Entre le dictionnaire et l’encyclopédie, cet ouvrage est une utile contribution à la compréhension du phénomène touristique. Les quatre universitaires qui l’ont dirigé, dont trois sont du Québec, ont aussi écrit plus de la moitié du livre, ne laissant à une cinquantaine d’autres auteur·es, d’universités canadiennes, françaises, marocaines, belge, suisse et vietnamienne, que la portion congrue, la plupart d’entre eux n’ayant rédigé qu’une entrée. Il s’agit donc d’une entreprise internationale, financée par le gouvernement du Canada et mettant en relief la francophonie. C’est aussi un travail pluridisciplinaire, puisque derrière les géographes, les plus nombreux, on trouve des économistes, des urbanistes, des juristes, des sociologues ou des gestionnaires. Cette double diversité permet de découvrir des approches variées et complémentaires sur des concepts (grappe ou cluster, destination, gentrification, habiter…), des notions (authenticité, événement, mobilité, surtourisme…), des expressions couramment utilisées dans le champ du tourisme (tourisme lent, tourisme sombre, tourisme de mémoire, pépinière touristique…), des pratiques ou des thèmes en relation forte avec le tourisme (couchsurfing, LGBTQ+, safari, œnotourisme…), des problématiques (sécurité, transport et tourisme, terrorisme et tourisme, numérique et tourisme…), des types de lieux touristiques (hôtellerie, station de sports d’hiver, ville touristique…). Quelques absences sont remarquées, comme « vacances », alors qu’il s’agit d’une notion intéressante qu’on a trop tendance à prendre pour un synonyme de « tourisme ». On ne trouve pas non plus d’entrée pour « statistique du tourisme » ou « bas coût » (low cost), alors que l’on trouve une entrée « train à grande vitesse (TGV) » qui laisse perplexe. Le choix de ne proposer qu’un nombre limité d’entrées, qualifiées de « concepts clés », 160 environ, soit trois pages par entrée en moyenne, s’avère pertinent, car chaque auteur·e peut développer longuement sa pensée, en révélant son évolution et les différentes facettes du « concept clé », son acception spécifique dans le tourisme, et en proposant une bibliographie extrêmement utile, comportant une majorité de références en anglais. Par ailleurs, des graphiques et des tableaux synthétiques complètent parfois efficacement les textes ; nous pensons par exemple au très intéressant tableau de la page 492, qui présente une corrélation entre les grandes typologies des touristes élaborées par quelques auteurs reconnus (Plog, Cohen, Urbain…). L’étymologie des termes a été utilisée intensivement, en s’appuyant sur le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), en ligne, mais l’histoire des mots, de leur apparition et de leur évolution aurait pu être plus précise si le remarquable Dictionnaire historique de la langue française (Le Robert) avait été utilisé. On note ainsi dès l’avant-propos quelques erreurs sur l’histoire du mot « touriste » (p. XXII sq.), qui n’est pas apparu pour la première fois dans un dictionnaire dans le Littré en 1872, mais probablement à la suite de la parution du livre de Stendhal, Mémoires d’un touriste (1838), dans le Complément du dictionnaire de l’Académie française en 1842, Émile Littré se contentant de reprendre une définition dépréciative. De même, en page 463, ce n’est pas en français mais en anglais que le mot « tourist » apparaît pour la première fois en 1780, selon l’Oxford English Dictionary. Le CNRTL observe qu’il faut d’ailleurs attendre le début du XIXe siècle pour le voir apparaître en français, avec un e final. Au-delà de l’inégale qualité des entrées, inhérente à ce genre d’ouvrage collectif, c’est l’absence d’approche historique ou géohistorique du tourisme qui nous a le plus gêné. Alors qu’il y a une entrée « architecture du tourisme », on aurait aimé voir une entrée « histoire du tourisme » …
Vocabulaire du discours touristique Boualem Kadri, Marie Delaplace, Alain A. Grenier et Yann Roche (dir.), Vocabulaire du discours touristique 2022, Québec, Presses de l’Université du Québec, 512 p.[Notice]
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Jean-Christophe Gay
Institut d’administration des entreprises (IAE) Nice, Université Côte d’Azur, Institut du tourisme Côte d’Azur, jcg06500@orange.fr