Résumés
Résumé
L’idée d’une tension des formes romanesques vers les structures musicales, étroitement dépendante du projet romantique de « poésie universelle progressive », s’impose progressivement, accompagnant le mouvement d’absolutisation de la musique instrumentale, à partir de la toute fin du xviiie siècle. Cet article se consacre dans un premier temps au rappel des principaux attributs de ce dispositif utopique, appelé méloforme, pour observer ensuite ce que l’on peut appeler sa sécularisation : coupé de la foi romantique en la suprématie de l’art et privé de ses racines ontologiques, le roman « musical » a tendance, après la Seconde Guerre mondiale, à adopter une attitude plus pragmatique, s’incarnant notamment en des récits moins totalisants, souvent isomorphiques d’opus musicaux singuliers. Dans la période récente, avec des romans tels que Le temps où nous chantions de Richard Powers, Apologie de la fuite de Léonid Guirchovitch, Confiteor de Jaume Cabré ou encore Central Europe de William T. Vollmann, il semble que l’on assiste à une « renaissance » de fictions complexes et ambitieuses, polyphoniques et réflexives, renouant, sans pour autant revenir à l’ensemble de la doctrine romantique, avec l’idée d’une idéalité musicale du texte littéraire.
Abstract
The idea of fiction’s movement towards musical structures, which was closely dependent on the Romantic project of “progressive universal poetry”, occurred gradually, accompanying the absolute music movement that took root at the close of the eighteenth century. This article focuses first, on recalling the main attributes of this utopian arrangement, termed meloform, to next observe what might be called its secularization: cut off from the Romantic faith in the supremacy of art and deprived of its ontological roots, the “musical” novel tended, after the Second World War, to adopt a more pragmatic attitude, notably embodied in the less totalizing, often isomorphic narratives of singular musical opera. In recent times, thanks to novels like The Time of our Singing by Richard Powers, Apologie de la fuite by Léonid Guirchovitch, Confessions by Jaume Cabré or Central Europe by William T. Vollmann, there seems to be a “rebirth” of complex fiction that is ambitious, polyphonic and reflexive, one that reconnects, without reverting to all of Romantic doctrine, to the ideal of a musical ideality of the literary text.