Liminaire[Notice]

  • Ariane Brun del Re,
  • Pénélope Cormier et
  • Nicole Nolette

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  • Ariane Brun del Re
    Université d’Ottawa

  • Pénélope Cormier
    Université de Moncton, campus d’Edmundston

  • Nicole Nolette
    University of Waterloo

Le 1er octobre 2017, le Regroupement des éditeurs canadiens-français, organisme à but non lucratif représentant les intérêts des maisons d’édition francophones hors Québec, devenait le Regroupement des éditeurs franco-canadiens (RÉFC). Ce changement de nom est motivé par « l’usage de plus en plus répandu, depuis une dizaine d’années, de l’adjectif “franco-canadien” pour désigner les auteurs, les oeuvres et les éditeurs de l’Acadie, de l’Ontario et de l’Ouest du pays ». Le RÉFC emboîte ainsi le pas aux autres disciplines universitaires et sphères d’activité de la francophonie canadienne qui ont rejeté tant l’expression « francophonie hors Québec » que l’adjectif « canadien-français » pour désigner un ensemble franco-canadien excluant le Québec. En modifiant sa désignation officielle, le Regroupement des éditeurs canadiens-français, dont on peut dire que le nom était déjà anachronique au moment de sa création en 1989, ne fait qu’ajouter sa voix à ceux qui affirment depuis un quart de siècle l’existence d’une communauté francophone minoritaire solidaire. Le nouveau visage du RÉFC témoigne donc de la solidarisation progressive des espaces littéraires de l’Acadie, de l’Ontario français et de l’Ouest francophone en un : la littérature franco-canadienne. Rappelons que ces littératures se sont instituées il y a cinquante ans à peine ; les États généraux du Canada français de la fin des années 1960 ont mené à un découpage de la carte francophone du pays et au morcellement de la littérature canadienne-française. La littérature québécoise, qui connaît un formidable essor sous cette appellation, agit dorénavant comme l’espace de référence. Gravitent autour d’elle les autres espaces littéraires francophones du pays qui, dès le début des années 1970, se structurent autour de centres régionaux ou provinciaux. Ces espaces littéraires ont comme moment fondateur la création des premières institutions littéraires locales, qui surviennent à quelques années les unes des autres : les Éditions d’Acadie à Moncton en 1972, les Éditions Prise de parole à Sudbury en 1973 et les Éditions du Blé à Saint-Boniface en 1974, qui adoptent toutes le mandat de desservir, comme l’indique leur nom, leur propre communauté. Initialement, et malgré l’« enchevêtrement », selon la formule de Micheline Cambron, des histoires littéraires des littératures francophones d’Amérique du Nord, ainsi que bon nombre d’enjeux communs à l’Acadie, à l’Ontario français et à l’Ouest francophone du fait de leur « exiguïté », pour reprendre la célèbre notion de François Paré, ces espaces littéraires se développent en parallèle, selon une logique d’affirmation par rapport au centre québécois. Dans les années 1990, et de façon plus prononcée dans les années 2000, on assiste cependant à la multiplication de liens institutionnels latéraux — sans passer par le centre québécois — entre l’Acadie, l’Ontario français et l’Ouest francophone. Sont mises sur pied un certain nombre d’institutions communes visant à solidifier, par la solidarisation, la position de chacun de ces trois espaces culturels sur l’échiquier national. La création du Regroupement des éditeurs canadiens-français constituait l’une des premières initiatives en ce sens. En 2000, des éditeurs franco-canadiens reprennent à leur compte la collection « Bibliothèque canadienne-française », qui au Québec avait été rebaptisée « Bibliothèque québécoise » dans les années 1970. Quelques années plus tard, en 2006, la revue d’actualité artistique Liaison, à l’origine franco-ontarienne, adopte un mandat franco-canadien (jusqu’à la fin de ses activités en 2018). Le prix des lecteurs Radio-Canada (jusqu’en 2013) et le prix Champlain sont créés pour récompenser des oeuvres franco-canadiennes en exclusivité. Cette consolidation des effectifs fait en sorte que les littératures franco-canadiennes semblent céder le pas à une littérature franco-canadienne, notamment en ce qui a trait à son institutionnalisation. Ce numéro de revue a pour objectif d’examiner comment cette restructuration institutionnelle …

Parties annexes