LiminaireIntroduction

  • Daniel Laforest et
  • Benjamin Gagnon Chainey

L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.

Options d’accès :

  • via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.

  • via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.

Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.

Options d’accès
Couverture de La littérature et les humanités médicales : zones de tension d’une relation problématique, Numéro 133, 2023, p. 5-168, Tangence

Les sciences humaines, au cours des quatre dernières décennies, ont vu leur participation au monde de la santé s’accroître de façon exponentielle. De fait, le champ disciplinaire qu’on nomme désormais les humanités médicales aurait atteint sa maturité vers le milieu des années 2000, suivi de près par son pendant à vocation plus inclusive mais aussi plus radicalement critique des humanités en santé (health humanities), de même que par une mouvance spécifique qui voit se multiplier les initiatives autour de l’idée et la pratique de la médecine narrative. Mais il convient d’ajouter aussitôt deux précisions à ce constat d’ensemble. D’une part, l’émergence des humanités médicales et des humanités en santé est un phénomène issu du monde anglo-saxon ; son institutionnalisation dans les curriculums universitaires a eu lieu avant tout aux États-Unis et au Royaume-Uni, et dans une moindre mesure au Canada anglais. D’autre part, deux notions conjointes empruntées à la littérature, celles de récit et de narrativité, ont dès l’origine occupé une place absolument centrale, et quasi exclusive, dans la rencontre contemporaine des sciences humaines et des sciences de la santé. Dans le sillage de deux essais célèbres de Susan Sontag, Illness as Metaphor et AIDS and its Metaphors, les travaux séminaux de Arthur Kleinman, Kathryn Montgomery Hunter, Arthur W. Frank, Anne Hawkins, Hilde Nelson, ou encore Ann Jurecic ont établi la centralité des arts narratifs dans la pratique et l’éthique médicales. Rita Charon en a fait un programme universitaire à part entière à l’Université Columbia autour de sa définition de la médecine narrative ; initiative qui, depuis, fait des émules un peu partout dans le monde. Désormais, on ne compte plus les études et articles contribuant à renforcer la position heuristique du récit, de la narrativité, du storytelling au sens anglais, dans les humanités médicales, que ce soit en études de genre, en bioéthique, en neuroéthique, ou encore dans les études sur le handicap. Ajoutons la vague de livres destinés au grand public, très souvent écrits par des médecins, qui portent sur le fonctionnement du monde de la santé ou sur ses défis actuels. À ce jour, les études littéraires en tant que telles, dans leurs orientations historique, comparative et théorique, et à plus forte raison dans les nombreux acquis épistémiques qui leur sont propres, ont été largement laissées en marge de ce panorama. Les études littéraires sont davantage mobilisées par les humanités médicales afin d’exemplifier des situations problématiques de la pratique médicale, pour leur capacité assez peu définie à « (ré) humaniser » des relations de soin en contextes toujours plus technologiques et expéditifs, ou encore pour la maîtrise narrative des récits qu’elles permettent de développer. Cependant, les études littéraires possèdent tout un éventail d’expertises heuristiques et esthétiques dont les humanités médicales ne semblent pas encore saisir le potentiel, de même que les problèmes qu’elles soulèvent quant à la relation entre les deux champs disciplinaires. En outre, force est de remarquer qu’en dépit de toute l’attention académique portée sur les histoires de vie en humanités médicales avec leurs valeurs clinique, thérapeutique, éthique, communautaire, il persiste une absence de questionnement quant à l’impact sur l’identité personnelle des révolutions technologiques qui secouent de part en part l’univers de la santé. Comment concevoir une identité narrative, comment même penser le soi par rapport à la santé quand l’intelligence artificielle, les nanotechnologies, ou la collecte et la gestion délocalisées de données bio-rythmiques (big data) s’imposent tous azimuts ? L’idée même d’une vie vécue est de plus en plus désincarnée. Or, peut-on si facilement penser une vie saine en phase avec un corps sain alors que la médecine rend …

Parties annexes