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COPPIE
D ’ U N E L E T T R E
ENVOYEE DE LA
NOUVELLE FRANCE, OU
Canada, par le Sieur de Combes, Gen-
tilhomme Poictevin, à un sien amyEn laquelle sont briefvement descrites les
merveilles, excellences, et richesses du
pays, ensemble la façon et moeurs de
ceux qui l’habitent, la gloire des Fran-
çois, et l’espérance qu’il y a de rendre
l’Amerique Chrestienne
A LYON,
Par Leon Savine
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M. DCIX.
Avec Permission des Superieurs [1].
[3] MONSIEUR,
Puis que le temps et la condition de ma fortune me retranchent les moyens de vous voir en presence, et que mon destin m’a relegué en ces terres estrangeres, je tascheray à tout le moins de vous visiter à ceste fois par lettres, et de dresser mes voeux en France, pour y visiter mon ancienne patrie, mes parens, et ceux avec qui les premiers ans de ma jeunesse m’avoient faict contracter les noeuds d’une estroicte amitié, où vous tenez des premiers rangs, comme celuy dont j’ay tousjours singulièrement chery les vertus. C’est le seul fleau qui tourmente mon repos, et qui m’empesche d’ancrer mon affection en la douceur de nos conquestes, et de nos triomphes, que d’estre privé de la conversation de mes amis, et me voir maintenant comme deschiré en autant de parcelles que mon amitié avoit d’objects, et que ces objects m’estoient agreables. Je supportterois [4] avec plus de patience cest exil volontaire, et la souvenance des douceurs de l’Europe ne troubleroit pas si souvent mes intentions, les voyant maintenant changees au sejour peu agreable de ces terres farouches et incivilisees : mais je recognoy maintenant, aux despens de mon repos, que c’est que d’estre separé de ce qu’on aime, et de vivre sous la rigueur d’une absence si longue, et comme sans espoir d’en pouvoir jamais changer le destin. Mais quoy ? c’est un coup de ma legereté, et un effect de ma jeunesse et puis que c’est moy qui en ay jetté la pierre, il faut que je sois tout seul à en boire l’amertume. Tant y a que je vous supplie de croire que j’ay basty un autel en mon coeur, sur lequel je sacrifie tous les jours des voeux et des benedictions à la memoire de vos merites, et fais encor vivre en mon souvenir la douceur de nos anciennes caresses : et croy que si je n’eusse trouvé ce remede pour flatter mes ressentimens, il estoit impossible que j’eusse peu vivre davantage parmi les espines que ces remords semoient sur toutes mes actions : mais en fin j’ay apprins à en adoucir les pointes par ces moyens, et ces moyens me sont si agreables que j’y recueillis des roses et des fleurs ombragees de tant de contentement que j’en fais le paradis de mes delices, et les delices de ma vie.
L’absence me seroit encore supportable si j’avois moyen de pouvoir au moins au bout de quelque temps sçavoir de vos nouvelles : mais depuis mon despart de France la fortune m’a este si contraire que je n’en ay jamais sçeu recevoir, et ne puis aucunement sçavoir de vostre portement ni de vostre estat, sinon [5] par imagination, et je sçay bien que ces imaginations me trompent : cela seroit un nouveau charme pour rafreichir l’ardeur de mes desirs : mais puis que mon infortune je me desnie, si mettray-je encore ceste-cy aux champs sous la conduite du hazard, tant pour vous advertir de l’estat de la nouvelle France, que pour vous prier de nous en faire venir de l’ancienne, et si quelque bon vent la peut porter en vos mains, je vous prie d’y remarquer les traicts de mon affection, et de prendre en gré ce peu que je vous envoye de ce qui se passe ça bas, attendant que les histoires en seront tracees au long pour vous en certifier avec plus d’asseurance.
Vous devez donc sçavoir que depuis nostre depart de la Rochelle, qui fut le 13. d’Avril 1604, sous la conduite du Sieur de Bricant, autant experimenté Capitaine tant sur mer que sur terre (comme les effects en ont faict paroistre la verité) qu’autre que je sçache avoir cogneu tant par reputation qu’autrement, nous cinglasmes en haute mer, et flottasmes avec une bonnace assez favorable jusques le vingtquatriesme dudit mois sur les deux heures apres midy, que nous trouvant pres les isles de Maida, environ sous le 3. degré de longitude, et le 24. de latitude, il se leva un certain vent de Nordest assez violent et fascheux avec certains orages et tempeste, qui commencerent à escarter nos vaisseaux, et à faire souslever les ondes de telle furie que nous pensions entierement estre tous perdus, et que nostre sort nous avoit là tous amenez à un general nauffrage : mais Dieu qui reservoit nos [6] vies à des occasions plus glorieuses, nous monstra qu’il en avoit autrement arresté au parquet de sa divine Justice, car apres que les vents et la tempeste eurent escumé leur malice environ deux heures durant, voilà que sur les quatre heures de soir, ils calmerent entierement leurs agitations, et firent rasseoir les vagues : et alors nous commençasmes à descouvrir les Isles, et nous y retirasmes pour y reprendre haleine, et nous rafreschir trois jours durant, tant pour attendre quelques uns de nos vaisseaux qui estoient escartez, que pour rabiller [2] deux de nos navires qui s’ouvroient par les flancs à cause des grandes secousses qu’elles avoient soustenuës.
Apres avoir donc demeuré là trois jours, nous levasmes l’anchre le vingthuictiesme sur les sept heures de matin, et donnant les voiles à plain fond nous dressames la pouppe contre l’Isle verde, mais ainsi que nous pensions en approcher voilà qu’un vent de Nord apres nous avoir furieusement contresoufflez un jour et demy nous jetta aux Acores, où tout auprès nous rencontrasmes une flotte d’Espagnols, qui nous voulurent empescher le passage, mais apres quelque legere charge nous passames outre.
Je vous descrirois par le menu la nature de ces Isles, leur situation, et la maniere de vivre de ceux qui les habitent, mais d’autant que j’ay seulement entrepris pour ceste fois de vous advertir de la nouvelle France, et de ce qui s’y passe, je passeray outre, et n’en diray autre chose, sinon que le climat est assez agreable, et que ce sont de fort belles Isles [7] et bien peuplees, mais l’Espagnol en tient la plus grande partie. Je ne vous entretiendray donc davantage sur ce suject, sinon qu’apres plusieurs rencontres, fortunes et perils (que je laisse pour n’estre trop long) nous arrivasmes au Cap Bellile vingtseptiesme du mois d’Aoust de l’an 1605, environ les trois heures de soir : ce Cap est l’un des plus beaux qui soit en tout l’Occean, et specialement en la mer du Nord : et devez sçavoir qu’il y a deux grandes roches qui s’avancent en la mer environ une arquebusade, et puis elles viennent à se joindre en croissant du costé du midy, tellement qu’on diroit que la nature s’est estudiée d’y dresser un port, autant asseuré, et plus beau que tous ceux que l’artifice humain sçauroit construire. A une lieue et demie de là y a une petite ville nommée Surfe [3], habitée dés long temps par les François, et commençasmes à nous y entrecognoistre, de façon que nous y receumes de grandes courtoisies d’eux, et y fusmes les tres-bien venus.
C’est le commencement de Canada, mais nous ne voulumes pas y faire grand sejour, parce que nous voulions tout de premier abbord aller voir le sieur du Dongeon qui en est gouverneur, et se tient d’ordinaire à Brest, principale ville de tout le païs, bien munie, grande et forte, peuplée d’environ cinquante mille hommes, et fournie de tout ce qui est necessaire à l’enrichissement d’une bonne ville, distante de Surfe d’environ cinquante lieuës.
Tout le long de nostre voyage avoit esté plus heureux que ce reste, car ayant tendu la voile l’onziesme [8] de Decembre, ainsi que nous fusmes en pleine mer environ six lieuës du bord, voilà un vent de Nord qui commença à nous contrarier, et nous chargea de telle violence, qu’en moins de vingtquatre heures il nous eut jettez en la terre appellée des Baccalaos, tenuë partie par les Espagnols, partie par les habitants du païs : mais la fortune nous fut si favorable, que nous fusmes poussez en un petit destroict au recoing d’une Isle sous des grands arbres qui ressemblent quasi des chesnes, mais ils ont la fueille comme des fueilles de choux, et portent un certain fruict quasi comme des oranges, qui est fort bon et delicat, avec un goust fort delicieux et agreable. Estant là branlans à l’anchre quelques uns de nos gens portez par la curiosité de sçavoir qui estoient ceux qui habitoient ceste Isle, s’escarterent à travers ces arbres, et cheminerent environ deux mille pas devant que rien treuver : puis ainsi qu’ils passoient outre ils virent de loing à travers le bois quelques logettes couvertes de fueillages, et autour quelques uns qui sembloient estre en armes, et faire la ronde autour de leurs cabanes. Nos gens s’arresterent un peu pour voir leur maniere de faire, et n’eurent là gueres demeuré qu’ils virent venir deux grands hommes comme demy Geans, armez d’escailles [4] de poissons, et portant chacun une grosse massue en la main, ferrees de gros clouds, pesantes d’environ chacune quatre vingt livres, et au premier abord commencerent à chamailler sur ces pauvres gens, et en terrasserent en moins de rien dix ou douze, devant qu’ils eussent loisir de se mettre en defence : [9] mais eux frappant je ne sçay quels bois dont ils faisoient un tel tintamarre que toute la forest retentissoit, s’assemblent en un gros [5] jusques au nombre d’environ cinq cens hommes de deffence, et avec certaines arbalestes donnerent la chasse à ces monstres, qui neantmoins leur emporterent quelque butin, et s’enfuirent avec cela.
Nos gens voyant le peu d’addresse qu’avoient ces pauvres Barbares aux armes, prindrent plus de hardiesse, et se monstrant à eux tirerent trois ou quatre coups de mousquetade, qui les estonnerent de telle façon qu’ils ne sçavoient où ils estoient, et s’en alloient tous mettre en fuitte, n’eust esté que quelques uns des nostres s’avancerent et leur firent signe qu’ils ne craignissent rien, et qu’on ne leur feroit point de mal.
Sur ceste asseurance ils s’assemblerent, et apres avoir long temps consulté ensemble, ils prindrent leur Roy qu’ils monterent sur un petit chariot à quatre roües, et les quatre plus apparens le trainant ils marcherent contre nos gens, leur faisant signe qu’ils quitassent les armes, et les mettant premierement bas, leur Roy vint embrasser le Sieur de Fougeres, qui estoit le plus apparent des nostres, et luy dit par son truchement que s’il vouloit demeurer en ce païs-là il luy donneroit des moyens et des terres, et prenant un grand collier de pierres precieuses qu’il portoit pendu à son col il le luy donna : et fut du depuis ledit collier estimé à plus de cent cinquante mille escus. Puis apres avoir contemplé l’humeur et la façon des nostres, les voyant si addroits et de belle grace au prix d’eux, ils demeurerent [10] comme ravis, et les vouloient adorer comme dieux, leur faisant signe que s’ils vouloient venir avec eux ils les constitueroient pour Rois et Empereurs de toutes leurs terres, qui sont fort grandes et riches, mais les nostres leur faisant responce qu’ils n’estoient qu’hommes non plus que eux, et qu’il y avoit au Ciel un Dieu immortel et tout-puissant et qu’il le falloit tous adorer devotement : ils se jetterent en terre à genoux, trepignant de joye, et tenant les yeux au Ciel ils se mirent à chanter certains Cantiques de joye en leur langue, puis ainsi qu’un certain vent se leva devers la marine, ils se mirent tous en fuitte, et s’escarterent l’un deçà, l’autre delà, tellement qu’en moins de rien les nostres se trouverent tous seuls, sans pouvoir sçavoir la cause d’une si soudaine fuitte.
Apres cela ils s’en revindrent aux navires, et nous raconterent tout ce qu’ils avoient veu, et en demeurasmes tous estonnez, admirans en cela la bonté de Dieu, et la grandeur de ses oeuvres, ensemble la simplicité de ces pauvres gens, qui les rend cent fois plus heureux en leur brutalité, que nous ne sommes pas en toutes nos piaffes [6], et pompeuses mignardises.
Nous fusmes quasi sur le poinct à nous hazarder de nous saisir du païs, veu la facilité qui nous y abattoit [7] la planche [8], et sembloit comme nous y appeller : mais ayant mis le faict en deliberation, et prevoyant les perils que nous y pourrions rencontrer, nous nous en deportames et remismes la partie à vue autre fois : tant y a que le païs est fort bon, riche et plantureux, avec une infinité de beaux fruicts, [11] force pierreries, et toutes autres richesses [9] qui le rendent fort opulent, et croy-je que moins de cinq cens hommes s’en pourroient saisir, et y faire une des belles conquestes qu’il est possible. Les François y regarderont, et tandis je passeray outre au recit de nostre voyage.
Apres nous estre là rafraichis un jour et demy, nous levasmes l’anchre, et prenant la route de l’Isle sainct Laurent, nous fusmes encor contrariez, et nous falut encore prendre terre en une petite isle appellee les Chasses, où nous demeurasmes quinze jours devant que pouvoir tendre la voile, et trouvions de dans [sic] ceste dicte isle des petits grains de fin or parmy le sable, tellement qu’il y eut tel de nos gens qui en ramassa plus de trente livres, avec force Coraux et Jayet [10], qui y croissent en grande abondance. Du depuis reprenant nostre brisee nous fismes tant que le 5. de Novembre nous nous rendismes à Brest, où nous fusmes les tresbien venus, et receus avec telle magnificence et contentement que nous eussions sçeu desirer, tant du Sieur du Dongeon, que de tous les autres en general : puis apres nous estre là raffraichis quelque peu de temps, nous fusmes employez aux guerres qu’ils y avoient contre ceux de Bofragara, de l’autre costé du fleuve de Anacal [11] qui partage leurs terres, mais avant que entrer plus avant au recit de ceste guerre, je vous veus dire quelque chose de la situation du païs, et des moeurs de ces Nouveaux François.
Premierement vous devez sçavoir que Canada est un fort beau païs, grand et délicieux, confinant du costé de Septentrion au fleuve de Anacal, du [12] costé du Levant au grand [12] Ocean de Nord, du costé du soir aux montagnes de Gales, et du Midy aux terres de Chilaga. Les principales villes sont Brest, Hanguedo, Canada, Hochilago, Foquelay, Turquas, Brinon, Bonara, Forniset, Grossot, du [mot manquant] et Horsago, Poquet, Tarat, et Fongo, tout [sic] grosses villes et bien munies : les rivieres sont Anacal qui est un grand fleuve, Saguenay, Bargat, Druce, et Boucorre dont la moindre est plus grosse que la Seine, sans une infinité d’autres qu’il y a. Le Royaume de Canada peut estre environ de l’estenduë de trois cens lieuës de long, et de cent cinquante de large, d’assez bonne temperature, sinon qu’il est un petit plus froid que la France, estant colloqué sous le 50. degré de latitude, et sous le 320. de longitude, bien fertile, plein, remply de toutes sortes d’arbres, sinon qu’il ne s’y recueille point de vin, mais pour recompense de cela il s’y trouve certaines pommes, grosses à merveille, et remplies d’un certain suc qui est fort delicat, et enyvre aussi bien que le vin, encore s’y trouve-il du vin, voire fort bon et delicat, qu’on y apporte de la Florida, qui est un païs plus chaud, et où lon en recueille à force [13] : pour des bleds de toute sorte, le païs en est autant fertile que la France, et mesme d’un certain froment, que nous appelions du Trive [14], qui est encore plus blanc que celuy que vous avez en France, voire encor meilleur, et plus savoureux, rendant une farine fort douce, qui sent quasi comme la violette.
Il n’y faut labourer la terre qu’une fois et puis semer : et vous puis asseurer que d’un boisseau de ce Trive on en recueillira plus de quarante cinq, [13] sans qu’il s’y trouve aucune herbe, ni autre broillerie qui le gaste. Je ne vous sçaurois descrire la fertilité du païs, tant du bled que toutes autres sortes de fruicts, et choses necessaires pour la vie [de] l’homme, toutes sortes de marchandises, drapperie, soye laine : et pour vous dire en un mot, je croy que c’est quelque terre de promission, et que la simplicité de ceux qui l’habitent y faict descendre la benediction du Ciel, car sans qu’ils ayent peine de se tuer de labeur, ni de tant travailler pour vivre comme il faut faire là haut en vostre Europe, ils ont des biens en toute abondance.
Maintenant pour vous descrire le naturel de ceux qui l’habitent, vous devez sçavoir que ce sont de fort beaux hommes, blancs comme neige, qui laissent croistre leurs cheveux jusque sur les rains tant hommes que femmes, avec un grand front relevé, les yeux ardans comme chandelles, grands de corps et bien proportionnez, les femmes tout de mesme sont fort belles et gracieuses, bien formees et delicates, tellement qu’avec leur façon d’habits qui est un peu estrange, vous diriez que ce sont des Nymphes, ou quelques Deesses, fort douces et traictables, mais au parti delà qui se feront plustost massacrer que de consentir à leur deshonneur, ni prendre la cognoissance d’autre que de leur mary. Quant au reste, pour leur façon de vivre, ils sont fort brutaux, mais ils commencent à se civiliser, et à prendre noz moeurs, et noz deportemens, ils se laissent facilement instruire à la foy Chrestienne, sans se monstrer trop opiniastres à leur Paganisme, tellement que s’il descendoit ça bas des [14] Predicateurs, je croy qu’en peu de temps tout le païs se rendroit à la foy Chrestienne sans se faire autrement forcer, et mesme que par là le chemin seroit ouvert en tout le reste de l’Amerique pour y faire la conqueste des ames, qui est plus que toutes les terres qu’on sçauroit jamais conquester.
Or vous devez sçavoir que nous tenons une grande estenduë de païs souz le nom des François et avons entrepris la conqueste des Atares, qui est un des païs plus riches de toute la terre de Canada, et où il y a des minieres d’or et d’argent en grand abondance, qui sont fort riches, et mesme tout le long des rivieres on trouve quelquefois comme de petits cailloux d’or fin, force pierreries, diamants, et autres richesses : Ce peuple là est cruel et belliqueux, tellement qu’il nous donne beaucoup de peine, et aurions bon besoin d’avoir du secours de France, comme je croy que Monsieur du Dongeon en a escrit au Roy, et vous promets que si nous sommes secourus nous en viendrons à bout, et ferons des choses dont la renommée en sera memorable à toute la posterité, et ferons que la gloire des François vivra à jamais par toute l’Amerique.
Voila succinctement ce que je vous puis escrire pour maintenant, n’y ayant pas long temps que je suis au païs pour en sçavoir toutes les singularitez, et vous prieray de vous contenter de ce peu jusque le temps et l’experience m’auront donné le moyen de vous en envoyer davantage, et vous descrire tout au long le merite d’une si belle conqueste : car je vous promets et vous asseure que hors la France, Canada est un des beaux et agreable [sic] [15] païs que vous sçauriez voir ni desirer, voire l’oseray-je preferer à la France en richesses et moyens, tant pour l’or, argent qu’autres choses necessaires à la vie, voire sans tant de peine et travaux que vous en avez. Prenez donc ce peu de bonne part, Monsieur, comme de celuy qui est.
Vostre plus affectionné
serviteur,
De Brest en Canada ce 13. Fevrier, 1609. Des Combes.
PERMISSION.
Il est permis à Leon Savine, Maistre Imprimeur, d’imprimer la presente Coppie de Lettre, Avec deffences à tous autres en tel cas requises. Faict ce 19. Fevrier, 1609.
De Villars.
Parties annexes
Note biographique
Isabelle Lachance
Professionnelle de recherche pour la Chaire de recherche du Canada en rhétorique de l’Université du Québec à Trois-Rivières et chargée de cours à la même institution, Isabelle Lachance est l’auteure d’une thèse sur Marc Lescarbot (Université McGill, 2004) et d’un mémoire sur Jean-Baptiste Chassignet (Université Laval, 1998). La relation de l’historien de la Renaissance à ses sources, l’édition des voyages de René de Laudonnière par le mathématicien Martin Basanier, ainsi que les « morts précieuses » dans les Relations des Jésuites en Nouvelle-France sont les thèmes abordés dans ses dernières publications.
Notes
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[1]
Nous suivons l’exemplaire de la Huntington Library (San Marino, Californie), collection des livres rares, cote 9309. Pour cette transcription, les principes suivants ont été observés : rétablissement des lettres « j », « u » et « v » ; indication de la pagination entre crochets en début de page ; résolution des abréviations et correction des inversions typographiques de « u » et « n ».
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[2]
Voir Jean Nicot, « Rabiller », dans Thresor de la langue françoise, tant ancienne que moderne, Paris, David Douceur, 1606 : « Rabiller, et raccoustrer un habillement, Vestem concinnare, Resarcire, Reficere, Interpolare. Rabiller quelque chose proprement, Reconcinnare ». Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle JNTL. Voir également Académie française, « Rhabiller », dans Dictionnaire, Paris, Veuve Jean Baptiste Coignard et Jean Baptiste Coignard, 1694 : « On dit fig[urément] Rhabiller une affaire, pour dire, Rectifier ce qu’il y a eu de defectueux dans une affaire. On dit aussi, Rhabiller une faute, pour dire, La reparer ». Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle AFD.
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[3]
« Écume » ou, plus généralement, « ressac ».
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[4]
Portant des armures d’écailles.
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[5]
Voir « Gros », dans AFD : « On dit, Le gros de l’armée, pour dire, La principale partie de l’armée. L’armée estoit separée en deux gros. Et, Un gros de cavalerie, un gros d’infanterie, pour dire, Une grande troupe de cavalerie, une grande troupe d’infanterie. »
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[6]
Voir « Piaffe », dans JNTL : « […] signifie braverie, qui est quand un esventé, par superbe et hautaine contenance de visage, les bras courbez en anse, et de fiere desmarche, se porte superbement, contemnant et nazardant les autres ».
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[7]
Voir « Abattre », dans JNTL : « Mettre à bas, renverser par terre, faire tomber ».
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[8]
Voir « Planche », dans JNTL : « [O]n dit par metaphore, faire la planche aux suyvans, quand plusieurs ont à passer par un affaire difficile, et l’un en fait l’ouverture et fraye le chemin le premier » et, dans AFD : « On dit fig[urément] Faire la planche aux autres, pour dire, Estre le premier à tenter, à faire quelque chose, où il paroissoit quelque peril, quelque difficulté. C’est luy qui a fait la planche aux autres. »
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[9]
Je tiens à remercier M. Gérald Andres, du Fonds ancien de la Bibliothèque municipale de Lyon, pour avoir résolu ce passage (« toutes autres richesses »), l’exemplaire de la Coppie qui y est conservé étant désormais trop fragile pour être reproduit ou communiqué.
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[10]
Voir « Jais », dans JNTL : « Jais, ou Jaïet. s. m. (Quelques-uns escrivent, Jay et Jayet.) Certaine pierre noire luisante, legere comme la pierre de ponce, et combustible, qui se trouve dans quelques mines, et qu’on taille pour en faire divers petits ouvrages […]. »
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[11]
« Protection » ou « défense ». Voir l’article « Anacul (Anacal/Anaghal/Anagal) », dans Electronic Dictionary of the Irish Language (http://www.dil.ie).
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[12]
Je remercie encore M. Gérald Andres pour avoir résolu ce passage (« costé du Levant au grand »).
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[13]
Émile Littré, « Force », dans Dictionnaire de la langue française, Paris, Librairie Hachette, 1872-1877 : « Beaucoup, extrêmement. Travailler à force. Étudier à force. »
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[14]
Ce terme n’apparaît pas dans JNTL ou AFD. Il s’agit vraisemblablement du poa trivialis ou pâturin commun, plante graminée servant principalement de fourrage et offrant, comme le narrateur le précise un peu plus loin, un excellent rendement. Cette plante étant très répandue dans les îles britanniques, le terme aurait-il une source commune avec les toponymes « Surfe » et « Anacal » ? Voir supra, n. 3 et n. 11.