Tourisme, territoire et société

Tourisme, territoire et société  Mobilité, habité et complexité Tourism, Territory & Society: Mobility, dwelling and complexity [Notice]

  • Dominic Lapointe

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  • Dominic Lapointe
    Département d’études urbaines et touristiques, Université du Québec à Montréal, lapointe.dominic@uqam.ca

Ce numéro thématique de Téoros devait s’avérer être un marqueur de transition, d’une direction à l’autre, un numéro thématique sur la question du territoire et du tourisme, un numéro dirigé par un nouveau directeur. Au détour de la transition avec mon illustre collègue, Martin Drouin, que je tiens à remercier pour ses six années à titre de directeur de la revue, une pandémie s’est invitée. Cette pandémie, qui a transformé notre sujet de recherche (Marcotte et al., 2020 ; Cousin et al., 2021), a aussi bousculé notre calendrier. C’est ainsi que je me suis retrouvé impliqué dans le numéro thématique sur le Tourisme avant et après la COVID‑19, accélérant mon entrée en scène dans les contenus de la revue et reléguant de plusieurs mois le numéro thématique « Tourisme, territoires et sociétés ». C’est donc aux deux tiers de mon premier mandat que ce numéro voit le jour, dans une période où les rapports territoriaux du tourisme sortent d’une valse entre extinction, redéploiement, réouverture et concentration (Tomassini et Cavagnaro, 2020 ; Renaud et Lapointe, 2021 ; Tomassini et al., 2021), révélant l’importance de maintenir une réflexion active sur les rapports entre espace et société, et plus particulièrement sur les rapports de mobilités, y compris la mobilité touristique. L’accent mis sur les lieux, les espaces, les territoires du tourisme ne date pas de la pandémie, la géographie étant une des disciplines qui s’intéressent depuis longtemps au tourisme (Tomassini et Cavagnaro, 2020 ; Renaud et Lapointe, 2021 ; Tomassini et al., 2021). Toutefois, le territoire, qu’il soit touristique ou non, n’est pas le seul apanage de la géographie, le sujet étant multidisciplinaire dans son appréhension, entre autres par la sociologie, la géographie et les sciences politiques (Jean et Lafontaine, 2005), mais aussi avec des compréhensions différentes selon les cultures scientifiques. Nous commencerons donc par rappeler ce qu’est un territoire et quelques interprétations différentes du concept. Nous poserons ensuite la question du territoire touristique eu égard aux concepts d’attractivité touristique et de destination afin de souligner les angles de réflexion qu’offre le territoire pour aborder la complexité du tourisme, activité aux multiples enchevêtrements. S’intéresser au territoire c’est aussi s’intéresser à ce que produit un territoire, ce que Fabien Nadou et Bernard Pecqueur (2020) appellent le problème productif au cœur du développement territorial, mais aussi à l’inscription des territoires dans le capitalisme contemporain (Klein, 2008). En ouverture de son ouvrage L’origine du capitalisme, l’historienne Ellen Meiksins Wood définit ce dernier comme étant : Cette définition synthétise à son essence, voire à son ontologie, ce qu’il convient d’appeler le capitalisme. Toutefois, malgré la simplicité de cette définition, l’appliquer au tourisme fait apparaître une particularité du phénomène touristique, la dissociation entre l’acte marchand et la « consommation ». Alors que le touriste achète des biens tels que des souvenirs, des boissons et de la nourriture, qu’il utilise des services comme de l’hébergement, de la restauration, du transport, ce qu’il consomme ultimement ne passe pas directement par l’acte marchand. En effet, le touriste consomme des lieux (Urry, 1995) et des expériences (Pine et Gilmore, 2011). Le point de réalisation du marché, cet instant où les biens deviennent marchandises (Harvey, 2006), devient indirect. La consommation d’un panier de biens dits touristiques est une combinaison d’actes marchands qui permettent de consommer l’espace et les expériences. Cette situation nous oblige à prendre une certaine distance avec une vision industrielle du tourisme qui peine à embrasser la complexité du phénomène touristique au-delà du rapport de production qui permet l’échange marchand, la transaction économique. Cette distance n’est pas une négation de l’importance de la dimension économique du tourisme, mais plutôt une …

Parties annexes