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C’est par suite du World Planning School Congress tenu à Mexico en juillet 2006 qu’éclot une longue collaboration entre chercheurs canado-américains et latino-américains souhaitant interroger et ébranler les idées reçues quant à l’évolution récente et prospective des agglomérations urbaines des Amériques. L’ouvrage intitulé Métropoles des Amériques en mutation est le résultat de ce pari risqué, soit celui de rendre cohérents les regards et les points de vue multiples, parfois contraires, des auteurs-collaborateurs. À la barre de cet ambitieux projet se trouvent Luc-Normand Tellier, professeur émérite et directeur-fondateur du Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), spécialiste en développement économique international, ainsi que Carlos Vainer, professeur à l’Institut de recherche et planification urbaine et régionale de l’Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ). L’ouvrage offre un portrait synthèse des tendances de métropolisation contemporaine par l’intermédiaire d’une vingtaine d’essais exploratoires et de projets de recherche relatifs à douze métropoles disséminées dans les Amériques, soit au Brésil, en Argentine, aux États-Unis, au Mexique, en Colombie et au Canada. Fort de son foisonnement intellectuel sans toutefois prétendre à une totale exhaustivité, le livre dirigé par Tellier et Vainer porte en son centre une interrogation directrice : considérant les mutations qu’elles connaissent, les métropoles canado-américaines et latino-américaines sont-elles en train de converger ou, tout au contraire, sont-elles en train de suivre, les unes et les autres, de plus en plus, leur propre voie ? D’emblée, cette question suggère un nouveau regard sur l’évolution des métropoles des Amériques puisqu’elle oriente le regard scientifique vers la problématique des mutations au-delà des réflexes de polarisation du Nord vis-à-vis du Sud.
Ainsi, d’entrée de jeu les éditeurs mettent à la disposition du lecteur un guide de réflexion qui soulève sept préjugés concernant les métropoles des Amériques, qui seront parfois démystifiés, parfois simplement questionnés. L’objectif de cet exercice est non seulement d’ébranler les convictions, mais aussi et surtout de poser les assises d’une argumentation globale, qui dépasse la singularité de chacune des contributions. L’ouvrage, en effet, est construit comme un tout cohérent et la force de son argumentation réside dans la reconnaissance de la valeur des opinions divergentes entourant une interrogation complexe. Ainsi, à l’abondance des conclusions sommaires s’interpose un bilan global : malgré les divergences ponctuelles liées aux singularités d’une région, d’un État ou d’un pays, les métropoles mondialisées des Amériques sont engagées dans un processus de mutation convergent, suivant les logiques internes et les dynamiques urbaines liées au modèle économique néolibéral. En ce sens, les expériences métropolitaines, toutes singulières soient-elles, suivent des voies confluentes. Cette théorie émerge graduellement, au fil de la lecture de cinq parties successives qui correspondent à un même nombre de grandes thématiques. Est premièrement revue l’évolution récente, mais aussi prospective de systèmes urbains des Amériques, suivie d’une exploration des mutations métropolitaines propres au continent latino-américain, pour ensuite tourner le regard vers les inégalités métropolitaines et la cohabitation sociale sous l’angle des contradictions entre gouvernance et mouvements sociaux, puis est abordée la logistique derrière le développement durable et les défis qu’engendre la gestion du transport et de l’accessibilité à l’eau potable, ainsi que la nécessaire mise en question des modèles d’urbanisme et d’aménagement face aux mécanismes complexes de métropolisation contemporaine.
Ce livre, bien plus qu’une simple collection de textes, affirme la convergence des mutations métropolitaines des Amériques grâce à un contenu cohérent soutenu par une forme homogène où le style d’écriture ainsi que les nombreux tableaux, cartes et figures sont uniformisés. Une bibliographie unique située en fermeture de l’ouvrage appuie quant à elle une argumentation progressive et désenclavée, en plus d’assurer une fluidité dans la lecture. Outre les qualités de sa mise en forme, l’ouvrage détonne par sa disposition à concevoir les Amériques en mutation comme un ensemble, fait d’entrelacs expérientiels. De ce fait, il permet de rediriger l’attention scientifique vers un nouveau paradigme et, conséquemment, y prend place en tant que lecture essentielle.