Liminaire[Notice]

  • Guy Poirier

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  • Guy Poirier
    Université de Waterloo

Nos politiciens savent fort bien que la parole, dans nos démocraties modernes, se décline selon plusieurs modalités. Souvent accompagnée de l’image télévisuelle ou numérique, elle s’adapte à toutes les modes — et même à Twitter —, en livrant des messages idéologiques en moins de 140 caractères . Communiquer rapidement et efficacement pour un chef d’État est une question de survie, et l’époque de la Renaissance illustre à merveille ce principe. La parole royale qui nous intéresse, dans les articles réunis ici, est celle de Henri III, le dernier Valois, qui régna sur la Pologne, puis sur la France, de 1574 à 1589, avant de mourir, assassiné, en 1589. Ce roi a ceci de particulier qu’il ne put parvenir, tout au long de son règne, à contrôler son image. Même s’il avait entrepris de réformer la cour et la justice, et qu’il a tenté à plusieurs reprises de rétablir l’ordre dans son royaume, ses ennemis et les retournements politiques d’un pays où se succédaient les guerres de Religion condamnèrent ses efforts à l’échec. Henri III n’était pourtant pas, contrairement à la légende noire dont il est souvent encore affublé, dénué de bon sens et d’esprit. Dès les débuts, il voulut renouveler la vie de cour et le rapport au souverain dans une France où la noblesse caressait encore le souvenir des grandes campagnes militaires d’Italie. L’accès au prince, qui était d’une grande importance pour une élite en mal de combat, devenait une tradition gênante pour un roi qui avait choisi de s’entourer de favoris et de savants plutôt que de subir, comme ses frères François II et Charles IX qui le précédèrent sur le trône, les pressions des grandes familles du royaume. L’historien Nicolas Le Roux rappelle que l’idéologie de Henri III ne s’accordait pas « avec la tradition de visibilité et d’accessibilité du prince qui informait l’imaginaire de la Renaissance  ». Ce retrait, que l’on interpréta comme de la dissimulation, demeure, de nos jours, un facteur déterminant qui explique un grand nombre d’accusations lancées contre le souverain et ses favoris. Plutôt que de dénoncer les insinuations et les accusations portées contre lui, puis de contre-attaquer immédiatement, le roi choisit d’agir sur un tout autre plan. Claude La Charité a déjà rappelé, dans sa présentation du numéro spécial de la revue Renaissance et Réforme, « Henri III, la rhétorique et l’Académie du Palais », la vocation éloquente du roi, reconnue par Jacques Amyot, son précepteur, mais même par un ennemi juré du dernier Valois comme Agrippa d’Aubigné . Avant la pénitence et le sacrifice, c’est donc « naturellement » dans la rhétorique, par sa parole, que le souverain a cru pouvoir trouver une solution au contrôle de son image et au rétablissement de la concorde entre ses sujets. À la fin de la Renaissance, la leçon de l’Antiquité allait d’ailleurs en ce sens. Lecteur des Vies illustres de Plutarque, traduites par Jacques Amyot, Henri III connaissait probablement les récits à propos de Démosthène et de Cicéron, ou même ce parallèle entre les deux orateurs rappelant l’importance, pour un chef d’État, de s’affirmer par l’éloquence sans pour autant en tirer gloire : Les contributions réunies dans le présent dossier abordent cinq grands aspects de la rhétorique au cours du règne de Henri III. Dans le premier article, Pascal Bastien pose certaines balises quant à la nature complexe des voix du roi à l’époque de la Renaissance. Remarquons d’ailleurs que la question de la parole impérieuse qu’il soulève est un phénomène déterminant à une époque où les divers partis impliqués dans ce contexte de guerre civile s’attaquent à l’autorité du prince. Si …

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