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Entretien avec Hugues Sansregret, directeur des opérations à la Forêt Montmorency de l’Université LavalDans les coulisses de la science[Notice]

  • Laurent BOURDEAU

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  • Laurent BOURDEAU
    Professeur titulaire, Département de géographie, Université Laval, Québec ; Titulaire, Chaire de recherche en partenariat sur l’attractivité et l’innovation en tourisme (Québec et Charlevoix) ; laurent.bourdeau@ggr.ulaval.ca

Hugues Sansregret est directeur des opérations de la Forêt Montmorency de l’Université Laval, la plus grande forêt d’enseignement et de recherche universitaire au monde, qui totalise 412 kilomètres carrés. Située à environ 75 kilomètres au nord de la ville de Québec et de l’Université Laval, cette forêt intéresse non seulement des chercheurs du domaine forestier, mais aussi des chercheurs et des étudiants de différentes disciplines qui manifestent un intérêt envers le patrimoine naturel. En effet, les projets de recherche et d’enseignement qui s’y déroulent ne portent pas exclusivement sur les sciences forestières, mais entre autres sur la géomatique, le marketing, l’archéologie et le tourisme. À travers ces activités de recherche et d’enseignement, le directeur de la Forêt Montmorency doit également accueillir différents profils de visiteurs. Il doit par exemple gérer la présence de touristes et de villégiateurs qui désirent pratiquer diverses activités ou séjourner dans ce milieu naturel. Une partie de son travail consiste donc à éviter les conflits d’usage, mais aussi à permettre la réalisation des objectifs de chaque visiteur dans les meilleures conditions, tout en générant suffisamment de revenus pour rendre la Forêt Montmorency rentable et en préservant le caractère originel de cette forêt boréale. LB : Quel chemin avez-vous parcouru pour devenir directeur de cette Forêt ? HS : Biologiste de formation, j’ai toujours eu un lien privilégié avec la nature. J’ai notamment pratiqué et participé à de nombreuses compétitions de ski de fond au Québec, au Canada et à travers le monde. Directeur de la Forêt Montmorency depuis plus de quinze ans, mon intérêt pour le développement des produits touristiques expérientiels en milieu forestier a débuté par les activités sportives. En 2009, c’est avec fierté que nous avons reçu près de 500 skieurs de fond d’universités étatsuniennes. Des athlètes de l’Université Laval ont alors pu côtoyer ceux de Harvard University, University of Vermont ou Colby College. La présence de ces athlètes fut non seulement une source de revenus, mais a représenté un défi quant à la qualité de la neige qui devait être offerte aux sportifs. En tant que skieur de fond, je connais les besoins de ces sportifs, mais en tant que gestionnaire de la Forêt, je dois aussi veiller à offrir une qualité de neige qui respecte les fondements du développement durable. Pour cette raison, j’ai choisi d’évoluer dans un milieu alliant recherche et réalité. Je dois trouver des solutions qui ne sont pas toujours à l’intérieur des cadres habituels du fonctionnement d’une forêt. En tant que biologiste, je considère que la présence des humains ne doit pas nuire aux habitats naturels. Je ne pourrais dire ce qui prépare une personne à devenir responsable d’une forêt boréale dont les paramètres de développement se basent sur le développement durable, mais mon amour de la chasse, de la pêche et de la nature a probablement influencé ma présence dans cette organisation. Gérer un territoire de la sorte a toujours été un rêve ; il faut réussir à concilier la faune, la flore et la présence humaine. C’est un défi constant. LB : Comment parvenez-vous à concilier des intérêts qui apparaissent si différents ? HS : La présence humaine est probablement un des facteurs les plus difficiles à contrôler. Je dois non seulement me préoccuper des comportements humains à l’intérieur de la forêt, mais également à l’extérieur, alors que les usagers et les partenaires de la Forêt établissent leurs objectifs et leurs attentes à son égard. Les chercheurs et les touristes y sont souvent présents, en même temps. Je dois alors me préoccuper de possibles conflits d’usage, mais aussi de perceptions foncièrement différentes à l’égard de l’exploitation …