Résumés
Résumé
Le présent article propose d’explorer les personnifications de la Mort dans les pièces de deux autrices féministes : Woman and Scarecrow (2006) de la dramaturge irlandaise Marina Carr et La vie utile de la dramaturge québécoise Évelyne de la Chenelière (2019). Ces autrices reprennent à leur compte le motif du dévoilement d’une Vérité par l’apparition de la Mort au chevet du mourant. Dans la plupart des pièces, ce dialogue au seuil de la mort permettrait de confier des vérités cachées au temps de la vie, comme s’il n’y avait plus rien à perdre pour qui quitte le monde. Ce n’est toutefois pas tant une vérité finale que recherchent les protagonistes des pièces étudiées qu’une réévaluation de ce qu’elles croyaient vrai et que la Mort leur fait remettre en question. L’article montrera que le travail textuel et scénographique des dramaturges accentue l’ambiguïté inhérente à tout bilan moral final. Dans ces deux pièces, la pensée féministe est montrée comme étant difficile à incarner au quotidien (au temps présent) par des protagonistes qui n’expriment ultimement les injustices vécues qu’au moment de leur mort, lorsque ces injustices n’engagent plus leur avenir. Il ne s’agit donc plus pour elles de valoriser la pédagogie/punition à travers le personnage de la Mort mais de suggérer qu’à la fin d’une vie se tiennent la discussion/le dialogue, engendreurs de polysémie. La scène est alors un lieu avantageux pour communiquer cette réflexion féministe qui tient de l’ambiguïté des vies possibles davantage que d’une morale implacable à transmettre.
Abstract
This article proposes to explore the personifications of Death in the plays of two feminist authors: Woman and Scarecrow (2006) by the Irish playwright Marina Carr and La vie utile by the Quebec playwright Évelyne de la Chenelière (2019). Both authors adopt the motif of Truth unveiled by the appearance of Death at the dying person’s bedside. In most of the plays, this dialogue at the threshold of death supposedly allows the hidden truths of a lifetime to be revealed, as if the person exiting the world had nothing more to lose. However what the protagonists of the plays examined here is less a final truth than a reevaluation of what they believed to be true and what Death leads them to reexamine. This article shows how the textual and scenographic work of the playwrights emphasizes the ambiguity inherent in any final moral assessment. In these two plays, feminist thought is shown as difficult to embody on a daily basis (at the present time) by protagonists who ultimately express the injustices they’ve endured only at the moment of their death, when said injustices no longer shape their future. Thus, the issue is no longer assigning value to teaching/punishment via the figure of Death, but suggesting, rather, that a discussion/dialogue, generators of polysemy, takes place at the end of life. The stage then represents a good place to communicate this feminist reflection, which is more about the ambiguity of possible lives than conveying an uncompromising moral viewpoint.