Résumés
Résumé
Avec L’Enchanteur, René Barjavel participe au renouvellement du mythe de Merlin dans la littérature française du xxe siècle. Cette réappropriation, qui paraît en 1984, n’a cependant suscité que très peu de commentaires. Il est assez peu risqué de supposer que ce désintérêt de la critique tient à l’apparente volonté du romancier de renouer avec les chimères et les frivolités des « vieux romans » avec lesquelles a cherché à rompre le roman « moderne ». Notre relecture de L’Enchanteur veut plutôt montrer comment son auteur est resté fidèle aux leçons des romans, déjà critiques, du Moyen Âge, où le prophète apparaît très tôt comme l’occasion d’un commentaire métatextuel sur les limites et la puissance de la parole et de l’écriture. Le personnage de l’enfant, dont le regard émerveillé aurait pu fournir au romancier du xxe siècle l’occasion de réenchanter le monde du roman, provoque au contraire une mise à plat des mystères de la langue. Le prosaïsme du discours enfantin a d’ailleurs tôt fait de contaminer le narrateur qui ne se laisse jamais oublier et qui, par des jeux de métalepses savamment orchestrés, force une mise à nue des stratégies d’écriture du romancier. Contre toute attente, on voit alors le roman romanesque procéder à son propre examen et rejoindre les rangs du roman critique.
Abstract
With L’Enchanteur, René Barjavel draws inspiration from the renewal of the Merlin myth in nineteenth-century French literature. The publication of this re-appropriation in 1984 attracted little attention, however, possibly because of the novelist’s apparent wish to revisit the fantasies and frivolities of the “old novels” which the “modern” novel eschewed. Our rereading of L’Enchanteur proposes to show, rather, how its author remains faithful to the lessons of the novels, already critical, of the Middle Ages, where, very early on, the prophet provides the opportunity for a metatextual commentary on the limits and power of speech and writing. The character of the child, whose awestruck gaze might have tempted the nineteenth century novelist to re-enchant the fictional world, leads, conversely, to a revelation of the mysteries of language. The prosaic nature of the child’s discourse, moreover, soon contaminates the omnipresent narrator who, thanks to skilfully orchestrated games of metalepsis, lays bare the novelist’s writing strategies. Contrary to all expectations, we then see the romanesque novel proceed to examine itself and rejoin the ranks of the critical novel.