comme un prélude aux importants développements que connaîtra la pensée nishitanienne jusqu’à l’ouvrage de maturité, Qu’est-ce que la religion ? (『宗教とはなにか』) de 1961.
Abstract
The influence of Nietzsche’s and Eckhart’s thoughts permeates through all the work of Nishitani. In this beautiful piece of work, written during his research stay (from 1937 to 1939) at the University of Freiburg under the guidance of Heidegger, Nishitani gives a truly original and refreshing interpretation of Eckhart’s mystic, contrasting it with the figure of Zarathustra in Nietzsche. Beyond their respective historical backgrounds and own agendas, he finds in them the same fundamental attitude, that is the deepening of what he terms the « dialectical movement of Life » (which consists in the affirmation of human through his negation) in the direction of the groundless ground sustaining all existence. By « elemental nature of Life », he means the original spring of life, which is groundless and limitless, which is without reason. Even though this is an early essay (1938), it points to some of Nishitani’s deepest insights, and outlines most of the topics to which he will later go back again and again : emptiness, knowledge of non-knowledge (as opposed to the dichotomy of subject-object), objectivity linked to the intellectual representation, far side understood as near side, and so on. Even the topic of nihilism, though not namely mentioned, is present behind the illustration of the feeling that it all comes to the same. Owing to the fact that these reflections still have the simplicity and clarity of the first formulation, it is much easier to understand their implications and connections. In a way, this essay might be seen as a prelude to the tremendous developments that nishitanian thought will undergo until the masterwork of 1961, Religion and Nothingness (『宗教とはなにか』)
Parties annexes
Bibliographie
- Büttner, H. (1919), Meister Eckeharts. Schriften und Predigten, I, Iena, Eugen Diederichs.
- Büttner, H. (1919), Meister Eckeharts. Schriften und Predigten, II, Iena, Eugen Diederichs.
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