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  • Karine Abadie

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  • Karine Abadie
    Université Memorial de Terre-Neuve

La place des images dans la littérature, qu’elles soient descriptives ou métaphoriques, qu’elles fonctionnent comme figures ou comme thèmes, ou qu’elles influent sur la construction formelle, stylistique, voire matérielle du texte, n’est plus à démontrer ; les travaux récents de Philippe Hamon, de René Wetzel et Fabrice Flückiger, ou ceux de Christophe Martin témoignent d’un intérêt renouvelé pour la question et élargissent la réflexion en se penchant sur des oeuvres proposées à des époques antérieures à la seule modernité. Associées à la peinture, à la gravure, à la photographie ou au cinéma, les images fonctionnent dans les textes comme des embrayeurs de création tout en étant présentées comme sujets à investir afin de penser la littérature. Elles n’ont ainsi plus uniquement une place subordonnée au sein des textes ou une valeur pragmatique : l’écriture qui en est marquée et qui les accueille déploie une variété de considérations à leur propos et les met en relation avec d’autres formes d’art et d’autres techniques. Se développent ainsi autant de paroles s’arrogeant des modalités de figuration portant sur les relations à l’imaginaire ou à la culture, et témoignant de réflexions et de paroles singulières inscrites au coeur d’une pluralité de discours. Les relations images/textes prennent certes différentes formes et sont sans aucun doute déterminantes pour la conceptualisation et la définition de la littérature. Mais encore faut-il s’interroger sur les possibles définitions d’un si vaste terme. À cet égard, Philippe Hamon, dans sa conférence « Hypotyposes : que voit-on ? », rappelle qu’une image est « analogique, continue, non uniquement conventionnelle, juxtaposée dans ses parties constitutives […], susceptible d’échelles et de degrés (de ressemblance) avec l’objet référentiel », en plus d’être composite et complexe. Il identifie alors trois types d’images qui se concurrencent dans leurs usages littéraires : l’image mentale (ce que, rappelle-t-il, Jean-Paul Sartre appelle « la conscience imageante »), l’image à lire (résultant du travail rhétorique) et l’image à voir (témoignant d’une forte visualité, comme les tableaux ou les photographies). Cette dernière catégorie nous semble particulièrement porteuse lorsqu’il est question d’interroger les traitements et les usages des images chez les écrivaines et les écrivains de l’entre-deux-guerres, en France. Ces imagesà voir, telles que présentées dans les différents corpus étudiés par les autrices et auteurs de ce dossier, sont statiques (la photographie) ou en mouvement (le cinéma), provoquées par des procédés techniques les éloignant dès lors d’une conception classique de l’art. Fortement associées à la modernité, elles conduisent à l’apparition de nouvelles formes discursives manifestant un dialogue et, parfois, une certaine porosité entre le visuel et le textuel. Elles permettent alors d’interroger le littéraire, de repenser les potentialités associées à leur mise en texte, d’explorer les formes tout en en proposant de nouvelles qui restent mal définies. De nombreux travaux pointent l’incidence des images photographiques ou cinématographiques sur le roman et le récit autobiographique des xxe et xxie siècles. D’autres s’attardent à leur influence dans la poésie moderne. Le concept de « photolittérature », défini par Jean-Pierre Montier comme « l’ensemble des conjonctions qui […] ont noué la production littéraire avec l’image photographique, les processus de fabrication spécifiques qui la caractérisent et les valeurs […] qu’elle infère » est aussi fertile pour repenser les rapports entre image et texte, et ouvrir ces réflexions sur des oeuvres et des imaginaires hybrides. Mais peu d’études s’intéressent à ce que des écrivains peuvent dire de ces relations, et surtout, à la manière dont ces derniers traitent le sujet dans la fiction ou dans l’essai, de surcroît, à une époque de grands bouleversements (les années 1920-1930) quant à la place, notamment, des images …

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