Résumés
Résumé
La tentative d’Alphonse Leroy dans ses Recherches sur les habillemens des femmes et des enfans, publiées en 1772, tient de l’équilibrisme : pour ce médecin féru de littérature et de philosophie, il s’agit de réconcilier norme et raison. L’entreprise est plus périlleuse encore lorsque cette norme, encore innommée, est en formation, et que le nouveau discours de la sensibilité met à mal l’idée classique de raison. En effet, le continuateur et critique de l’Émile a pour ambition de fonder une réforme du vêtement par la critique du préjugé et par la connaissance de l’anatomie. Philosophiquement, l’habit ne saurait être légitimé par l’état de nature, dont l’idéale nudité illustre l’union de l’homme et de son milieu. Culturellement, la diversité des usages et leur signification symbolique trahissent leur éloignement de la pureté originelle. Néanmoins, c’est bien la nudité que Leroy remet en cause : à la différence des philosophes et des romantiques, qui rejettent le vêtement comme une entrave à la communion naturelle, il recommande un vêtement adapté et « naturel », qu’il oppose aux habitudes et aux modes tout comme à l’intransigeance rousseauiste. L’anatomie, en dernière instance, justifie la réforme du vêtement, à défaut de la fonder en droit. Du coup, c’est bien de norme qu’il est question : d’un usage reconnu et répandu, que ni la nature ni la raison ne peuvent justifier mais qui reçoit valeur de la pratique.
Abstract
The attempt by Alphonse Leroy in his Recherches sur les habillemens des femmes et des enfans (Researches on women’s and children’s clothing), published in 1772, represented a kind of tightrope act: for this doctor passionate about literature and philosophy, the issue was to reconcile norm and reason. His undertaking was all the more perilous in that this norm, still nameless, was in the process of being formed and the new discourse of sensibility was challenging the classic idea of reason. Indeed, the successor to, and critic of, Émile aimed to root fashion reform in a criticism of prejudice and knowledge of anatomy. Philosophically, clothing could not be legitimized by the state of nature, where the ideal of nudity illustrates the union of man and his environment. Culturally, the diversity of uses and their symbolic meaning betrays their distance from original purity. Nevertheless, nudity is precisely what Leroy is re-examining: unlike the philosophes and the Romantics, who rejected clothing as an obstacle to natural communion, he recommends an attire that is adapted and “natural,” which he contrasts with habits and fashions just as with Rousseauist intransigence. Anatomy, ultimately, justifies the reform of clothing, since such reform cannot be rooted in law. At first glance, this is a question of norm: a recognized and widespread use, which neither nature nor reason can justify, but which acquires value from the practical.