Résumés
Résumé
Quoique rarement théorisée de manière explicite, l’analogie, stratégie de pensée et d’écriture à la fois, s’inscrit au coeur de l’oeuvre valéryenne. Elle y joue le rôle de moteur caché d’une méthode qui, quoique marquée par sa visée éminemment théorique, se conçoit comme l’antithèse des conceptions de l’esprit qui dominent la philosophie en tant que discipline historique et démarche d’analyse. Notamment, l’analogie semble fournir à Valéry un outil indispensable dans sa recherche d’un dépassement de toute volonté de représentation de la pensée en tant que totalité fermée, sans pour autant lui imposer de renoncer à l’interrogation de ce phénomène mystérieux et secret qu’est la vie d’une conscience. De plus, l’oeuvre de Valéry elle-même semble pouvoir se lire à plusieurs égards comme une tentative de fabriquer, à travers l’écriture, un analogon de l’insaisissable et protéiforme puissance de l’esprit. Cet analogon, dans son irréductible matérialité, rappelle en même temps à l’intelligence la charnalité de son double inéluctable. Ainsi, dans la pratique valéryenne qui prend forme dans les Cahiers, pendant que le regard de la conscience sur la conscience devient prolifération sensible des images de pensée, l’écriture se révèle être un corps possible du langage, énigmatique et miraculeuse comme l’admirable obscurité de nos organes.
Abstract
Although it is rarely theorized explicitly, analogy as a strategy for both thinking and writing is at the core of Valéry’s work. Here it serves as the hidden engine of a method that, although distinguished for its eminently theoretical aim, is conceived as the antithesis of the conceptions of mind that dominate philosophy as a historical discipline and approach to analysis. Analogy, notably, seems to offer Valéry an indispensable tool in his search to transcend all desire to represent thought as a closed totality without, however, obliging it to renounce the questioning of this mysterious and secret phenomenon that is the life of a conscience. Furthermore, it appears that Valéry’s very work can be read in many ways as an attempt to manufacture, through writing, an analogon of the ungraspable and proteiform power of the mind. This analogon, in its irreducible materiality, recalls at the same time the intelligence and carnality of its ineluctable double. Thus, in Valéry’s practice as it took shape in the Cahiers (Notebooks), while conscience’s view of conscience becomes a sensitive proliferation of thought images, the writing reveals itself to be a possible body of language, as enigmatic and miraculous as the admirable obscurity of our organs.