Résumés
Résumé
Qu’on la conçoive comme idée (Barthes) ou comme corpus, la littérature constitue une forme particulière de mémoire, un « bloc-magique » au sens freudien, qui compose avec l’oubli autant qu’avec la préservation du passé. En elle mémoire publique et mémoire privée s’entretiennent l’une l’autre pour apporter aux présents successifs des procédés de description et de légitimation de la pensée et de l’oeuvre contemporaines. Dans cette perspective, le Moyen Âge, entre érudition et fiction, médiévisme et médiévalisme, constitue un lieu littéraire très particulier. Le terme même de Moyen Âge est le résultat d’une construction a posteriori et, si chacune de ses réitérations a dit le moderne, c’est au prix de contradictions flagrantes et de démentis successifs, non seulement dans l’histoire mais, parfois, au sein de l’oeuvre elle-même. L’article revient sur ces discords, sans délaisser les plus familiers, pour les analyser comme des modes de composition du présent avec le passé et de la mémoire avec l’oubli : des « représentances » (Ricoeur) dont les formes et les fonctions sont poétiques avant d’être historiques ou politiques. Ainsi, de Chapelain à Hugo, Flaubert, Huysmans, Pierre Michon ou Game of Thrones, mise à distance du passé ou brouillage des frontières, refus de la perte et mur de glace, mosaïques, collages et marécages, disent encore un « autre Moyen Âge ».
Abstract
Whether conceived as an idea (Barthes) or as a corpus, literature is a specific form of memory, a “mystic writing pad” in the Freudian sense, which deals with both erasing and preserving the past. In it public memory and private memory go hand in hand, offering to a succession of present times some processes for describing and legitimizing contemporary thought and work. From this perspective, the Middle Ages—between scholarship and fiction, neomedievalism and medievalism— constitutes a very particular literary place. The very term “Middle Ages” is the result of an a posteriori construction, and if each of its reiterations expresses the modern, it does so at the expense of flagrant contradictions and successive denials, not only in history but, occasionally, within the work itself. This article comments on these discords, without ignoring the most familiar, in order to analyze them as modes of composition of the present with the past and of memory with oblivion: Ricoeur’s “représentances” whose forms and functions are poetic before they are historical or political. Thus, from Chapelain to Hugo, Flaubert, Huysmans, Pierre Michon or Game of Thrones, the distant in time or blurring of borders, the refusal of loss and wall of ice, the mosaics, collages and marshlands, still express “another Middle Ages.”